Thème: Peut-on dire, quand on veut on peut

Restitution du débat  – Café-philo de Chevilly-Larue
26 octobre 2011

Mahatma Gandhi.

Animateurs : Guy Pannetier. Guy Philippon
Modérateur : Lionel Graffin
Introduction : Guy Pannetier

Introduction : Pour débuter cette introduction, je demanderai à tous les participants : quels sont ceux de vous qui ont une Rolex ? 
Apparemment personne. Alors, pour ceux qui ont passé la cinquantaine, vous avez raté votre vie, vous n’avez pas eu de volonté, car le publiciste Ségala nous l’a dit: « Si a 50 ans t’as pas une Rolex, t’as raté ta vie ! ». 
Philosophiquement, le vouloir nous intéresse au premier chef ; ce vouloir qui est l’aiguillon qui nous pousse vers la réalisation de nos désirs. Mais nous savons que le « vouloir » ne suffit pas toujours. « Je voudrais bien, mais j’peux point », disait la chanson. De plus, pris au pied de la lettre, l’expression « quand on veut, on peut » signifierait que la pauvreté est un manque de volonté, cela se traduit par : pas de Rolex, pas de yacht, pas de propriété sur la côte… Si on pouvait tout ce qu’on veut, on cesserait bientôt de vouloir et « les oies voleraient toutes rôties ». Malgré tout notre vouloir, nous savons que la réalisation de nos désirs, nos projets, sont soumis à des contingences, et c’est se raconter des histoires que de dire comme nous l’assénait il y a quelque année un ex- Président de la République: « Quand on veut, on peut » ; même si l’on ne doute pas  que « le pouvoir » aide beaucoup le vouloir.
Quand je joue au loto, soyez assurés que je veux gagner, et pourtant ! Lorsqu’il s’est élancé de la falaise vers la mer, Icare voulait réellement voler comme les oiseaux. Le malade peut vouloir guérir ; c’est un atout primordial pour guérir, mais ce n’est pas tout ; vouloir et pouvoir dans ce cas montrent  les limites. Nous ne voulons pas vieillir et au final cette volonté se brise sur le rocher des réalités. 
Par ailleurs, avec le « je veux », l’enfant découvre sa puissance, puis très vite, les limites. Ces limites sont aussi un élément nécessaire à notre construction. Ainsi, nous apprenons la modestie, nous apprenons à mesurer, nous découvrons qu’il peut exister, qu’il doit exister une mise en garde des débordements de nos vouloirs. Etre heureux, disait le philosophe anglais Hobbes, « c’est obtenir ce que je veux, toujours », « et quant au bon ou mauvais, il n’appartient qu’à moi d’en décider », « est bon ce que je veux » ; autrement dit : «Qui veut la  fin, veut les moyens ».
Celui-là voudrait tuer sa belle-mère, « il peut », et en même temps, « il ne peut pas » ! Je peux griller un feu rouge, et en même temps, je ne peux pas ; je ne peux ne pas ne pas vouloir être sanctionné ; autrement dit, le vouloir est conventionnel. 
Ma volonté n’est pas libre,  elle est entravée. Cette contrainte de l’exercice de mon pouvoir que m’impose l’autre peut amener certains à utiliser des moyens qui répugnent à d’autres, à utiliser l’homme « en temps que moyen », voire, l’amener à souhaiter prendre le pouvoir sur les autres, voire arriver à être numéro un de quelque chose pour pouvoir, avec arrogance, dire à son tour : « Quand on veut, on peut ». Un autre Président de la République nous disait il y a cinq  ans, quand il était candidat : « Si je suis élu aucun SDF ne mourra dans la rue ». Comme dit le Proverbe espagnol : « Del dicho al hecho, hay un trecho ! » (Entre dire et faire, il y a une lieue !).

Débat : G Il y a plein de façon d’envisager le terme « pouvoir » et le terme « vouloir ». Si l’on dit : « je veux », ça peut être, « je souhaite » ou « je désire » ou « j’ordonne » ; cela peut être un caprice d’enfant. Il y a de nombreuses nuances. Il y a la part d’impulsion et aussi heureusement de la réflexion ; « je veux » et pour cela je construis mon vouloir pour pouvoir. Ce pouvoir a aussi des sens divers, comme  pouvoir maléfique, absolu, politique et n’être que promesse : « – Pouvez-vous le dire ?- Oui, je peux le dire ! – Bravo !  Il peut le dire, il est extraordinaire ! », et rien de plus (extrait du sketch « le Sar Rabindranath Duval » de Francis Blanche et Pierre Dac en 1957). Donc vouloir et pouvoir peuvent parfois rester lettre morte. Cela ne garantit aucune volonté d’action. De plus, a-t-on les capacités, l’autorisation, est-ce légal ? Est-ce moral ?

G Nous avons un pouvoir décisionnaire qui consiste à faire reposer tout le système de normes sur une pure et simple décision d’autorité quand il s’agit du pouvoir personnel. Par exemple : si je suis assise à ma table de travail occupée à quelque chose d’urgent, et que tout à coup, je me dis : Tiens ! Il fait beau dehors, et je vais aller faire un tour. Ou alors, je me pose la question,  je vais faire un tour et reprendre mon travail après ; c’est déjà un début de réflexion. Et, troisième option, je reste à mon travail car je sais qu’il doit être terminé au plus vite ; donc j’ai réfléchi et j’ai pris en compte la finalité. J’ai résisté à cette volonté première, qui ressort de la spontanéité, sans réflexion sur les conséquences. La dernière option démontre une attitude réfléchie et analysée. Et cela reste un acte de liberté, faire ou ne pas faire, même si cette volonté se mesure en degrés…

G Nous retrouvons très souvent ces cas de « volonté pulsion » contre « volonté raison ».

G Les degrés de la volonté sont évidents ; le premier degré, c’est la velléité, et le dernier degré, c’est le dépassement. C’est par le dépassement que la volonté devient pouvoir, c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait un acte particulièrement hors du commun, ou particulièrement héroïque. Ce sont des exemples comme « La bataille de Fort Alamo ». Autre exemple, en médecine, les actes de folies où des gens sont capables de développer soudain une force physique inimaginable.
La révolte est également un passage de la volonté à « pouvoir ».

G Cette volonté de dépassement, cette volonté de puissance, se retrouve dans la philosophie de Nietzsche. C’est celle du surhomme, laquelle n’est pas bien sûr de faire un homme d’une race supérieure, mais un homme apte à dominer son vouloir, affronter, refuser s’il le faut les volontés institutionnelles, temporelles comme intemporelles. C’est vouloir par soi-même, c’est  se rendre digne d’assumer sa propre volonté.
Pour Schopenhauer, qui est la grande référence philosophique de ce concept de volonté, avec  son célèbre ouvrage : « Le monde comme volonté et comme représentation » (1818), la volonté est la seule et unique force qui dirige l’homme. Elle est, la plupart du temps, plus forte que sa raison, quand elle ne l’asservit pas. La volonté, pour lui, est le malheur de l’homme, car il en est l’esclave.Alors que, pour Nietzsche, la volonté, c’est ce qui peut grandir l’homme, le transcender.

G Il y 35 ans (environ), un fait divers nous parlait d’une petite femme de 40 kilos qui était arrivée à soulever une voiture pour dégager son fils. Elle a développé une force extraordinaire, elle est allée chercher au plus profond d’elle-même des forces qui ne lui appartenaient pas. On ne sait pas toujours de quoi on est capable. Des circonstances nous révèlent la puissance de la volonté.

G Sur mes bulletins de note, il y avait toujours marqué : « Peut mieux faire ! », ce qui sous-entendait : si elle ne peut pas, c’est qu’elle ne veut pas ; c’est vraiment « une grosse feignasse ! ». C’est que quelque fois on voudrait bien, mais on peut point ; car ce qui s’oppose à la volonté, c’est la flemme. Je voudrais pouvoir parler du pouvoir de la flemme. Je suis souvent atteinte de crise de flémingite aiguë. Ce qui manque alors, c’est le coup de pied aux fesses !

G « Quand on veut, on peut », avons-nous dit au départ ! Mais comment mesurer réellement nos possibilités. Comment pouvons-nous mesurer ce qui est dans nos aptitudes, ce qui est du domaine du possible, du réalisable ? Parfois, les individus se surestiment ; ils veulent, mais vont à l’échec. D’autres fois, ils se sous-estiment, ils n’osent pas et passent à côté de leur chance. Cela pose la question de la confiance en soi, laquelle confiance ne se décide pas d’un coup ; il faut un climat favorable, il faut surtout la confiance d’un autre, d’une autre, la confiance des autres ; c’est alors, plus, le « on » que le « je ». Souvent volonté et possibilité ne font pas le tandem utile. Et là, les échecs de nos désirs, de nos vouloirs, mêmes contrariés, nous construisent. C’est parce qu’on ne réussit pas à tous les coups qu’on apprend l’opiniâtreté, que nous persévérons. Cette volonté, qui tient sa source dans l’élan vital de la vie, peut être imagée par la plante, tel le rosier, dont les tailles sont nos échecs qui nous permettent de repartir de plus belle.
Heureusement, nous ne sommes pas jugés qu’en fonction de la réussite de ce que nous entreprenons. Hors le jugement de soi-même, nous sommes aussi jugés sur la volonté que nous avons mise en œuvre dans nos projets. « To do is to be», « Faire, c’est être », disent les Anglais. J’aime bien cette approche, car elle valorise l’homme en tant qu’acteur de sa propre vie et non pas exclusivement sur des résultats. « Nous sommes les choix que nous avons fait », philosophie existentielle, mais aussi et surtout de la volonté mise dans ces choix. Cesser de vouloir peut nous amener à dormir sous les ponts ; c’est le vouloir qui nous tient debout.

G La volonté peut être l’opposé du renoncement. Quand il y a un engagement, la volonté peut être un moteur qui utilise la pugnacité, la persévérance, du courage; cela donne de l’énergie : « Je veux y arriver ». Mais il peut y avoir de « la mauvaise volonté » où l’on y met autant de force. Positive ou négative la volonté est une action, une volonté de s’engager. Mais la volonté peut même obnubiler, asservir la personne dans un projet qui la dépasse, jusqu’à épuiser toutes ses forces.

G Il y a deux formes de volonté : la volonté individuelle, et la volonté collective. La volonté individuelle, cela désigne une faculté de l’esprit, donc c’est singulier. Et on peut dire que nous-mêmes qui nous disons semblables, on « est », avec nos différences. Donc, si on cherche la volonté, on cherche la volonté chez une personne, et bien sûr celui qui va la chercher, si c’est à l’extérieur de sa personne, cherchera aussi à connaître le résultat. La liberté pour un individu peut correspondre au libre arbitre par la faculté de choisir, du pouvoir de décision, de la volonté qui délibère ; l’individu pourra dire : « J’exerce ma volonté. »
Comment va émerger cette catégorie psychique qu’est la volonté, l’expérience des décisions ressenties comme libres ;
Est-ce la somme de ces décisions qui fini par révéler à qui les a prises l’existence dans l’être humain d’une faculté de choisir ? Finalement, est-ce agir conformément à sa nature ? Il n’est pas de faculté plus spéciale que l’instinct pour rendre compte des agissements spontanés ; agir naturellement, sans contrainte. Cicéron montre comment la catégorie de volonté naît de l’harmonisation des deux registres, c’est-à-dire de la nature et de la raison. Pour lui, la conception de la volonté, c’est comme un compromis d’élan naturel qui constitue l’héritage antique de la notion. La volonté ce serait un peu ce qui désire avec raison. Ça c’est la volonté individuelle.

G Mai 68 est parti de la volonté d’un tout petit groupe, quelques personnes, et cela est devenu une volonté collective. Et actuellement on voit se développer une volonté collective à partir d’un petit bouquin, « Indignez-vous ! » de Stéphane Hessel. Cela crée un mouvement qui gagne tous les pays ; c’est la volonté de s’indigner ensemble.

En réaction, trois remarques :
1°) On ne peut évacuer le fait qu’à l’origine la volonté ressort de l’instinct, qu’elle a permis de développer les moyens de se nourrir, de chasser… C’est ce que Freud nous montre avec, dans les trois instances directives, le « ça », celui qui veut en-dehors et avant la raison, la volonté pulsionnelle, volonté primaire
2°) La volonté collective restera toujours la somme de volontés individuelles. La volonté collective ne se décide pas, ne se crée pas comme cela ; ce n’est que la somme des « je » ; c’est la volonté réelle et affichée  des uns qui entraîne les autres.
3°) Ces 19 pages du  petit livre « Indignez-vous ! », c’est bien si cela fait découvrir à un grand nombre de réels problèmes dont on pouvait penser que tout un chacun les connaissait déjà. Néanmoins, après avoir vu ces divers mouvements, comme ceux de la Plazza mayor de Madrid, au-delà, il n’y a rien. La volonté devrait mener à faire mieux que s’indigner, ce « sans suite » n’est-il qu’une posture morale. Il faut marquer une réelle volonté politique, un engagement, et déjà voter !

G Quand j’étais môme, ma mère me reprochait de ne pas vouloir ; elle me disait : « Quand on veut, on peut ». Comment faire une chose sans en avoir envie ? Il n’y a pas volonté ou absence de volonté ; il y a alors volonté qui s’apparente au forçage de l’envie, une obligation de soi contre soi. Le pouvoir de se forcer à …
Le mot volonté me gêne, je l’associe à une injonction du « surmoi ». C’est un ordre qui vous contraint pour je ne sais quoi : faire plaisir à l’autre, à la mère, au chef, à la société. Je préfère, le désir, l’envie…

G Cette expression, « Quand on veut, on peut », a été inventée pour forcer les gens à faire quelque chose. C’est : si tu ne peux pas, c’est que tu es un incapable ! Et avec ça, on mène des peuples…

G Quand j’étais gamine, ma mère (très catholique) me disait : « Ce que femme veut, Dieu le veut ! » ; j’aurais bien voulu être, grande, mince, et blonde !…

G La volonté est au cœur du monde de la recherche. Quel chercheur n’a pas voulu mettre au point un vaccin ? Guérir telle ou telle maladie ? Mais il y a une notion d’outil, de pouvoir. Une équipe a beau vouloir, mettre toute sa hargne, il y a la nature. Et souvent on met en œuvre une volonté sans connaître quelle finalité.

G Je n’ai pas de volonté, je fais les choses, contrainte et forcée. Je dépose ma déclaration d’impôts le dernier jour, à la dernière heure.

G La volonté engage notre responsabilité toute entière. Certains auteurs voient dans la volonté un prolongement et parfois une confirmation de la vie affective dans le sens où il faut faire des choix. Par exemple : « Il faut boire, dit la fête ! Voici les buvables, dit la sensation à l’intelligence, et aussitôt on boit ». Pour ces auteurs, la volonté ne serait pas autre chose qu’une tendance affective véritable et propre.
Une des caractéristiques de l’activité volontaire chez Spinoza, c’est l’importance des éléments représentatifs. Il identifie sans réserve la volonté et l’entendement, la volonté n’étant, selon lui, que la force inhérente aux idées. Par contre, le psychologue Théodule Ribot fait remarquer dans « Les maladies de la mémoire » (1881) que l’analyse de la décision volontaire est du jugement et que le choix volontaire n’est rien de plus qu’une affirmation pratique, un jugement qui s’exécute. La plupart des psychologues classiques pensent que la volonté est une puissance à part parmi d’autres fonctions de l’esprit, agissant tout d’un bloc.
L’individu ne vivant pas seul, il a donc des facteurs sociaux de la volonté. Au dessus de l’individu, il y a la société, et c’est d’elle qu’émanent les forces de l’être, de se constituer, de choisir.

.G Je ne pense pas que la volonté collective ne soit que l’addition des volontés individuelles. A partir du moment où il y a un collectif, il y a quelque chose de totalement différent. La preuve est notre débat de ce soir : tout ce qu’on a dit permet de faire avancer la réflexion, et d’une réflexion collective, d’une volonté collective va sortir quelque chose de complètement différents des volontés additionnées, des volontés individuelles.

 

G Pour ce qui est du lien entre le désir, le vouloir et le pouvoir, finalement, quand on regarde d’un peu près les citations sur ce sujet, ce qui est souligné, c’est que « Quand on veut»,  peut-être qu’on peut. Mais enfin, comme on ne le sait pas dès le départ, alors il faut essayer.
C’est-à-dire, que parfois, on veut, mais il y a quelque chose qui nous dit qu’on ne va pas y arriver, et on n’essaie pas. Paolo Coelho écrit : « La seule chose qui puisse empêcher un rêve d’aboutir, c’est la peur d’échouer. »

G La mise en œuvre de la volonté n’assure pas la réussite, avons-nous souligné, et c’est ce que nous explique Cicéron aveC la métaphore du tireur à l’arc. Je  suis l’homme qui actionne l’arc, je suis sa force physique, l’énergie mise en  œuvre. Mon attention, la réflexion, la visée sont des moyens intellectuels de l’appréciation des moyens pour atteindre la cible, la cible représente l’objectif à atteindre, la représentation de l’objet de ma volonté.
Des individus ont des qualités intellectuelles supérieures et par paresse ils ne s’en servent pas, ou ne veulent pas prendre de risques : « Tu es invincible, si tu n’engages jamais aucun combat où il ne dépende pas absolument de toi de vaincre » (Epictète. Pensées et entretiens). A ceux-là, il restera  la possibilité de dire : « Si j’avais voulu, j’aurais pu ».
D’autres individus avec des possibilités moindres vont obtenir de meilleurs résultats, cela par pugnacité, par courage, ambition, confiance et souvent beaucoup de travail.
Cette manière de prendre en compte les efforts d’un individu tout autant que la réussite de ses projets est philosophiquement intéressante ; elle est de nature à mettre en paix avec soi, car, à part peut-être quelques-uns parmi nous, nous avons eu beaucoup d’échecs.
Le tireur à l’arc (de Cicéron) peut manquer la mouche, c’est  qui se passe le plus souvent,  mais il ressort digne, car il a mis les moyens en œuvre. S’il se rencontre (oserais-je dire), il n’aura pas à changer de trottoir.

G Dans pouvoir et vouloir il y a des interférences, et même si le vouloir est fort, il faut « le savoir » (le savoir-faire, la compétence, les connaissances). En effet, « Je veux, je peux », c’est insuffisant et incomplet, si je n’ai pas le savoir. Il faut aussi rajouter l’action : je me lance, j’agis, j’entreprends et j’arrive à. Le résultat, peut être bon ou mauvais, mais je me mobilise et je vais jusqu’au but fixé. « Veni, vidi, vici » (Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu), a formulé Jules César.

G Je ne suis pas d’accord avec la formule « Nous sommes les choix que nous avons faits » (existentialisme). Quelquefois, on nous a imposé ces choix ; on aurait bien voulu, mais les autres, la vie, en ont décidé autrement.

G Cette philosophie existentialiste n’est possible que dans le cadre d’un libre exercice de sa liberté.

G « Quand on veut, on peut », peut-être que ce sont là des paroles de nantis. Il y a bien des pays où tant de choses ne sont pas possibles. Il faut avoir la chance de vivre dans un pays, une société, où l’on peut vouloir.

Premier poème de Florence :
Le champ de l’impossible
ou
Peut-on dire : quand on veut, on peut.

Je suis une charrue tirée par des vœux
Et je laboure le champ de l’impossible
J’ai modelé le marbre de tes aveux
Pour y composer le chant de l’indicible

Et je laboure le champ de l’impossible
Pas à pas dans ses sillons un peu baveux
Pour y composer le chant de l’indicible
Qu’on ose murmurer en fermant les yeux

Pas à pas dans ses sillons un peu baveux
J’ai semé le souhait irréversible
Qu’on ose murmurer en fermant les yeux
L’univers est à moi, je suis invincible

J’ai semé le souhait irréversible
De remplir à ras bord tous les songes creux
L’univers est à moi, je suis invincible
Je serai joyeux jusqu’à mes derniers feux

De remplir à ras bord tous les songes creux
J’ai caressé mon étoile inaccessible
Je serai joyeux jusqu’à mes derniers feux
Seule l’hésitation reste imprescriptible

J’ai caressé mon étoile inaccessible
Elle s’est blottie en moi comme un chat frileux
Seule l’hésitation reste imprescriptible
Je suis une charrue tirée par des vœux

G Pour Jean-Jacques Rousseau, dans « Du contrat social », le problème majeur est de fixer l’usage de l’expression « volonté générale ». Alors, c’est pour cela que lorsqu’on dit volonté collective, on rejoint volonté générale ; c’est sûr qu’il y a de la différence, et bien des différences, entre la volonté de tous et la volonté générale, la volonté de chacun et la volonté générale…  » Il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous et la volonté générale ; celle-ci ne regarde qu’à l’intérêt commun, l’autre regarde à l’intérêt privé, et n’est qu’une somme de volontés particulières : mais ôtez de ces mêmes volontés les plus et les moins qui s’entre-détruisent, reste pour somme des différences la volonté générale. » (Jean-Jacques Rousseau)

G La force de la volonté diffère suivant les individus, nous disposons de plus ou moins de vitalité. Chez les grands émotifs, à cause de l’embarras d’exercer librement leur volonté, ils se trouvent en difficulté. Chez les étourdis, les agités, leur défaut de réflexion et de concentration fait qu’ils ne sont pas capables de pouvoir agir comme ils le voudraient, de même que les hésitants et les irrésolus (tel l’âne de Buridan). La volonté s’éduque. La volonté à mon sens ne peut guère se séparer de l’intelligence, il faut savoir la cultiver : « Mon corps est un jardin, ma volonté est son jardinier. »
Apprendre à vouloir, apprendre à réfléchir, c’est aussi apprendre à fixer son attention, parce que l’étourderie, la dispersion sont néfastes à la volonté. Pour vouloir fortement, il est nécessaire de voir clairement le but que l’on veut atteindre, de se le représenter d’une façon concrète et de prévoir dans la mesure du possible les différents scénarios. Descartes précise dans ce sens : « D’une grande clarté dans notre entendement suit une grande inclination dans la volonté »

G Depuis le début de ce débat nous avons navigué entre volonté et pouvoir ou possibilité, et aussi réussite de ce qu’on a désiré. On fait un large tour des moyens, par degrés. Il en reste bien sûr d’autres, dont celui qui était latent dans l’affichette qui annonçait ce café-philo, puisque c’est une photo de Gandhi qui avait été choisie. Gandhi nous a montré qu’avec la persévérance (le jeûne, puis la prison), il a su chasser de son pays la force dominante qu’était l’Angleterre en s’opposant avec une volonté qui s’est avérée efficace,  « la non-violence » !

Texte/chanson :
[………..]
Je veux aller où je veux quand je veux en esquivant les frontières
Par tous les moyens nécessaires, ça m’est cher et je le ferai
J’irai où je le pense, partir, courir ou bien rouler
Où je veux, quand je veux, en esquivant les frontières
Y aller franchement, droit devant, ne plus reculer
Où je veux, quand je veux, m’en aller, rien ne peut nous freiner
[……..]
(Texte du rappeur Koma. Album Le Réveil)
Tout le texte sur : http://www.rap2france.com

Texte/chanson :
« T’as voulu voir Vierzon, et on vu Vierzon,
T’a voulu voir Vesoul et on a vu Vesoul
T’as voulu voir Honfleur et on a vu Honfleur
T’as voulu voir Hambourg et on a vu Hambourg
[……]
Mais je te préviens, j’irai pas à Paris
………..
(Vesoul. Jacques Brel)

G J’ai la volonté d’aider, de vouloir faire sortir une personne d’une situation difficile. Il m’arrive que la personne me dise : Oui ! Je veux bien ! Mais ensuite, elle ne fait aucun effort pour s’aider elle-même. Je veux pour cette personne et je ne peux pas vouloir pour elle. Vouloir pour les autres semble plus difficile que vouloir pour soi.
Vouloir à la place des autres, c’est mission impossible !

G Vouloir pour l’autre et échouer, c’est que nous rencontrons avec les personnes victimes d’addictions : alcool, drogues, tabac, etc. Ces personnes vous assurent qu’elles veulent arrêter, mais quelque chose comme une volonté négative, bien plus forte en eux, veut et prend le dessus…

G Notre volonté est aussi l’objet de nombreuses attentions. Attention de la part de ceux qui veulent nous vendre un produit, qui veulent nous vendre une idée. Autrement dit, nous pensons que dans nos choix nous exerçons notre volonté, alors que nous ne réagissons en fait qu’à des stimuli. Ce n’est pas un manque de volonté, puisqu’on le veut, mais c’est surtout céder « aux désirs qu’on nous infligent » et « qui nous affligent », comme dit la chanson (Foules sentimentales) d’Alain Souchon, et vous avez la liberté de vouloir ce produit, « parce que vous le valez bien ».  Pour les publicistes ce serait : notre volonté de vendre devient votre volonté d’acheter. C’est : exercez votre volonté, « cédez à vos envies » ; c’est plus compulsion d’achat que volonté.

G Hier matin, sur France Info, j’entends que le commerce du luxe et particulièrement du grand luxe (palaces, jets, yachts…) est en progression de 30 à 40% suivant les secteurs. L’après-midi, sur France Inter, j’entends le sociologue rapporteur à l’ONU Jean Ziegler qui nous rappelle que toutes les cinq secondes un enfant de moins de 10 ans meurt de faim. Et nous avons eu pourtant, nous dit-il, la volonté de lutter contre la faim, nous avons créé des organismes, et, compte tenu de l’augmentation des richesses dont la radio me parlait le matin, cela me semble possible. Mais la volonté n’est pas réelle, puisque tous les pays développés laissent se pratiquer la spéculation sur les denrées alimentaires. Lorsqu’une famine arrive au Sahel, les cours du mil, du maïs montent en flèche, et, à la bourse de Chicago, c’est des milliards de dollars empochés. Il suffirait (rappelle-t-il dans son dernier ouvrage*) d’un acte de volonté de la Commission européenne pour interdire dès demain cette spéculation au niveau européen, pour interdire qu’on exporte des pays pauvres du maïs pour faire du carburant. Il faut 350 kilos de maïs pour un plein de voiture en éthanol ; cela peut nourrir un enfant pendant 10 ans. Si l’on veut, on peut sauver des milliers d’enfants, et faire ainsi qu’aucun enfant ne meurt de faim. En démocratie, nous dit Jean Ziegler : « Il n’est de réelle volonté du peuple qui puisse être empêchée ».
A la fin de ce débat entre nous, durant ces 90 minutes et en regard des chiffres évoqués, plus de 1000 enfants seront morts de faim.
[*Destruction Massive. Géopolitique de la faim. Jean Ziegler. Seuil. 2011]

Second poème de Florence : Haut le cœur

Lorsqu’un haut le cœur entraîne le fil du destin
Overdose d’incertitude ou de lignes préétablies
Lorsque le bicarbonate ne peut plus couvrir la page
Ecrite bien avant l’heure par un dieu atypique
Je jette aux orties tous les vieux aphorismes
Pour creuser plus profond au sommet du désespoir
Entre deux sanglots une source a jailli
Fontaine de jouvence d’un hasard maîtrisé
Ma vie tu m’as joué beaucoup de tours
Je ferai l’apologie de tes signaux vagues
Lorsque tu savais si bien parler à mon instinct
Je n’ai pas pu suivre tes conseils imprudents
Liée que j’étais par des fous raisonnables
Maintenant que je suis libre de choisir ton chemin
Je n’entends plus ta voix que le vent disperse
Ma vie, reviens me parler de terres sidérées
D’étoile pâlissante, de trou dans la chaussure
Que je souffle sur les braises du grand feu de camp
Qui brûle quelque part dans la zone interdite

G Que voulait Diogène, alors qu’Alexandre était prêt à lui donner tout ce qu’il aurait voulu ? Il voulait qu’Alexandre s’ôte de son soleil. Il nous disait ainsi que nos désirs nous aveuglent, nous asservissent, qu’ils détruisent notre liberté, liberté d’être, liberté de choisir. Pouvoir dire non est un acte positif.  Cela reste un point primordial de la philosophie : ne vouloir que ce qu’on l’on veut, par soi, refuser que notre main soit guidée vers des objets de désir. Refuser qu’on nous mette le projecteur, qu’on nous inflige pour une idéologie, une croyance, l’objet d’un  vouloir. Ce que je ne veux pas vaut peut-être plus que ce j’aurais pu vouloir.
Enfin avec cette phrase, « Quand on veut, on peut » qui est, à la fois « enfoncer une porte ouverte », et un non-sens, on a dû faire avancer bien des ânes ; ce qui pose « la grande question philosophique » liée à ce sujet et que se posait l’ânier: est-ce l’âne qui fait avancer la carotte ou la carotte qui fait avancer l’âne ?

Des citations à la volée au cours du débat :

Les circonstances ? Quelles circonstances ? Je suis les circonstances. (Napoléon)

« Celui qui déplace une montagne commence par déplacer des petites pierres. » (Confucius)

« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. » (Marc Twain)

« Tout paraît impossible jusqu’au moment où l’on agit ; alors on s’aperçoit que c’était possible. » (Evelyn Underhill)

« « Vous ne pouvez pas empêcher les oiseaux de chagrin de voler sur vos têtes, mais vous pouvez les empêcher de faire des nids dans vos cheveux. » (Proverbe chinois)

« Si vous avez l’impression d’être trop petit pour pouvoir changer quelque chose, essayez donc de dormir avec un moustique, et vous verrez lequel des deux empêchera l’autre de dormir. ». (Dalaï Lama)

« La liberté consiste moins à faire sa volonté, qu’à ne pas être soumis à celle d’autrui. »(Jean-Jacques Rousseau)

 

 

 

 

 

 

Cette entrée a été publiée dans Saison 2011/2012, avec comme mot(s)-clef(s) , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien.

3 réponses à Thème: Peut-on dire, quand on veut on peut

  1. BEN TAIEB dit :

    trés bon débat a quand le prochain !!!

  2. Pannetier Guy Louis dit :

    El que no puede nada, se ahoga, porque no puede nadar

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *