La tyrannie du désir

 

Collier Evert. Vanité. 1662. Riskmuséum. Amsterdam

Collier Evert. Vanité. 1662. Riskmuséum. Amsterdam

Restitution du débat du  24 Janvier 2018 à Chevilly-Larue

Animateurs : Guy Pannetier. Danielle Pommier Vautrin.
Introduction : André Sergent
Modérateur: Hervé Donjon

Introduction : Jadis, le travail bien fait, allait de soi. Il était la condition de la survie, et l’effort demandé à sa réalisation passait en second plan. La qualité du résultat suffisait à satisfaire celui qui en était l’auteur.
De nos jours, l’effort obligatoire ou nécessaire déclenche une réaction inattendue ; à savoir : « Pourquoi tu te fais suer  comme ça ? ». Tout se passe comme si l’effort nécessaire à la réalisation d’une tâche, relevait d’une souffrance inacceptable, d’un viol, inutile et opposable par ailleurs à « l’ impression de bien être ».
Les choses se séparent : en « simples, agréables et rentables », et d’autre part, en, « compliquées, désagréables et insuffisamment rentables ».
Le résultat du travail, à savoir : la tâche bien faite, la belle ouvrage, apparaît comme un plaisir lointain, moyennant l’amputation d’un bras.
Le travail s’oppose aussi au plaisir immédiat facile d’accès. Pourtant la planète n’a pas été conçue pour  satisfaire sur un plateau tous les besoins du monde vivant. La nature se contrefiche de nos petites envies, et La Fontaine n’est pas loin avec sur la fable de « La cigale et la fourmi ». Par ailleurs, le matraquage «  mediatico-idéologique »  de la société de consommation venue des USA, la soi-disante facilité informatique, forgent de nouveaux ressorts sociaux, et un nouveau rapport au travail : « Lâchez-vous ! » « Faites-vous plaisir ! ».  Profitez, car « vous le valez bien », ce qui participe d’une offensive psycho-politique diabolique.
Et si n’obéis pas, tu perds ton emploi, et tu n’achèteras point. Pour le coup tu ne seras pas quelqu’un de bien. En clair, « ferme-là » si tu veux être dans la caprice « à volonté », sept jours sur sept.
En conséquence la souffrance réelle au travail, imposée par le management américano-japonais, et Sud Coréen, et le chantage à la consommation, rend au mot « travail » son sens ancien. Lequel au Moyen-Âge, désignait un instrument de torture, et le travail lui-même s’appelait « labeur ».
La course au plaisir, soutenue par des approches discutables de la psychanalyse, la fuite du travail bien, fait, donc de l’effort, qui au passage casse le rapport au travail, renvoie à la philosophie du profit facile, maximum, et immédiat.
La société des hommes se voit renvoyée aux premiers âges, époque où, « la dictature du principe de plaisir » opposables aux contraintes du réel, c’est à dire de l’autre, et le respect affairant. L’adulte est renvoyé au bébé qui pleure au moindre désagrément.
La « nature » aujourd’hui est immature, il refuse de ne plus être nourri, logé, blanchi gratis sous le ventre de maman. La propagande autour de la cuisine de la mal bouffe participe de l’offensive. Le plaisir premier, buccal et archaïque devient le plaisir archétype du bien. Je veux mon smartphone dès 10 ans, sinon je tape du pied : -Non mon garçon, j’ai pas d’argent pour ton smartphone ; tu travailleras en souffrance
– C’est pas juste !
– Eh bien oui !
Voilà le produit moderne du système capitaliste, à savoir : un foule de voraces, manipulée par une poignée de prédateurs.
Alors quoi du plaisir, à l’effort ?
Doit-on laisser agir le manipulateur de nous-mêmes, que nous sommes?
Doit-on laisser faire : l’instinct, le compulsif, le puéril, l’animal ?
Doit-on intégrer l’agent réalité, ô combien frustrant ?
Doit-on, nous laisser infantiliser ?
A vous de le dire…..

Débat

 

 Débat :  ⇒  Nous sommes de êtres de désirs avant d’être des êtres de liberté. Notre société est à bien des sens du terme, une société d’offre, plus qu’une société de la demande. Nos désirs sont l’objet d’études. En transformant des produits, objets en désir, on en fait des raisons du désir. Nos désirs sont des paramètres économiques, facteur du taux de consommation, facteur de croissance. C’est parce qu’on nous révèle ce que nous ne savions pas avoir besoin, en avoir le désir, que nous sommes ces utiles consommateurs « panurgés », qui vont dépenser, voire s’endetter, jusqu’à être surendetté, et parfois au-delà de seules besoins nécessaires.
Nous naissons dans une société qui s’est structurée économiquement et socialement au cours des siècles. Nous sommes éduqués suivant ces critères. Arrivés à l’âge adulte, nous sommes face aux choix, mais avons-nous réellement le choix. Il nous faut rentrer dans le moule, ou alors être exclu du monde; pas facile, pas évident, ou alors c’est  la marginalisation, nos volontés sont sur des rails.
Tout l’aspect tient dans cette idée induite, que réaliser ses désirs, c’est se réaliser, d’où il s’en suit, une valorisation de soi, « parce que je vaut bien », c’est la colonisation marchande des esprits, je consomme, donc je suis.
Que deviendrait notre société occidentale, si tout à coup, nous nous mettions à avoir des désirs se limitant aux seuls besoins naturels ?
Je crois que nous avons hérité, ce jouir sans entrave, qu’évoque l’introduction, de certains errements de Mai 1968, cet orgasme social, où il était tout à coup, « interdit d’interdire », slogan que certains n’ont jamais compris au deuxième degré.
C’est aussi dans le même ordre d’idée, l’héritage Dolto ; à partir de là, je n’ai rien à m’interdire ; tout m’est du, ou alors la société est responsable de mon insatisfaction, responsable de ma privation, de la frustration de mes désirs, car mon désir devient mon droit. En fait, nous sommes parfois en face de pulsions, nous pouvons imaginer que céder à nos désirs est un acte de liberté, alors que nous ne sommes plus libres.
Céder ou ne pas céder à ses désirs, nous ramène à la philosophie épicurienne qui nous rappelle que l’accès au bonheur dépend de notre capacité à choisir entre les désirs naturels, objectifs, et les désirs vains, subjectifs
Les religions nous ont souvent dit que c’était le diable qui se cachait derrière les tentations parfois relevant de l’inaccessible, voire d’interdits ; « « Mes désirs » dit Sartre dans Huis clos «  m’infectent l’âme, ils sont un obstacle au bonheur ; comment choisir entre le diable et le bon dieu ».
La tempérance, la sobriété seront reprises par des religions, et plus particulièrement par ceux qu’on appellera les réformistes, dont les protestants.
Cela va, pour ceux qui prennent tout au pied de la lettre, jusqu’à refuser systématiquement tout ce qui découle du désir. Je pense aux personnages protestants intégristes du film « le festin de Babette », où les personnages s’interdisent de parler des plats succulents qu’ils mangent ; c’est une autre forme de tyrannie qu’on s’impose à soi-même, et à ses proches. Et d’autres religions ont aussi inversé cette notion de tyrannie quant aux désirs.
Entre la rigueur sous la forme de l’intégrisme et la satisfaction sans freins de tous nos désirs, la voie raisonnable est à notre portée.
Et je conclus ce propos : si le tyran pour nos désirs, comme cela a été dit, c’est souvent nous-même, et en tant qu’épicurien, (au sens philosophique du terme,) savoir modérer mes désirs, m’aide à une vie heureuse.

⇒  Il y a un paradoxe dans cette expression car mes désirs sont les miens, ceux dont je suis le maître, qui donc ne me tyrannisent pas. Cette question implique de chercher d’une part s’il y a plusieurs sortes de désirs, d’autre part quelle est la relation que le Moi,  entretient avec ses désirs. Je m’appuierai sur deux analyses: celle d’Epicure, celle de Freud
1° Avec Epicure, l’individu peut connaître le bonheur (l’ataraxie ; l’absence de trouble) s’il sait distinguer ses désirs les uns des autres et ne satisfaire que les uns et refuser les autres. Il y a les désirs naturels et nécessaires (manger, boire, dormir et réfléchir –philosopher). Ils doivent être satisfaits (par tous les êtres humains) pour vivre. Il y a les désirs naturels et non nécessaires (gourmandise, désir sexuel). Ils doivent être satisfaits modérément. Il y a les désirs artificiels (de pouvoir, de luxe). Ils ne doivent pas être poursuivis car ils n’entraînent qu’insatisfaction, qu’inquiétude : ils sont infinis, jamais finis, recherche de toujours plus et donc source sde stress. Epicure nous invite donc à analyser nos désirs, à comprendre lesquels sont artificiels (induits par le milieu dans lequel nous vivons ? par le type de société qui nous contraint à désirer toujours plus d’avoir ou/ de reconnaissance).
Réflexions proches des recherches actuelles sur l’idéal de la décroissance.
2° avec Freud : toute société, quelle qu’elle soit, inculque à l’individu de refouler ses désirs. «  Le moi n’est pas maître dans sa maison » ; le moi est fonction du ça, et du surmoi. Ainsi, le bonheur n’est pas au programme de la civilisation, car pour vivre en société l’individu apprend à sublimer l’Eros et à refouler le Thanatos
Les humains sont tous déterminés par des désirs, mais être déterminé, n’est pas être esclave, et la réflexion permet à chacun que ces derniers ne le tyrannisent pas. N’est ce pas ce que les juges disent aux avocats qui plaident « les circonstances atténuantes » ? Tout être humain est doté de capacité à réfléchir
«  L’intelligence est la chose du monde la mieux partagée »  écrivait Descartes, « mais il faut savoir en faire l’usage » : aux éducateurs d’enseigner à réfléchir. Mais comment légiférer sur les désirs ? Peut-on distinguer ceux qui peuvent être autorisés et ceux qui ne le peuvent pas ? C’est encore JJ Rousseau qui m’a fait comprendre que les désirs ne sont pas des droits. Pour qu’une société vive en paix, pour qu’il n’y ait pas la guerre de chacun contre chacun, il faut qu’il y ait un contrat social «  où chacun aliène tous ses droits à la communauté ». C’est la condition pour que chacun soit libre et que tous soient égaux.
Prenons deux exemples d’aujourd’hui  en France :
1° Le débat au Comité Consultatif National d’Éthique sur la PMA, et le débat parlementaire sur la loi contre le harcèlement sexuel.
Fin juin 2017 le CCNE s’était prononcé pour l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, et aux femmes seules, et pas seulement aux femmes infertiles de couples hétérosexuels. Le débat avait divisé les médecins, les représentants des Églises, les chercheurs spécialistes en gynécologie et en procréation artificielle. Alors s’est écrié «  le désir d’enfant n’est pas un droit » ! Et en effet le désir d’enfant n’est pas un intérêt  commun, c’est un intérêt (un désir) particulier à certaines femmes; et il est contradictoire de vouloir autoriser la PMA à toutes les femmes et de dire en même temps que la GPA  est interdite. Car il y a égalité de droits des femmes et des hommes. Et pourquoi les hommes n’auraient ils pas le désir d’enfant ? Aujourd’hui, la révision de la loi de bioéthique est prévue au premier semestre 2019. Et des associations féministes et LGBT estiment qu’il s’agit d’une question de discrimination et non de bioéthique. Elles discutent en termes de désir  particulier et non en termes de droit valable pour tous. Quand Simone Veil a légiféré sur le droit à l’avortement c’était en raison de l’intérêt général: la liberté pour les femmes comme pour les hommes de « disposer de leur corps ».
2° Le débat parlementaire sur le harcèlement sexuel des hommes à l’encontre des femmes, prend en considération les revendications  liées au mouvement féministe, et cela relève d’une volonté démocratique de garantir l’intérêt commun, la res publica (la chose commune), ici l’égalité des droits entre les hommes et les femmes. Il y a, en effet non seulement l’égalité des droits au travail, l’égalité des salaires : le « à travail égal, salaire égal », l’égalité du droit de vote, mais aussi l’éga-liberté (Régis Debray) de  satisfaire ses désirs.
Mais le débat dans les média, sur les réseaux sociaux, est un débat qui oppose des désirs individuels («  ma liberté d’être importunée » face à « ta liberté de dénoncer », de « balancer ton porc »). Comment le législateur garantira-t-il le droit commun à l’égale liberté des hommes et des femmes ?
Rousseau écrivait que le peuple doit être éduqué pour qu’existe une démocratie républicaine ! Qui peut l’éduquer à refuser la tyrannie des désirs particuliers ?

⇒  Je ne pense pas, comme il a été dit, qu’on puisse avoir du bonheur en refusant de céder à ses désirs. Et l’acte de limiter ses désirs fait qu’on n’est pas totalement heureux.
Ensuite, je fais la distinction entre droit naturel et désir. Je pense que boire, manger, soient des désirs, c’est des droits naturels que découlent les désirs.
On est partis de l’état de nature avec des droits naturels : propriété, liberté, égalité, ce qui nous a donné comme le dit Rousseau, la possibilité de former société…et des droits naturels puis aux désirs, la société a évolué, avec les lois qui ont pu limiter les désirs. Je pense que le texte le plus symbolique sur la limitation des désirs, c’est la Constitution.
Quant à L’IVG, si cet acte est défini comme droit à ne pas avoir d’enfant en recourant à la médecine,  je pense que la logique est aussi : un droit à avoir un enfant, mais pourquoi alors parler d’un désir.
Quand on parle de ne pas vouloir un enfant c’est un droit. Et quand on parle de vouloir un enfant c’est un désir. Et revenant sur Rousseau, lorsqu’ils nous dit que la loi doit être au-dessus des désirs, la méthode n’a pas fonctionné, on en a eu un exemple avec Robespierre, ça n’a pas vraiment marché.

 ⇒ On parle de désirs, de droits, et de lois. C’est la loi qui fait le droit. Chaque fois qu’on fait le droit, il s’oppose toujours à l’intérêt de chacun. Et c’est encore plus difficile à traiter de cela quand il s’agit de désirs individuels. Dans ces débats d’éthique actuels, il ne faut pas que le désir d’une petite minorité, loi dictée par quelques uns sur les réseaux, matraquée,  devienne la loi réelle.
Il suffit  d’idées lancées sur Internet pour que tout le monde aille dans ce sens, et la volonté de quelques uns deviendrait le désir de tous. C’est devenu, aujourd’hui, comme avec « le harcèlement » insupportable !
Il y a aussi des désirs personnels sur un plan tout à fait ordinaire, sans retentissement sociétal, et qui sont tout de même tyranniques. Je pense, par exemple,  aux personnes accrocs aux sites de sexe sur Internet. C’est une addiction. Mais il y aussi des addictions au chocolat, à la nourriture, et des obsessions qui peuvent  rendre des personnes associables.
Et il y a la tyrannie des désirs crées, éveillés par la publicité. Il y en a un certain nombre qui sont comme du harcèlement mental ; on multiplie nos désirs, « en veux-tu, en voilà », on vous fais la publicité d’une voiture avec une belle fille déshabillée à côté. On utilise plus le désir que des arguments technique, c’est du viol psychologique.

⇒  Dans l’annonce sur ce débat, sur le journal en ligne « 94 citoyens » il est écrit ce texte : «  Tout vouloir précède d’un besoin, c’est-à-dire une souffrance », et je me suis dit : Ah, oui !  quand on parle des addictions on n’est plus sur la seule question du désir, car on est face de quelque chose impossible à contrôler, donc le besoin qui lui, s’impose, et qui peut être lié à une souffrance, un manque.
Le suite de ce texte (de Schopenhauer) dit : « La satisfaction y met fin ; mais pour un désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés ; le désir est long, et ses exigences tendent à l’infini, la satisfaction est courte, et elle est parcimonieusement mesurée. Mais ce contentement suprême n’est lui-même qu’apparent ; le désir satisfait fait place aussitôt à un nouveau désir ; le premier est une déception reconnue, le second est une déception non encore reconnue. La satisfaction d’aucun souhait ne peut procurer de contentement durable et inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on jette à un mendiant : elle lui sauve aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère jusqu’à demain.  Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à l’impulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni repos » (Le monde comme volonté et comme représentation. Schopenhauer)
Effectivement, pour moi, le besoin est différent du désir, et je retiens l’expression : « Nous sommes des êtres de désir, avant d’être, des êtres de liberté ». Nous sommes tous ces êtres de désir, nous avons toute la vie pour atteindre un état de grandeur. Et quand on parle de désirs, tout n’est pas que désirs avec un grand D. Il faut distinguer les désirs, des petits désirs aux addictions qui sont des désirs insatisfiables, un manque qui s’entretien tout le temps. Et d’où cela vient-il, est-ce que cela vient de la société ? Et, est-ce que l’addiction au pouvoir, c’est plus masculin que féminin. Ça ne me semble pas venir du sexe (du genre), nombre d’addictions sont dues à une société dominée par « le dieu argent ». Ces désirs addictifs, artificiels, non nécessaires ne sont pas de l’ordre des besoins, ou, nous ne sommes plus « des être de liberté ».

⇒  Lorsque le désir se fait addiction, qu’il devient tyrannie, il y a là, oui, des désirs profonds insatisfaits. Il y a là, un moyen de vouloir combler  un manque, lequel n’arrive pas à être combler malgré tous les plaisirs qu’on s’offrira, les plaisirs auxquels on cédera pour se faire du bien. Et c’est bien le sens des achats compulsifs qui mènent au surendettement.
Et si, parmi nous, s’exprime l’idée, que l’insatisfaction des désirs empêche d’accéder au bonheur, je ne pense pas de même. Peut-être, est-ce question de tempérament, mais je continue à penser qu’on peut très limiter, contrôler ses désirs, et que c’est justement cette capacité de maîtrise de ses désirs qui me rend heureux en écartant des envies suggérées ; « le moi » reste  « maître dans la maison ». Par exemple, je ne désire pas avoir une Rolex à 28000 €, ça ne prive pas, qu’est-ce que j’en ferai ?
Et, pour réhabiliter le désir, il n’est pas qu’insatisfaction, il est avant tout moteur d’action, fondamental. Certains de nos désirs peuvent nous amener à nous surpasser, à faire des choses extraordinaires, de belles réalisations, et contrairement à ce que nous dit Schopenhauer, un désir satisfait n’est pas une « illusion disparue », il n’en crée pas, ipso facto, dix autres.
Ce qui tuerait mes désirs, serait que je puisse accéder au moindre désir exprimé ; les désirs trop peu désirés font les gens blasés. Mes désirs me font aller de l’avant, et le jour où je n’aurai plus de désir, je  ne serai pas loin d’être mort.

⇒  Le mot limiter (ses désirs) ne paraît pas satisfaisant, je verrais mieux l’expression : « contrôler ses désirs ». Tous les désirs doivent être bien nommés. Le désir d’une barre de chocolat ne peut être associé au désir d’être aimé.

⇒   « Nous sommes faits de l’étoffe de nos rêves » nous dit Shakespeare, et nos rêves parfois se transforment en désirs, (pour le meilleur ou pour le pire). Si je rêve d’une certaine forme de société, je vais tout faire pour que cette société arrive, (de la meilleure ou de la pire des façons). Le désir n’est pas absolument l’attrait de choses matérielles, il y a des désirs conceptuels, et les rêves en font partie. Ces rêves qui se transforment parfois en concepts si permanents, qu’ils en deviennent un objet auquel on finit par croire.

⇒  On a beaucoup parlé des désirs, mais pas de la définition du mot, on a utilisé des synonymes. Est-ce que le désir, c’est l’aspiration à, un vœux, un élan, un étincelle qui vous pousse vers quelque chose ? Est-ce que c’est juste un point départ, un projet tant qu’il n’est pas abouti ? Si quelqu’un désire devenir musicien, si il y arrive, il n’aura plus ce désir, il lui restera le plaisir sans le désir.

 ⇒  Le désir est un manque à combler ; c’est notre alchimie qui nous façonne nos désirs.

⇒  L’étymologie du mot désir, n’est pas sans avoir un lien avec l’expression : «  demander la lune ». Le mot découle du latin « desiderare » fondé à partir de « Sidus – Sideris » l’astre ou la planète, ou, « la nostalgie de l’astre », « le désir de l’étoile… » (Le Grand Robert de la langue française)
Et, nous n’échapperons pas au désir physique, qu’on le nomme désir amoureux, désir sexuel. C’est la source de l’humanité, même si le triste Schopenhauer, (encore lui) nous dit que  l’amour est : « comme une ruse de la nature destinée à nous inciter à nous reproduire ». Le désir d’amour, c’est aussi le désir et le besoin de tout partager avec l’autre, de vivre avec l’autre, il est désir et attirance réciproque (du moins il faut l’espérer).
Dans ce type de désir,  nos philosophes ne furent apparemment pas de grands amoureux ; des tristes stoïciens pour qui la relation sexuelle n’est (je cite) que « le frottement de deux boyaux » (Sénèque) à Kant, pour qui (je cite) « lorsque la femme fait d’elle-même un objet de désir, elle dispose d’elle-même comme une chose dont on peut se servir pour combler son appétit, un peu comme un rôti de porc qu’on mange pour apaiser sa faim ».
L’amour est un désir infini, le désir en amour est plus qu’un désir physique, quand on est amoureux, amoureuse, le monde n’a plus de limite. J’ai retenu cette belle définition : « Le désir c’est ce qui fait que toute la superficie de la peau, désire toute la superficie d’une autre peau…. On est intimes avant même de se connaître, on ne peut pas se passer du désir de l’autre, et de son sourire, et de sa main, de ses lèvres. On le suivrait jusqu’au bout du monde; et la raison dit : « Mais que sais-tu de lui ? » Rien, rien, hier encore c’était un inconnu. Quelle belle ruse inventée par la biologie pour l’homme qui se croit si fort ! Quel pied de nez au cerveau. Le désir s’infiltre dans les neurones et les embrouilles. On est enchaîné, privé de liberté »   (Les yeux jaunes des crocodiles. Katherine Pancol)
Et si ce désir est tyrannie, moi, j’accepte cette tyrannie.

⇒  Pour définir le désir, il y a au moins deux philosophes qui s’expriment mieux que ces derniers cités. Spinoza dit, que, « le désir est l’effort pour persévérer dans son être »,  c’est comme le moteur de la vie.
Et puis, un autre philosophe, Hegel, disait que le moteur de la vie humaine, c’est « le désir de reconnaissance », ce qui rejoint aussi, le désir d’être aimé, ce moteur de l’histoire de l’homme, tant individuel que collectif.

 ⇒  La réalisation des désirs, ne tue pas le désir. Il y a des désirs qui ne s’éteignent pas.

⇒  Est-ce qu’on est d’accord sur le fait que maîtriser ses désirs permet d’être plus heureux ?

⇔  Réguler ses désirs n’est pas limiter, n’est pas les brider. Il faut savoir, et choisir ce qui est bon ou pas de réaliser, sans mettre une barrière infranchissable.

⇒  Freud imaginait les pulsions, les désirs trop forts, comme l’eau retenue par un barrage, plus ils sont retenus plus le niveau monte, ils s’infiltrent, débordent. En fait, le désir bridé totalement fait des petits « monstrueux ».

 ⇒ Heureusement qu’il y a des freins sociétaux, des freins qu’on s’impose, sinon ça s’arrête où la satisfaction des désirs.

⇒  Nous vivons sous le regard de la société ; Dans la mythologie grecque le personnage de Gygès possédait une bague, qui, lorsqu’il la tournait, le rendait invisible, et alors il pouvait satisfaire tous ses désirs sans être vu.
Maintenant il y a des sociétés plus ou moins permissives, certaines ou la tyrannie, est l’opposition à des désirs tout simples.

 ⇒  Dans nos sociétés occidentales nos désirs d’avoir, de consommer, sont incompatibles avec le désir de régler le problème climatique. Il va falloir faire l’impasse sur nombre de désirs, choisir, se faire violence.

⇒  La philosophie bouddhiste est plus à même de répondre à cette modérations des désirs.

 ⇒  La philosophie bouddhiste a une conception totalement contraire à celle de nos sociétés occidentales. Le bouddhisme ne dit pas – A bas les désirs ! éliminons les désirs ! mais écartons les désirs qui mènent à la souffrance, car c’est la souffrance qui empêche d’être heureux. On ne garde que les plaisirs nécessaires, comme chez Épicure.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Une réponse à La tyrannie du désir

  1. BRUNET dit :

    Je crois que le désir correspond à un besoin non encore satisfait.
    Je crois également que le désir suppose que le besoin sera satisfait, ce qui n’est pas toujours le cas.
    Dans tous les cas, le désir est un besoin de satisfaire un intérêt (au sens très général) et également très égoïste de chaque individu.
    Et pour que le désir ne soit pas tyrannique, il faut que celui-ci soit réalisable .
    Si le désir n’est pas réalisé il sera donc tyrannique à moins que celui qui désire ait la chance de pouvoir supprimer son désir, ce qui est peu probable puisque celui qui désire n’a pas choisi son désir, ce qui veut dire qu’il est aussi son désir, ou autrement dit que son désir fait parti de lui-même.
    Par exemple, je désire acheter une voiture puissante comme celle de mon voisin.
    Soit j’en ai les moyens et je satisfais mon désir.
    Soit j’en ai pas les moyens et mon désir ne sera jamais satisfait et je serais un être frustré temps que ce désir ne sera pas satisfait.
    Il ne paraît pas possible de supprimer ce désir sauf à démonter la cause du désir et en convaincre celui qui désire (ce qui n’est pas gagné)

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