Ciné-philo autour du film:  » Fatima »

Ciné-philo à Chevilly-Larue
partenariat avec le théâtre André Malraux.
Restitution du débat du 31 mai 2016

Affiche promotionnelle

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 De Philippe Faucon. César du meilleur film/ César du meilleur espoir féminin/
César de la meilleure adaptation

 Thème du débat:           “Comment dire, quand on n’a pas les mos?

Animateurs : Caroline Parc. Guy Pannetier. Danielle Vautrin

 Débat

Débat : ⇒ Film intimiste, plein de pudeur, Fatima est une de ces mères courage, de ces mamans pélican qui ne vit que pour ses filles; tout mon amour dit-elle n’est pour personne d’autre que pour mes filles. Alors que sa fille aînée Souad qui fait des études en faculté de médecine, nourrit tous ses espoirs, se seconde fille, Nesrine, lui donne du souci car elle refuse de travailler à l’école, elle fait un blocage d’intégration, reprochant à sa mère de porter le voile, de n’être qu’une femme de ménage, de l’enfermer dans sa condition  sociale, de ne pas bien parler le français, d’être lui dit-elle « une ânesse » et quand sa mère lui reproche de ne pas travailler à l’école elle lui jette à la figure : « tu peux pas m’aider, tu parles même pas l’français ».
Les barrières sont diverses : regards hautains des femmes chez qui travaille Fatima, paroles lui rappelant sa condition de femme de ménage, puis des  marques de jalousie de la part des voisines émigrées comme Fatima ; jalouses qu’une de ses filles fasse médecine, comme si vouloir s’intégrer consistait en une trahison de la communauté qui ne doit pas s’élever.       Fatima a un besoin de s’exprimer, elle ne peut le faire avec ses filles qui ne comprennent pas suffisamment l’arabe, elle ne peut pas le faire en français, car là c’est elle qui ne possède pas suffisamment cette langue. Alors, lorsqu’elle se retrouve inoccupée elle commence à écrire tout ce qu’elle n’a pas pu exprimer oralement. Et elle le fait avec des mots simples, mais des mots d’une grande pureté, sans fariboles, avec une terrible profondeur de sentiment.    Des mots simples qui vous prennent aux tripes, car c’est de l’amour de la plus grande force et de la grande pureté à la fois.
Le film est tiré, inspiré des écrits de Fatima, d’un livre qu’elle a intitulé « Prière à la lune », livre qu’elle dira avoir écrit pour toutes les Fatima de France, « Je parle » dira telle « au nom de toutes les Fatima qui travaillent dans l’ombre, seules, loin de leurs familles et se contentent de pleurer dans leur cœur »           

⇒ J’ai pensé en voyant ce film, non seulement à des personnes issues de l’immigration, mais aussi à des personnes qui sont dans des situations sociales totalement différentes. J’ai pensé à ma sœur qui n’a pas fait d’études et qui a élevé deux filles qui ont fait des études supérieures, et cela grâce à l’amour d’une mère. Il y a des mères courages partout.
J’avais plus imaginé comme thème : « comment s’exprimer quand on n’est pas du même milieu ? » C’est compliqué quand on n’est pas du même milieu, on pas le même langage et on ne se comprend pas.

 ⇒ Ce film et très beau, et on y voit la parité dans la façon dont se comportent les deux sœurs, et finalement, la jeune sœur qui refuse de s’intégrer parce qu’elle a honte (entre autres), de sa mère, est heureuse que sa sœur aînée ait réussi ; c’est quelque chose de très fort dans le film, on voit une capacité à se dépasser. Finalement ce film donne espoir; ce qui est de la haine chez la plus jeune se transforme par la réussite de la sœur.

 ⇒ On retrouve ce type de comportement très tôt à l’école, les enfants sont conscients des catégories sociales, et ceux qui échouent imputent parfois leurs échecs à la catégorie sociale des parents. Et l’on voit dans ce film, la difficulté de briser ce qui ressemble à une  « loi d’airain », c’est-à-dire, qu’il sera toujours plus difficile lorsque vous avez des parents qui ne maîtrisent pas la langue, qui n’ont pas la culture du pays, qui peuvent difficilement vous aider en soutien de l’école ; ces enfants n’ont pas les mêmes atouts que ceux dont les parents possèdent tous les codes de la culture, qui emmènent très tôt leurs enfants dans les musées, qui leur transmettent out un acquis culturel, etc.

 ⇒ Aujourd’hui comme s’intégrer ? lorsque des enfants comme on le voit souvent dans nos acquis culturel banlieues se retrouvent qu’entre enfants d’immigrés ? Il n’y a pas cette nécessaire mixité sociale.
Revenant sur le rôle de la mère, je crois qu’à chaque vague d’immigration il y a de ces mamans qui sont plus ou moins sacrifiées, ce fut le cas pour les Polonais, les Italiens, les Espagnols..,

⇒ A un moment donné la sœur aînée est invitée à une soirée avec sa copine co-locataire, elle refuse d’y aller, et dit que dans ce milieu, où elles sont invitées, elle ne comprend pas leur langage. C’est le cas de jeunes gens qui en dehors de leur milieu n’ont plus les codes, n’on pas les mots, et de ce fait restent enfermés, avec, comme un sentiment d’être rejetés.
Et je retiens la notion de fierté, ne pas pouvoir être intégré, amène à un repli sur soi, sur une identité différente.

 ⇒ Il y a des immigrés qui s’intègrent très bien, tel ceux qui arrivent avec un métier
Au-delà même du film, se pose ce problème de l’intégration. Comment même avec des cultures différentes pourrait–on construire du collectif ? Etablir des projets communs ? Au lieu de cela, nous avons un choc des cultures, en plus d’un choc de générations. Lorsque les enfants apprennent à l’école que leur pays, c’est : la République, la laïcité, la tolérance, et que lorsqu’ils rentrent à la maison, les codes ne sont plus les mêmes, ils sont perturbés, quels choix doivent-ils faire ?

 ⇒ Dans ce film nous sommes dans du vécu. La conversation entre la mère et ses filles existe, mais ce n’est que pour le quotidien. La mère n’est pas analphabète, elle parle et écrit l’arabe, ce qui au final va lui ouvrir un nouvel espace, la libérer.

 ⇒ On voit que les deux filles ne communiquent pas de la même façon avec leur mère, pour la seconde, le dialogue est fermé, elle est campée dans le refus.

 ⇒ Le film nous parle  d’une famille d’immigrés maghrébins, avec quelque chose de bien particulier. Dans ce trio il y a deux personnes qui sont chargées d’une lourde responsabilité, la mère qui fait tout pour que sa fille puisse faire des études supérieures, et cette même fille, l’aînée, qui porte tous les espoirs de sa mère, qui sent que si elle échoue, ce sera terrible pour sa mère, que celle-ci y perdra sa dignité tant elle a investi en elle.
Fatima au final aura deux bonheurs, la réussite de sa fille à l’examen, réussite qu’elle savoure seule en retournant lire le nom de sa fille sur les listes, puis deuxième bonheur, son livre, exutoire à ces difficultés. Elle a vidé son cœur, elle a retrouvé toute sa fierté.

 ⇒ Après toutes les vagues d’immigration, c’est vrai qu’il semble plus difficile pour cette dernière vague en grande partie maghrébine de s’intégrer, d’être intégrée, que ce soit pour les enfants, comme pour les parents.

 ⇒ Nous voyons particulièrement avec Fatima, l’exemple de personnes qui essaient de sortir du carcan de l’immigré. Et nous avons une scène particulière qui dénote un certain état d’esprit, c’est quand Fatima apprend à la personne (bourgeoise) chez qui elle fait le ménage, que sa fille fait, « médecine ».

 ⇒ Le fait d’avoir regroupé les immigrés dans des mêmes immeubles, sans réel mixité,  augment encore cette difficulté d’intégration.

 ⇒ Le film nous montre que l’affichage ostentatoire de la religion, en l’occurrence, au début du film, crée des blocages, des rejets. C’est le cas pour la location d’un appartement. Le fait que Fatima porte un foulard  fait échouer la démarche.

 ⇒ Ce film a une portée universelle, et ce serait dommage de la cantonner au seul thème de l’immigration. S’en sortir par les études c’est toujours possible, et je vois, d’expérience à l’Université, que ce n’est pas parce qu’on est issu de l’immigration qu’on va être en échec scolaire. A ce jour ce sont les jeunes filles qui réussissent le mieux. Ce n’est pas l’école qui fait de la discrimination, et la difficulté d’intégration n’est pas seulement une question d’origine ethnique, culturelle, sociale, ou religieuse.

 ⇒ C’est vrai que le film n’insiste pas sur le caractère musulman d’une intégration, ce n’est pas le sens du film. On a évoqué des immigrés, tel, les Polonais au siècle dernier, mais à cette époque on parlait d’assimilation, et non pas d’intégration. Je suis enfant d’immigrés, et lorsque j’étais jeune, il était évident pour moi qu’il me fallait absolument être assimilée, et même quand je rentrée à l’école normale, c’était pour être une Française, pour parler la langue de ce pays, pas pour continuer à parler le yddish ou le russe que parlaient mes parents.
Et je rappelle qu’à cette époque, l’école jouait son rôle dans l’assimilation. Et aujourd’hui il s’agit d’intégration, ce qui inclut l’aspect social, et l’école ne peut pas jouer ce rôle.

 ⇒ On ne peut se cacher le fait que l’intégration est devenue plus difficile face à la religion de l’Islam, lequel est plus qu’une religion, c’est un système social et politique, ce qui peut amener des contradictions à l’égard des structures sociales et politique de notre pays.
On pouvait penser qu’il ne s’agirait que de la question d’une génération, mais il semble que ce sera plus long.
Et on ne peut non plus, occulter le fait social du niveau chômage dans nos banlieues. Cela participe aussi à une rupture avec la République; pourquoi me répondait un jeune homme j’irai voter, si la République ne fait rien pour moi, je ne fais rien pour elle.
Et je reviens aussi sur le fait que les jeunes filles issues de familles d’immigrés réussissent mieux leurs études ; elles travaillent sérieusement pour sortir d’un enferment culturel, sortir de leur milieu, pour pouvoir choisir leur mode vie, choisir leur mari, ne pas vivre parfois, la vie de leur mère.

 ⇒ Les enfants saisissent très vite les codes, ceux de la maison, comme ceux de l’école. Les enfants sont aptes à entendre autour d’eux, deux, voire, trois langues différentes sans être dans la confusion. Je préfère qu’on valorise les immigrés qui font tous les efforts pour s’en sortit, plutôt que de stigmatiser les pauvres immigrés qui auraient moins de chances. Ce qu’il faudrait, c’est les considérer à égalité, de droits et de responsabilité.
On ne peut écarter que les enfants sont pris entre deux cultures différentes, celle de l’école, de la vie au dehors, et celle de la maison, lesquelles sont parfois pour lui en contradiction, l’enfant alors ne sait plus sur quel pied danser.
Et puis, l’on sait aussi qu’un CV Ahmed ou Kadour, ça ne passe pas si bien qu’avec un autre prénom. Et c’est vrai que l’intégration est beaucoup plus compliquée qu’avant, arrêtons de nous « voiler la face » !

 ⇒ Dans ce film j’ai vu une maman aimante, un père qui malgré tout, assumait son rôle. Je pense qu’il faut un équilibre dans une famille pour les enfants évoluent bien.

 ⇒ Je pense que les responsables religieux de l’Islam devraient faire un travail de lien plus important avec la République.

 ⇒ Nous voyons dans ce que dit la mère à ses filles, que ce qui importe beaucoup, c’est le regard de la communauté.

 ⇒ On sait qu’il y a des parents qui ne jouent pas bien leur rôle, qui ne sont pas assez rigoureux pour les études, et là on voit que ce n’est pas le cas pour Fatima, qu’elle est très exigeante.

 ⇒ Je crois qu’on doit rendre hommage à ces mères qui font tout pour leurs enfants quel que soit le milieu, des mères courageuses. De ces mère : du Maghreb, d’Afrique saharienne, etc, celles qu’on voit à la sortie des écoles, qui s’intéressent à leurs enfants. Il faut faire passer le message, qu’avec l’amour, avec la volonté, on peut s’en sortir.

fatima

 

                                                        

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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