Thème: L’action naît- elle toujours de la réflexion ?

Essai de restitution du débat – Café-philo de Chevilly-Larue
23 mai 2007

Bulaud. La propagande. 1869 

Animateurs : Guy  Pannetier. Guy Philippon.
Introduction : Guy Pannetier.

Introduction: L’action découlant de la réflexion, l’action intentionnelle, a pour but la meilleure réussite, celle de faire bien, un but moral, mais nous ne sommes pas l’abri que  notre subconscient fasse dévier nos choix …Nous sommes de plus en plus soumis à des influences que nous ne maîtrisons pas totalement. Nous sommes dans une époque où la communication devient une arme psychologique, même pour certains sociologues, un outil de soumission. Ce que,  pour faire court, nous appelons communication, est en fait beaucoup plus.  C’est un formidable outil qui peut être, de suggestion, une communication organisée, encadrée, système où les images vont délivrer des messages que nous intériorisons, trop d’images  qui obstruent la réflexion en ne laissant pas le temps d’analyser les messages qui les accompagnent. Ces images ont été travaillées, sélectionnées, car elles vont suggérer les opinions qui vont induire les actions, ce qui nous rappelle combien nous sommes vulnérables quant à nos critères de choix pour déterminer nos actes.  L’action du miroir est de réfléchir, combien de miroir nous a-t-on mis dans nos neurones ? « Il est vrai que qui ôte à l’esprit la réflexion, lui ôte toute sa force ». (Bossuet).

Débat :    – Il  faut séparer ce qui est l’action réfléchie de ce qui n’est que réflexe qui ne découle pas de la seule réflexion…
–  Le réflexe reste le résultat d’une réflexion, au départ sentiment, impulsion qui met notre cerveau en éveil et qui nous dicte le bon geste à faire.., il y a là une part de réflexion, même inconsciente.., si je vois quelqu’un en péril dans  la rue, je suis enclin  à lui porter  secours….
– Pendant qu’on est en train d’agir il peut y avoir réflexion, on peut s’observer  agissant, mais on ne peut pas en avoir le  recul, c’est un état de conscience modifié.., dans l’accident on est présent mais que faire ?
– C’est là une action inconsciente qui  découle de l’instinct de survie .., réflexe lié au conditionnement, à l’éducation, car nous ne réagissons pas tous à l’identique. L’impératif de l’action ne laisse pas place à la réflexion. Le réflexe de sauvegarde de l’autre est lié au réflexe de sauvegarde de soi-même.., ou alors nous sommes dans l’action omission laquelle  valide le fait « qu’il est généralement moins mauvais de s’abstenir d’empêcher le mal, que de l’accomplir d’une façon active » tel cet homme qui veut en noyer un autre et avant qu’il n’ait agit l’autre glisse, tombe dans l’eau ; le premier voit le second se noyer, il n’intervient pas, de ce fait il n’accomplit pas le mal. Mais dans l’action  omission la réflexion (négociation interne) entraîne une inaction. Ne pas intervenir reste une façon d’agir.  Si je me donne plus de temps de réflexion, peut-être vais-je mieux orienter mon action? Mais il se peut que trop de réflexion tue l’action, l’incapacité à choisir l’acte le plus approprié, de se décider entraînant  l’inaction.
– Il nous faut définir les deux termes : action et réflexion.  L’action est un effet qui joue sur le cours des choses, sur une personne, parfois sur l’exercice de pouvoir.., cela suppose aussi la liberté d’action .Réfléchir c’est revenir sur sa pensée pour l’approfondir, voire l’infléchir « Réfléchir c’est déranger ses pensées » (E. Rostand), et c’est aussi prudence, quand on ne veut pas prendre une décision, on dit « ça donne à réfléchir »! Puis vient l’action, « j’ai mûrement réfléchi », « c’est tout réfléchi »…
– Nous avons dit dans le café philo sur l’émotion que  certains de nos actes sont : « un mouvement qui  se fait hors de nous. Nous percevons, nous recevons, disent les psychologues, des informations de nos sens. Instantanément, sur des schémas intériorisés, nous réagissons : montée d’adrénaline, modification du flux sanguin, pigmentation du visage… Cette réaction, action  se produit avant que le néocortex ait pu analyser l’information et renvoyer ses ordres ».
L’acte et l’action ne peuvent se confondre. L’acte se fait peut-être spontanément, mais il va moins loin. Quand on parle d’action, celle-ci va-t-elle naître ?  D’une réflexion ? Réflexion philosophique, politique…, il faut une prise de conscience, de faits, d’éléments, qui nous obligent à la réflexion, nous dérangent et nous amènent à devoir choisir les actions possibles. Partagée, la réflexion va parfois plus loin, il faut qu’elle soit enrichie par la différence d’approche des autres…Mais nous voyons aussi plein d’actions inutiles, « des coups de sabre dans l’eau ». Face à cette question, nous avons des exemples d’action découlant effectivement de la réflexion, et plein d’exemples contraires, plus spontanés. …
– Revenant sur l’acte immédiat, l’acte réflexe; celui-ci peut être irrationnel, « sans réfléchir ! » Sans processus intellectuel
– Il y a toujours une négociation intérieure même si elle va très vite…
– On oppose souvent : penser et réfléchir. Dans la réflexion il y a : 1° réflexion avant l’action – 2° réflexion pendant l’action – 3° réflexion après l’action.
– De plus dans l’action il y a négociation intérieure ou extérieure, décision, passage à l’acte et constat des résultats.
–  On peut s’exprimer sans réfléchir ; ainsi  cette déclaration à une télé de l’ex Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères des USA : une journaliste lui pose la question : « Nous avons appris qu’un demi million d’enfants sont morts à cause des sanctions contre l’Irak, c’est-à-dire plus d’enfants morts qu’à Hiroshima. Est-ce le prix à payer ? ». Réponse de Madeleine Albright : « Je pense que c’est un choix très difficile mais…oui, nous pensons que le prix à payer est justifié » (It’s worth it). Dans ses mémoires Madeleine Albright regrette : « A peine avais-je prononcé ces mots que j’aurais voulu revenir en arrière et les ravaler. Irréfléchie, maladroite et inacceptable, ma réponse était une terrible erreur » (Madame la Secrétaire d’Etat. Albin Michel 2003, P 339)
– L’action pour certains est un moyen, pour d’autres, elle est un besoin de l’esprit, qui est acte conscient, réfléchi. Les actions comme moyens sont plus liées à des automatismes, (qui peuvent être aliénants). L’homme d’action s’intéresse à ce qui peut être changé, il a  le goût de l’action et des résultats.
– Un cours de philo « sensations et perceptions » nous disait : nos sensations sont captées par les cinq sens.., de là des actions-réflexes, lesquelles sont « réflexions du corps ».., notre corps réagit et agit sans cesse… Toutes les actions relèvent de trois domaines qui se recouvrent : raison, sentiment, énergie vitale, considérée aussi comme la pulsion sexuelle (selon Freud).
« Tout se réduit à revenir des sens à la réflexion, et de la réflexion aux sens » (Diderot)
– La réflexion (métaphore) est la locomotive des actions (les wagons). La pensée est l’énergie qui est lien de cohésion pour que l’action ne soit pas qu’instinctive…
– Dans une situation donnée l’action va demander l’analyse des faits, des données, puis l’esprit va décider de l’action, sauf à ce qu’il soit programmé, (éducation, milieu, croyances),  que son choix ne soit pas qu’une procédure, réflexe de Pavlov, où le résultat de nombres d’actions extérieures l’ayant conditionné pour réagir ainsi : « A quoi bon vouloir, si toute pensée est esclave.  Nous sommes conscients de nos désirs, mais nous en ignorons ordinairement les causes », nous rappelle Spinoza. Certains d’entre nous  sont moins enclins à faire précéder leur action de la réflexion, pour ces derniers, les usages, les coutumes, les principes  normatifs, les règles sociales ou religieuses, les préjugés,  sont d’autant plus la voie qu’ils suivent, qui les guide, que cela les dispensent dans bien des domaines de devoir faire des choix qui les engageraient ; on peut entendre alors : On a toujours fait comme cela ! C’est l’usage ! Ma religion me dit.. ! Dans Idées et Croyances, le philosophe espagnol  Ortega y Gasset, nous dit : «..ils se sont retrouvés devant un choix proposé, une opinion toute faite qui passait devant eux, et ils l’ont pris comme d’autres prennent un autobus », force est de constater que l’action ne naît pas toujours de la, ou d’une réflexion…d’où parfois des actes conséquents à partir de choix inconséquents…
Il est des réflexions qui n’entraînent pas l’action, on observe et on n’agit pas. C’était chez les philosophes  stoïciens : « C’est  sagesse que de suspendre son jugement » (l’épochè)…
– Nos actions sont intentionnelles, ou, alors inductives comme trébucher, tomber, transpirer, se gratter, c’est  « la chose qui arrive ». La même action peut être inductive ou intentionnelle, par exemple, je ris parce que j’entends quelque chose de drôle, ou je ris pour faire plaisir, même action passant par des processus différents. . Les  actions réfléchies, font appel à la raison, elles sont dites,  actions intentionnelles. Mais il se peut que le résultat d’une action intentionnelle ne corresponde pas au résultat espéré, il y a parfois, entre l’intention et l’action la différence que l’on retrouve entre la théorie et la pratique.  Notre responsabilité dans l’engagement de l’action est définie par notre volonté d’aboutir, en mettant les moyens nécessaires, ce qui aussi se mesure en philosophie par « volonté voulante » et « volonté voulue », et qui se traduit  et se plaide parfois en « obligation de moyens » ou « obligation de résultats ».
– Toutes les actions ne découlent pas de questions bien posées entraînant réflexion et choix. C’est le cas pour ceux qui sont dans une idéologie, ou dans un dogme, là où il existe une règle où un livre qui a prévu tous les cas, et qui défini les questions et les réponses, puis les actions, sans qu’il y ait besoin de réfléchir…
– Il y a des actions dans lesquels nous ne sommes pas bien préparés, comme l’éducation des enfants, alors certains cherchent des réponses dans les écrits  des  pédopsychiatres …Ce fut un temps l’école « Dolto » qui a pu amené aujourd’hui des parents à vouloir  être  les meilleurs amis de leurs enfants , puis, les défendre de leurs professeurs, de leurs camarades d’école, de la société, tuant chez eux l’aptitude à choisir leurs actions et à s’adapter à la réalité, à la société. .
– Des actions sont nées de l’observation plus que de la réflexion : l’hirondelle nous appris à construire, l’araignée à tisser..
– L’attirance que nous avons pour une personne, le désir, attirance amoureuse, sentimentale, ne naît pas forcément de la réflexion, c’est le cas du coup de foudre, ou la réflexion est souvent à la remorque de l’action…L’action est « Agir », à la différence de la passion qui elle est « Subir ». « Coup de foudre et cristallisation » entre dans l’explication de l’amour selon  Stendhal
– Si l’on voulait absolument soutenir que l’action naît de la réflexion, il nous faudrait  entrer dans le labyrinthe des causalités de nos choix : quelles raisons, quelles causes…jusqu’à la cause première
–  Un participant nous dit : La réflexion me conduit de plus en plus à l’inaction, (Un Sceptique !)
Conclusion : A quoi nous servirait de réfléchir, de comparer des idées, d’écouter et d’entendre, si nos réflexions si ces confrontations d’idées ne devaient changer en rien nos choix dans l’action. La question est essentiellement philosophique. Nous ne pouvons pour autant affirmer que tous nos actes essentiels soient le seul résultat de notre réflexion. Cette question doit surtout nous rappeler que philosopher n’est pas que douter,  c’est oser, « Saper aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! » Kant. Des philosophes ont avancé que seule l’action dévoile notre conception de la vie, que toute réflexion qui ne même pas à l’action est vaine. Que le sens de la vie, l’impulsion de vie, est tout autant, si ce n’est plus, dans l’action que dans la réflexion.

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2 réponses à Thème: L’action naît- elle toujours de la réflexion ?

  1. villette jean-nicolas dit :

    Merci pour cette restitution très intéressante et pour votre site en général, c’est ce que je cherchais.

  2. Marie-Chantale dit :

    Super! Pour mon suget de rechercher à un examen de philosophie, j’aurais pas pu trouver mieux! merci beaucoup:)

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