La laïcité

Thème  « La laïcité »

Essai de restitution du café-philo de L’Haÿ-les-Roses
11 février 2004

Introduction : Nous allons parler de la laïcité en général, avant de  parler de la question « du foulard » islamique qui occupe l’opinion ces temps-ci. A l’origine on assistait à une opposition entre le pouvoir religieux et le pouvoir de l’état. La 3ème république a voté la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905. On voit aujourd’hui comment cette notion a évolué avec le temps, le brassage des populations (avec en parallèle la mondialisation économique)… La loi sur la laïcité qui vient d’être votée est restreinte au problème de l’école. Il nous faudra élargir le débat sur cette notion.
Actuellement le sens de « laïcité » est plus fort qu’à l’origine où le souci que la religion ne s’occupe pas de politique était premier. Aujourd’hui c’est un souci d’exclusion du phénomène religieux en ce qui concerne le domaine de l’Etat. On fait référence à la loi de 1905 pour justifier une deuxième loi qui a une position plus restrictive.

Débat :    – Au début la loi de 1905 était forte. Il fallait éviter les signes distinctifs religieux et de fortune dans l’école.
A « laïcité » dans le dictionnaire on constate que déjà au temps de Philippe Le Bel au XIVème siècle, le pouvoir politique public était séparé de la vie privée du roi, ( « Laikos » = peuple,  « kléricos » = clergé).
– L’école laïque, était une manière de vivre en groupe. Ces sont des valeurs communes à tous que l’école laïque essayait de propager dans la nation française. Aujourd’hui on assiste a un mal d’identité de l’école écartelée entre ses origines et son devenir. Face à la drogue, la violence, le racisme, les fascismes, quelles utopies encore possibles ? Il s’agit alors plus de valeurs que d’un droit dans cette notion de laïcité.
– Comment se fait-il que « la boucle soit bouclée » et que l’on reparte à zéro aujourd’hui sur la question de la laïcité?
– Lecture de la lettre de Geneviève  Doriat : « Je ne peux (ou ne veux) pas aller au café philo, je suis impulsive et je crains l’approche trop politique, je crains de ne pas me montrer tolérante tant je perçois les comportements anti-laïques comme une blessure faire à la République ? Une blessure pour la Femme, pour l’Enfant ! » Elle nous rappelle le texte du Ministre de l’Education en 1936, Jean Zay intitulé « Port d’insignes ».
– Est-ce que le travail de l’intégration a été bien fait ces dernières années ? Est-ce que les générations de migrants ont été bien préparées à apprendre notre langue notamment ?
– La laïcité aujourd’hui n’est pas un problème d’intégration. Les gens qui ont émigré étaient tout à fait d’accord avec la France sur la question de la laïcité car certains fuyaient des dictatures religieuses. Les jeunes de 2ème ou 3ème génération ont maintenant une autre quête, qui est plutôt une quête identitaire.
– Le langage des médias sur les « Beurs », les « Antillais » etc. pose problème à des individus qui sont français de toutes façons et qui ont des problèmes d’existence comme les autres et pas nécessairement d’intégration.
– A propos de la loi de  Février 2004, on peut être contre philosophiquement et plus ou moins d’accord politiquement : en effet, philosophiquement, un nécessaire respect des identités doit exister dans le cadre scolaire. Mais politiquement, il existe des raisons actuellement pour dire qu’il faut cette loi pour mettre une limite à des manipulations de groupes qui testent les limites de la démocratie.
– Le vrai problème est un problème d’intégration. Nous avons à faire face à des cultures différentes. Le modèle français demande que les gens vivent ensemble ce qui nécessite un compromis social. L’intégration décale la réalité sociale  qui doit tenir compte de tous.
–  « L’intégration, l’absence de signes distinctifs supposent l’idée d’un type unique d’homme, qui favorise le racisme et l’exclusion de ceux qui sont différents au lieu d’apprendre aux collégiens à accepter la différence ».
– Il faut différencier la culture scolaire commune publique et la culture privée.
– Il faut différencier la culture scolaire commune publique et la culture privée. On a le cas de cours boycottés (biologie, gymnastique, littérature …). L’influence sur les programmes induit une remise en cause de la culture transmise par l’Ecole publique.
– Est-ce  que le voile est bien un signe religieux ? Ainsi, les Européennes qui vont dans les pays de l’Islam doivent dans certains cas porter elles-mêmes un voile parce qu’elles sont des femmes et pas parce qu’elles seraient musulmanes.
– Les nouvelles générations de l’émigration ont un réel problème d’identité. Notamment depuis les événements du 11 Septembre aux USA, les arabes ont été stigmatisés. Dans les pays du Maghreb les demandes de visas ne sont plus acceptées vers les pays occidentaux. Cela entraîne des réactions de jeunes « paumés » et une emprise de la religion sur des esprits faibles ou des jeunes mal insérés. Il faudrait traiter ces questions au cas par cas.
– Pendant le temps où l’on parle du voile, on règle en catimini des problèmes plus graves sans l’avis de la population du pays.
– Le voile remet la femme dans un état dévalorisant et laisse supposer une étonnante lubricité chez les hommes qui seraient provoqués par l’absence du port du voile.
– La question du voile doit bien être traitée aussi sous l’angle du féminisme. Mais il faut noter que l’on est dans un contexte avec un « moule unique », une seule version des faits, sans débat, sans version contradictoire. La laïcité n’est pas un consensus mou. Elle ne doit pas exclure les différences par un modèle unique, mais au contraire permettre de les respecter.
– Le problème de la laïcité n’est pas qu’un problème religieux mais aussi un problème politique. En effet, il ne faudrait pas laisser se développer que des valeurs individualistes mais aussi travailler à des valeurs collectives.
– Il n’y a pas de problème pour avoir ses repères culturels, mais en intégrant les valeurs communes. Les valeurs communes sont évolutives en fonction de la réalité sociale. Tout le monde doit participer au compromis social.
– La laïcité n’est pas un problème actuel. La France est une république sociale et laïque. Pour une bonne intégration 1) Il existe un problème entre les citoyens et leur représentation, 2) on n’assiste pas aujourd’hui à un problème d’égalités des chances mais à un problème de conditions sociales d’égalité des chances, 3) il existe des valeurs civiques et fondamentales à établir pour tous. Sinon on assiste à la création de communautarismes. D’où les excès et les radicalismes de tous ordres.
– Il faudrait interdire aux journalistes de dire «  un français d’origine, ex. maghrébine, pour faire part ensuite d’un fait divers généralement répréhensible. On ne précise pas les origines par exemple régionales des français ou étrangères des ressortissants européens.
– l faut un minimum de « moule » sur lequel les citoyens doivent être d’accord. Tout n’est pas acceptable dans une société. Il faut positionner les limites au bon endroit. Quelle est la  limite ?
– La limite c’est la Laïcité !
– L’école française donne déjà beaucoup de chances aux enfants étrangers pour s’insérer dans le pays.
– Il faut se donner les conditions de la laïcité : les travailleurs sont souvent des émigrés qui même avec un travail n’ont pas les moyens d’avoir un logement. Certains vivent à 6 ou 7 dans une ou deux pièces et les enfants sont parfois mieux dans la rue. Ils sont alors un public vulnérable pour des idées fondamentalistes.
– Le problème de la laïcité se pose aussi dans l’hôpital. Peut-on accepter que des femmes refusent de se faire soigner par des hommes, ou que des infirmières portent le voile? On assiste ainsi à des positions qui remettent en cause la société française.
– Actuellement tous les yeux sont tournés vers la France.C’est le seul pays où la laïcité est inscrite dans sa constitution. Ainsi un problème se pose dans le projet de modification de la constitution européenne avec l’article 2-10 page 49 qui stipule que « toute personne a le droit de manifester sa religion, sa conviction, en privé et en public ».
– Mais nous ne sommes pas dans une société achevée. La Liberté existe ! Il n’y a pas que ceux qui imposent le voile qui sont intolérants. Il y a tous les cas où l’on ne défend pas assez les libertés. Depuis des mois on nous empoisonne l’esprit avec un martelage sur la question du voile. Le problème des femmes voilées nous gêne moins que le harcèlement des médias sur le voile, qui masque le reste de l’actualité. Il existe des problèmes plus importants : les combats sur les libertés ne sont pas gagnés. Exp Les sacrifices d’humains, y compris des mères de famille, pour des attentats terroristes posent problème : qu’est-ce qui entraîne cela ?
– Il est très grave que des lois soient décidées comme celle de Février 2004, sans véritable débat dans un pays démocratique. On assiste au règne de l’arbitraire et à l’absence de débat lié à l’installation d’une pensée unique.
– La loi de Février 2004 renforce l’idée que l’expression de la religion ne peut avoir lieu en public. On peut s’interroger sur le problème du Concordat notamment en Moselle où l’espace public ne pourrait pas porter toutes les religions le cas échéant.

1) Samedi 7 Février à l’Assemblée Nationale, à la Journée du Livre, un prix républicain de la laïcité a été décerné à l’association « ni putes, ni soumises. Elles expliquent que la laïcité n’est pas un problème de voile mais un problème de respect de l’autre, notamment de la femme. Et on ne parle pas des 45000 excisions en France à ce jour ce qui est une coutume aussi discutable que le voile. 2) Le PDG de la RATP a déclaré qu’un quart des personnels embauchés est issu de l’émigration et: « nous partageons les valeurs de l’extérieur de la société pour les mettre à l’intérieur de l’entreprise ».

Conclusion : La laïcité permet à la fois de protéger la liberté de croyance, la liberté de culte et de protéger aussi bien la libre pensée.. Si nous ouvrons aux religions l’espace public, nous risquons de voir apparaître du religieux dans la sphère du politique et c’est le principe républicain qui serait remis en cause.

« L’opposé de la laïcité n’est pas la religion. L’opposé c’est le « laisser-faire », le laxisme, sans cesse il faut recentrer le curseur ! (G. Doriat)

 

 

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