Thème: « Les sciences laissent-elles encore une place à la métaphysique ? »

Restitution du débat – café-philo de Chevilly-Larue
15 décembre 2010
                                                                                       Jacopo di Barbari. 1495

 Animateurs : Guy Pannetier – Danielle Vautrin – Guy Philippon
Modératrice : Jacquote Rezard
Introduction : Danielle Vautrin

Introduction : La question ainsi posée ne peut pas être résolue. Pour essayer d’y voir clair j’ai questionné un chercheur scientifique et philosophe. La science est à la croisée des chemins pour expliquer et comprendre. Il existe une métaphysique des sciences. Il faut pour le chercheur, penser qu’il y a quelque chose à découvrir, qu’il ya a quelque chose à chercher, un ordre et pas le chaos, croire en un réel ordonné qui ne dépend pas de lui. Il existe un fondement de la science qui ne se démontre pas. C’est comme le postulat en mathématique.
On croit qu’il y a des lois dans la nature quand on cherche à comprendre, et la science repose sur les épaules de la métaphysique. Il existe bien sûr la pratique (praxis), l’expérience, l’opérationnel, la science a-thée au sens de sans théorie…
La collecte expérimentale, la collecte des données, leur classement, sont indépendant de la foi au sens large, de la conviction, de la métaphysique. La pratique observe, mais ne cherche pas le sens des choses. Mais les résultats sont toujours interprétés selon une théo-rie qui relève de la métaphysique. Dans théorie il y a théo – divin – c’est-à-dire qui s’adresse à l’esprit et pas à une déduction matérialiste.
Le « pourquoi on fait de la science » en amont de l’expérience et « l’interprétation de l’expérience »en aval relève directement de la métaphysique. Mais i l’expérience est la même et reproductible par tous quels que soient les présupposés et ses interprétations métaphysiques, la pratique est encadrée par des considérations métaphysiques en science ;
Arsitote a fait des cours que ses élèves ont notés, puis classés en : 1° La physis (physique, chimie, géologie, biologie, cosmologie). 2° La méta-physique, ce qui veut dire « après la physique » et qui n’en relève pas. Pour moi, qui ai la double casquette dans ma formation, il y a la science, et la philosophie et la philosophie qui m’a aidé à comprendre la science..La science ne peut pas se passer de la métaphysique, mais la métaphysique n’est pas religieuse. Il ne faut pas mélanger la science et la métaphysique, mais ce n’est pas parce qu’une chose n’est pas scientifique qu’elle n’a pas de valeur : « l’avenir est ouvert » (Dialogue entre Karl Pauppers et Conrad Lorentz). L’essentiel est de séparer la science de la métaphysique : « Il serait ridicule d’interdire de parler de quelque chose parce que cela ne fait pas partie de la science … ». Nous pouvons dire beaucoup de choses qui ne relève pas de la science, amis il ne faut pas alors en faire des vérités scientifiques..Il y a différents niveaux de compréhension des choses et la science n’a pas le dernier mot sut tout.
Il existe d’autres disciplines, d’autres éclairages pour appréhender le réel que la science. Tous les chemins de connaissance mènent un jour ou l’autre à leur dimension métaphysique ? Einstein disait : « Ce qui est merveilleux, c’est que nous ne comprenions pas le monde, mais que le monde soit tel que nous puissions le comprendre ». Il ya aussi une différence entre rationnel et rationalisme. La raison n’est pas uniquement dans la science. Chaque discipline fonctionne avec ses lois internes et ses fondements métaphysiques qui ne relèvent pas tous de l’expérience ou la science.
Pour moi donc, la science laisse donc toute sa place à la métaphysique, puisque la métaphysique la fonde et l’analyse, donc la contient, est que la métaphysique est à l’œuvre dans d’autres disciplines que la science.
Débat :G Une phrase de Nietzsche avait inspiré ce thème: « La science déconstruit les mythes, les idoles, et désenchante le monde ». Hors de la seule définition de, au-delà (méta), devenu l’au-delà dans un certain nombre de religions, nous retrouvons une idée de ce questionnement métaphysique, dans cette quête indicible que dépeignait l’écrivain Romain Rolland dans une lettre à Freud. Il écrivait: « J’ai le l’impression de vivre dans un sentiment océanique.., j’appartiens à quelque chose que je ne comprends pas.., et qui sûrement existe ». C’est tout cet incompréhensible, ces notions insaisissables à notre raison, comme : l’éternité, l’infini, le néant, etc. se trouvent résumés dans ce mot de métaphysique.
Nous serions devant le refus du néant ! Refus de notre finitude, et dans ce besoin d’être inscrits dans un projet, d’être acteurs d’un programme concret.
Les sciences nous donnent aujourd’hui de plus en plus de réponses à des questions qui étaient auparavant du seul domaine de la métaphysique, laquelle métaphysique ouvrait des champs de réponses qui étaient du domaine des concepts a priori, des hypothèses, des présupposés, ou postulats; certain étaient érigées en vérités premières liées à un dogme, et ne pouvant être contestée. Les sciences ont peu à peu soulevé le voile de Maya, et écarté des présupposés, ceci, à partir du moment où les découvertes ont fourni des preuves probantes, concrètes par des d’expériences maintes fois renouvelées.
Dans nos attentes, dans nos questionnements nous mettons de l’émotionnel, et les réponses non scientifiques conserve cette nécessaire part émotionnelle. La nature de l’homme a horreur du vide; la raison n’explique pas tout, et, il y a des vides. Sous des formes différentes des options métaphysiques vont vouloir boucher les trous, on retrouvera là, par exemples les sectes. Mais au fur et à mesure que la science avance, les options métaphysiques reculent. La science nous parle du « comment » alors que la métaphysique c’est le « pourquoi ».
Enfin, je citerai des positionnements sur ce sujet de trois philosophes: Le premier qui est peu enclin à défendre la métaphysique, le second qui la défend, le troisième plus du côté de la science.
«…D’où la nécessité, d’une métaphysique, c’est-à-dire d’une explication derrière les phénomènes premiers […] Lorsque nous parlons « d’absolu, « d’infini » de supra sensible » et toute la série de ces négation pures, tout cela n’est rien que d’obscures idées associées ; pour faire court on pourrait appeler cela, la cité des coucous dans les nuages ». (Schopenhauer. Le monde comme volonté et comme représentation)
« Il est catastrophique de rendre clair et superficiel ce qui est caché au plus profond de l’homme, celui-ci doit comporter des arrières plans, une profondeur sur lesquels, s’assoient sa raison et sa conscience » (Jung).
« Ce sont ceux qui connaissent peu qui affirment, et non ceux qui connaissent beaucoup, qui affirment aussi catégoriquement que tel ou tel problème ne sera jamais résolu par la science ». (Darwin. La filiation de l’homme).

G Pour ce sujet je m’inspire pas mal d’Auguste Comte qui fait la théorie des trois états dans laquelle il avance que toutes les sciences passent par trois états. Le premier étant théologique, où l’on explique les phénomènes par le surnaturel, par les divinités ; et l’état final sera toujours l’état scientifique. Mais entre les deux s’insère un état qu’il appelle, l’état métaphysique, état entre la théologie et la science. Il avait couplé cela avec une autre théorie, la hiérarchie des sciences, une classification qui reflétait l’ordre dans lequel les sciences vont évoluer, jusqu’à l’état qu’il nommer « positif » ; Et pour lui cet ordre correspondait à la complexité croissante des phénomènes, où il mettait en premier, les mathématiques, ensuite l’astronomie, puis la physique, la chimie et la biologie, et enfin la sociologie, terme qu’il a inventé. Pour lui il interprétait la Révolution française comme une époque où la sociologie est passée de l’état théologique à l’état métaphysique. Donc si l’on acceptait de parler des rois, de droit divin, cela a été remplacé par la souveraineté du peuple. A la fin de sa vie, vers 1850, il avait beaucoup travaillé sur les sciences du cerveau. Il le divisant en trois appareils distincts : appareil affectif – intellectuel – actif. Trois cerveaux qu’on nomme maintenant « les trois cerveaux de Mac » : cerveau limbique – néocortex – cerveau reptilien, pour le cerveau actif. Ce qui est important pour lui c’est prééminence du sentiment ; toute pensée part d’un sentiment, d’un instinct, l’intelligence n’est qu’au service des sentiments. Il pense également qu’au-dessus de tout cela, il faut mettre une science de la morale, laquelle devait passer de l’état théologique à l’état métaphysique pour passer après à l’état scientifique. Il me semble que cela se soit vérifié. Effectivement, on peut dire qu’au 19ème siècle la morale théologique s’est effondrée, et une morale que j’associe aussi avec le freudisme l’a remplacée…A la fin de sa vie, il se dit : la science c’est bien, mais c’est pauvre, elle construit son image du monde , un peu comme un personnage « fil de fer » , ca ne parle plus beaucoup aux sentiments. Il faut faire appel à ce qui peut ré enchanter le monde, et il parlait carrément d’un nouveau fétichisme. Il y a certains scientifiques comme James Lovelocke qui ont proposé l’hypothèse de « Gaia », ce qui suppose le Terre comme être vivant. La science allait pouvoir se compléter d’une nouvelle forme d’animisme. Certains écologistes en reviennent à cela. Ya t-il là, un modèle, une leçon pour notre époque ?

G « Après la physique » un classement effectué par Andronicos de Rhodes, onzième successeur (78/47 av.JC) d’Aristote à la tête du Lycée et premier éditeur du corpus complet des ses œuvres vers 60 av. Ce sont les bases de la métaphysique aristotélicienne
Bien plus tard, Voltaire peu favorable à la métaphysique écrit ceci : « Le siècle des Lumières s’ingéniera à ridiculiser la métaphysique. Pangloss, précepteur de « Candide » enseignait la méta-physico-cosmolo- nigaulogie » ; Il prouvait admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause… » ou cette approche de Diderot et d’Alembert : « Tout a sa métaphysique et sa pratique. La pratique sans la raison de la pratique et la raison sans exercice ne forme qu’une science imparfaite. Interrogez un peintre ou poète, un musicien, un géomètre, et forcez le à rendre compte de ses opérations, c’est-à-dire à en venir à la métaphysique de son art. Quand on borne l’objet de la métaphysique à des considérations vides et abstraites comme sur le temps, l’espace, la matière, l’esprit, c’est une science méprisable. Mais quand on le considère dans son vrai point de vue, c’est une autre chose ».

G C’est vrai qu’à l’époque des Lumières, on voit cette manie de classification : des êtres humains, des plantes, des animaux ; on mettait des étiquettes sur tout, ça permet de bien ranger, ça permet de comprendre et de rassurer, mais d’un autre côté c’est peut-être limitatif. La science peut reculer la frontière à l’infini, le domaine de la métaphysique lui aussi est infini. Il y aura toujours une question derrière la question, c’est la question de l’œuf et la poule, ou qu’est-ce qu’il y avait avant le « big bang » ? .La science peut grignoter tout ce qu’elle veut, il y aura toujours de la place pour la métaphysique.
Darwin a eu un problème pour publier ses œuvres, il se trouvait face à une Eglise qui mettait l’homme au-dessus de tout, l’homme représentant l’idéal de Dieu. Et Darwin dit : non, l’homme est un accident comme toutes les autres espèces vivantes. Il égalise la souris et l’être humain, le singe et l’arbre.

G On a souvent exploité le Darwinisme en lui donnant les références du racisme, alors que la science n’a jamais amené au racisme. Il fut un temps où certains hommes n’avaient pas d’âme, comme les Indiens, les noirs, même les femmes n’avaient pas d’âme…

G Pour illustrer un des domaines où la science fait reculer la métaphysique, je prendrai un extrait d’une conférence faite récemment par le professeur Marc Perchanski, directeur de recherche de l’institut des cellules souche, à l’Inserm. Conférence débat le 28 novembre 2010 au 6ème salon des sciences et des techniques à Ivry s/Seine/ sur le thème « Le corps réparé », et la conférence « thérapie génique, de la paillasse au lit du patient » :
« La thérapie génique est partie d’un constat, que lorsqu’on ne peut pas changer l’organe, il faut aller faire les changements à l’intérieur de l’organe par la médecine cellulaire.
On savait déjà transférer des cellules, c’est ce qu’on fait depuis plus de cent ans avec les transfusions sanguines. Ce sont des cellules sans noyau, sans patrimoine génétique propre.
Vers les années 70 on avance en implantant des cellules souches avec patrimoine comme dans la moelle osseuse.., on va guérir des leucémies…
Début 80 on a commencé les cultures de cellules adultes, Ce fut d’abord pour les grands brulés. Avec un timbre poste de peau, en trois semaines on avait entre un à deux mètres de peau qu’on pouvait regreffer au même patient.
Puis en 98 on va commencer à travailler sur les cellules souche embryonnaires, cellules qui ne sont pas sénescentes, c’est-à-dire qu’elles sont immortelles; qu’elles peuvent proliférer à l’infini, et de plus être déspécialisées, déprogrammées pour faire, par exemple qu’une cellule de peau, puisse faire du muscle cardiaque, de l’os, du pancréas, etc.
La première souche prélevée dans l’embryon (aux Usa en 98) a été baptisée H1 ou « Humann one » « Humain n° 1 ». C’est comme une collision, une implosion métaphysique.
«La cellule est un candidat au statut officiel d’individu… La cellule est l’Etre vivant fondamental », nous dit Anne Fagot- Largeault (Collège de France)
De 1980 à 2010 la recherche et l’application en thérapie génique fait tomber tout un pan de la métaphysique, et nous savons que ces avancées scientifiques et technologiques sont pour l’instant exponentielles. L’homme manipule la vie, sélectionne la vie avec les diagnostiques préimplantatoires, et des fécondations in vitro. L’homme transgresse ce qui fut hier des règles intangibles, indépassables. On peut même greffer des organes d’animaux, tel des organes de porc sur l’humain, en créant, oh, horreur ! Aurions-nous dit hier: des chimères biologiques.
J’ai le sentiment qu’en trois siècles nous serions passés d’une idée de la vie humaine fabriquée avec un peu de boue, à la vie initiale retrouvée sur la paillasse d’un labo.
On peut se poser la question de savoir si notre ère, avec sa référence actuelle, ne va pas avec toutes ces extraordinaires avancées scientifiques et technologiques, initialiser un nouveau cycle : l’ère numérique, l’ère génétique, ou l’ère « Human one » ?. Toutes ces découvertes seront peut-être considérées demain comme une des Révoltions coperniciennes de nos sociétés. Ce n’est pas la fin de la métaphysique mais chaque rupture avec la métaphysique d’hier est un sérieux coup de balai sur nos croyances d’hier.

G Revenant à la poule et l’œuf, c’est résolu. Aujourd’hui on sait que l’œuf est le premier…

G Mais qui l’a pondu ?

G Une substance, qui n’était pas une poule quelque soit le nom qu’on lui donne

G La bactérie est la mère universelle nous disent des scientifiques, « Je suis un sucre de carbone » dit Albert Jacquard.

G Il est essentiel que la science progresse, ce qui ne change rien pour la métaphysique qui est d’un autre domaine, ce sont deux approches différentes ; l’une approche le monde phénoménologique, l’autre s’intéresse à autre chose. Les théories ne sont pas de même nature

G La science ne reconnaît pas Dieu, alors que la métaphysique peut reconnaître Dieu, et l’âme, la conscience…

G Le poème de Florence :
La science laisse-t-elle encore sa place à la métaphysique ?

Etre ou ne pas être telle est la vraie question
Et j’ère un peu au hasard dans cette étagère
Où des livres savants masquent la confession
De leur ignorance cachée sous la poussière

Et j’ère un peu au hasard dans cette étagère
Où des sciences très dures ont construit le bastion
De leur ignorance cachée sous la poussière
Il n’est rien qui n’échappe à leur juridiction

Où des sciences très dures ont construit le bastion
La forêt enchantée a fermé la frontière
Il n’est rien qui n’échappe à leur juridiction
Le comment a tué le pourquoi, le mystère

La forêt enchantée a fermé la frontière
Je m’égare éperdue entre deux dimensions
Le comment a tué le pourquoi, le mystère
S’épaissi et recule juste avant l’implosion

Je m’égare éperdue entre deux dimensions
La vérité est nue, une brume légère
S’épaissi et recule juste avant l’implosion
Des âmes qui déchirent en quittant l’atmosphère

La vérité est nue, une brume légère
Dévoile au gré du vent la prédestination
Des âmes qui déchirent en quittant l’atmosphère
Entre trou noir, paradis ou transmigration

Dévoile au gré du vent la prédestination
La balance de la science ne pèse pas la misère
Entre trou noir, paradis ou transmigration
Sur le fil du hasard les aléas se gèrent

La balance de la science ne pèse pas la misère
Des milliards d’inconnues se mettent en équation
Sur le fil du hasard les aléas se gèrent
Calcul égoïste, rationalisation

Des milliards d’inconnues se mettent en équation
La probabilité d’évènements éphémères
Calcul égoïste, rationalisation
Pour le profit certain de celui qui espère

La probabilité d’évènements éphémères
Où le bien n’est plus qu’une participation
Pour le profit certain de celui qui espère
Des tables de la loi, la libre association

Où le bien n’est plus qu’une participation
A un contrat social en CDD précaire
Des tables de la loi, la libre association
Et la mort est indice et la mort se suggère

A un contrat social en CDD précaire
Je suis un courant d’ondes, je suis une opinion
Et la mort est indice et la mort se suggère
Sur le bord instable d’un monde en révision

Je suis un courant d’ondes, je suis une opinion
Je suis de feu, de bois, je suis un courant d’air
Sur le bord instable d’un monde en révision
La vérité n’est plus qu’une pauvre mégère

Je suis de feu, de bois, je suis un courant d’air
Aurai-je encore le droit à l’imagination
La vérité n’est plus qu’une pauvre mégère
Etre ou ne pas être telle est la vraie question

G Au-dessus de la sociologie il y a la morale, laquelle permettait de réguler l’inexplicable, le sens de la vie. On n’a jamais expliqué pourquoi ce monde est si malade et comment les hommes tiennent debout, de quoi ils sont faits. La religion s’est emparée de la métaphysique, laquelle recouvre tous les domaines là où il y a de la vie : vie affective, vie quotidienne, et tous les maux. Que ce soit le bonheur ou l’angoisse de vie, tout cela rentre dans le cadre de la métaphysique. La religion a réduit cela à Dieu. Dieu est une notion qui est dans certains esprits quel que soit le pays. C’est l’idée de quelque chose qui serait au-dessus de nous et qui donnerait un sens à la vie, qui donnerait l’explication. La métaphysique enveloppe tous ces questions qu’on peut se poser.

G On a dit en quelque sorte que la science et la métaphysique ne se marchaient pas sur les pieds. Il y a des gens qui disent la même chose pour la théologie et la science. Et pourtant historiquement, elles se sont toujours marché sur les pieds. La théologie dans le passé a occupé un certain nombre de domaines, dont maintenant la science l’a chassée.

G J’ai déjà dit que la métaphysique n’était pas religieuse, et que la métaphysique inclus la science. La science fait partie de la métaphysique qui est là au fond de ses recherches, au-delà de l’empirisme. Toute discipline peut-être considérée comme une science, si, il y a une approche systématique. On peut tout approcher par la méthode scientifique, et cela peut être appliqué à toutes les disciplines, donc toute science n’est pas science exacte. Chacun a sa définition de la science. Il y a un certain nombre de théories matérialistes que l’on ne discute pas, jusqu’au jour où elles sont remplacées.
Et je repense à notre dernier débat autour du mythe avec nos amis les conteurs, autour des légendes. Ce genre d’approche de la réalité autrement, comment cela peut-il s’articuler avec les sciences ; ou est-ce de la métaphysique? L’imaginaire est dans la dimension métaphysique. Est-ce qu’il n’y a pas des domaines entiers à découvrir, hors de la physique et qui laissent toute la place à la métaphysique, sans faire référence à la religion qui n’a pas sa place en philosophie. Un esprit philosophique n’a pas besoin de s’emmêler dans les croyances.

G Ceux qui travaillent dans les sciences sont confrontés à deux mythes symétriques. Le premier, est pour les chercheurs de protéger l’activité scientifique de toute pollution par les idéologies, les intérêts, les passions et les modes. Le second est, véhiculer par des autorités, morales, intellectuelles, religieuses, des valeurs pour protéger contre les conséquences de progrès incontrôlés de la science et de la technologie.

G Le questionnement que nous nommons métaphysique prolonge l’enfant qui déjà demandait : « Dis ! Papa, pourquoi ? Dis ! Maman, pourquoi ? ».
Revenant à Leibnitz dans son ouvrage « Discours de la métaphysique », ce dernier nous dit que: si la science s’en tient aux seules lois physiques. La métaphysique, elle, laisse grandement ouvert le champ des hypothèses. Et là, toutes les hypothèses sont recevables. Donc si l’une de ces hypothèses nous dit-il est l’explication de toute chose, toutes les autres hypothèses se trouveront finalement invalidées. Il nous dit qu’il ne saurait y avoir d’effet sans cause, et qu’il existe la « raison suffisante » le divin, ce qui a l’avantage de mettre un terme à l’infernale chaîne des causalités.
Nous avons un exemple où poussée à l’excès cette « raison qui ne démontre pas », la raison suffisante en vient presque à nier la science, et jusqu’à interdire l’enseignement de la théorie de l’évolution, c’est le « Créationnisme ». Ce positionnement se retrouvait même chez un auteur de renom français : « Il y a toujours un moment où la curiosité devient un péché, et le diable s’est toujours mis du côté des savants » (Le jardin d’Epicure. Anatole France).
Les domaines d’exploitation, de recherche de la science, les questionnements, sont aujourd’hui aussi nombreux que le sont les questions métaphysiques des hommes. Le scientifique quel que soit son jugement quant aux croyances est toutefois obligé, d’explorer d’autres hypothèses, d’autres possibles. La psychologie et la neuropsychologie nous renseignent en partie sur le conscient comme parfois sur l’inconscient. Qui par exemple aujourd’hui nous parle encore d’âme au sens où ce mot était entendu il y a un siècle. Nombre de conceptions métaphysiques d’hier sont renvoyées aux calendes grecques. En plus de deux mille ans, exit les dieux de Babylone et d’Egypte, exit les dieux grecs et romains ; exit les devins, mages, sorciers et sorcières, exit nos chers alchimistes. La science nous entraîne de plus en plus vers un certain réalisme. Et, le monde, pour répondre à la prédiction de Nietzsche, ne semble pas pour autant « désenchanté ! »!

G « En métaphysique rien n’est sûr, sauf la migraine qui en est le prix » (Schopenhauer)

G C’est une position que de penser que la science est capable d’expliquer tout. La science n’est pas dans le déterminisme. Avant nos contemporains, nombreux furent les philosophes qui veillaient à ce que la métaphysique ne perde pas sa place prépondérante dans la philosophie, et que la science ne vienne pas créer ce « désenchantement », ce que nous pouvons le trouver dans le propos d’un autre philosophe de renom, Cournot en 1851 (Essai sur les fondements de nos connaissances. A. Cournot. 1851. Page 209/210) : « …un voile mystérieux recouvre et doit nécessairement recouvrir, non seulement l’origine de la vie,… Il ne s’agit pas ici d’un problème de métaphysique, comme de savoir si le monde est, ou n’est pas eternel, si la matière est crée ou incréée, si l’ordre dépend de la Providence ou du hasard…Il y a une véritable lacune dans le système de nos connaissances, lacune que la raison éprouve le besoin de combler », qui parlerait ainsi aujourd’hui ?
L’approche scientifique est nécessairement matérialiste. Si elle fait reculer le champ de la métaphysique, ce n’est pas dans sa démarche. La métaphysique n’est pas morte pour autant. La métaphysique ne sera complètement morte que lorsque la science nous aura rendus immortels, puisque c’est notre finitude qui est le premier fondement de la métaphysique. La métaphysique est assez souvent un regard en arrière, la science dans sa plus grande partie est axée sur « ici et maintenant » ; améliorer aujourd’hui pour demain.
« Le comment m’intéresse assez pour que je renonce sans regret à la vaine recherche du pourquoi ». (Roger Martin du Gard). Nous ne pouvons que difficilement imaginer un monde où la science nous aurait donné l’explication de toute chose. Cela peut nous effrayer, car ce grand vide métaphysique pourrait signifier la fin de l’humanité

G C’est notre dernier débat de cette année 2010, et dans quelques jours les fêtes de Noël, ce qui nous vaut cette information : des scientifiques ont mis des capteurs dans les cheminées, afin de récupérer quelques poils de la barbe du Père Noël. Cela permettra de faire une analyse génétique. Et alors on va tout savoir !
Et même ajoute quelqu’un, « même savoir qui est son père ! »

Quelques ouvrages cités:
La filiation de l’homme. 1871Darwin.
Candide. 1759Voltaire.
Discours de la métaphysique. 1686. Leibnitz ;
Essai sur les fondements de notre connaissance. 1851. Cournot.
Le monde comme volonté et comme représentation. 1819. Shopenhauer

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3 réponses à Thème: « Les sciences laissent-elles encore une place à la métaphysique ? »

  1. Pr S. Feye dit :

    La métaphysique est définie par Gérard Dorn dans le tome 2 de l’Artificium Chymisticum de 1559, p. 3 et suiv., où il commente la Table d’Émeraude d’Hermès.
    Je résume: La Nature (physis), et donc la physique, est vraie et fausse. La métaphysique sépare ces deux spagyriquement pour obtenir le vrai, le certain et le très véritable …

    Si cela intéresse quelqu’un, les éditions belges « Beya Éditions » (Grez-Doiceau) ont publié plusieurs livres dont l’intérêt historique, philosophique, et universitaire semble évident. Il s’agit notamment de l’oeuvre, des commentaires, et des polémiques suscités par Paracelse, auteur très connu dans le monde germanophone mais, curieusement, très peu édité en français. Son grand diffuseur en latin fut Gérard Dorn (16ième s.), auteur belge travaillant pour le frère du roi de France. Les ouvrages proposés par Beya sont traduits du latin en français pour la première fois.
    En voici la liste:

    N° 13: Paracelse, Dorn, Trithème, 2002. I.S.B.N. 978-2-9600575-7-7

    N° 14: Défenseurs du Paracelsisme Dorn, Duclo, Duval, 2013. I.S.B.N. 978-2-9600575-9-1

    N° 16: La Clef de toute la philosophie chimistique, et Commentaires sur trois traités de Paracelse, 2014. I.S.B.N. 978-2-939729-01-5

    N° 5: Les Arcanes très secrets de Michael Maier, 2005. I.S.B.N. 2-9600364-5-X

    N° 15: Jean Reuchlin, Le Verbe qui fait des merveilles, 2014. I.S.B.N. 978-2-930729-00-8

    Très cordialement.

    Pr Stéphane Feye
    Schola Nova (non soumise au décret inscriptions) – Humanités Gréco-Latines et Artistiques
    http://www.scholanova.be
    http://www.concertschola.be
    http://www.liberte-scolaire.com/…/schola-nova
    http://online.wsj.com/news/articles/SB10001424052702303755504579207862529717146
    http://www.rtbf.be/video/detail_jt-13h?id=1889832

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