Quel rôle, quel avenir pour les associations?

Théo van Ryseelberghe. 1903

Théo van Ryseelberghe. 1903     

Restitution du débat du 27 février 2019. Café-philo de Chevilly-Larue

Animation: Edith Perstunski-Deléage, philosophe. Guy Pannetier
Modérateur : Hervé Donjon
Introduction : Guy Pannetier

 Introduction : L’engagement associatif est un moyen de mesurer, dans les Etats, la notion du collectif ; elles sont un acquis social créant du lien.
Nous voyons qu’en France le nombre d’associations, le nombre d’adhérents des associations serait plutôt à la hausse depuis les années 80. Ceci pourrait être dû à : un  pic des « papy boomers », l’obligation des repos hebdomadaires, l’allongement des congés, la réduction du temps de travail. Peut-être doit-on prendre en compte également un temps gagné avec toutes les technologies utilisées dans différentes activités journalières.
On pouvait toutefois, craindre que dans une société où l’on a le sentiment que l’individualisme progresse, l’engagement associatif baisse. Et l’on pouvait même craindre que les nouveaux liens, les nouveaux modes de communication, nos réseaux de contacts, (famille, amis, relations), avec qui on peut être en relation presque à la seconde, créant de nouveaux mini-univers, agissent négativement sur l’engagement associatif, mais il n’en est rien.
Tout cela est rassurant, face à l’arrivée de ces immenses réseaux sociaux. Nombreux sont ceux parmi nous, qui appartiennent à un ou des réseaux sociaux.
Nous avons là, à la fois des associations réelles, et des associations virtuelles.
Les plus grandes « associations » du monde sont en nombre d’adhérents: Facebook, 2270 milliards, You Tube 1,9 milliards, WhatsApp 1,5 milliards, Instagram 1 milliard, mais je précise, qu’elles ne sont que virtuelles.
Lorsqu’on observe le camembert de répartition des activités associatives, ce qui vient en premier ce sont toutes les activités réunies sous la définition « culture », ceci pour 24%. Il s’agit du nombre d’associations, pas du nombre d’adhérents. Puis viennent ensuite les activités sportives pour 17%, et là le nombre d’adhérents est plus élevé (250.000 clubs sportifs) puis les activités de loisirs pour 12%, puis les amicales pour 7%.
Dans le monde rural on est à 35,4 % d’adhérents à des associations. A Paris le pourcentage est inférieur à 30%. La France est après la Suède le pays qui compte le plus d’associations.
Différentes sources donnent le chiffre de 21 millions de Français adhérents à des associations, soit hors les enfants, les personnes très âgées, pas loin d’un Français sur deux.
Si j’essaie d’en faire une analyse et de porter un jugement de valeur, je trouve cela encourageant. Cela nous dirait que le « vivre ensemble », l’intérêt de l’autre, le goût du partage, de faire quelque chose ensemble, est toujours très vivant dans ce pays.
On peut penser que cette progression du nombre d’associations est due à une impulsion donnée au cours des dernières décennies, leur offrant des outils d’assistance, des aides financières.
Par exemple, si demain les subventions étaient supprimées aux associations sportives, on risquerait de voir régresser l’activité sportive.
Donc l’Etat, via diverses structures aide financièrement ces associations, bravo ! Mais l’Etat y gagne beaucoup en retour. Ce gain est immense, pour autant qu’on puisse comptabiliser toute chose. Ce gain c’est tout le temps donné, je dis bien « donné », dans un monde où le temps serait de l’argent.
L’engagement bénévole est une source de richesse.
Ce qui est devenu association est aussi l’héritage d’une certaine façon, de mouvements, de structures souvent différentes que furent les confréries, les compagnonnages, les corporations.
Si vous aviez dit il y a cinquante ans qu’il y a aurait 1, 3 millions d’associations, 16 millions de bénévoles, 1,8millons de salariés d’associations, on vous aurait ri au nez. Donc, on peut en déduire que la société évolue dans un bon sens.
S’il est des associations qui peuvent fonctionner avec un très petit budget, voire presque avec que les cotisations des membres, certaines ne peuvent exister sans subventions, et depuis quelques années les contraintes budgétaires que connaissent les collectivités amènent ces dernières à réduire les subventions ; ce qui peut mettre en péril certaines activités essentielles.
Pour l’avenir du monde associatif, si l’on a le sentiment que l’individualisme est plus présent qu’il a cinquante ans, cela n’influe pas sur l’engagement, et la France reste un des pays où l’engagement associatif reste le plus fort. Et je trouve que c’est encourageant, que l’investissement personnel, l’engagement citoyen ne faiblit pas ; ça nous conforte dans notre confiance en l’homme, et encore plus dans la femme, puisque ce sont les femmes qui, les chiffres le montrent, s’engagent le plus dans la vie associative.  En cela on peut être optimiste.

Débat Débat : ⇒   Le mot, association, est lié à « société », du latin « socius » désignant « l’allié, le compagnon », c’est-à-dire « celui avec lequel on mange le pain ». Donc une société c’est le fait d’un regroupement, qui est le contraire d’un isolement, de la dispersion, de la guerre, de la guerre de chacun contre tous.
Le sociologue Émile Durkheim, dit : une société est une organisation de gens qui vivent en compagnie, les uns avec les autres, dans une coordination soit horizontale, soit verticale. Et c’est aussi selon Rousseau «  une association volontaire »  qui regroupe des personnes qui passent contrat.
Une association n’est pas la même chose qu’une communauté. La communauté est un ensemble d’individus qui ont quelque chose de commun, qui communient ensemble, qui partagent. Donc, l’idée d’un lien, et aussi de partage, ce qu’il n’y a pas en association.
Toute association est un regroupement d’individus qui passent contrat, en vue d’une activité, ou d’un but. Cela veut dire, que cela relève d’un consentement, c’est pour cela qu’on dit : qu’on adhère. C’est un contrat de droit privé, une association à but non lucratif et d’utilité publique reconnue par l’État. Donc, les membres d’une telle assemblée sont bénévoles, et n’ont pas le droit de toucher de l’argent, de partager entre eux l’argent qu’ils peuvent recevoir : de l’argent qu’ils reçoivent soit de l’État, de la commune, des collectivités ou des adhérents…
Si il y a un développement des associations, c’est parce qu’il a une décrédibilité de l’action politique, et pour fuir cette société marchande, fuir les partis et c’est parce que d’autre part, avec le développement du capitalisme marchand, les gens s’investissent dans les associations à but non lucratif pour  fuir une société qui n’aurait comme but que la compétitivité.
Ce développement des associations a pour conséquence qu’elles deviennent des objectifs, et c’est comme une réponse sociale. Et l’on voit qu’il ya de plus en plus d’associations dans des petites communes, dans des territoires périphériques.
Finalement, si les associations se développent comme le dit Raphaël Glucksmann, nous sommes en train de passer de l’impasse individualiste d’une société marchande au réveil citoyen ; il écrit : « Nous pensions que la démocratie sociale allait s’étendre sur tout le globe, mais elle est en crise partout. Nous chantions les bienfaits des échanges, mais la mixité sociale recule partout, et de nouveaux murs s’érigent chaque jour»
   Alors, pour ne pas tout perdre, nous devons sortir de l’individualisme, et de différentes formes de multiculturalisme, communautaires et aussi, de partis.

⇒ Je suis Président d’une amicale.  Il a fallu la déclarer alors qu’il n’y a pas d’adhérents; cette association regroupe tous ceux qui sont allés en Algérie de 1954 à 1962 au même endroit c’est-à-dire à Bou Saâda. Cela nous dit que la vie de certaines associations est inscrite dans le temps.

⇒ La question est posée de savoir : qui parmi les présents est adhérent d’une ou plusieurs associations. La plupart d’entre-nous fait partie d’une ou plusieurs associations, de deux à cinq associations différentes. Cela veut dire qu’il y aurait tout de même un profil de l’adhérent, de l’acteur du monde associatif, et cela, en regard des chiffres annoncés quant à l’engagement numérique, il y a peut-être à pondérer les chiffres.

⇒ Y a t-il des profils de  gens qui ne rejoindront jamais une association ?

⇒  Je rencontre des gens différents dans mon association, mais c’est vrai que nous avons des points communs : besoin de s’investir, besoin de partager, besoin de rencontrer les autres.

⇒ Si on a besoin de déclarer une association en Préfecture, je pense que c’est parce que l’État doit savoir ce que font les gens qui se regroupent.

⇒ Les groupes : guildes, corporations, compagnonnages, fraternités, sociétés diverses, ont toujours été très surveillés, surtout lors des pouvoirs absolus; ainsi sous Napoléon (par exemple) les associations de plus de 20 personnes étaient interdites. Les associations ont une longue histoire, avec des interdits, et tour à tour des lois pour les encadrer.

⇒ Ce qui nous intéresse plus particulièrement du point de vue philosophique, ce sont les raisons, les motivations, qui font que des personnes vont rejoindre des associations, voire  s’engager, donner du temps comme bénévoles.
Est-ce que c’est simplement pour le plaisir, Est-ce un élan humaniste, d’ordre empathique, de générosité du cœur, comme s’engager dans l’action caritative ? Est-ce que c’est un besoin de lien social ? Un besoin de faire quelque chose d’utile, pour soi, pour les autres ? Un engagement citoyen ? Pour connaître d’autres personnes ? Pour un besoin d’appartenance, faire partie d’un groupe ? Pour, à partir d’un pôle d’intérêt,  partager avec d’autres ce que l’on a en commun ? Voire aussi le goût de transmettre?
Mais la création d’une association peut être aussi celle d’une association de défense.
Et puis ce qui rend difficile de vouloir cerner la personnalité du participant au monde associatif, c’est l’extrême diversité des mouvements associatifs. De fait, quoi de commun entre l’amicale des joueurs de boules, une ONG, une association féministe, une association de droits des animaux, et le Secours populaire ?
Une étude européenne constate que ce sont les plus âgés qui s’engagent, que les pays du nord ont plus d’associations que les pays du sud, que les pays où il a le moins d’État sont ceux où y a le plus d’associations, ce qui nous dit que peut-être que là où l’Etat se désengage, la population compense. Les chiffres sont difficiles à interpréter.

⇒ C’est si varié, qu’on a aussi des « associations de malfaiteurs » (non déclarées) !

⇒ Pourquoi des gens rejoignent-ils des associations ? Je pense que c’est parce que cela leur permet d’agir dans une activité où ils ne pourraient rien faire seuls ; l’association alors devient un passage obligé.

⇒ Si on est joueur de boules, on ne peut pas jouer seul, il faut en plus être organisés pour avoir un boulodrome, un local, etc. Il y a l’activité et en plus la vie d’un groupe.

⇒ Le regroupement associatif, ne valide pas l’expression : « Qui se ressemble s’assemble », car nous sommes dans nos associations avec nos différences, d’origine, de religion, d’options politiques. Autour d’un intérêt commun, même si on ne se ressemble pas, on s’assemble. C’est un engagement citoyen au-delà de toute différence. Le mouvement associatif est un des piliers de la démocratie, il est à défendre car est il est aussi un acquis social.

⇒ Il y a un déficit de renouvellement chez les adhérents, et surtout pour les responsables d’associations. Alors, est-ce que cela traduit un moindre engagement générationnel, ou, est-ce que ce sont des modèles d’associations qui sont vieillissants, ou l’engagement se fait-il sur de nouveaux types d’associations ?
On voit se créer de nouvelles associations : ce sont par exemple, les AMAP, Associations écologiques, pour la pureté de l’air, de consommateurs, de circuits courts, de systèmes de partage, d’épargne solidaire. Donc, la société change, de même le monde associatif ne cesse de changer de forme.

⇒ La crainte reste qu’en regard de la baisse des dotations des collectivités à cause des transferts de charges qui alourdissent leurs finances, les subventions d’associations connaissent des baisses significatives, ce qui mettrait en danger des activités associatives, comme les associations sportives par exemple, qui jouent un rôle important auprès des plus jeunes.

⇒ Si on valorisait le temps donné par les bénévoles, les charges, et s’il s’agissait de salaires, on arriverait à des sommes importantes, lesquelles sont au-delà des subventions. Si on fait un bilan Actif/Passif, c’est positif au niveau d’un État, et cela encore plus dans le domaine caritatif que le travail soit pris en charge par les bénévoles des associations dans certains cas..

⇒ De fait, le mouvement associatif participe  au PIB. On imagine le coût des bénévoles qui encadrent les enfants qui font du sport ?

⇒ Dans le domaine caritatif, que ce soit « les restos du cœur », ou l’aide aux SDF, des personnes expriment souvent cette idée : – oui, on donne, mais aussi, on reçoit, et cela peut donner aussi des petits bonheurs.

⇒ Les engagements caritatifs correspondent à quelque chose qui est en nous : empathie, amour de l’autre, pitié, compassion. C’est vrai on agit pour l’autre, et on agit pour soi.

⇒ L’engagement, et plus particulièrement l’action caritative, c’est aussi vouloir donner du sens à sa vie.

⇒ Je fais partie d’une association de poètes : créations, spectacles, promotions… C’est vrai que nous n’y voyons que peu de plus jeunes arriver. De fait, ils sont tout aussi actifs, mais ils sont surtout sur des réseaux, ces « associations virtuelles », lesquelles sont des entreprises. Il n’y a pas la rencontre de l’autre.

⇒ Notre société avec plus de précarité de l’emploi, la flexibilité, avec des horaires indéfinis, ne laissent pas l’esprit assez libre pour s’engager dans un mouvement associatif. Nombreux sont ceux qui de fait sont moins disponibles. Il y a alors, un phénomène d’éloignement, avec deux conséquences : une frustration de ne pouvoir participer à des activités en commun, et un manque de partage citoyen.

⇒ La vie associative, est ce « plus » qui  nous permet d’être acteur de la vie publique ; elle est ce moyen d’avoir une vie sociale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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