Une seule langue est-elle souhaitable pour tous les hommes ?

Thème : « Une seule langue est-elle souhaitable
pour tous les Hommes ? ».
Essai de restitution du café-philo de l’Haÿ-les-Roses
9 février 2005

Introduction : Guy Pannetier: « Iahvé descendit pour voir la ville et la tour (de Babel), que bâtissaient les fils des hommes, et Iahvé dit :   Voici qu’eux tous forment un seul peuple et ont un seul langage. S’ils commencent à faire cela, rien désormais ne leur sera impossible de tout ce qu’ils décideront de faire. Allons ! Descendons et ici même confondons leur langage, en sorte qu’ils ne comprennent plus le langage les uns des autres ». Puis il les dispersa sur toute la surface de la terre »     Ancien testament. Genèse.

Chaque mois, des langues disparaissent dans le monde,  souvent des  langues vernaculaires de communautés africaines. Des langues qui ont rayonné, des  langues écrites, langues de culture, tel le Grec et le Latin, sont devenus des langues mortes. Sans « jouer les Cassandre », et sans alarmisme, devons-nous craindre que notre langue perde de son rayonnement, ou, disparaisse,  ceci  face à une langue  qu’on nous présente comme dominante : l’Anglais ? De là cette question : une seule langue est-elle souhaitable pour tous les hommes ?

Débat :  Dès les premières interventions l’expression « seule langue », suscite des réactions, l’expression ayant été souvent reçue comme, « une seule et unique langue ».
– La Bible nous présente la diversité des langues comme punition, dans d’autres passages elle donne aux apôtres le don de communiquer dans une langue entendue par tous….mais revenons au concret : pouvoir communiquer avec n’importe quel individu, en n’importe quel lieu, de toute culture, c’est là une idée très attrayante.. ° On parle de plus en plus anglais, fait peut-être lié à la globalisation des échanges…Par exemple, des chanteurs de pays scandinaves sont obligés de chanter en anglais pour être commercialisés, ils s’en plaignent  car cela appauvrit leur culture..
– Faisons nous tout le nécessaire pour l’apprentissage des langues, alors que nous savons qu’un enfant peut apprendre trois langues simultanément ?
– La présence et l’usage des langues sont liés à l’histoire. Une part importante de l’Europe centrale parlait le russe. A ce jour, le russe est banni de leur langage, c’est un signe d’indépendance, contre une des armes de la colonisation…Nul peuple ne veut se laisser coloniser !
(Une première réponse directe) : Chacun doit conserver sa langue, sa culture, aucun pays ne peut, ne doit, imposer sa langue.
– La langue est effectivement un outil de colonisation, de domination, les immigrés ont, aux Usa décimé les indiens et tué leurs langues pour imposer l’anglais….
-Une langue universelle doit être un outil, ce qui ne remet pas en question l’aspect culturel.. L’usage  évolue, avec des technologies nouvelles comme les logiciels de traduction simultanée, qui permettent de dialoguer sur la « toile » en toute langue.
– La propagation, comme sur l’Afrique de la religion musulmane a amener de nombreux pays à utiliser l’arabe…., les religions, comme les cultures, les technologies, sont des vecteurs de langage.
– Ces pays ayant adopté l’arabe ne peuvent néanmoins pas communiquer entre eux tant « leurs arabes » sont différents, ils en reviennent, comme en Afrique occidentale à utiliser le Wolof comme langue commune. Toues les langues dominantes finissent par se « créoliser », il en va de même pour l’anglais…
– Le contenu culturel de toute langue en fait la richesse que tous veulent conserver, nous y retrouvons les mythes, les symboles et paraboles, tout ce qui constitue nos références, nos valeurs…..
– (Une prise de position optimiste) : Un langue unique pour tout les hommes c’est retrouver « la tour de Babel », retrouver une part de notre paradis originel, c’est réaliser enfin la synthèse de toutes les cultures, c’est réaliser la langue de l’humanité future, en y intégrant tous les acquis et valeurs culturelles des langues anciennes, de ce qu’elles avaient de mieux, c’est peut-être, aller vers l’homme nouveau !
– Garder notre langue, c’est protéger, conserver notre différence, la langue participe à notre identité, une langue est une histoire commune, un pays…Une seule langue va vers le village unique, avec une économie mondialisée, une seule culture, une pensée unique.., cela semble dangereux !

Le poème de Florence         Une même langue pour tous est-elle souhaitable ?

Tout en haut de la tour de Babel la question
Posée aux hommes au sujet de leur ambition
S’est dissoute au milieu du kaléidoscope
Tourbillonnant d’un immense trombinoscope

Et pour sonder le cœur de toutes les nations
Bien au-delà de toute uniformisation
Certains allumés ont sorti leur stéthoscope
Pendant que d’autres s’évadaient en télescope

Ils écoutaient battre la chanson des passions
S’harmonisant dans la diversification
Des langues. C’est bien le meilleur stéréoscope
Pour comprendre un peu le kaléidoscope

Universel. Ce n’est pas une malédiction
C’est tout simplement la réponse à la question

–  Les Français sont assez paresseux pour apprendre d’autres langues, mais nous voyons aussi, le refus total des anglais d’apprendre une autre langue… ° Ne fait-il pas déjà se pencher sur une meilleure utilisation de notre langage, combien de conflits entre les individus sont de l’ordre du langage, d’incompréhension, de difficulté d’exprimer. Le langage est le support de la pensée, si la langue s’appauvrit, la pensée s’appauvrit. ° Comment fondre dans un langage commun tous les innombrables  concepts contenus dans nos langues. Les Inuits possèdent 30 mots pour parler de la neige, les hommes du désert, plus de 30 mots pour parler du sable, et presque tout autant pour parler du chameau. Faudrait-il appauvrir ce patrimoine humain en allant cers les seuls signifiants : « Snow », « Sand », « camel » ? 
– Il y a plus de deux siècles déjà, Diderot dans l’encyclopédie, nous dit : « « Un idiome commun serait l’unique moyen d’établir une correspondance qui s’étendît à toutes les parties du genre humain, et qui les liguât….Supposé cet idiome admis et fixé, aussitôt les notions deviennent permanentes ; la distance des temps disparaît ; les lieux se touchent, il se forme des liaisons en tous les points habités de l’espace et de la durée, et tous les être vivants et pensants s’entretiennent ». L’anglais progresse vite avec la Globalisation, mais Le Français reste une langue intellectuelle, précise, elle définit clairement, évitant nombre d’ambiguïtés sémantiques, d’ailleurs, nous voyons des situations où sa précision, est redoutée : Les mouvements ayant un caractère intégriste, éliminent le Français de leur enseignement ; les écoles coraniques (Les madrasas) excluent le français, ses références étant trop empreintes de Laïcisme, de valeurs des « Lumières », et langue trop riche, les Ulémas il lui préfère la langue anglaise qui est, plus, un simple véhicule, un langage de l’utilité. Dans des universités américaines, des Néoconservateurs (souvent des Evangéliques) proposent des primes à la condition que ces dernières retirent le Français de leur enseignement.
-La résistance à une langue dominante est une « résistance salutaire », comment une langue spécifique peut –elle être imposée comme, « matière » en enseignement ? ° Un langage universel paraît une belle utopie. Soyons vigilants, (Parabole) : notre langue est une branche de l’arbre de toutes les langues, si nous coupons la branche il n’y aura plus de possibilité de greffe….
* Parmi les personnes présentes, quatre personnes parlent et écrivent l’Espéranto. L’idée d’une langue universelle n’a rien de nouveau, dix millions de personnes de par le monde, parlent l’Espéranto ; langue facile à apprendre, riche de sens. Il n’y a pas de volonté des Etats à ce jour pour promouvoir ce langage universel.. ° Sauf à penser, que les Etats souhaitent que l’anglais poursuive sa pénétration..

– Citation d’un poème d’Anatole France : « La langue française est une femme……. (poursuivant), autant de langues avons-nous dit, autant de richesses culturelles, de diversités d’expression, faut-il aller vers non seulement une langue unique, mais un modèle unique en création, en peinture, en littérature… ? La standardisation, l’uniformisation entraîne l’égalitarisme des choses et à terme, des hommes..° La seule langue universelle acceptée par tous reste, la musique !
– Ce que nous voyons en Europe pour l’anglais, les pays d’Asie le vive aussi avec le chinois qui devient prédominant ; des langues disparaissent, tel une langue parlée uniquement par les femmes, langue qui portait une richesse culturelle de traditions. (Poursuivant). Aujourd’hui, au pays de la langue de Voltaire,  toutes les réunions de cadres chez Renault se font en anglais. Mais il y a aussi des résistants, exemple : Lorsqu’au parlement européen des députés français commencent à s’exprimer en Anglais, les députés espagnols, pour manifester leur désapprobation, quittent la salle !
– Une question qui revient : une langue commune, mais laquelle ? Pourquoi une langue universelle, moyen de communication entre tous les hommes serait-elle l’Anglais, plutôt que le Chinois, ou l’Espagnol ? A l’horizon 2025, il y aura un milliard et demi de locuteurs chinois, un milliard et trois cents millions de locuteurs de langue romane, dont 500 millions  de langue française, et 500 millions de langue hispanique ; dans dix ans 100 millions de touristes chinois vont parcourir le monde. Même si la langue anglaise est aujourd’hui la langue des élites, cette dernière n’est pas inévitablement le langage commun futur ; actuellement dans l’Union européenne 170 millions d’individus parlent une langue romane, contre moins de 70 millions de langue anglophone, enfin, une langue est aussi le  véhicule des valeurs, voulons-nous faire nôtres, les valeurs anglaises et américaines ?

Conclusion : Les sujets de société sont aussi, sujets de philosophie. Celui-ci a donné un débat, très animé, prise de parole maximum,  débat qui aurait pu se prolonger très au-delà tant chacun avait encore à exprimer. Il nous faudra sous une forme à définir, prolonger se débat qui est  resté, comme, « en chantier ». On peut retenir que malgré le relatif échec de l’Espéranto, l’idée d’une langue commune, à côté de notre langue maternelle, séduit encore, ceci  avec des réserves quant au lien langue et culture, en cela nous partageons totalement  le propos d’un sage : « Je ne veux pas que ma maison soit entourée de murs, ni que les fenêtres soient calfeutrées. Je veux pouvoir sentir le souffle de cultures du monde entier. Mais je ne veux pas être dévoré par une bourrasque culturelle, d’où qu’elle vienne ». Gandhi.

 

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