La vilolence est-elle naturelle à l’homme ?

Thème  « La violence est-elle naturelle à l’homme ? »

Essai de restitution du café philo de Chevilly-Larue.
22 janvier 2002

Modérateur : Murielle Desmet   
Animateurs : Gunter Gorhan
Introduction au débat : Guy Pannetier

Merci à Günther pour sa présence. Et il nous rappelle tout l’intérêt de l’écoute en ces lieux.  « Celui qui parle, dit-il, connaît déjà son propos, c’est quand on écoute que l’on apprend ».

Introduction: Parabole : Au jardin de l’Eden, était le premier homme, non violent, puis fût la colère divine et la violence du fils jusqu’au crime. Depuis la violence ne nous quitte pas.. Le récent rapport Kriegel, remis au Gouvernement, dénonce les violences au cinéma, à la télévision, aux jeux vidéo. Pour certains, ces images violentes ont un rôle formateur pour une prise de conscience des ados. Pour d’autres cette violence gratuite, voire l’apologie de la violence sont propres à barbariser la jeunesse. La  violence, entend-on, peut être instrumentalisée. C’est alors inquiéter pour dominer ou pour contrôler  D’autres formes de violences existent, plus subtiles : le syndicaliste agricole (José Bové) entré en résistance contre la loi de l’argent et des plus forts et que la société jette en prison. « La liberté d’un peuple oriente tous les peuples, un innocent aux fers enchaîne tous les hommes » (Paul Eluard).

Débat : G Chacun a sa définition de la violence. L’opinion « pour ou contre », peut donner un sens au débat. Ce qu’on peut faire ici c’est échanger les uns et les autres sur la violence. Il semble bien que la violence soit inhérente à la condition humaine. Mais la violence est-elle génétique ou sociale ?
– Il semble que la violence soit différente de l’agressivité. Celle-ci serait le propre de l’homme pour son développement ; l’autre est la violence qui serait un concept plus large, plus social, plus exceptionnel, plus spécifique.
– Pourtant, la violence peut être une forme d’expression. La violence serait canalisée pour se mesurer à l’autre sans cruauté, sans brutalité. Mais la violence explose parfois. Cet accès de violence apparaît comme si on « pétait les plombs » brutalement, d’une manière incohérente.
– Dans violence, il y a vie, il y a viol. Pouvons-nous déterminer ce qui est violence de ce qui est agressivité ? Est-ce dissociable ?
– Est  cité Guy Marchand : « La violence, il faut la canaliser, la brutalité, il faut la combattre ».
Une injustice, une contrariété, peut amener en nous un sentiment de violence. Nous allons ainsi claquer une porte.
– La violence est dans les gènes de l’homme. Quand un individu manque de vocabulaire, n’en vient-il pas aux poings très vite ? D’où le rapport entre violence et communication
-Nous est rappelé la thèse de Rousseau « on ne naît pas violent, c’est la société qui le devient ». La violence est-elle bonne ou mauvaise ? 
« La violence des guerres a un rôle décisif dans l’inauguration d’une société des nations. La guerre doit contribuer à l’établissement d’une paix durable, de cette façon la violence engendre à terme, la non-violence » (Kant 1784).
– Est évoquée la violence virtuelle. Le meilleur moyen pour faire la paix est de faire la guerre pour de faux.
– Une intervenante évoque les conséquences graves, pour beaucoup tragiques, du nuage de Tchernobyl (chargé de césium) ; violence de la non information, de la désinformation, violence d’Etat, violence de la folie technologique ! Ce qui reste sûr, c’est la violence des vies menacées.
– Citation d’ Albert Schweitzer « La violence la plus terrible est celle de ceux qui tolèrent la violence ».
Un enfant qui s’exprime, en pleurant parfois, s’il n’est pas éduqué, ne sera pas un enfant pacifique. La violence est en soi. Le propre est de pouvoir la canaliser. Il existe des violences sociales. C’est plus insidieux. La société aussi peut engendrer de la violence. Bové n’a pas été violent.
– Il n’y a pas une seule définition de la violence. L’enfant est-il violent ? Si oui, pourquoi ? L’agressivité est bonne sinon l’on ne peut pas vivre. Quand est-ce qu’on bascule ? Qu’est ce que la violence sociale ?
–  Lacordaire : «  L’injustice appelle l’injustice ; la violence engendre la violence ». Quels que soient les domaines, la violence apparaît soudain en ménage, à l’école, dans les quartiers, en entreprise. Mais il faudrait peut-être ne pas confondre l’agressivité qui peut paraître utile pour dépasser les ruptures, les incertitudes, les confrontations, et la violence qui a des effets irrémédiables et qui est aveugle.
– Serait-elle un exutoire comme dans la tauromachie, la boxe ou la guerre qui peut avoir un objectif de paix durable ?
– Il faut prendre de la distance. Pour Freud : « le plus grand progrès de l’humanité c’est lorsque l’injure a été inventée».
La violence simulée, est un moyen de dominer les autres. Bien souvent le gouvernement l’emploie. Elle est plus dangereuse que la violence réelle.
– Je suis étonnée de l’expression de violence simulée. Pour moi, dit-elle, c’est la pire des violences.
– Et Tchernobyl dont je suis victime, c’est bien plus important ?
– La violence est complexe par la force qui explose, la brutalité qui s’ensuit, les risques, les dangers qu’elle fait courir, dit le suivant. L’exemple du Taekwondo est donné pour nuancer le débat : c’est un combat où l’on gagne par la force mentale dans une situation de domination (celui qui doit gagner gagne !) mais selon une lutte codifiée. Des gouvernants utilisent la violence virtuelle, comme une comédie pour faire peur (ex : à Corbeil, où l’armée devait intervenir dans un secteur de non-droit et finalement n’est pas intervenue !). T.S. Eliot, écrivain britannique, dans « Meurtre dans la cathédrale » disait déjà à ce sujet : « Malheureusement il y a des moments où la violence est la seule façon dont on puisse assurer la justice sociale ».
Les simulations, les manipulations s’avèrent parfois plus dangereuses que la violence réelle.
– La violence verbale peut soulager, c’est alors mettre des mots sur sa colère, ajoute une autre. L’hégémonie d’un pays comme super-puissance est une violence quand elle s’exerce à des fins économiques. La guerre préventive est aussi violence, dit un autre.
– La violence libère une force en nous comme la tauromachie « est le combat ritualisé de l’homme et de la force ! ». Si on peut socialiser cette force, on peut déplacer la violence en actes utiles. Comme pour ce potier qui, délinquant à une époque de son développement s’est socialisé en pratiquant son art.
-L’animateur cite le film « L’art et la violence » diffusé sur Arte.  Il peut y avoir une bonne violence,  une bonne agressivité.
– Il existe différentes sortes de violences : contre soi (mutilation, suicide…) ; contre l’autre (meurtre, assassinat…) ; contre la société (attentats, guerre…). Du reste, il y a deux violences : individuelle (envie de frapper, spontanée, irréfléchie) et collective (bagarre, guerre avec la fleur au fusil, guerre contre l’Irak) pour  quels objectifs ?
– Tout cela rappelle l’acte gratuit de Gide.
– La violence non extériorisée peut mener à la violence rentrée, dirigée contre soi : le suicide, dit quelqu’un.
–  A ce moment, il est rappelé les structures mentales de la personnalité selon Freud : le « ça » qui fulmine, nourrit la haine, rend indispensable la réaction violente ; le « surmoi » qui contrôle plus ou moins comme un gendarme de la conscience ; le « moi » qui agit, au mieux des intérêts de la personne dans un subtil équilibre entre le principe de plaisir et le principe de vérité dans un mouvement perpétuel de cause à effet.
– Comme dirait J. d’Ormesson « Oui mais Freud avait des problèmes avec sa mère ! Maintenant, çà change tout ».
Il ne faut pas oublier la violence des silences et la violence de la non-violence, dit un participant, en citant Gandhi « Quand il y a le choix entre lâcheté et violence, je conseillerai la violence ».
N’omettons pas la violence occulte des nouvelles technologies, ajoute un autre.
– Michel Foucault  « La violence symbolique est celle qui met des étiquettes sur les gens ».
Parfois, la violence est latente, un volcan retenu. Il faut oser la douceur, une arme contre la violence. La violence, parfois, peut être incompréhension du besoin d’amour des autres. Il semble, nous dit-on, que l’homme soit un prédateur pour l’homme, dit un participant. Rousseau l’exprimait déjà : « l’homme naît naturellement bon, c’est la société  qui le pervertit ». Pourtant il paraît que bien-être et souffrance seraient ambivalents dans l’être humain. Et de reprendre pour soi ce mot de La Fontaine dans la fable Phébus et Borée  «  Plus fait douceur que violence »
Dès l’origine, la violence est en nous. Rendons hommage à notre aïeule Lucy, qui, au début d’humanité, a dû faire preuve d’agressivité et de violence pour exister.
Conclusion : Darwin parle de la violence originelle, de l’évolution des espèces, où la violence est sélective. Ce schéma est-il dépassé ? Aujourd’hui, la modernité nous fait connaître de nouvelles violences. Appuyer sur un bouton, lâcher une bombe atomique : c’est une violence dans l’anonymat. La violence est naturelle, hors le sadisme (plaisir dans la torture). Auschwitz nous dit-on, fût le dernier grand crime du Moyen-âge ou le premier grand crime de la modernité. L’animateur termine par cette belle définition de la violence de Richard Owen : « Amour : maximum de violence, avec un maximum de tendresse ».

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