Peut-on être à la fois, ignorant et sage ?

Thème : « Peut-on être, à la fois, ignorant et sage? »
Essai de restitution du Café philo 
du 26 Janvier 2005.

Modératrice : Julietta Solis                     Introduction: Guy Pannetier
Animateurs : Guy Pannetier, Guy Philippon

Introduction : Dans les langues latines, sagesse a la même origine que savoir, « sapere ». Dans le Petit Robert : le sage « à la connaissance juste et  éclairée de toute chose ». Alors, cette association  « Sage » (savant) et « Ignorant » semble à priori un oxymore, (Juxtaposition, alliance de deux termes contraires). Aristote défini deux sagesses :
1° La sagesse connaissance intellectuelle : la Sophia…savoir, érudition..
2° La sagesse morale, la prudence           : la Phronésis…Expérience, modération, juste milieu…
Celui qui réalise les deux à la perfection, est le vrai sage, le Sophos. Et c’est aimer la sagesse comme, le « Philosophos », (L’ami de la sagesse).
Le philosophe Sceptique est celui qui pourrait le plus s’accorder de cette dualité Sage et Ignorant ? Puisque ce dernier considère que la connaissance de toute chose, que la vérité existe, en dehors de notre propre savoir, et que vérité et savoir nous sont  accessibles,  ou par intuition, ou par révélation. Donc le Sceptique est sage dans le sens où, comme Socrate, il est « docteur en ignorance », c’est-à-dire: celui qui sait qu’il ne sait pas.

Débat:    – Il n’y forcement de lien entre savoir et sagesse. Il n’y a pas forcement antinomie entre, ignorer, savoir, et, avoir le sagesse. Il suffit d’être jeune, égoïste, bête, et surtout en bonne santé. ..  Manquer d’expérience ne fait pas un ignorant, ni un sage. Le lien sagesse et savoir est ambigu, le savoir, nous le savons, ne garanti pas la sagesse…
– On lie souvent la sagesse à l’âge, les personnes âgées sont plus prudentes, sont-elles plus sages pour autant ?
– Il nous faut clarifier, sagesse du savoir, ou sagesse de la  prudence. La sagesse est réflexion, et sauf à risquer d’exclure la valeur de toute connaissance, on ne peut être sage sans connaissances.
– L’ignorant par orgueil peut se considérer, intelligent et sage. L’érudit qui par définition n’est pas un ignorant peut manquer de sagesse, agir sans réfléchir. L’intelligence du sage est, « savoir cultivé » ou « savoir inné », ou encore don d’observation, pour pouvoir analyser, et apporter les meilleurs réponses. (« Savoir pour pouvoir, afin de prévoir). A. Comte.
Nous héritons d’une sagesse, qui est, la sagesse populaire, connaissances acquises des générations précédentes, résultats de tant d’observations, d’expériences multiples…
– Comment l’homme sage, si le sage est «  homme prudent », pourrait être sage au sens du savoir, si ce dernier ne tente jamais d’expérience par lui-même pour juger du bien et du mal, du bon du mauvais. Donc un sage trop sage n’est pas un sage. (Sophisme !).
– On considère comme ayant le savoir, celui qui est capable d’expliquer, de faire partager ce qu’il conçoit…Mais on peut aussi savoir, concevoir, sans avoir les moyens d’exprimer….
– Un exemple est cité d’une communauté africaine où la vie évolue par cycles de sept ans, 7/14/21/…et ce n’est qu’au-delà des quarante ans que l’on est considéré comme sage… ce n’est que l’expérience de la vie qui nous apporte  les connaissances, éléments de la sagesse. La sagesse est, en philosophie un but en soi, c’est la recherche d’un mode de vie s’inspirant, par exemple, d’une ou de diverses écoles. Je voudrais pouvoir respecter l’enseignement d’Epicure, sage d’entre les sages, qui enseignait et prônait la tempérance. Si je peux modérer mes désirs, réduire mes besoins à l’essentiel, alors je peux m’approcher de cette  sagesse recherchée : « Si tu veux rendre un homme riche, apprends-lui à se passer du superflu ». Epicure.
– Est-ce vraiment sagesse que de se priver de ce qui peut apporter des moments de bonheur, et d’ignorer des petits plaisir ?
– L’enfant qui ne sait pas encore, n’ayant la connaissance innée, est ignorant. Les aînés devraient donc tous, par l’expérience,  être sages. Est-ce le temps qui rend apte à la sagesse ? (D’où : « Le temps ne fait rien à l’affaire »).
Etre, c’est aussi savoir ce que c’est qu’être ignorant. La sagesse doit être de pouvoir choisir le bon chemin. Mais le monde n’est pas forcement guidé par la sagesse, y a-t-il des sages pour guider ce monde ? Seuls les chercheurs, les savants, nous font profiter de leur sagesse, et font avancer ce monde. Le savoir des savants, le savoir de ceux qui font de grandes découvertes, n’est pas toujours un gage de sagesse : il y a eu Hiroshima et Nagasaki
– On en arrive à parler des camps de concentration, où, le savoir des uns, et l’ignorance des autres ont fait bon ménage, dans un contexte d’incertitude et de grande misère. L’ignorance, la lâcheté, devant l’opinion majoritaire, brutale et armée, n’ont-elles pas ouvert la voie à cette barbarie ?  
–  « On voit la flamme dans l’œil du jeune homme, la sagesse dans celui du vieillard » V.Hugo.. Vivre  replié sur soi même, en ermite, sans partager la vie avec les autres, ignorant les autres, ce n’est pas sagesse. La sagesse est connaissance, même si cette connaissance n’est jamais universelle. Elle peut dans un domaine spécifique, être, de conseil …
– Le sage est très strict. « Le moins qu’un Homme puisse faire dans sa vie, c’est de transformer sa conscience en vie » Albert Camus. Il faut faire que les choix soient en accord avec les actes. On ne peut pas appeler sagesse le mal-vivre. La vie, c’est un cahier de brouillon inachevé, c’est çà la sagesse.
– Pour prendre d’importantes décisions, un gouvernement peut consulter des spécialistes, (des sages) de diverses disciplines, voire constituer un groupe comme le Comité National d’éthique, c’est ne pas laisser le seul choix à l’ignorance…
– La sagesse si elle est de connaissances acquise doit permettre de prendre du recul. La sagesse acquise doit être partagée, pour aider, pour évoluer, pour choisir sa vie, on n’ est pas sage pour soi tout seul…La tradition philosophique antique était la transmission du savoir et de la sagesse.
– La sagesse est aussi de prendre nos références dans ce monde actuel. La sagesse antique n’ignorait pas l’esclavage, s’en accordait très bien…
– Savoir, oui, c’est connaître, et aussi l’aptitude et volonté de prendre le recul nécessaire pour percevoir  l’information, même celle qui dans un tout est absente. L’intelligence est dans l’observation, et la capacité à établir des rapprochements, « des liens entre les idées, les faits, les Êtres et les choses ». H. Bergson.
–  La sagesse est-ce : «ce mieux qu’on puisse faire de sa vie, en transformant en conscience son expérience » ? La sagesse est aussi de savoir écouter pour apprendre, comme au Café philo, par exemple !
– La soif de connaissance, la curiosité de ce monde, amène aussi à mesurer le part qui va grandissante de notre ignorance. Toute connaissance reste « vérité insuffisante ». Schopenhauer.
– L’écoute dans ces débats m’aide à me positionner sur des questionnements. Une réponse poétique, (France). Etre ignorant, comme c’est désolant.  Souvent comparé à l’âne, à son esprit borné. Pour porter les fardeaux, l’ignorant est souvent employé. Alors, pour l’illettré, pour celui qui ignore : quelle triste existence !
– Etre sage, c’est plus valorisant ! Gage de sûreté quant à ses jugements, le « Sage », éloigné des audaces, montre de la réserve, mais reste cependant celui que l’on recherche pour « actions délicates ». La passion ferait-elle  obstacle à la sagesse ? Mais, écouter les autres permet de mieux se connaître.  Mon intérêt pour la sagesse m’incite à participer aux Cafés philo. Si le temps apporte la sagesse, le prix en  est-il la vieillesse ?
– La sagesse est-elle modération ? Un « sage » peut-il transmettre aux jeunes, ce peu de sagesse acquise.  Je ne souhaite pas cette sagesse si c’est, austérité. La sagesse est sans doute  de vivre autant qu’on  peut, d’acquérir des connaissances, sans modération.
– Si la connaissance procède de « l’avoir », la sagesse procède plus de l’ « être ». Mais nous ne pouvons définir la norme parfaite, ou alors nous atteignons la divinité. Dans le polythéisme, sagesse et savoir étaient partagés, puis ce fut le dieu unique….
– Partisan de la « positive attitude », je ne retiens pas l’antinomie, sagesse, ignorance, puisque toujours la connaissance peut s’acquérir.
– Je me sens plus sage qu’à vingt ans ..j’ai échappé au formatage, grâce à la culture, comme par exemple le cinéma réaliste italien…
– Même avec les années je n’ai pas le sentiment d’avoir atteint cette sagesse … Avec la prison, la lutte contre une dictature (Zaïre), il eut  peut-être été plus sage, de s’adapter !
– La conscience de mon ignorance me barre le chemin de la sagesse. Mais les connaissances ne l’oublions pas peuvent servir aussi  le mal..
– Je suis parfois sage, mais je suis souvent ignorant !
– Dans la mesure de mes moyens, l’ignorance je la combats. La sagesse, celle à laquelle j’aurais pu vouloir accéder, est de n’avoir plus souvent désobéi.

En conclusion : Nous avons beaucoup évoqué la lutte contre l’ignorance par la volonté  d’accéder à plus de connaissance, la prise  de conscience  de l’ignorance créant ce besoin de savoir, ce que nous résume le poète : « Si je dois mourir, peut m’importe d’apprendre. Si je ne peux pas apprendre, peut m’importe de vivre ». Antonio Machado.

 

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