Doit-on se contenter du possible ?

Thème :    « Doit-on se contenter du possible »?
Essai de restitution du café-philo de Chevilly-Larue
                                23 novembre 2005

 Modérateur : Michel Perrin
Introduction au débat : Guy Pannetier
Animateurs: Guy  Pannetier. Guy Philippon.                                          

 Introduction : Pour Êve ne  pas toucher à la pomme, c’était choisir la soumission à la connaissance, c’était refuser à tout jamais « les possibles ». Les mythes fondateurs nous évoquent le dépassement du simple possible, avec ses risques. Prométhée paiera très cher d’avoir donné le feu aux hommes, et Pandore nous laissera bien des maux pour avoir ouvert la boite des (malheurs) possibles.
La pomme était dans l’arbre de la connaissance, le feu donna la suprématie de l’espèce aux australopithèques, et Pandore peut-être, nous met en garde contre les transgressions pour connaître sans réserve tous les possibles. Où sont nos possibles ? Quels freins mettent à nos possibles : la morale, la coutume, les religions, la peur de l’inconnu ? Chercher à dépasser ce qui est donné comme « impossible » est-ce raisonnable ? Aventureux, inutile, insensé, utopique … ?

 Débat :    – L’humanité avance parce que les hommes rendent « l’impossible », possible.
–  L’impossible serait un moteur d’action, parfois un défi, celui de se surpasser. Il ne paraissait pas possible il y a peu que l’on courre le 100 mètres en moins de 10’’….
– En dépassant ses propres limites on avance.., ceux qui se contentent du possible ont une vie étriquée.
– Le berger, qui se contente d’une vie simple, heureux de son travail, (son possible) est peut-être une forme de sagesse, son monde  n’est pas forcement « étriqué » !
– La France il y a peu, fut occupée. Nombreux ceux qui ont dû subir, puis il y a ceux  qui ne s’en sont pas « contentés », (les Résistants)…
– Lorsqu’on a fait « tout son possible » pour atteindre l’impossible, c’est aussi parce que le possible était déjà présent dans l’impossible, comme nous l’explique Henri Bergson : « …Nous nous disons que dans notre présent actuel, qui sera le passé de demain, l’image de demain est déjà contenue…, le possible aurait été là de tout temps, fantôme qui attend son heure, il serait donc devenu réalité par l’addition de quelque chose ».
« Si c’est possible c’est déjà fait ; si c’est impossible cela se fera » (C.A. Calone), y aurait-il des possibles inéluctables ? Le champ des possibles a aussi ses contradictions
– Le possible a tout de même ses limites…Icare, qui a volé, est tombé dans la mer..
– Le symbole de « la multiplication des pains », peut faire penser à ce qu’on nomme aussi la solidarité..
– En mathématique le champ des possibles est la mesure des probabilités physiques.
– L’expression « se contenter » induit l’idée de restreinte…Nombreux sont ceux pour qui le mieux n’est pas possible, et qui doivent, bon gré mal gré, s’accommoder de la réalité…
– Les premières hordes d’hommes durent se déplacer, pour des raisons de vie meilleure,  (climat, nourriture…), vers tous les possibles de  l’aventure humaine !
– Pour qu’impossible soit français, il faudrait « qu’à-possible », ou « com-possible » soit possible !
– « Se contenter du possible » a quelque chose de péjoratif, l’autosatisfaction peut, être condamnable..mais nous savons que le niveau des possibles n’est pas le même pour tous : naissance, milieu, éducation, aptitudes…
« Il n’est pas donné aux hommes de prophétiser l’histoire, il leur est donné de la vivre » (Evêque Jean XXIII),  voilà qui renvoie les hommes à leur soumission face à l’avenir dont il appartiendrait à d’autres de décider, la religion n’est que rarement l’apologie des possibles de l’hommes, mais plus souvent l’apologie, de la soumission,  de la résignation.    Nous retrouvons l’incitation à la soumission dans des orientations politiques déniant tous les possibles, « there is  no alternative ».  L’histoire n’est pas écrite par avance, elle est toujours le présent et tous ses possibles, mais : « Nul ne peut arracher une seule page du livre de sa vie » George Sand).
– Une croyance, l’application d’un dogme religieux ou idéaliste, peut restreindre les possibles qui seraient des transgressions qui isolent l’individu de son groupe..
– Croyant, ou incroyant, ne sont pas forcement doctrinaires…
– L’école doit permettre à chaque enfant d’aller vers tous ses possibles, et atteindre son niveau d’excellence.
– Quelques citations illustrant le propos : « Voici venir le vertige des possibles ».    « Ne pas se demander l’impossible, mais ne pas renoncer non plus au possible ». (H. Pena Ruiz), « Nous devons accepter notre existence aussi complètement qu’il est possible. Tout, même l’inconcevable doit y devenir possible. Au fond, le seul courage qui nous est demandé, c’est de faire face à l’étrange, au merveilleux, à l’inexplicable… » (Rainer Maria Rilke). On peut rappeler le dernier livre de Nicolas Hulot : « Graines de possible ».
–  Les chercheurs ne se contentent pas du possible, même si leurs découvertes n’étaient que « des possibles »…
– Mais allant vers « l’impossible » la recherche peut transgresser des règles morales, renverser des tabous, comme la marchandisation du vivant…
– Au-delà des seuls possibles l’individu a besoin de croire à l’impossible, c’est le rêve qui d’une certaine façon va faire passer la barrière des possibles ;  besoin créé par l’inconscient ? L’homme aurait-il besoin de croire à ses impossibles pour ne pas désespérer ?
– En rêve on exécute peut-être en contre- point l’échec des impossibles.., exemple : rêver que l’on vole pour se détacher des obligations, des astreintes, des réalités, de la loi de la gravitation….
– La notion, les limites du possible peuvent être liées à la morale, nous refusons certains risques…, les mythes fondateurs de « Eve et la pomme », de « Prométhée », et de « Pandore » font partie de ces transgressions aptes à tout changer…, « le virement d’être » selon Bachelard.
– Une société où toute transgression serait impossible, ne serait-elle pas en danger ? Mais admettre tout comme, « possible », admissible, peut faire sauter tous les tabous et peut constituer un  danger.
– Chaque génération a ses limites à transgresser, le moine (philosophe) Giordano Bruno, refusant avec Copernic la théorie de Ptolémée (le soleil tourne autour de la terre) transgresse le dogme catholique, il mourra sur le bûcher…
– A des désirs exprimés, est parfois opposé le principe de « réalisme » ou de concept de « faisabilité », alors ! Certains seraient habilités à définir les possibles ?
« Il ne faut pas laisser le désirable être bridé par le faisable, car le désirable contribue à façonner le faisable ». Philippe van Parijs.
– Suis-je réellement le résultat de mes choix (existentialisme), n’aurais-je choisi que dans le champ des possibles, donc « tous mes choix sont arbitraires ». (Paul Claudel). Les hommes « … sont conscients de leurs désirs, mais point des causes qui les fait désirer et vouloir » (Spinoza). Je n’aurai finalement vécu qu’une vie de mes possibles. Quel évènement insignifiant aura orienté cette histoire, écartant d’autres « possibilités d’être».
– L’impossible existe-t-il ? Aussi difficile à concevoir que  la notion d’infini !
– N’est-ce pas la sagesse épicurienne que  de se contenter du possible, « ne pas être asservi à se désirs », la tempérance « Si tu veux rendre un homme riche, apprends-lui à se passer du superflu ». (Épicure).
– Les évènements, l’histoire seraient-ils plus forts que la volonté des hommes, définissant les possibles. Le contraire serait-il possible ?
– Attention de ne pas tomber de « l’échelle de Peter » « atteindre son niveau d’incompétence » !

 Conclusion : « La sagesse du possible fait de nous des esclaves convaincus depuis toujours que leur condition était naturelle…tant pour les ouvriers de l’âge industriel….que pour les femmes qui souffraient pour donner la vie. Mais l’Utopie raconte sans cesse une autre façon d’être. Le bonheur est un idée neuve, il faudra bien la prendre au mot…, et l’éventail des possibles se déploie pour qu’advienne la vie rêvée. Elle est alors utopie nécessaire, pour délivrer les aspirations humaines de l’heure et du lieu ».  (Henri  Pena-  Ruiz)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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