La vie est-elle un roman ?

Thème :              « La vie est-elle un roman ? »
Essai de restitution du café philo de Chevilly-Larue
                                      27 septembre 2006.

Animateurs : Guy  Pannetier. Guy Philippon.
Modérateur : Michel Perrin
Introduction au débat : Guy Philippon

Introduction : Avant de parler de roman, il faut parler de la vie : que l’on reçoit, que l’on mène, que l’on donne. ..Selon le principe d’animation « physio » (énergie), et celui d’activité (bio) qui correspond à l’environnement. Le roman intervient à partir de nos vies rêvées, que suggère la possibilité d’opter entre plusieurs façons de vivre. SI l’on retient ces deux concepts (physio, bio) la  question se pose: la vie est-elle un roman ? Il peut y avoir conflit, contradiction, dans tous les cas il y choix de vivre et de vie. Ou d’accepter sans engagement certains phénomènes, des vies fourre-tout, en pensant comme Prévert : « La vie est belle » .Mais : « Existe t-il un seul sens de la vie qui à l’examen ne semble pas dérisoire » (Cioran).

  Débat :     –  Le roman est quelque chose qu’on vit, qui devrait intéresser d’autres personnes…, mais tous les vies sont-elles racontables ?
– La vie ne se déroule pas toujours comme on en a envie, l’histoire c’est aussi les autres qui la font, nous n’avons pas toujours prise sur le cours de cette histoire…
– Le roman c’est une histoire que quelqu’un écrit, ce dernier a tous les choix, celui du thème, celui du personnage, il crée à son gré les épisodes, (il est démiurge).
– Un auteur va puiser dans la réalité, dans la vie de chacun, dans nos vies aussi peut-être, il va les romancer, les embellir…
– La question peut paraître futile, mais c’est aussi le rôle des cafés philo d’élargir, d’approfondir des questions qui à priori semblent de peu d’intérêt ; nos amis africains diraient que c’est là « une question de ventre plein ». L’idée d’écrire des textes, des histoires reproduisant des vies fictives de personnages situés dans l’époque présente, n’a que quelques siècles. Le roman médiéval avait déjà quelque peu ouvert la voie, après les fictions romanesques, dites aussi picaresques, il amènera à des fictions calquées sur la vie des contemporains. Ceux qui donneront sa forme au « roman », seront tout d’abord, Walter Scott, Dickens, Victor Hugo, Balzac.., etc. Ce seront des ouvrages tels  « Madame Bovary » de Flaubert   accusé de renier, les valeurs du mariage de l’épouse fidèle, de la famille. Ces  romans deviennent accéssibles à nombre de gens, qui ont appris à lire, la notion de romanesque, pénètre alors les esprits, jusqu’à ce que nous nous  posions cette question aujourd’hui.
Si ma vie est un roman j’aimerais connaître celui qui a écrit cette histoire… Histoire,  où j’ai parfois l’impression de jouer un rôle que je n’ai pas vraiment choisi ; scénario que je découvre chemin faisant, chaque jour. Un question : cette histoire était-elle déjà écrite, ne serait-je que le personnage, jouant un rôle qui m’étais défini, suis-je comme Macbeth « une ombre qui passe, un pauvre acteur, qui s’agite et parade une heure sur la scène… » ou, alors, pour être plus positif, et en accord avec l’ existentialisme, suis-je l’auteur de ma propre histoire, suis-je réellement « les choix que j’ai fait, le choix absolu de moi », suis-je acteur et auteur de cette histoire ?
–   Peut imaginer que la vie est un roman ? On ne choisi rien, de temps à autre on fait «  le bon choix ». On s’échafaude des histoires..
– «  Primum vivere, deinde philosophare », …., quel qu’elle soit cette vie, il faut « La vivre pour la raconter) (Gabriel Garcia Marquez), on a joué un rôle et puis on en parle. La vie est une succession d’évènements de la naissance à la mort ; le roman c’est l’histoire qu’on en fait, le bavardage.
– La vie était-elle la voie tracée ? « Eh! Monsieur ! Un roman c’est un miroir qui se promène sur la grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l’azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route » (Stendhal. Le rouge et le noir)
 Dans son film «  La vie est un roman », Alain Resnais met en scène des personnages, qui, dans un séminaire, vont faire une expérience : imaginer et vivre la vie qu’ils avaient rêvé ; être le personnage de cette vie…, chacun va mettre en scène sa part de rêve.
– Pour Platon, il y a deux façons de vivre : l’une est de vivre de façon adulte, de voir plus loin que le bout de son nez. L’autre étant de vivre de façon primaire, tel celui qui ramène tout à lui, le narcissique
–  « La vie est-elle un roman » déjà  on s’interroge. Il y a inévitablement, introspection, regard non plus sur le sens de la vie, mais sur son contenu : « Dis ! Qu’as-tu fait de notre vie ? » (Café philo, L’Hay les roses. 15.01.03. « Qu’est-ce qu’une vie réussie »)
– La question induit du conditionnel. Ce développement de vie, est soumis à tant de facteurs, de conditions. On ne peut pas anticiper entre ambition et réalité..
– « Pour écrire ce livre essentiel, le seul vrai, un grand écrivain n’a pas dans le sens courant, à l’inventer, puisqu’il existe déjà en chacun de nous, mais à la traduire » (A la recherche du temps perdu. Proust).
–  Des phases de notre vie, celle que nous aimons le plus évoquer est celle de notre enfance, quand on s’inventait des mondes, tout un imaginaire.., Le véritable roman de notre vie, serait-il l’enfance ?
– Cette histoire qui s’écrit « en la vivant » nous en sommes, acteur, mais aussi l’auteur, et notre histoire dépend en grande partie de notre aptitude à choisir, à orienter notre vie, d’oser ouvrir nous-mêmes de nouveaux paragraphes, cela dépend de la fantaisie dont certains ont besoin dans leur vie.
– On accole souvent le mot roman avec le mot amour, pour le meilleur, ou pour du moins bon. Mais si l’on exclut dans le mot roman, ce que sous entend l’expression romanesque, l’histoire manque sûrement d’intérêt. Aujourd’hui cette dimension du romanesque semble être une notion dépassée. Le but de la vie,  pour les nouvelles générations emportées dans un tourbillon de consommation, le bonheur ne se mesure plus de la même façon. Si la vie d’aujourd’hui était un roman elle serait ce qu’est le nouveau roman à notre littérature : un roman montrant une vie plus rationnelle,  en fait presque plus un état des lieux, qu’un roman.
– Certaines personnes ont une vie monotone. Elles pensaient que leur vie serait pleine d’aventures, mais, pour des raisons multiples, timidité, paresse, manque d’audace… elles passent à côté de cette vie romanesque. Alors, par compensation, nombreux sont ceux qui vont devenir des consommateurs de magazines, ou d’émissions, dites, « people », qui vont, en quelque sorte se transporter dans des vies plus romanesques, ce qu’image la chanson de J. J. Goldman : « Elle vit sa vie par procuration devant son poste de télévision. Elle apprend par la presse à scandale la vie des autres qui s’étale ». (La vie par procuration).
– On peut penser que ceux qui vivent leur vie comme un roman, sont avant tout, anticonformistes, prêts à prendre des risques pour ne pas vivre comme tout le monde, ne pas accepter « d’être sur les rails » ; de ceux qui vont parfois refuser le bonheur tranquille.
– En renversant la question : « Le roman est-il la vie ? », nous savons que nombreux sont  (ou furent) les écrivains collectant jour après jour des éléments pour écrire, notant sans cesse : faits divers, comportements, traits de caractère, situation,..Etc. D’une façon diffuse, parcellaire la vie de tous est dans les romans. De Balzac à Guy des Cars, l’écrivain ne décrit pas le monde, enfermé dans son bureau. Pour eux, le monde était un roman.
– Nous pouvons appartenir à une autre dimension de ces romans. Des écrits nous ont marqué, influencé. La démocratisation du livre et l’accès à la lecture ont  précédé, accompagné des Révolutions. Des écrits avec parfois des effets néfastes ; « Le Juif errant » d’Eugène Sue (1845) va ancrer dans l’inconscient collectif, chez certains, une haine du juif. Zola plus tard, prendra également une place importante l’inconscient collectif. Lorsqu’il écrit l’auteur n’a pas cette dimension de son livre. « Nous sommes déjà dans le roman par l’impact » qu’il aura sur nous. « Un livre se crée à deux, celui qui l’écrit et celui qui le lit ». (Balzac). Comme tout toutes les œuvres.
– Nous sommes souvent persuadés qu’une histoire banale ne peut faire un roman, ce que dément, entre autre l’œuvre d’Hemingway, qui, de l’histoire d’un homme et d’un poisson, fait un chef d’oeuvre de la littérature, (Le vieil Homme et la mer). C’est aussi le cas par exemple d’Henri Vincenot : (La Billebaude, Le Pape des escargots)
– L’écrivain peut douter que la  vie est un roman. Proust, « référence du roman » nous le dit autrement : « Notre vie n’est pas une fiction, quel roman, serait-elle ? Vous sauriez rien qu’en disant des choses vraies, écrire les plus dramatiques, les plus incroyables, les plus romanesques des romans, mais les romans perdent de leur charme quand ils rentrent dans la réalité ». (Jean Santeuil, Page 598)

Conclusion : Votre vie que je ne connais pas, la mienne que je connais mieux, pourrait-elle être un roman ? Tout dépend de celui qui l’écrit, tout dépend de celui qui lit. Ayons la modestie de penser que notre vie n’est qu’une histoire dans le roman de la vie de ceux que l’on fréquente, de nos proches, une histoire dans l’histoire des autres : « Chaque personne vit en interdépendance par rapport à son propre monde : il y a autant de monde qu’il y a de personnes. Chaque monde est toujours le monde d’une seule personne, qui est elle-même, ouverture à un monde unique ». (Max Scheler. Philosophe allemand .1874/1928

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Une réponse à La vie est-elle un roman ?

  1. Joel Bassene dit :

    Lire un roman , c’est se découvrir

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