Thème: Qu’appelle t- on faire violence dans la société actuelle ?

Essai de restitution du débat. Café-philo de l’Haÿ-les-Roses
21 novembre 2007

Dali. Prémonition de la guerre civile. 193. Philadelphia museum of art

Introduction : Catherine Célébrin. (Une première réflexion évoque le concept de violence « innée » ou « acquise » lequel a récemment fait l’objet d’un débat entre un homme politique (bien connu) et le philosophe Michel Onfray…) Catherine enchaîne et introduit alors sur ce sujet : Pourquoi tel enfant deviendrait-il plus violent qu’un autre ? On peut se demander si il y a des interdits donnés dès la prime enfance, c’est-à-dire à l’état de bébé, voire un «ressenti » pendant la vie foetale, ou le fait d’avoir été désiré ou non, ou encore la réaction de la mère lors de la naissance, tout ce qui peut subconsciemment être ressenti comme négatif, une forme de violence. Ensuite il y a cette partie de l’enfance jusqu’à deux ans, les premiers modèles, références qui feront que des enfants vont intégrer climat de douceur, ou climat de violence, puis l’éducation dans une certaine collectivité, et si ce n’est pas des interdits du moins des consignes de vie pour faire qu’un enfant puisse se réaliser au mieux ; il y a ceux qui acceptent, ceux qui acceptent moins, et ce refus va se manifester par des actes violents, état de refus, état de rébellion,  manifesté par des réactions coléreuses. Le tempérament coléreux  est déjà en soi une caractéristique innée. Peut-être héritée génétiquement ? C’était l’objet du débat cité du concept de violence et, globalement aujourd’hui que ressentons-nous au quotidien comme violence ?

Débat     –  En psychanalyse la colère est plus une marque de tristesse que de violence. C’est un enfant qui a manqué de quelque chose
– Témoignage : je vis sur deux région bien différentes : région parisienne et Corse.., je constate qu’il y a des sociétés plus naturellement portées à la violence et d’autres plus tolérantes, des sociétés où les relations portent en elles une part de violence, voire par moments une inflation de violence. On pourrait penser que ces gens vivent encore dans un pays dur, où comme il y a encore un siècle il fallait lutter, mais le niveau de vie devient un des plus élevés, donc rien ne motive la violence dans les relations entre familles, dans ce qui touche à la politique où la menace peut être un argument…
– Y aurait-il des sociétés plus violentes que d’autres ? Les méditerranéens sont-ils plus portés aux violences ? Ou leur violence est-elle plus ressentie dans le verbe…
– Il faut voir ce que l’on met sous ce mot violence ? Cela peut être un abus d’autorité, ou un enfant malmené, violence tant physique que psychique puisque l’enfant par nature fait confiance, il va alors se sentir avili, il sera victime d’une autorité abusive..
– La violence vient du mot « violer », donc c’est aussi contraindre l’autre à faire ce qu’il ne veut pas faire, violence qui impose, non par la raison mais par la force. Là, où les victimes se sentent agressées, diminuées, dans une société où la violence devient un des moyens, cela peut entraîner des « contre-violences »…
– Parfois ceux qui ont été victimes de violences vont reproduire la même violence…
– Parmi les violences, il y a l’esclavage, et même l’esclavage moderne. Puis les violences conjugales, les violences liées à l’alcool ou à la drogue, liées aux addictions, la violence liée à la pauvreté, liée à la précarité, et un manque de visibilité dans l’avenir, la violence liée au chômage, la violence du langage, la violence morale par le harcèlement, les violences comportementales dites aujourd’hui : incivilités, les violences passives, par exemple regarder un spectacle, un film violent, les violences liées au profit, tels que dans les pays qui tolèrent qu’on exploite des enfants, qu’on les prostitue , et également la violence terroriste avec des prises d’otages, la violence politique.., et encore d’autres formes…
« Il n’y a pas de moyens plus violents de cœrcition contre les travailleurs que le chômage et la peur qu’il engendre » Henri krasucki.
– Finalement la condition sur terre est : « violence », même si on peut voir en Inde la non violence à l’excès, comme des gens qui craignent d’avaler un moucheron en le respirant et de le tuer.., peut-être pour en arriver là, nous faut-il encore beaucoup philosopher…
– Le fait de vivre, fait que nous sommes violents, notre condition d’humain a toujours inclus un minimum de violence, laquelle se trouve modérée par notre civilisation, notre culture..
– Témoignage : je suis parfois confrontée à des jeunes qui sont violents dans leurs propos, j’ai eu droit à des expressions comme « j’te nique ! ».., puis après un moment de dialogue plutôt que des leçons, le ton change.., la violence verbale peut être défensive face à des manques…
– La nature est violente, vivre et prendre la nature comme modèle, serait régresser ; dans la nature « tout le monde mange tout le monde ». Revenant aux enfants, jusqu’où doit-on protéger nos enfants de toute violence en ne leur laissant pas découvrir la violence? Le conte de fée va finir.., ils vont bien devoir l’affronter cette violence, on est pris en tenailles : leur montrer, ou,  les garder dans le cocon ! Ils vont rentrer dans une société où il existe  plein de formes de violence, il faut qu’ils soient informés pour se protéger…

Poème de Florence :                                               La sardine

Allons rampants de la flétrie
le tour de foire est activé
Entre-nous de la zizanie
le soudard beuglant est gavé (bis) ;
suspendez au mat de cocagne
le vizir atroce sabbat
Qu’il tienne juste dans ses bras
un écorché de charlemagne

Refrain
Aux larmes comédiens,
jetez vos cotillons,
crachons, bêchons,
qu’un vent très pur,
soulève nos haillons
Que peut cette harpe qui bave
aux fêtes des lois conjuguées
Pourquoi ces vignobles de lave
ces vers si longtemps retardés ? (bis)
Franchement j’ai vu c’est dommage
l’effort pour enfin exister
C’est fou ce qu’on peut éviter
à pendre au clou ce beau mirage

Refrain
Quoi ? Les votes que l’on digère
perdraient  la foi mâchée, broyée
Quoi ? Ces archanges délétères
feraient en toute impunité (bis)
Le mieux pour nos vies déléguées
Gnafron mis en joue distrairait
nos vains espoirs oublieraient
en traîtres de nos vérités

– La violence extrême c’est la guerre, il n’y a pas eu jusqu’à maintenant une seule journée dans le monde sans guerre, ce fut des tributs, puis des peuples.., la paix n’est pas la condition naturelle…
– Revenant sur la prévention, la mise en garde des enfants face à la violence, Socrate s’adressant à ses disciples : « C’est pourquoi l’éducation de l’écolier nécessite davantage de violence en intensité et en durée que celle du petit animal », ce qui pourrait signifier que nous avons perdu les moyens naturels, instinctifs de nous prémunir.
– Les animaux d’une même espèce ne luttent jamais jusqu’à la mort de l’adversaire, l’espèce humaine est privée de cette protection. Chez certains ce fut aussi un plaisir de supprimer le vaincu, dans les guerres par exemple. La protection contre la violence ne vient qu’avec la civilisation, et « être civilisé » demande des siècles, avec de possibles régressions vers la barbarie…Quant aux diverses causes de la violence, l’une d’elle est la peur.., la cause de la peur peut aussi être la méconnaissance de l’autre…
– Au moyen âge : 300  à 500 personnes étaient tuées dans Paris chaque nuit. Nul ne sortait s’il n’était escorté d’hommes en armes Tout au cours de l’histoire nous voyons des formes de violences excessivement barbares s’éloigner, (en dehors de la folie nazie du siècle dernier). Le recul de la violence fait partie de la perfectibilité de l’homme, du développement de l’humanisme. La sécurité des personnes et des biens est  inscrite à l’article deux de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. Mais nous sommes en plein paradoxe quand nous réclamons plus de liberté et tout à la fois plus de sécurité. Nos sociétés occidentales sont de plus en plus sures, par exemple 1 homicide par an pour 100000 habitants au Danemark, 6,5 pour 100000 aux USA, et 60 pour 100.000 en Colombie, et là nouveau paradoxe : en France où le nombre d’homicides est un des plus bas du  monde avec 0,7 pour 100000, nous nous sentons plus  agressés par la violence que les Colombiens. Nous voulons la sécurité, mais nous sommes réticents à la surveillance par caméra, nous ne voulons pas être « fliqués », nombre de personnes s’élèvent contre la biométrie… Au final les moyens pour lutter contre la violence, les moyens mis en place pour notre sécurité sont ressentis eux-mêmes comme une violence.

Poème de Florence :

Si j’étais un monopole
je serais l’Etat
violence
légale

Si j’étais une métropole
je serais Ghetto
violence
locale

Si j’étais une casserole
je serais Médisance
Viol
Assuré

Si j’étais une auréole
Je serais charité
viol
assumé

Si j’étais une carriole
j’irai à l’échafaud
violence
haine

Si j’étais une école
je serais formatage
violence
transie

Si j’étais une nécropole
e serais champ d’honneur
violence
globale

Si j’étais une boussole
je serais la morale
violence
sociale

– Je me suis toujours demandé : qu’aurais-je fait en cas de guerre, dans une situation où les miens auraient été en danger.., quand on est en sécurité nous avons de beaux discours, mais en situation, on risque de se découvrir différent, de découvrir en soi des aspects qu’on préférerait ne pas connaître… Une civilisation qui prétend lutter contre la barbarie ne doit pas répondre à la violence par la barbarie, comme c’est le cas avec la peine de mort, où des conditions d’emprisonnement inhumaines.., on peut parfois douter de notre humanité !
– La violence fait vendre. C’est la  violence au cinéma, comme des films « Nés pour tuer » ou « orange mécanique », et tant d’autres qui ont servi de modèles pour des crimes réels. C’est plus récemment  des  films d’incitation à la violence routière, les films Taxis 1 2 3. Dans le domaine des jeux vidéo, c’est par exemple un jeu récent qui consiste à partir d’un véhicule d’écraser (virtuellement) des piétons. On s’est aperçu que des enfants de dix à douze ans avaient une préférence dans ce jeu : écraser sur les passages cloutés des femmes avec des landeaux. Cette violence est une atteinte à la société, au monde des enfants. Ceux qui défendent ces violences sont souvent ceux qui y trouvent un intérêt, qui en font un commerce
– Nous avons évoqué les guerres, guerres de territoire par exemple, mais ces guerres ont changé quant à leurs causes : les peuples, groupes, ethnies qui s’affrontent sont le plus souvent, manipulés, amenés à s’entretuer. Nous avons dépassé la violence pour survivre : « Le monde contient bien assez pour les besoins de chacun, mais pas assez pour la cupidité… » (Gandhi).
– Cette violence que nous exportons de par le monde est une violence économique, on fait la guerre pour du pétrole, quitte à se cacher derrière des faux arguments, (comme des armes de destruction massive, fort heureusement inexistantes) ; on crée de la violence pour alimenter l’important commerce des  armes, on fait la guerre par délégation, en armant des groupes pour prendre le contrôle de richesses économiques : uranium, cuivre, cobalt, et toujours le pétrole.., ces guerres en Afrique sont avivées par les pays occidentaux :Anglais, Français, Américains, et maintenant les Chinois.. Que nous importe si des enfants de 10/12 ans sont enrôlés pour tuer et être tués…
– Est-ce que nos pays développés ont les moyens de lutter contre cette violence. Sommes-nous capables  d’agir sur nos dirigeants, de nous engager jusque dans nos modes de vie.., au final nous avons tous une part de responsabilité.
– On peut lutter contre une certaine violence économique, liée pour beaucoup à nos modes consommatoires, ne pas se maintenir totalement dans l’avoir ; on croit exister en « ayant », alors qu’on existe en « étant ».
– Une expérience à la télé : Pendant deux heures ont faisait regarder à des enfants un programme à la télé où il avait des violences. Après ces deux heures on leur demandait ce qu’ils avaient remarqué comme violent : rien ! Répondaient la plupart des enfants. On a tant banalisé la violence que ce qui,  nous, adultes, nous choque, les enfants l’ont déjà intériorisé, comme banal, courant…
– J’ai pu voir au Liban des banderoles du Esbola qui disaient « Un jour l’Islam dominera le monde ». Comment des religions peuvent-elles faire parfois l’apologie de la violence, en instituant,  devoir de tuer « l’infidèle » ; c’est une transgression des lois naturelles, et c’est là aussi vouloir imposer un concept, sa croyance…
– Au nom de la liberté on peut exercer des violences contre les libertés. Les plus défavorisés, les plus pauvres ont « des libertés », les plus favorisés se réclament de  « leur liberté » pour justifier des formes de violence…
« L’homme révolté est un homme qui non. Ce nom contient un oui qui exige le respect des valeurs humaines, la révolte authentique est fondamentalement morale ». Albert camus.
– A été évoqué ce qui a pu être ressenti comme violence, à savoir la grève qui a gêné des millions de personnes. Cette sensation de violence doit être mise en perspective, et comparée à notre niveau  de vie sociale. Nous savons bien qu’aucun progrès social ne s’est fait dans un salon autour d’une tasse de thé. Tout s’est fait et a été obtenu par des luttes, violentes, comme la Révolution, dures comme 1848,1870, 1936…. Mais il en résultait du progrès social dont bénéficions aujourd’hui. La violence cela peut être, parfois, quand le dialogue n’est plus possible. 
– On a parlé des caméras de surveillance. Le fait d’installer et d’accepter les caméras de surveillance c’est rendre la violence comme inéluctable, l’accepter..Si les gens sont des êtres responsables, pas besoin de surveillance, pas besoin de feux rouges, pas de politique ; le problème c’est d’aller en amont pour rechercher toutes les causes possibles de la violence, et trouver comment agir, et la diminuer…
– (Réaction sceptique) : Penser, croire, que l’homme est naturellement bon peut s’avérer dangereux !
– Les caméras peuvent nous protéger contre les violences physiques, mais nous nous défendons mal face à des violences psychologiques ; par exemple quand on nous impose des images violentes à la télé, ou autre violence, quand je veux acheter un produit à l’unité et que je trouve que des packs de Six.., les groupes économiques se livrent une véritable guerre dont nous sommes les victimes..
– Revenant sur la télé, nous avons fort heureusement une certaine déontologie, le CSA a interdit des images dans les infos, ce qui n’existe pas dans d’autres pays d’Europe ; on a pu voir à la télé espagnole des cadavres d’immigrés découverts à Gibraltar dans un camion frigo, les corps étaient sortis du camion sur les fourches d’un chariot électrique, tel de la marchandise…., l’horreur fait le scoop…
– Mais ne pas se montrer, n’est-ce pas se voiler la face, évacuer les réalités ?
– Dans le cas cité, on vend de l’image, du « sensationnel », on est dans le morbide. Si on veut montrer ce problème, que l’on nous montre plus souvent comment vivent les gens dans les bidonvilles comme à Yaoundé, et l’on commencera à comprendre le désir pour certains et la nécessité d’émigrer.
– Nous avons évoqué nombre de violences actives, mais nous voyons tous les jours les violences passives. C’est par exemple les milliers de jeunes gens qui envoient des curriculum qui vont directement à la corbeille : des victimes de la violence économique, du monde du travail, victimes d’abord parce qu’ils habitent un mauvais quartier, que les parents n’ont pas de relation « bien placées » ; victimes de ne pas avoir un prénom qui figure parmi les Saints du calendrier.., et  parfois des années d’étude qui débouchent sur une impasse. (Voir le film de Yasmina Benguigui : Le plafond de verre)
– Avant de conclure (Guy louis) on peut rappeler, que venir au café philo c’est vouloir échapper un instant à ce que nous pouvons ressentir comme violence, ceci en retrouvant une certaine chaleur amicale, le plaisir du dialogue dans la tolérance, l’écoute et le respect des idées des autres, même si nous ne les partageons pas totalement. C’est pourquoi sans perdre notre spontanéité, nous sommes vigilants dans nos propos pour ne pas choquer gratuitement les autres ; par exemple, nous ne citons jamais de nom d’homme politique…La meilleure « contre violence » reste la tolérance… nous ne sommes pas philosophes que par le propos.
Conclusion : La société actuelle porte en elle le reliquat des violences passées. Ce constat de violence s’oppose à l’idée que nous avons de la liberté, puisque la violence c’est souvent vouloir contraindre, c’est-à-dire opprimer, et empêcher de se réaliser. Par extension, nous l’avons vu, nous retrouvons de la violence dans divers domaines : depuis l’enfant jusqu’au monde économique et social,  la violence est dans notre quotidien.

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