Qu’entendons-nous par peuple?

                 Restitution du débat du 3 février 2016 à l’Haÿ-les-Roses

Rousseau. Le centenaire de l'indépendance. 1892. Musée Paul Getty. Los Angeles.

Rousseau. Le centenaire de l’indépendance. 1892.
Musée Paul Getty. Los Angeles.

Introduction Annie : Un peuple c’est  un ensemble de gens qui ont quelque chose en commun. Après, ça peut être les habitants d’un pays, mais il y a des peuples séparés dans divers pays, il y a des diasporas. Une diaspora c’est un peuple dispersé sur la terre et qui a conservé, sa langue, sa culture, sa religion parfois ; ce sont par exemple, les Arméniens, les Juifs…
Par contre on a vu pour la diaspora juive, que le gens se sentent d’autant plus juifs qu’ils sont confronté à l’antisémitisme, et cela même s’ils ne sont pas religieux. Puis nous avons cette autre définition de peuple, où un grand bourgeois ne se considère pas comme faisant partie du peuple, de la populace. Le mot peuple est utilisé là dans un sens méprisant.
Nous savons qu’un peuple peut se révolter, comme en 1789, ou lors de « La Commune », et plus près de nous en mai 1968, et à chaque fois ce sont au final de grandes avancées sociales.
Puis nous avons même de nos jours des exemples comme au Burkina Faso où le peuple a fait face à l’armée, puis a gagné.

Débat

 

 Débat : ⇒  Un peuple c’est un « Ensemble d’humains vivant en société, habitant un territoire défini ayant en commun un certain nombre de coutumes, d’origine », nous dit le Grand Robert de la langue française. Et nous trouvons pratiquement la même définition pour le mot État : « Terme par lequel on désigne habituellement une population qui a fait l’expérience pendant plusieurs générations, d’une telle communauté de territoire, de langue, de culture, d’économie et d’histoire que les membres ont une conscience précise de ce qui les uni »  (Encyclopédie de la philosophie pochothèque)
Des mots comme « peuple » comme « Nation » sont des mots piégés, ceci, parce qu’ils ont été souvent récupérés par un mouvement politique d’extrême droite
Ce mot de peuple est polysémique, de plus son  sens évolue avec la société des hommes, ce qui amène à poser la question de quoi, le peuple, le « demos » est-il véritablement le nom ?
A mon sentiment un peuple c’est plus qu’un agrégat d’individus, c’est plus qu’une entité administrative, c’est une mémoire, c’est une langue, un peuple c’est une histoire, c’est un récit, et Ernest Renan nous disait que ce n’est, ni une race.,( ni même pour lui une religion).
Une société qui n’a aucun ancrage territorial, qui renie toute culture spécifique.  Si elle n’a qu’un ersatz  de culture standardisée, elle n’est plus qu’une population
Un peuple ce sont des valeurs communes, c’est par exemple pour le peuple français : Liberté – Egalité –Fraternité-, c’est un hymne, c’est un drapeau ; des symboles dans lesquels on se reconnaît en tant que peuple d’une même Nation. Un peuple c’est une culture commune, partagée, une musique, une littérature, un théâtre, un cinéma, une gastronomie.
Le peuple est acteur de l’Histoire, tous les monuments aux morts de France en témoignent.
Curieusement,  nous avons des personnes qui dans  ce pays ont, pour des raisons diverses, une forme de haine de leur pays, cela peut être une posture intellectuelle, cela peut avoir des origines politico religieuses ; depuis cette  posture, les hauts cris s’entendent si est prononcé le mot identité, encore un anathème. Il y a dans le vocabulaire du tri sélectif. Le mot identité  est connoté dangereux, alors que nous avons tous sur nous une carte d’identité française, un passeport français., une identité n’est pas figée, elle a toujours été évolutive. Je pense que le peuple de 1793 aurait du mal à se reconnaître dans le peuple français d’aujourd’hui.
Je pense que si les habitants d’un pays abandonnent l’idée qu’ils sont un peuple, c’est là  qu’il ne sont qu’une population, qu’on peut leur faire ingurgiter des modes de vie, des lois, des élément culturels qu’ils n’ont choisis par eux- mêmes. Et c’est ainsi qu’on peut les mettre en gouvernance,  autrement dit, leur laisser l’impression qu’il existe toujours un peuple pouvant exercer une souveraineté qu’ils ont perdu.
C’est  parce que depuis quelques décennies les gouvernements successifs n’ont pas gouverné avec et pour le peuple, qu’ont surgit les questions identitaires,  les replis identitaires, les communautarismes. En soulevant des questions sociétales on divise le peuple, et pendant ce temps on ne traite pas les vrais problèmes, on met la poussière sous le tapis
Si j’ai cité les définitions du mot peuple, on ne doit oublier tous les synonymes et termes analogiques qui habillent d’une connotation péjorative le mot peuple :
Par exemple une des définitions donnée par le Trésor de la langue française, donne : «  ensemble de personnes qui n’appartiennent pas aux classes dominantes, socialement, économiquement, et culturellement » C’est le « petit peuple », c’est parfois « la France d’en bas » face à la « France d’en haut ». C’est le populo, la populace, la masse, la plèbe, et surtout l’anathème, « populisme » ce fantasme des élites, j’y reviendrai.

⇒ La question s’adresse à chacun et je vais y répondre en partant de mon point de vue particulier. Lorsque je dis que je suis juive pour moi c’est que je me réfère à l’histoire du peuple juif. Mais la question est tout de suite : Qu’est-ce que le peuple juif? Ce n’est pas le peuple d’un pays : il n’y a pas de pays des juifs, L’Etat d’ Israél se nomme depuis 1948 un Etat juif mais quand je dis que je suis juive et que je me réfère à l’histoire du peuple juif je ne dis pas que je suis Israélienne.
Je n’appartiens pas non plus à la communauté juive dont le CRIF) prétend être représentatif. Il a été constitué en 1944 et à l’époque il était le conseil représentatif des Israélites de France. Les israélites sont ceux qui appartiennent au peuple issu de Jacob, un fils d’Abraham, nommé aussi Israël, et père des douze tribus d’Israél et qui se distingue d’Ismaël (autre fils d’Abraham et origine des tribus arabes).  Souvent à ce terme est associé un sens religieux : est israélite celui qui pratique le culte biblique: ainsi on nomme le consistoire israélite. Au 19ème siècle et encore après la deuxième guerre mondiale le terme israélite qui désigne des migrants religieux d’Europe de l’est a, en France, une connotation péjorative,  synonyme de juif qui a la haine de soi (cf. l’ouvrage d’Alain Finkielkraut Le juif imaginaire) de juif honteux parce qu’il intériorise les préjugés antisémites  Il  est aujourd’hui remplacé par le mot juif qui veut redonner aux  juifs le sentiment d’une identité positive. Ainsi quand on parle de la communauté juive que  le CRIF  dit représenter on se réfère aux juifs qui se rattachent au culte judaïque ou/et aux institutions culturelles qui se réclament de la religion juive et/ou du sionisme historique et actuel.
Qu’est-ce qu’être juif  alors? C’est une question sans cesse posée. Ce n’est pas une race comme l’ont affirmé les idéologues nazis. Ce n’est pas un génome comme le laisse penser la tradition religieuse qui affirme qu’on est juif par sa mère. C’est l’affirmation d’une appartenance à une culture (des airs de musique, des plats de cuisine , des chansons,  des langues (le yiddish, le ladino, l’hébreu), une littérature  des histoires racontées ) et donc une histoire et c’est là qu’on retrouve le lien assumé à un peuple….
Il y a un débat entre historiens sur la date de naissance  du peuple juif et  l’historien israélien Shlomo Sand a écrit « Comment le peuple juif fut inventé ».  Shlomo Sand est contesté par des historiens israéliens parce qu’il récuse l’histoire biblique des trois phases : libération de l’esclavage, exils, retour à la terre promise. Il souligne (archives et archéologie en mains), que les douze tribus d’Israél, fils d’Abraham se sont réparties dans de multiples régions (et non pas seulement en Judée , le Nord de l’Israél actuelle),ont été prosélytes, ont converti des païens , et que la 13ème  tribu longtemps ignorée et maintenant reconnue des historiens a émigré dans le pays des khazars (aujourd’hui la Crimée) d’où viennent les ashkénazes Juifs de l’Europe de l’est, alors que les sépharades viennent du pourtour de la Méditerranée . Mais ce qui compte, et qui n’est récusé par aucun historien c’est qu’un peuple a une histoire et que cette histoire se rattache à un grand récit, un mythe,des idéaux et une épopée ….
Cela me fait dire que j’appelle peuple ce qui donne à ses membres le sentiment d’une alliance avec ceux qui veulent construire ensemble un  projet  de société. Ernest Renan définissait la nation comme « un plébiscite de tous les jours » soulignant que c’est à la fois un sentiment  d’appartenance à un peuple et une volonté de le perpétuer Ce qui distingue la nation d’un peuple c’est que la nation se dote d’un appareil juridique pour se rendre souveraine.
Qui se réfère (et comment?) À la notion de peuple? Comme l’écrit Nietzsche qui parle de peuple ? En grec ancien, le mot a deux  sens : d’une part « démos » : le peuple assemblé pour gouverner, et « laos » le peuple assemblé devant le temple le peuple pro-fane- fanum le temple) qui se distingue du peuple clérical
Et il me semble que le terme peuple a une connotation positive  chez ceux qui ont aujourd’hui,   pour boussole l’orientation démocratique du régime politique et aussi le projet démocratique de l’existence dans toutes ses dimensions Ceux qui ambitionnent de construire une démocratie populaire, une université populaire, un théâtre populaire, ceux qui pensent le peuple comme une communauté d’histoire et de vie qui lie et relie sans cesse des hommes et des femmes sans appartenance exclusive ni partisane, mais des hommes et des femmes volontaires pour se relier à un projet de Bien commun .C’est l’idée du peuple souverain qui gouverne par lui-même et pour lui-même c’est à dire pour chacun et pour tous . Comme l’écrivait Jean Jacques Rousseau,  à la question : comment est-ce qu’une autorité quelconque peut être imposée de manière légitime à un peuple ?  Il répond « Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant. Tel est le problème fondamental dont le Contrat social donne la solution. »

⇒ On a parlé de peuple en tant qu’appartenance à un territoire ou à un pays, à une ethnie, mais si prends par exemple les sémites, le peuple juif c’est des sémites, et les arabes aussi ce sont des sémites.
J’ai entendu l’État c’est presque là même définition, et là je pense que le peuple c’est une entité sociologique faite d’Histoire et de culture, et que l’État, c’est la Nation, avec en plus l’administration.
On a aussi demandé ce qu’était l’identité. Effectivement, là, on a deux voies : l’identité administrative, mais aussi l’identité d’une culture. Par exemple dans tous les débats de ces derniers temps où la notion identitaire revient, on se rend compte qu’il y a recherche de culture commune, et ceci à un tel point, qu’à force de chercher, c’est une notion de peuple qui se divise en différentes identités dès qu’on aborde la notion culturelle.
Ces différentes dimensions on les voit dans le peuple indien, où il y a je ne sais combien de castes qui ont toutes leur Histoire, leurs mythes. C’est vrai aussi, pour les Indiens au Canada, c’est vrai pour les Inuits, c’est vrai pour les aborigènes, etc.
C’est-à-dire, que derrière il y a une Histoire dans le sens du temps, et il y a surtout l’Histoire de leur début, d’une recherche des grands mythes créateurs, des mythes fondateurs ; c’est essentiellement ça qui est le grand ciment.
Et je ne crois pas que ce soit les gens qui font leur Histoire. Je pense qu’il y a des masses qui font l’Histoire des peuples. Je pense que ce sont les masses qui dont l’Histoire des peuples. A la Révolution la masse ce fut la bourgeoisie, et c’est par l’action des masses que le peuple évolue.

⇒ D’abord dans ce concept de peuple, il y a des nuances ; et puis qu’est-ce que ça signifie aujourd’hui pour nous en France, le peuple, surtout dans ce moment de crise, ce moment de guerre.
J’ai retenu la définition qui parlait pour un peuple d’un ancêtre commun, puis la notion de territoire, et celle d’un esprit commun. Il y a aussi, le sens politique, comme celui qui était propre au peuple grec, où l’homme était selon la formule d’Aristote « un animal politique » qui existe dans la société. Donc si tu vis dans la cité, si tu as le pouvoir démocratique, quels sont tes projets, sinon parle t-on d’une peuple déterminé ? Et puis comment s’exerce le pouvoir des peuples, depuis le modèle de la démocratie athénienne à la République de Rome où le peuple romain, la plèbe était en opposition avec les sénateurs.
Et souvent quand on parle du peuple, on sépare la masse des classes dirigeantes. Ces derniers se situent en dehors, et ça génère souvent des luttes. Et le grand chapitre sur les peuples aujourd’hui ça reste les inégalités.

⇒ Nous venons de voir une fois de plus avec ce qu’on a nommé « les printemps arabes » que des peuples ont chassé des dictateurs, et de nouveau perdu le pouvoir.
Par ailleurs, pour que le peuple conserve le pouvoir, il faudrait qu’avec un certain nombre de signatures il puisse obtenir un référendum.

⇒ Si j’ai bien compris l’État rassemble le peuple. Et je reviens sur l’ouvrage de Schlomo Sand « Comme le peuple juif fut inventé ». A-t-on crée cette histoire pour rassembler le peuple juif dans un État, une Nation ?
Autre réflexion, il faut comme nous le dit Hobbes dans « le citoyen » (de cive) il faut distinguer le peuple de la volonté par une volonté commune.
Dans son dictionnaire philosophique André Comte-Sponville donne cette définition du peuple : « Le peuple est un certain corps et une certaine personne à laquelle on peut attribuer une certaine volonté, et une action propre. Le peuple n’est vraiment un – donc, vraiment un peuple – que par la souveraineté qu’il se donne. C’est-à-dire qu’un peuple n’et vraiment lui-même que dans la démocratie, et par elle. Les despotes ne règnent que sur la multitude »

⇒ Je vois deux sens dans le mot peuple : le sens ethnique, et le peuple dans le sens sociologique. C’est, les indigènes d’un territoire, comme un faune, une flore, alors que l’homme a fait le peuple social qui tout au cours des événements cherche à se référer à quelque chose d’originel.

⇒ Le poème d’Hervé :

La communauté humaine
En acrostiche « Le peuple »

L es individus d’un État forment une communauté
E nracinée, appelée peuple, pouvant se représenter

P révoir de faire œuvre commune par la souveraineté
E ngage à vivre ensemble, s’organiser et s’identifier.
U nion humaine nommée démontre sa personnalité
P erpétue par ce qui caractérise la civilisation : évoluer
L iens divers unis, multicolores, variés, de sang mêlé,
E nsemble ils forment un peuple, les peuples pour la postérité

⇒Le peuple est une population homo sapiens sapiens habituée depuis des générations à vivre sous un climat et une territoire spécifique. Ils forment une culture au sens allemand du terme (kultur), avec une façon particulière de voir la vie, c’est-à-dire de gérer la réalité. La gestion de ces réalités dans l’adaptation au terroir et au climat, influe sur la pensée et aussi sur la morphologie.
Les peuples sont les « pinsons de Darwin » ; l’homme blanc d’Europe était noir à l’origine. Cependant de nos jours les blancs et les noirs sont des « pinsons » différents. Donc le même « homme » peuple la terre et son adaptation au territoire et au climat a fabriqué non seulement des cultures différentes, mais des morphologies différentes.

⇒ Je suis d’accord sur le fait qu’un peuple, c’est la recherche d’une culture commune. Si il y a un peuple, c’est qu’il y a une volonté de perpétuer une culture, et je suis d’accord aussi avec l’idée qu’il faut un mythe fondateur.
Si on se réfère à ce formidable élan populaire qui a eu lieu après les attentats de Charlie hebdo et de l’épicerie casher, les gens, alors n’ont pas fait l’histoire, mais ils ont affirmé dans cet élan leur appartenance commune à une même Histoire.
Je pense que le peuple a aujourd’hui une connotation positive pour ceux qui ont pour boussole l’orientation démocratique ; soit, pour un régime politique, ceux qui ambitionnent de construire : une université populaire, un théâtre populaire, ce qui le peuple comme une communauté d’Histoire et de vie, qui relie sans cesse, sans appartenance exclusive des hommes et des femmes volontaires qui sont reliés à un projet commun. Et là ils utilisent de manière positive le terme peuple ; c’est l’idée du peuple souverain.
Par contre le terme peu avoir une connotation péjorative comme dans l’expression : parler peuple – le bas peuple – le menu peuple, etc. autant d’expressions utilisées par l’aristocratie d’avant la Révolution française de 1789, mais aujourd’hui aussi, par certains tenants du libéralisme économique qui dénoncent les porteurs d’idéaux démocratiques, comme des populistes, des démagogues qui flattent la population. Ils reprennent simplement les analyses de Tocqueville qui montre les dérives liberticides de la passion de l’égalité chez les peuples.
Le débat aujourd’hui largement médiatisé sur le déclin de la France, avec Eric Zemmour, sur la défaite de la pensée avec Alain Finkielkraut, sur la mortalité de la civilisation européenne avec Michel Onfray, je ne confonds pas leurs points de vue, mais je constate qu’ils utilisent le terme de peuple avec une même tonalité péjorative et qu’ils ont la même attitude par rapport à lui : le peuple est ignorant , inculte, il a des opinions contradictoires et le travail des anciens, des parents, des éducateurs, et des élites est de le cultiver ou/et de l’éduquer. Nous sommes loin de la volonté émancipatrice des philosophes des « Lumières » loin de la volonté morale de construire une société où tous les membres sont des acteurs autonomes loin de l’élan populaire rassembleur dont je pourrai être partie prenante

⇒ Je reviens brièvement sue ce pouvoir du peuple qu’est le référendum. Nous avons vu, comme en Suisse qu’une minorité agissante peut faire passer ainsi des lois iniques, et nous avons vu aussi l’élite gouvernante faire fi de l’expression largement exprimée du peuple, en 2005, de là le sentiment d’appartenance à un peuple qui défini son avenir a été largement entamé, le peuple s’est senti trahi.
Alors diront certains : est-on peuple par les urnes ? ou est-on par la révolte ? Victor Hugo qui avait sûrement pressenti mai 68, écrivait : « « Le plus excellent symbole du peuple c’est le pavé. On lui marche dessus, jusqu’à ce qu’il vous tombe sur la tête ».
Et enfin, le mot peuple n’est pas un concept figé, il est évolutif. Notre société qui s’enrichit de « nouveaux français » est souvent honorée par eux. En ce sens après les attentats de l’année 2015, se sont réveillés des sentiments d’appartenance chez nombre de personnes avec des réactions, des changements de position ; je n’en citerai que deux : dans son film : « Qu’Allah bénisse la France » le chanteur Abd el malik dit : « Vive la France arc-en-ciel et unique, et débarrassée de toutes ses peurs ». de même parmi les témoignages, on peut relever sur le site de Magyd Cherfi, le chanteur du groupe Zebda : « Il y a des jours comme ça où on aime la France, où on a envie de chanter la Marseillaise…, je promet devant le fronton des mairies d’aimer la France pour le pire et le meilleur, de la protéger, de la chérir, jusqu’à mon dernier souffle…» il dit (en substance) prendre conscience que c’est important la France…..http://magydcherfi.com/

⇒ Un peuple fait son histoire, défini lui-même son avenir, oui ! Sauf quand il y a des guerres, qu’il est envahi, que sa langue, ses coutumes, jusqu’à sa religion, se trouvent changés.

⇒ Avec la globalisation, devons-nous penser à un peuple du monde ? Et comment les inégalités croissantes ne créent-elles pas des révolutions ? Le linguiste et professeur Raffaele Simone dans son livre : « Le monstre doux » évoque l’effet d’une culture d’endormissement des peuples par les moyens de communication de masse, les médias qui montrent du monde un autre réalité.

⇒ Je voudrais revenir sur cette notion du peuple qui est différent de l’État/Nation, et revenir sur cette difficulté de définir un peuple après les invasions, les migrations. Il fut effectivement un temps où géographiquement parlant, les gens qui habitaient une région représentaient un peuple beaucoup plus facilement que maintenant. Si je prends par exemple, la France au moment des Francs avant que les Romains n’interviennent et en occupent une partie, les Francs étaient alors des Celtes, lesquels étaient repartis sur l’Europe avec des différences et beaucoup de choses en commun, avec des notions d’animisme ; et puis un jour ils ont été envahis par le christianisme et l’Islam, ces deux religions monothéistes qui se sont acharnées à vouloir imposer leur point de vue religieux, leur vue du monde.
Effectivement, on trouve moult lieux dans le monde où l’on a mis par-dessus une culture et des peuples existants parfois depuis longtemps, une espèce de couche qui l’a transformé, et souvent transformé par force, ce qui rend la notion de peuple si difficile à définir
Maintenant on recherche ce que pourrait être un peuple, on recherche cet espèce de rez-de-chaussée, le terreau sur lequel il a poussé. Il y a eu tellement de mélanges, qu’on en est à se dire : Qui sommes-nous ? Que sommes-nous ? Cela rend tout aussi difficile de définir, une identité, car justement si notre identité elle est faite d’un terreau commun, elle est faite aussi de tas d’apports

⇒ On voit comment on a du mal à définir ce concept de peuple, et ce n’est pas par hasard si nous nous posons la question aujourd’hui. On n’a pas la mythologie des grecs, et l’on cherche ce fameux lien commun. Même si certains voudraient voir se dissoudre ce sentiment de faire un peuple, je ne voudrais pas perdre l’appartenance à un peuple, et je suis très surpris de voir des gens qui n’ont pas de réel mythe fondateurs, vouloir après des siècle d’appartenance à un peuple, vouloir faire « peuple à part » ; je pense à la Catalogne, je pense à la Corse..
C’est également le problème des citoyens d’Europe avec les dirigeants européens qui voudraient noyer nos spécificités dans un état fédéral. Comment faire un peuple européen, un Gloubi-boulba de peuple, avec des individus : Andalous, Polonais, Irlandais, avec chacun, non seulement leur culture spécifique, mais leur langue spécifique, et leur façon de vivre ?
Au-delà de toutes ces menées, et même au-delà des guerres, des migrations, je pense que subsiste toujours une certaine permanence de l’esprit d’un peuple.
Et enfin je reviens sur le mot insultant pour le peuple : le mot « populisme », cet anathème de secours quand le peuple est considéré en ennemi par les partis au pouvoir, les dominants, les média, les marchés… L’usage du mot « populisme » traduit chez des hommes politiques, la méfiance affichée du peuple, pour s’attirer la confiance des marchés
La définition de populisme est : « en politique, importance donnée aux couches populaires ». Déjà se pose la question de savoir ce que sont « les couches populaires » puis de savoir pourquoi s’intéresser à ceux-là qui comptent parmi les démunis, entraînerait-il ipso facto un jugement péjoratif ? « La haine du populisme n’est rien d’autre qu’un avatar de la peur du peuple » (Jean-Luc Mélenchon. L’ère du peuple)
« Populisme est un mot paravent…Je pense que le mot populisme est un concept écran des gouvernants et de leurs idéologues » (Eric Hazan. Changement de propriétaire)
Ce mot de populisme me semble comme une injure à l’égard du peuple, comme si on lui collait la responsabilité des turpitudes de politiques ambitieux, tel ce parangon fou du « rêve américain » Donald Trump.

Oeuvres citées. (Références)

Livres
Le juif imaginaire. Alain Finkielkraut. Essai. Poche. 1983.
Comment le peuple juif fut inventé. Shlomo Sand. Fayard, 2008.
L’ère du peuple. Jean-Luc Mélenchon. Fayard. 2014.
Changement de propriétaire. Eric Hazan. Seuil 2007

Film.
Qu’Allah bénisse la France, d’Abd el malik. (2014)
Site.
Site de Magyd Cherfi (Chanteur du groupe Zebda) .http://magydcherfi.com/

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