Idéalisme et matérialisme

                    Restitution du débat du 13 janvier 2016  à l’Haÿ-les-Roses

Détail de la fresque de l'école d'Athènes. Rapahël. 1509. Musée du Vatican

Détail de la fresque de l’école d’Athènes. Rapahël. 1509. Musée du Vatican

 Introduction : Guy Pannetier :
Les deux personnages sur la fresque de Raphaël, Platon et Aristote, sont souvent désignés comme le symbole de l’opposition entre : idéalisme et matérialisme.
On voit Platon qui de son doigt montre le ciel, exprimant en cela : tout est dans le monde des idées et que là est l’origine du monde, autrement dit dans la transcendance ;  soit, il existe un principe organisateur, un principe divin.
Aristote, lui, de la main montre la terre, signifiant par ce geste, les principes de la logique, de la réalité matérielle. Ce qui ne fait pas pour autant d’Aristote un philosophe classable dans les philosophes matérialistes.
Le matérialisme est le système philosophique le plus ancien, le premier système chez les Grecs. Il va naître dans l’école de Milet au 6ème siècle avant notre ère, avec des philosophes comme Thalès. Anaximène. Anaximandre, lesquels déjà ébauchent l’idée des atomes, et Anaximandre, évolutionniste avant l’heure, pense que l’homme provient d’une autre espèce, des poissons.
Ils seront suivis sur cette voie par Démocrite pour qui les choses se produisent « par hasard » et « nécessité »,  par Epicure, par Lucrèce qui dira que  « Rien ne naît de rien », puis avec les philosophes libertins érudits, Gassendi, et Offray de la Mettrie, le baron d’Holbach, Diderot, Marcel Conche, et jusqu’à nos jours avec des philosophes comme André Comte-Sponville, Michel Onfray, ou encore, Chomsky, et d’autres moins connus.
L’idéalisme, dont Platon est donné en référence, est, selon le dictionnaire d’éthique et de philosophie morale des PUF : « La thèse selon laquelle la vraie réalité consiste dans les idées, par opposition aux choses matérielles dont la réalité changeante et précaire, ne serait qu’apparente… »   Mais, comme pour le matérialisme, l’idéalisme a deux sens.
Le matérialisme au sens commun se définit aujourd’hui comme, un désir excessif d’avoir, de consommer, il devient un moteur pour accéder à « la bonne  vie», ou encore à ce « more money » dont les habitants  des Etats-Unis, disent qu’il participe au bonheur du peuple.
Le matérialisme (au sens commun du terme) c’est : A quoi ça sert, Quelle utilité ? Combien ça coûte ? Ce matérialisme n’a rien  à voir avec la philosophie matérialiste qui laisse toute sa place à la pensée, à la spéculation, à l’innovation, même à une spiritualité non religieuse.
En 1932, l’écrivain catholique Daniel-Rops écrit  dans « le monde sans âme » «  Notre civilisation est matérialiste, j’endends ce mot, il va de soi, non dans le sens que la  philosophie lui assigne… »
  Les plus grands détracteurs du matérialisme philosophique, sont parfois dans leurs comportements, leurs modes de vie, des plus matérialistes. L’individualisme, l’amoralisme, la cupidité, l’avarice et la pingrerie, n’ont pas besoin du matérialisme pour exister.
Le matérialisme, c’est partir de ce qui existe, de ce qui est scientifiquement démontré, ce n’est pas une croyance, ce n’est pas un dogme, c’est aussi accepter de ne pas connaître la cause de toute chose.
Le matérialiste cherche à remonter la chaîne des causes, quand l’idéaliste tient pour explication de toute chose, une cause première.
Le matérialiste cherche à connaître le « comment », quand l’idéaliste cherche à répondre au « pourquoi ».
En deuxième prise de parole, je défendrai l’idée qu’il ne peut y avoir, en toute raison chez l’individu, de matérialisme total ou d’idéalisme total.

Débat

 

Débat : ⇒ Je ne peux répondre que si je peux savoir ce que ces deux termes signifient, et notamment ce qu’ils signifient pour la relation au monde, pour ma relation aux autres, pour ma relation à moi-même.
Alors je vais commencer par dire que ces deux termes ont deux sens. Un sens trivial comme cela a été dit dans l’introduction, mais aussi, un sens philosophique, comme l’écrit André Comte-Sponville dans son dictionnaire philosophique « Au sens trivial, l’idéaliste est celui qui a un idéal, qui ne résigne pas à la réalité telle qu’elle existe, et l’idéaliste s’oppose au matérialiste, qui, lui, se satisfait de la réalité, et notamment des plaisirs matériels, il n’a pas d’autre exigence »
Donc au sens trivial, le matérialisme a une connotation péjorative, c’est celui qui se soucie des besoins de son corps, tandis que l’idéaliste prendrait soin de son esprit. Et pour ce dernier (l’idéaliste) son esprit est valorisé parce que l’être humain vivant humain, est, à la différence des autres vivants, le seul à étudier son histoire, à imaginer son avenir.
Si aujourd’hui, l’opinion commune semble se contenter de ne voir dans le matérialisme qu’une pensée qui n’a d’intérêt que pour les choses matérielles, c’est pour mieux laisser entendre, qu’il n’y a de valeur que dans une spiritualité qui dépasse la matière. Et c’est ainsi que s’exprime le philosophe Benoît Schneckenburger dans son ouvrage excellent « Intelligence du matérialisme ».
Alors, en ce sens trivial, j’opte pour être idéaliste au sens trivial, car j’ai toujours vécu, et je vis encore avec, d’abord le sentiment et ensuite la réflexion qu’il me faut contribuer à changer l’ordre établi, celui de l’exploitation de l’homme par l’homme, celui de l’oppression des femmes, et celui de la prédation  de la nature.
Et, en ce moment en France, a fortiori, dans le manque de perspectives pour orienter nos vies qui nous désespère, je compte bien sur les générations de mes petits-enfants pour réenchanter le monde, pour avoir une idée du monde à venir.
Mais, l’idéalisme par ailleurs caractérise la pensée occidentale, puisqu’il est à l’origine et le moteur de son histoire. Il est cette origine avec Platon au 5ème siècle av. J.C., et en effet il stimule la pensée, et le désir de réfléchir, c’est ce que j’apprécie dans l’idéalisme au sens philosophique.
Mais, pour le préciser, je voudrais vous raconter l’allégorie de la caverne qui se situe au début du livre sept de « La République ». La question qui est posée par Platon est de savoir ce que c’est d’être juste, ce que c’est d’être juste en tant qu’individu, ce que c’est d’être juste dans la cité. Platon alors, nous raconte : que nous sommes tous prisonniers attachés par le cou à la paroi d’une caverne, et que nous ne pouvons tourner la tête. La caverne est illuminée par un feu à l’intérieur et le long de son ouverture est construit un petit muret. A l’extérieur de la caverne sont les réalités, c’est-à-dire les humains, les animaux, les plantes, les choses, tout ce qui existe, et également le soleil qui éclaire ces réalités. Comme nous sommes tous prisonniers dans la caverne et que nous ne pouvons pas tourner la tête, nous ne voyons que les ombres de ces réalités projetées sur la paroi de la caverne, et nous ne les voyons que du point de vue où nous sommes, c’est la raison pour laquelle nous nous disputons à l’intérieur de la caverne.
Pourquoi ? Parce que nous pensons que nos opinions sur les réalités sont des vérités, alors que ces opinions sont fonction de notre point de vue, de notre place dans la caverne…
Donc l’idéalisme a pour postulat que les vérités et les valeurs, sont fonction de l’esprit qui les recherche, et soit les retrouve, soit les construit par un travail de la pensée, à condition de le vouloir, et indépendamment des conditions d’existence dans lesquelles il se trouve. En ce sens j’adhère à l’idéalisme qui postule l’égalité des êtres humains. en matière d’intelligence et de capacité  de réflexion. J’adhère aussi au projet de trouver des valeurs et des vérités, des valeurs universelles.
Néanmoins parce qu’il faut aussi comprendre les réalités que nous vivons, je me raccroche à la deuxième thèse sur Feuerbach de Marx, matérialiste. Cette deuxième thèse est la suivante: « Jusqu’ici les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c’est le transformer » . Autrement dit, contre l’idéalisme qui domine toute la philosophie occidentale, les philosophies sont des systèmes d’idées pour interpréter le monde, le matérialisme réfléchit pour le connaître.
C’est en ce sens que je me raccroche au matérialisme.

⇒ Dans l’introduction on a associé le « pourquoi » à l’idéalisme, et le « comment » au matérialisme, et la première question qui est posée par les enfants, c’est : pourquoi ? Et c’est bien plus tard que le « comment » arrive.
Le « comment » je l’ai associé comme l’éveil scientifique chez l’enfant, il cherche à savoir comment les choses se passent, comment ça fonctionne, ce n’est pas encore du matérialisme.
Alors si l’on répond bien avec les enfants, peut-être qu’on influencera ses choix futurs entre le « pourquoi » idéalisme et le « comment » matérialisme.

Je trouve que le mot idéalisme est mieux perçu que le mot matérialiste, parce que l’idéalisme est porteur de quelque chose de nouveau, alors que pour le matérialisme il y a une perception triviale, ça fait partie de ces mots pervers.
En pensant à la thèse de Marx sur Feuerbach, je me dis pourquoi, et jusqu’où, est-ce qu’il n’arrive pas à un moment où par la transformation des hommes, nous la société, nous voulons prendre la place de Dieu.

⇒ On tourne souvent dans le débat philosophique autour de ce sujet, tel le débat sur la citoyenneté universelle, un univers kantien qui découle d’une forme d’idéalisme, ou plus récemment le thème de l’émigration, des exilés. Chaque fois nous sommes partagés entre ces deux notions, l’idéal qui vient du cœur, et puis les aspects matériels qui viennent de la raison.
Les philosophes sont souvent des idéalistes, au sens courant du terme, parfois un peu rêveurs, mais avec, il le faut bien, les pieds sur terre.

 ⇒ J’ai entendu que le « comment » chez l’enfant était l’éveil scientifique. Je crois qu’il ne faut pas opposer l’idéalisme et la démarche scientifique, les deux sont intimement liés.   Dès le départ d’ailleurs, le début de la philosophie, les grecs  parlent de la philosophie de la nature, on est déjà dans l’esprit scientifique. Quand Marx a passé sa thèse de doctorat sur le sujet du matérialisme, il le fait sur les différences de la philosophie de la nature entre Démocrite et Epicure qui sont deux matérialistes. Epicure disait que l’âme n’est pas une entité spirituelle, qu’elle est faite d’atomes. C’est une réalité physique :; toutes nos connaissances dit ce même Epicure, viennent de nos sensations, ce qui sera repris par Diderot et Condorcet. Les scientifiques aujourd’hui ont une démarche qui est celle de la première pensée matérialiste, ils ne disent jamais le « pourquoi », ils cherchent à dire le « comment », et chacun a le droit de dire son « comment » à lui.
Donc je pense que c’est essentiel de bien comprendre que la recherche scientifique  fait partie de la démarche tant idéaliste que matérialiste. Rien n’étant figé, une vérité d’aujourd’hui peut être détruite demain.

J’ai bien entendu que la philosophie matérialiste se retrouve dans la démarche scientifique. Depuis cette démarche scientifique, on va pouvoir comprendre la nature, or, en fait, je pense que le pari de la science c’est exactement le contraire. Il y a un philosophe des sciences Alexandre Koyré qui dit que le pari de la physique c’est de comprendre le réel par l’impossible.
La question d’un sujet du bac était : «  Peut-on avoir raison contre les faits ? », et la réponse est clairement, oui. C’est-à-dire que si nous devions nous baser que sur les seuls faits, nous n’aurions jamais avancé dans les sciences.

 ⇒ Einstein a permis un progrès énorme parce qu’il a refusé que le monde soit comme il est. Donc le scientifique matérialiste peut être assimilé en certains cas à un idéaliste. Nous avons en mémoire la phrase de Voltaire qui nous dit que ce ne serait pas possible : « …que l’horloge existe et n’ait point d’horloger ».
En même temps la démarche scientifique matérialiste, c’est de dire : le monde n’est pas fait que de concepts, il est fait aussi de réalités concrètes, et ces réalités concrètes on va essayer de les découvrir.
Quand on s’intéresse à l’histoire des sciences, on constate que le travail scientifique commence toujours par une hypothèse, toujours par la question : et pourquoi pas !   Torricelli, Pascal, Pasteur, ont répondu à cette question du « pourquoi pas ». Donc c’est d’abord une démarche idéaliste, puis c’est le matérialiste qui va expliquer, démontrer, expérimenter.

 ⇒ Revenant sur la démarche de Marx, sa volonté est prométhéenne, faisant de l’homme un Être capable de se substituer à Dieu. En ce sens, je suis d’accord qu’aujourd’hui dans notre société occidentale, comme le dit le philosophe Marcel Gauchet, les religions ne structurent plus le monde. Effectivement les hommes pensent être acteurs de l’Histoire, et s’imaginent  comme cela a été avancé,  être, comme des dieux.
Et puis, il me semble que pour la vie quotidienne, il faut être à la fois, idéaliste, au sens qu’il faut avoir un idéal et je ne me conçois pas sans cette possibilité, et en même temps, je me réfère à la « lettre à Ménécée » d’Epicure, matérialiste, quand il accepte « le hasard et la nécessité », et qui à partir de là, propose une éthique faite de  : ne pas craindre la mort, ne pas craindre les dieux, le plaisir c’est l’absence de douleur, l’absence de trouble de l’âme, réfléchis à ce qui est bien pour toi, et alors tu vivras comme un dieu parmi les hommes.
C’est un matérialisme ontologique, au sens où tous les Êtres, tout ce qui existe, est fait de matière, et de hasard.
Donc l’histoire de chaque Être obéit aux lois de la matière (tels les atomes) et  il n’y a pas de destin. Quoi de mieux pour orienter son existence.
Je vois que la période contemporaine est marquée par une progression du matérialisme philosophique. On retrouve ces thèmes dans l’ouvrage récent de Michel Onfray « Cosmos » dont le sous-titre est « Une ontologie matérialiste ». Il développe les thèmes du matérialisme : le monisme, le panthéisme, le bio centrisme, tous ces thèmes opposés au dualisme, et aux monothéismes.
Donc le matérialisme philosophique est plus présent, mais la question se pose alors : pour aller où ? Pour quoi faire ? Avec quelles perspectives ?, et là on ne peut répondre.

 ⇒ L’idéalisme philosophique est surtout d’hier, voire plus. Combien d’impossibles devenus possibles depuis la théorie platonicienne, combien de démentis aux vérités révélés : l’âme est devenu l’esprit, le cerveau avec les neurones, les synapses, toute sa géographie, à quoi s’ajoutent dans ce seul domaine,  les terribles avancées des neurosciences.
Puis je reviens sur le fait qu’il ne peut y avoir en toute raison chez l’individu de matérialisme total, pas plus du d’idéalisme total, ou alors du scientisme à l’intégrisme.
Par exemple, Michel Onfray est classé matérialiste, dans son dernier ouvrage, « Cosmos » où sa réflexion est souvent loin du matérialisme ; on peut y voir une spiritualité cosmique, un matérialisme qui n’est pas une maison fermée à double tour, sans fenêtre, et sans lumière.
Autre exemple : une société comme la franc-maçonnerie souvent cataloguée comme essentiellement matérialiste, n’en fait pas moins  référence à de très nombreux symboles, au « grand architecte de l’univers ». Ce principe peut être, pour certains francs-maçons un principe relevant du divin, pour d’autres, un principe symbolique d’unicité du monde physique, mais dans les deux sens, nous avons là, un aspect idéaliste.
Supposer que la nature, dont nous faisons partie, ne soit que matière, ou ne soit que représentation  de ce qui nous est inconnaissable – car de nature divine – est une prise de position très manichéenne, c’est blanc ou c’est noir, et là, ce n’est plus philosophique.
Par ailleurs nous avons dépassé l’idéalisme cartésien, ou même l’époque de Leibnitz qui parle de deux catégories de philosophes : les idéalistes qui soutiennent l’idée de l’âme sans corps, ou, des matérialistes qui seraient, le corps sans âme. Nous ne pouvons plus penser que l’âme, ou l’esprit, existerait sans le corps ; l’idée ne peut se construire hors d’une réalité physique, ce n’est pas le toit qui porte la maison….
Je suis philosophiquement matérialiste, et je ne pense pas, et même, je ne veux pas penser, imaginer, qu’on puisse tout expliquer de ce monde.
C’est prendre le matérialisme pour une religion que de penser, ou laisser à penser, qu’il se propose d’expliquer toute chose, que tout mystère va disparaître, que le matérialisme va « désenchanter le monde ».
Le matérialisme veut que l’homme pense par lui-même, qu’il cesse de se laisser influencer par  des idées spéculatives, des idées toutes prêtes, qu’il éduque ses enfants pour qu’ils soient libres de toute contrainte ; contrainte sectaire, politique ou religieuse. Le matérialisme n’est pas une façon de vivre, ce n’est  pas un « prêt à penser », ce n’est qu’une façon de penser.
Les concepts : idéaliste et matérialiste peuvent cohabiter chez certaines personnes. La plus grande opposition reste chez les religieux fondamentalistes ou intégristes, ou chez des personnes reprenant les mêmes propos, ceci se remarquant dans l’usage systématique du terme, (de la tautologie) : « matérialiste athée ».  L’athée est forcément matérialiste au sens philosophique, où alors, avec cette expression, on est dans la stigmatisation, la méchanceté. Cela me semble aussi incohérent que si l’on parlait de « matérialiste religieux »  La haine des intégristes va parfois jusqu’à associer le matérialisme philosophique au Stalinisme, aux crimes du totalitarisme communiste, de même pour le nazisme dont il serait responsable. Dans son livre : « Le matérialisme » Olivier  Bloch écrit : «  Que le matérialisme soit athée n’a de sens qu’à l’intérieur d’une perspective religieuse. Du point de vue du matérialisme adulte, la question ne se pose pas en ces termes. Le matérialisme n’est pas la négation de Dieu, il est simplement étranger aux domaines où l’on est susceptible d’en parler »  
   Les tenants de l’idéalisme, sont parfois vent debout devant des avancées scientifiques, telles ces neurosciences, lesquels ne prônent en aucune façon « l’homme machine »
Je me méfie tout autant du scientisme, matérialisme dévoyé, que des théories des créationnistes, idéalisme dévoyé

⇒  Même si la démarche scientifique st matérialiste, ce qui l’a rendue efficace c’est justement qu’elle a su limiter ses ambitions, c’est-à-dire que la science n’est pas là pour tout expliquer. La science va expliquer « ce qui est » pas « ce qui doit être », même si elle se cantonne à l’immanent, hors toute cause première. On a expliqué la relativité, on a expliqué la gravitation, la pesanteur, etc. mais pas l’amour, mais pas la morale…

⇒ Ma question est plus dans l’idéal, dans la poursuite d’un idéal, entre l’attendre et y parvenir.  Est-ce que l’idéal a vocation à être atteint

⇒  Démontrer que l’impossible est possible, est-ce que ce n’est la définition au sens courant de l’idéalisme ? On se dit ce n’est pas possible que bien des choses qu’on espère ne puissent arriver.

⇒ Quand on parle d’idéalisme, inévitablement on glisse vers l’idéalisme au sens courant, alors que la définition c’est : l’idée avant la matière, ou, c’est la matière qui est avant l’idée.
Dans la dialectique matérialiste on anticipe quelque chose qui devrait être. Il n’y a pas de recherche d’idéal dans l’idéalisme philosophique, là il n’y a pas d’absolu.

⇒ Le scientifique n’est pas obligatoirement que matérialiste. Sorti de son labo, le dimanche matin, il met son petit chapeau, et il va à la messe. Le voilà idéaliste, vénérant une puissance divine.
Et puis la question a été posée : c’est quoi l’idéal, et cet idéal a-t-il vocation à être atteint ?La philosophie nous donne des allégories qui nous parlent mieux que de longs discours. Ainsi,   Cicéron avec l’image du tireur à l’arc répond à cette question.
L’idéal pour le tireur à l’arc est de toucher le cœur de la cible, la mouche. Pour se faire, il  concentre tout son esprit, toute son énergie, il utilise ses sens, calcule la force du vent, etc. Et c’est justement dans cet acte volontariste que se trouvent ensemble,  l’idéal et sa quête. Ce qui importe ce n’est pas de toucher la mouche, ce qui importe c’est la volonté, les moyens mis en œuvre, c’est la philosophie stoïcienne qui est aussi idéaliste.

⇒ Je reviens sur cette question, l’idéal a-t-il vocation à devenir réalité ? Je crois que là aussi il y a différents niveaux. Il y a l’idéalisme qui dit, le monde est ainsi fait, je crois qu’il est comme ça, et puis il y a l’idéalisme qui consiste à dire, ce que j’aime bien je voudrais que ça arrive. Guillaume d’Orange  a dit ; «  Point n’est nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ».
Quand on poursuit un idéal, effectivement, on peut se dire ça n’a pas forcément une nécessité de devenir une réalité. Si on constate une petite amélioration, on se dit, ah, j’ai un petit bout de chemin vers mon idéal, c’est ce qui le fait subsister.
Dans le matérialisme, il y a plusieurs niveaux, la démarche de Marx c’est le matérialisme historique. C’est le premier qui dit l’Histoire a un sens, elle a fait les sociétés. Il se dit, je vais examiner un objet qui s’appelle la société, et à partir de ça je vais en déduire des lois. Après Marx les bonds en avant dans la sociologie sont absolument énorme. Pourquoi ? Parce qu’il a introduit la notion d’Histoire dans le matérialisme, il a sa démarche, ses chemins, et la notion historique en est une. Althusser qui est dans la démarche marxiste dit faire de la philosophie, c’est faire  « la lutte des classes » dans la théorie des idées.

⇒ Si on part de l’idée qu’il y a toujours eu des guerres et qu’il y en aura toujours, c’est une extrapolation à partir de la réalité. Donc, il faut voir tous les éléments : il y a des analyses qui relèvent de la démarche matérialiste et qui consistent à dire qu’effectivement il faut analyser les faits, et à partir de là, on est dans le pessimisme de l’intelligence, ou alors on est dans l’optimisme de la volonté qui dit qu’effectivement on peut changer les réalités, et là on est dans une attitude idéaliste.

Œuvres citées :

Livres

Cosmos. Une ontologie matérialiste.  Michel Onfray. Flammarion 2015 ;
La République. Platon.
Le matérialisme intelligent. Benoît Schneckenburger. Ed. de l’Epervier 2015
Thèse sur Feuerbach. Karl Marx. PUF.
Le matérialisme. Olivier Bloch. Que sais-je ? 1985

 

 

 

 

 

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2 réponses à Idéalisme et matérialisme

  1. Alexandre Deljehier dit :

    Bonjour ! L’opposition matérialisme /idéalisme est plus profondes. Il s’agit de croyances et n’a rien à voir avec des positions scientifiques : un généticien peut très bien croire en Dieu (religieux ou déiste), en l’existence de l’âme, en la réalité de la morale et défendre la liberté humaine ; pourtant c’est un scientifique : il a fait le choix d’étudier les phénomènes du monde sensible et d’en faire son métier.

    Le matérialisme, comme vous le dites très bien, c’est le refus de la transcendance (l’esprit) pour n’estimer que l’immanence des choses (la matière): la conscience est le produit du cerveau; il n’y a pas de libre arbitre et d’âme ; après, si on est révolutionnaire on va insister sur le Devenir (Heraclite) et si on est réactionnaire, essentialiste, on insistera plutôt sur l’Etre (Parmenide).
    L’idéaliste estime que l’esprit doit dominer la matière ; ce n’est pas un constat, mais un impératif catégorique : nous sommes tous faillibles, comme vous l’avez bien compris, que l’on soit idéaliste ou matérialiste. Le choix se trouve constamment entre discipliner sa volonté ou être esclave de ses inclinaisons, entre une vie morale ou l’immoralité. C’est cela la liberté ! Les idéalistes modernes (les libéraux) maintiennent la dualité nature /culture, tandis que les matérialistes nient la nature ou idolâtrent celle-ci. Après Einstein était à la fois socialiste et spinoziste/panthéiste et donc, se place à part dans ce débat.

    Les libéraux sont des idéalistes puisqu’ils pensent que l’autonomie est possible grâce à la liberté humaine (dignité humaine) ; ce n’est en revanche pas le cas des révolutionnaires (anarchistes, marxistes, utilitaristes,… ) persuadés que l’on peut concilier matérialisme et humanisme : la clé de la liberté et du bonheur se trouve dans la matière, pas dans l’idée. Par contre, on peut très bien penser, comme Hobbes et les personnes autoritaires, plus pessimistes, qu’il n’y a que la tyrannie dans la matière, tout en étant profondément matérialiste. On peut défendre l’autoritarisme si on se persuade que les humains ne sont que des créatures d’appétits, de désirs et de pulsions ; la culture n’est plus un moyen de d’émanciper, mais de brider l’humanité. Le point de départ de la réflexion est toujours matérialiste, mais le résultat n’est pas révolutionnaire ; on peut toujours opposer Hobbes aux anarchistes, par exemple.

    Platon est à part dans le débat matérialisme /idéalisme, car il est à la fois matérialiste et idéaliste ; il est matérialiste quand il défend l’eugénisme et la planification scientiste/totalitaire de la société et il est idéaliste avec l’allégorie de la caverne, la défense de la perfectibilité (supériorité monde intelligible sur le monde sensible).

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