L’humour est-il forcément déplacé?

Thème :                          « L’humour est-il forcément déplacé ? »
            
Essai de restitution du débat.. Café philo de Chevilly-Larue
                                                         7 février 2001

 Animateur :  Olivier Pascault    
Modérateur :  Jean-Bernard Tandaravayen

    – Le modérateur ouvre le débat en interrogeant l’assistance : que peut-on déplacer ou se permettre avec l’humour ? L’humour est très vaste, dit-il.
    – L’humour a sa raison d’être dans toutes les situations, lui rétorque un participant.
    – L’humour est une forme d’esprit, répond le suivant, et traduit : l’esprit (finesse, malice, humour), le sens spirituel (malicieux, vif), l’ironie (dérision, persiflage, raillerie), la moquerie (ironie, parodie, imitation), le ridicule (dérisoire, grotesque). Trois questions sont posées aux participants : Quels sont les barrières, les tabous qui font qu’un certain humour vous paraît déplacé ? Est-ce que ces barrières, ces tabous sont inamovibles ? Est-ce la façon dont nous le percevons qui rend l’humour  déplacé ?

Débat :  – Il y a mille et une forme d’humour, dit un intervenant, qui  ne poursuivent pas les mêmes buts.
    – L’humour, que peut-il permettre ou ne pas permettre ?
    – Comme dans toute relation de communication, sont concernés l’émetteur et le récepteur, affirme un autre. Pour l’émetteur, l’humour consiste à adopter des attitudes, des paroles et une vision différentes.
    – L’humour permet de contourner la censure, certains interdits.
    – Il ne faut  pas confondre humour et humoristes. L’humour permet à tout un peuple de survivre, affirme un intervenant. Dans les pays africains, les griots  sont les “ fous du roi ”. Ils amusent la cour et disent certaines choses. C’est une façon de se moquer de la situation sans blesser les “ chefs ”. Cette fonction sociale  disparaît lorsque arrive un dictateur.
     – Les humoristes créent des personnages. C’est identique avec le dessin humoristique.
    – Dans les pays totalitaires, le droit de s’exprimer librement n’existe pas. En Roumanie, les gens qui attendaient un bateau de chaussures qui n’arrivait pas, ont dénommé les chaussures “ en attendant le bateau ”.
    – La dérision c’est la moquerie amère, de soi-même quelquefois.
    – Le contexte d’une histoire génère parfois  des tabous.
    – Le rire est fait aux dépens de l’aventure humaine, de tout ce qui ne va pas dans la société.  Bergson, dans sa “ Mécanique plaquée sur le vivant ”,  reconnaît ses faiblesses par le rire. Le rire est une forme plurielle. Le rire, aux dépens de quelqu’un, n’est pas drôle.
     – Le rire  peut être fait pour ridiculiser. Ce n’est pas de l’humour mais de la moquerie, de la dérision.
     – lI y a toutes formes de situations comiques qui ne sont pas de l’humour.Il y a certains tabous qui ne doivent pas être utilisés tels que l’inceste, le racisme, la scatologie, l’impudeur, l’obscénité.
    – Peut-on faire de l’humour en toutes circonstances ?  
     – L’absurde est-il de l’humour ?
     – L’humour est important. Il permet de contourner, de dépasser une situation conflictuelle.
    – Aristote, on définit l’humour par définition du rire. L’humour est une attitude, un sens apporté à un propos. Il se rapporte à une provocation légale et permet de sortir d’une situation. La discussion sur une plaisanterie comique est différente. L’humour est parfois un trait caractéristique d’un peuple : humour froid anglais. Les Français font de la raillerie envers les hommes et les femmes publiques.  Les humoristes ne font pas toujours rire. Ils servent leur attitude de représentation dans le show-business.  Ils n’ont pas le courage de prendre une position publique.
 –  L’humoriste sème plus souvent la vérité que le philosophe. L’humour n’a pas de limites mais a des barrières.
     – L’humour c’est la politesse du désespoir à ce qu’on dit, ajoute le suivant. Enormément de gens se protègent par la barrière de l’humour. C’est une façon de faire rire et de se protéger.
   _ L’humour est le trait d’union entre l’amour et l’amitié.  Partager le rire de l’autre, c’est s’aimer.
    – L’humour noir c’est faire de l’humour aux dépens de quelqu’un qui n’est pas présent : “ On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui ” disait Desproges.
    – On peut accepter l’humour mais çà dépend de la personne qui est en face de soi. L’humour implique au moins deux personnes. Le but est de se servir d’un autre. Le statut de celui qu’on veut faire rire est très important. L’humour entre deux personnes est formidable.
    – L’humour est un couteau sans lame où il manque le manche (aphorisme).
     – L’humour est aussi une arme. Dans mon pays la population réclamait des droits et des valeurs. L’Administration a distribué des cartes de valeurs pour reconnaître ceux qui étaient égaux.
    – Toutes les formes d’humour sont valables dès lors qu’il y a respect de la personne.  L’humour se pratique toujours au détriment de quelqu’un.
     -Je ris beaucoup quand je lis le ” Canard enchaîné ”, et pourtant je respecte les politiques. C’est bien de ne pas se prendre au sérieux.
    – Devos me fait rire car c’est le pouvoir des mots.
     – L’humour est un moyen d’expression, ajoute un autre mais quelqu’un qui fait de l’humour et qui se moque de “ ma ” famille politique.
     – Tous les propos tenus ce soir lui confirment que ce qu’on appelle l’humour, c’est de la moquerie, de la raillerie.  Ce n’est pas toujours la même appréhension sachant que l’humour est une attitude dans sa propre existence, du sens que l’on donne à sa vie. Il fait référence au  livre des animaux chez Aristote  intitulé “  Définition de la galéjade ” et au livre “ Le rire ” d’Henri Bergson.
   – L’humour est une façon de prendre une distance par rapport à ce que l’on parle, comme  Rabelais dans Gargantua.
     – L’humour des jeunes et des moins jeunes est différent.
    – Les humoristiques politiques  font rire certains et pleurer d’autres. C’est facile de tourner les hommes politiques en dérision. C’est anti-citoyen.
   – Un article paru dans Télérama disait que les gens préfèrent aller au café-philo plutôt que d’acheter Kant. Si les hommes politiques visés réagissent, on dit qu’ils n’ont pas d’humour.
     – Au 19ème siècle, les politiques ont été bien plus critiqués, attaqués qu’aujourd’hui.
    – L’humour ne laisse jamais indifférent. Il n’a jamais tué. “ L’humour est le plus court chemin d’un point à un autre ”.
      – L’humour part toujours de quelque chose. Dans l’humour il y a toujours une petite arrière pensée de soi-même.

       – On a beaucoup besoin d’humour, affirme le suivant. C’est aussi indispensable que l’amour. La peinture de Picasso, c’est l’art de représenter quelque chose à plat en en faisant le tour pour en montrer la complexité. C’est une vision dialectique de la réalité. N’y a-t-il pas une interrogation vers l’autre et vers soi ? Il y a toujours quelque chose à apprendre. Il y a une forme d’humour dans le rire. Il faut admettre qu’on peut rire de tout et même de soi.
     – L’humour peut être une question de survie.
      – Comment peut-on ne pas respecter les tabous de l’autre ?
      – L’homme se parle à lui-même. Andy Warhol, disait “  Acheter est plus américain que penser ” et  Woody Allen  “  Ne dites pas du mal de la masturbation car c’est  faire l’amour avec quelqu’un qu’on aime ”.

 

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2 réponses à L’humour est-il forcément déplacé?

  1. Merci pour cet article très enrichissant

  2. adrien dit :

    merci pour ce débat ^^

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