Y a t-il des limites à l’hospitalité?

 

Le juif errant Chagall 1925

Le juif errant Chagall 1925

Restitution du  13 décembre 2018 à Chevilly-Larue

Animateurs : Edith Perstunski-Deléage, philosophe. Guy Pannetier.
Modérateur: Hervé Donjon
Introduction : Edith.

Introduction : Le texte accompagnant l’affiche invitant à ce débat, indique bien que cette question implique plusieurs problèmes (Je cite) « Nous avons vu ces images de colonnes de réfugiés, ou les migrants sur des barques surchargées, nous avons tous entendu parler de ces milliers de naufragés ».
  Un problème linguistique d’abord : comment nommer ceux auxquels on propose l’hospitalité ? De qui sommes- nous les hôtes ? Et qui sont ceux  que l’on accueille ou pas ? Ensuite, le même texte disait : « Ces images, ces informations nous interpellent.., mais au-delà du défi aux gouvernements, c’est aussi au niveau individuel, un cas de conscience. Alors, quant à mettre des limites à l’hospitalité, entre raisons du cœur et raisons économiques, comment répondre ? » La question implique aussi un problème existentiel : dois-je choisir entre accueillir «  toute la misère du monde » (Rocard 1989) ; il paraît que la phrase était «  La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde mais doit en prendre sa part »,  ou comme Mitterrand parler de seuil de tolérance, repris par Walls (2015) à propos des Roms, et par Macron en 2017.
Puis-je choisir entre ce que je ressens comme un devoir moral, et ce qui est une contrainte politique liée à des impératifs économiques ? La question implique donc bien  de réfléchir  à des problèmes  philosophiques : que signifie hospitalité ? En soi, et pour moi : toujours et aujourd’hui. Que signifie limites ? Pour tous et pour moi : en fonction de notre histoire et de notre actualité.
La question est d’une actualité internationale brûlante sur le plan juridique: hier 11 décembre a été discuté au Maroc, le Pacte de Marrakech proposé par l’ONU (l’Organisation des Nations Unies) pour que les Etats s’accordent à mener une politique humaniste des migrations, conforme à la  Déclaration universelle des droits de l’homme (1948). 150 pays ont adopté lundi ce pacte, « le Pacte mondial sur les migrations » des Nations unies, en le défendant par de vibrants plaidoyers face aux critiques des nationalistes et partisans de la fermeture des frontières. « Nous ne devons pas succomber à la peur », a exhorté le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avant l’adoption formelle de ce texte destiné à renforcer la coopération internationale pour une « migration sûre, ordonnée et régulière« . Comme d’autres dirigeants présents à Marrakech, M. Guterres a aussi dénoncé les « nombreux mensonges » sur le Pacte qui a généré des tensions politiques dans plusieurs pays.
Et c’est un texte juridique  qui répond à une question d’actualité mondiale à traiter d’urgence. En 2005, 191 millions de personnes (3% de la population mondiale) vivaient en dehors de leur pays d’origine et, parmi elles 9,2 millions de réfugiés ayant fui des conflits armés, des désastres naturels, la famine ou la persécution. En 2013, était estimé à 232 millions le nombre de migrants dans le monde (près de 3,4 % de la population mondiale) ; ce sans compter la masse des illégaux et les clandestins – estimés à une quinzaine de millions et les sans papiers dans le monde occidental ; près d’un milliard si on intègre les migrants internes c’est-à-dire ceux qui ne franchissent pas de frontières nationales. Un milliard c’est-à-dire un habitant de la planète sur sept.
Il y a 3,4% de la population mondiale en migration pour des causes et des raisons  diverses, plus de 80% des déplacements entre les pays se fait de façon légale. Pour la migration clandestine, plus de 60.000 sont morts pendant leur périple depuis 2000, selon les chiffres de l’ONU.
D’autre part, en France il y a près de 11% d’ « étrangers » (selon la définition Eurostat) c’est à dire citoyens d’autres pays que les pays de résidence.
Les  chiffres  sont ceux donnés dans le livre d’Alexis Nouss « La condition de l’exilé». A mon avis c’est un texte très important car enfin l’ONU reconnaît que la migration et l’hospitalité ne concernent pas que l’Europe mais le monde entier. Ce n’est pas à L’UE de s’occuper seule de ce problème d’autant plus que les immigrés viennent d’autres pays que l’Europe. Et  il s’agit de l’hospitalité humaine universelle, c’est bien dit dans les objectifs. Beaucoup de pays ne vont pas signer (Hongrie, Italie .., les Etats-Unis se sont retirés, le Brésil a annoncé ce 11 décembre qu’il se retirerait). Ce sont les pays qui sont contre les valeurs universelles et le multilatéralisme.
C’est là un texte juridique (qui reprend la constitution de 1793), la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 avec les principes qui sont repris en tête de notre constitution. Les principes  de la déclaration universelle sont les suivants :
– libre circulation des hommes et des idées. Chacun a le droit de quitter son pays pour n’importe quel motif.
Est-ce un droit légitime ? Se pose la question des exilés pour des raisons  fiscales aujourd’hui (les  « évadés » fiscaux qui fuient les obligations civiques) comme celle des exilés contre- révolutionnaires de 1789.- Droit d’asile pour les personnes persécutées dans leur pays. Est- ce un droit légitime ? Se pose la question de l’ingérence d’un gouvernement dans un autre pays par rapport à la nature des persécutions (l’excision des petites filles, le bannissement des femmes dites adultères ou des mécréants,  la fatwa à l’encontre des apostats sont- elles des persécutions ?).
Sur ces deux  fondements (principes) il faut distinguer les différents cas d’hospitalité.- l’hospitalité pour les demandeurs d’asile, (hospitalité politique) après vérification de leur situation doit elle être inconditionnelle ?
– L’hospitalité pour les réfugiés économiques, (hospitalité économique) est-elle légitime dans les pays qui connaissent une crise économique ? Et vous avez tous entendu alors des discours de haine (populaire !) contre les étrangers
– Enfin l’hospitalité va se poser pour les réfugiés climatiques (hospitalité environnementale)
–  Qui  peut et comment prendre en compte ce nouveau type de réfugiés ?
(Je développerai plus avant dans le débat, ces sujets d’hospitalité et limites)

Débat

 

Débat : ⇒ L’hospitalité est indispensable dans une société humaine, elle est l’expression d’appartenance à l’espèce, et nul ne peut rester insensible à la douleur ou à la détresse de ses semblables. A ce propos, Victor Hugo, dit : « Soyez hospitaliers, même avec votre ennemi ». Devant une crise humanitaire perpétuelle, on voit qu’il y a effectivement des limites à l’hospitalité pour de nombreuses raisons. Pour des raisons politiques, économiques, coût financier excessif pour accueillir des migrants, des victimes de faits de guerre. Limites dues aussi à la peur de perdre son identité, peur du « grand remplacement »  annoncé par des « intellectuels éclairés », ce qui va entraîner une montée de populisme, de nationalisme, ou encore peur religieuse, etc.
Cependant le monde civilisé, ou plutôt, le monde démocratique, montre sa solidarité constante avec le reste de l’humanité en proie à la pauvreté et aux cataclysmes, même si cette hospitalité est de plus en plus retenue.
Pour conclure ; je dirai, avec force, que l’homme ne peut se soustraire matériellement et moralement à l’association humaine. Et mon propos est celui d’un homme de tête, et d’un homme de cœur.

⇒  Hospitalité nous vient du mot latin « hospis », (hôte), donc dans ce sens, un hôte est un invité. Un autre sens est : Le droit réciproque de trouver logement et protection les uns chez les autres. Mais pris au sens premier l’hospitalité était un devoir envers le voyageur.
Comment adapter ce devoir moral, situationnel, en devoir moral, permanent. « Une porte doit être ouverte ou fermée », serait une formule qui bloque le débat.
Aujourd’hui en France une majorité dans la population est hostile à une immigration non contrôlée ; une autre partie au nom de l’humanisme serait plus pour « la porte toujours ouverte »
C’est un problème politique, philosophique, social, humain, et c’est surtout un cas de conscience.
Les événements récents montrent une situation qui a pris une autre dimension, car nous sommes passés de la notion d’émigrants économiques,  à celle de réfugiés, les premiers fuient la faim et la misère, les seconds fuient en plus la guerre et ses exactions, pour eux c’est :  fuir ou mourir.
Le 19 avril de cette année (2015) un naufrage en Méditerranée fait une hécatombe, 700 morts. Même si nous apprenons chaque jour des naufrages en mer (1650 du 1er janvier au 19 avril 2015) nous avons tous été vivement émus face à cette horreur, où des femmes et enfants sont engloutis par la mer ; et cela nous pose la question : au nom de l’humanisme, au nom de notre solidarité envers notre prochain, pouvons-nous continuer à entendre, « noyées » dans le flot médiatique, de ces terribles informations ?
Puis le 2 septembre de l’année 2016, les télévisions du monde entier montrent le corps du petit Aylan, gisant noyé sur une plage. Puis, dans les images chocs, nous avons vu ce camion frigorifique en Autriche qui contenait les cadavres congelés de 71 personnes, puis nous avons vu des policiers hongrois, (le 11 septembre), qui ayant parqué des réfugiés derrière des grillages, leur jetaient de la nourriture par-dessus les grillages, comme on le ferait pour des animaux.  Ces images, non seulement nous brisent le coeur, mais elles nous font honte.
Nous pouvons bien sûr penser, voire, nous réfugier dans l’idée que ce problème ne dépend pas de nous, que nous sommes individuellement impuissants. Nous sommes bouleversés, et puis après !!!
Nous ne pouvons pas balayer d’un revers de main des objections pour une totale libre circulation de tous les individus sur la Terre. Nous savons que dans ce cas, une grande part de l’Afrique subsaharienne, de ressortissants de divers Etats africains, de personnes du Moyen-Orient, voire d’autres pays, que des réfugiés climatiques, vont submerger les habitants de l’Europe, que des millions et des millions individus vont affluer et se concentrer dans les régions au climat qui permet la vie et à un meilleur niveau de vie. Cela risque de créer des conflits, voire des guerres.
L’angélisme peut être dangereux ; une totale libre circulation peut déstructurer totalement nos sociétés, amener une dictature ou même une religion qui nous soumettra à son dogme, et qui fera voler en éclat le principe de laïcité.
Cette éventualité, ce risque, nous le savons aussi, alimente des fantasmes des peurs exploités par des mouvements d’extrême droite, des mouvements xénophobes.
La peur est souvent abstraite quand l’hospitalité est concrète ?
A ce jour la réponse politique qui donne bonne conscience, est : « aidons les pays où sévit la misère afin que leurs habitants ne soient plus obligés d’émigrer ». Oui, très bien !  Sauf que l’aide décidée en 2005 par l’ONU fixée à 0,70% du PIB des pays, n’est aujourd’hui que de 0,19 pour les USA, ou à 0,36% pour la France.
Sauf que la finalité de ses aides n’est pas contrôlée. Les organismes et ministères qui reçoivent ses aides ne les utilisent pas à restreindre la misère dans leur pays. Un africain vous dira : les aides des autres pays pour l’Afrique font vendre des Mercedes pour leurs dirigeants.
Au final, ceux qui aident le mieux à lutter contre la misère, sont, nombre de nos immigrés, et j’insiste sur cette expression qui les honorent, « nos immigrés » Combien de ces anonymes qui travaillent dur, qui travaillent à des tâches pénibles, qui travaillent surtout pour envoyer le mandat au pays, à la famille, ceci au prix de sacrifices qu’ils ne montrent pas. Ce sont eux, oui ! Eux qui sont les meilleurs remparts à des départs massifs, ce sont eux qui aident, (sans les ponctions de prédateurs), les familles à survivre. Leur rendre cet hommage qui leur est dû, peut un tant soit peu, soulager notre conscience, notre incapacité à mettre en accord notre aspiration humaniste, face à la volonté de préserver les acquis d’une évolution tant sociale qu’économique. Et si cette crainte déjà évoquée peut être ressentie en regard d’un modèle social, d’un modèle culturel, cela peut-être aussi ressenti quant au modèle républicain, quant à ce principe qui nous permet la paix religieuse, la laïcité.
Pour les émigrants il n’y a pas une volonté d’envahir, de coloniser, (là c’est de l’humour) mais c’est presque toujours, fuir la misère, c’est fuir la guerre, c’est fuir un mode de vie qui vous enferme, c’est parfois obéir au père qui n’a plus d’autre solution que de vous envoyer chercher de l’argent pour que la famille puisse survivre, alors c’est risquer le tout pour le tout,  parce qu’on n’a pas d’autre choix.
Quand on est dans une certaine opulence, un certain confort, on ne va pas risquer sa vie, émigrer, solliciter l’hospitalité. Quoique… On voit que l’hospitalité fonctionne très bien dans certains pays, (même en Europe) pour l’optimisation fiscale.

⇒  Poème d’Hervé (A la mémoire du petit Aylan) : Lire avec émoi.

Lieu d’une tragédie narrée en poésie
Interroger l’âme, puis livrer le sujet
Relaté avec émoi et sans fantaisie
Embarquons pour l’histoire d’un trajet

Conter l’odyssée vécue est émouvant
Emportée vers son destin, la marée humaine
Cherche la liberté en payant leurs servants
Implorant le besoin d’aide, par centaines.

Au rythme des vagues, au soleil couchant
Vois la lune et son collier formé d’étoiles
Envelopper dans la nuit cet exil émouvant
Couché dans ce faible esquif sans voile.

Étendu, le corps sans vie sur le sable mouillé
Malheureuse dépouille qui ne verra plus les astres
Oeuvre des flots, des tyrans aux mains souillées
Injure à l’humaine cohorte dénonçant ce désastre.

⇒  Si on y regarde d’un peu plus près les acteurs de l’activité économique, (pas ceux que j’appelle les parasites) sont souvent des émigrés ; émigrés récents, moins récents, enfants d’émigrés.

⇒  Un homme politique disait hier à la télé, que le pacte de Marrakech qui définissait des règles, une éthique de l’accueil des migrants, du fait qu’il n’était nullement contraignant, qu’il n’avait pas de portée juridique, n’était qu’une pétition de principe.
Et dans ce pacte, j’ai trouvé intéressant, entre autres, le fait que cela évoque le coût des envois des fonds des émigrés aux familles au pays. Il y a des organismes qui longtemps ont racketté les émigrés.
Et je voudrais évoquer deux principes qui restent au cœur de cette notion d’accueil, d’hospitalité : ce sont assimilation et intégration, sujets qui ont déjà fait couler beaucoup d’encre. Dans certains pays, l’immigré doit devenir identique en tous points, se conformer, et on se rappelle cette formule : « La France tu l’aimes, ou tu la quittes ». Notre pays propose plutôt l’intégration, autre démarche, qui invite le nouvel arrivant, sans renier ses origines, ses racines, à épouser dans le temps le mode de vie de ce pays qu’il a choisi pour émigrer.
L’intégration n’est pas contrainte, car celui qui a choisi tel pays pour émigrer, a d’avance connaissance des valeurs du pays qu’il va rejoindre. Des valeurs qu’il fera peu à peu siennes, qui seront celles de ses enfants qui feront sûrement « souche »
Si je m’exile dans un autre pays et que je veux y imposer les règles, les usages du pays d’où je viens, je ne viens plus en ami, mais en conquérant.
Nos sociétés deviennent de plus en plus multiculturelles, ce qui est en soi une richesse. Mais comme à terme on ne pourra pas conserver, transmettre toutes ces cultures, il y a un risque d’appauvrissement culturel, de déculturation pour le pays d’accueil. Il faut y penser, l’envisager, pour préserver l’essentiel, et continuer à le transmettre.
Un mythe grec image très bien ce qu’est l’assimilation, c’est le mythe de Procuste : Procuste était un brigand qui invitait les voyageurs à venir se reposer chez lui. Il n’avait qu’un seul lit à leur offrir, et à ceux qui étaient trop petits pour la dimension du lit, il étirait les membres jusqu’à la mort; à ceux qui étaient trop grand pour renter dans le lit, il leur coupait un peu les pieds, un peu les jambes. Il sera tué par Thésée qui lui fera subir le même sort.
Cela illustre l’obstination à vouloir à tout prix assimiler l’immigré.

⇒  Je ne suis pas d’accord pour dire que le pacte de Marrakech, ne serait qu’une pétition de principe. La Déclaration universelle des droits de l’homme, c’est une pétition de principe, c’est-à-dire, que c’est l’affirmation que les Etats doivent trouver les moyens d’appliquer ce principe.
Le mot français hospitalité est, dés le 12ème  siècle dérivé du latin « hospitalis » qui désigne l’hébergement gratuit et l’attitude charitable qui correspond à l’accueil des indigents, des voyageurs dans les couvents, dans les hospices et les hôpitaux. Celui qui donne ou reçoit l’hospitalité est un hôte, c’est-à-dire que l’hôte est à la fois celui qui accueille et celui qui est accueilli, cela implique-t-il qu’il doit y avoir une relation de reconnaissance réciproque quand il y a hospitalité ? Et … le mot hostis d’où dérive le mot français hôte a pris la valeur d’étranger (celui qui est hostile ou auquel je suis hostile).
Ce qui entraîne une autre question : qu’est-ce qu’un étranger ?
C’est, au sens propre, celui qui n’a pas la nationalité du pays où je vis. Et en un sens plus ou moins sentimental, celui qui n’a pas l’appartenance du groupe qui est le mien.
Je reprends à mon compte ce que le philosophe contemporain Derrida écrit dans l’ouvrage  De l’hospitalité  « Quelqu’un peut m’être  moins « étranger , qu’un compatriote ou un citoyen   même s’il ne partage pas avec moi la langue nationale: s’il partage avec moi une culture, par exemple un certain mode de vie lié à une certaine richesse: A certains égards, j’ai plus en commun avec tel bourgeois intellectuel (….) dont je ne parle pas la  langue, qu’avec tel ou tel français qui me sera, pour telle ou telle raison sociale ou économique, sous tel ou tel rapport, plus étranger ».
Face à l’étranger l’hospitalité prend deux formes: la charité individuelle qui est au fondement de toutes les religions (conformément au principe de l’amour du prochain) et la solidarité sociale qui est une valeur politique de l’Etat républicain (conformément au principe du Bien commun).

⇒ Je suis tout à fait conscient qu’on ne pourra pas arrêter les flots de migrants. Pour imager cela je reprends ce que disait un migrant bloqué à la frontière roumaine : « Nous sommes comme l’eau, vous pouvez nous arrêter, mais nous finiront par passer »
On sait que notre société vers 2050 ne ressemblera pas à celle d‘aujourd’hui. Il faut en être conscient et gérer cet avenir. Aller vers plus du tout de frontière, aller vers la porte grande ouverte, ça peut être la catastrophe. Si j’accueille chez moi, je prévois de quoi manger, je prévois de quoi loger. Qu’est-ce qu’on a fait dans les années 1950/1960 ? Sans structures d’accueil, on a laissé venir une forte vague d’immigration, et on s’est retrouvé avec la honte des bidonvilles, dont Nanterre, le plus connu. Avec le temps on a mis des quotas (un mot qui fait hurler certains). Mais devenus plus responsables, notre pays d’accueil a fait les HLM (si critiqués) où les immigré trouvant, entre autres des sanitaires, et une vie plus décente, ont enfin trouvé le respect de l’humain
Je pense que très majoritairement dans ce pays, la France, il y a une volonté pour que les nouveau arrivants puissent s’intégrer, et combien d’associations travaillent dans ce sens. Néanmoins ce qui nous pose problème c’est les refus d’intégration, les replis identitaires, les communautarismes, qui mettent des barrières.
Et, il y a des éléments qui génèrent un blocage chez certains Français ; ainsi il y a quelques temps, on a vu à la télévision cet homme Afghan qui expliquait pourquoi il voulait venir en France. Puis on le voyait devant sa maison avec sa famille, et là on découvrait que sa femme était « grillagée »
Alors, on se dit : là, on n’est pas d’accord ! Pas d’accord pour des visages cachés derrière un grillage de tissu. Voilà une des limites.
Si une personne souhaite émigrer vers la France, et qu’elle n’est pas d’accord avec les lois républicaines de ce pays, pas d’accord avec le principe d’égalité homme/femmes, et de plus  hostile au principe de laïcité, alors, ça pose un vrai problème. Et encore d’autres limites.
Au-delà de cela, donner les moyens et fixer les règles d’accueil semble être la démarche responsable. Pour exemple, au Pays-Bas : «  les communes proposent aux nouveaux arrivants un programme destiné à les familiariser avec la société néerlandaise. Ce programme comprend l’initiation aux règles et coutumes des Pays-Bas [….] la loi sur l’intégration des nouveaux arrivants oblige ceux qui bénéficient d’une allocation à participer à ce programme sous peine d’amende.. »                                  https://books.google.fr/books?isbn=9791033164678

⇒  Je voyage pas mal pour mes activités, et toujours avant de partir dans un pays, je me renseigne sur ce que je dois faire, sur ce que je ne dois pas faire. Je dois respecter les us et coutumes de ce pays, c’est d’abord une question de politesse.
Et je dirais que l’hospitalité sans limite ferait courir de gros risques. On est obligé de faire un minimum de distinction, penser aux conditions économiques, et penser aux valeurs d’un pays.

⇒  On ne quitte pas de gaîté de cœur son pays, sauf à de rares exceptions. Je suis pour une hospitalité sans limite, sans frontières. Les frontières, c’est ce que les hommes ont inventé pour protéger leurs biens.

⇒  Une autre question maintenant est celle de comprendre ce que signifie limite pour répondre à la question pour ce débat.
Le philosophe Derrida, dans  « Cosmopolites, encore un effort » soutient que le sens de l’hospitalité est naturel à l’homme.  Pour cela il s’appuie sur l’idée du philosophe Levinas que je reprends à mon compte aussi, selon laquelle voir le visage d’autrui me fait dépasser le réflexe xénophobe qui me fait dire  « eux et nous » ; le visage d’autrui m’impose le respect de l’autre, de celui qui m’est étranger. Et donc le sens de l’hospitalité est sans limite et même refuse d’examiner les éventuels risques qu’elle implique.
« Il nous est arrivé de nous demander si l’hospitalité hyperbolique, inconditionnelle, absolue, ne consistait pas à suspendre le langage… Ne faut-il pas aussi soumettre à une sorte de retenue la tentation de demander à l’autre qui il est, quel est son nom, d’où il vient ? Ne faut-il pas s’abstenir de poser ces questions qui annoncent autant de conditions requises donc de limites à une hospitalité ainsi contrainte et confinée dans un droit (… )? …..Sans cesse nous guettera ce dilemme entre l’hospitalité qui passe le droit, le devoir ou même la politique, et l’hospitalité circonscrite par le droit (….)»
   Et, en effet il nous faut réfléchir en fonction du contexte dans lequel nous sommes, et par exemple le fait historique que des djihadistes qui ont l’objectif d’imposer la charia pour construire l’oumma (la communauté islamique) puissent être parmi les migrants.
Il nous faut réfléchir sur la question de l’hospitalité,  en fonction du contexte.
Au 18ème siècle, Kant écrit un « Projet de paix perpétuelle ». Dans le contexte des colonisations en Europe l’une des conditions est que l’hospitalité soit seulement un « droit de visite » et non pas un « droit de résidence ». Cela pour éviter que l’hospitalité sans limite courre le risque de rendre possible la colonisation comme avec les Indiens d’Amérique. Ainsi l’hospitalité sans limites est le principe d’une politique libérale qui compte sur le commerce pour pacifier les relations entre les Etats. Aujourd’hui, la mondialisation entraîne que l’émigration est une donnée du système capitaliste qui s’installe partout. Elle contraint les peuples à fuir les guerres (qui sont faites aussi pour le partage du monde) et à aller vendre leur force de travail là où il y a des possibilités d’emploi. Dans ce système où l’humain est relégué par l’argent, l’hospitalité  sans limite est un idéal qui ne prend pas en compte les réalités. Et en ce sens si l’idéal de l’hospitalité c’est qu’il n’y ait pas de lois ni de droit d’hospitalité, il me semble que pour ne pas tomber dans le voeu pieux, et pour concilier concrètement l’hospitalité avec le vivre ensemble,  il faut  lui imposer  non pas une limite mais des bornes légales, et par exemple des contrôles des migrants. Mais pour cela il faut non seulement des moyens et  être clair sur ce qu’on contrôle et rester dans ce qui est conforme au droit et, s’il faut renforcer les contrôles, rester dans le droit – qu’il faut peut-être modifier en situation de guerre- mais ne pas accepter l’arbitraire.

⇒ L‘hospitalité universelle et sans limite est un principe, et alors aux États, aux gouvernements de dire ce qu’on fait et quelle part de budget on met pour ça.

⇒  On ne peut pas avoir une attitude « bisounours » : venez, il n’y a pas de problème,  et on verra bien !

⇒  Les Canadiens qui défendent la langue française, du fait de l’immigration de personnes qui n’ont comme que l’anglais comme langue véhiculaire, se retrouvent avec des commerces, des services où la langue française n’est pas utilisée, ce qui va générer un recul dans l’usage du français. C’est un peu de la déculturation.

 

 

 

 

 

 

 

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