Restitution du café-philo du 24 octobre 2018 à Chevilly-Larue
Animation: Edith Perstunski-Deléage, philosophe. Guy Pannetier. Danielle Pommier Vautrin
Modérateur : Hervé Donjon
Introductions : Danielle Pommier Vautrin et André Sergent.
Introduction, André Sergent (lue par Danielle Pommier Vautrin, en son absence excusée) : La psychologie de l’actionnaire, et celle du prolétaire sont-elle de la même philosophie ?
Ce terme se retrouve aussi bien dans le vocabulaire syndical « intérêt de classe » par exemple, que dans le vocabulaire actionnarial, « intérêt d’un placement », par exemple.
Karl Marx, économiste de formation, propose de lire l’histoire sous un angle construit qui stipule qu’elle est conduite par un incessant conflit qui oppose différentes catégories sociales dans le but de préserver leurs intérêts. En particulier, les « possédants » d’une part, et ceux qui ne possèdent rien, ou peu de l’autre.
Il établit que ce conflit oppose ceux qui souhaitent garder pour eux les richesses accumulées, et ceux qui souhaitent que l’on partage ces biens, c’est-à-dire, et en résumé, ceux qui souhaitent déposséder les possédants pour devenir eux-mêmes, possédants.
Marx précise que seule une dictature peut opérer en la matière.
Dans le monde actionnarial, nous observons la même violence.
L’actionnaire se gargarise de posséder, il se plaît à être membre d’une élite, il est convaincu qu’il est né pour « réussir », « Dieu m’a fait », pourrait être sa devise !
Inversement, Marx propulse le prolétaire au rang de maître d’œuvre de la Révolution. Dans ce mythe l’ouvrier devient héros et membre lui aussi d’une élite.
Le désir de conquérir les biens, d’une part, celui de les accaparer de l’autre, ne relèvent-ils pas d’une seule logique ? Où le souci consiste à perdre ou à gagner, à « avoir » ou « n’avoir pas ».
Or, ce concept, « perdre, ou gagner » est strictement l’esprit de la compétition, y compris lorsqu’il s’agit de sport, de commerce, ou d’élection.
L’élitisme nourrit la psychologie de la compétition, comme le fleuve nourrit la mer.
Epicure, Shakespeare, Spinoza et Freud proposent une autre logique que celle « d’avoir ou de ne pas avoir ». Elle est révolutionnaire pour le coup, et prétend que l’essentiel est « d’être ou de ne pas être » Dans ce fonctionnement, nul besoin d’être riche, nul besoin, d’être noble, actionnaire, ou héros. Nul besoin enfin que les salaires soient différents.
Ainsi voilà posée la question dont vous allez débattre : propriétaires et actionnaires fonctionnent-ils, de fait, d’une seule et même façon ?
Introduction Danielle : Adam Smith est un philosophe et économiste écossais des Lumières. Il reste dans l’histoire comme le père des sciences économiques modernes, dont l’œuvre principale, publiée en 1776, « La Richesse des nations », est un des textes fondateurs du libéralisme économique. Professeur de philosophie morale à l’université de Glasgow, il consacre dix années de sa vie à ce texte qui inspire les grands économistes suivants, ceux que Karl Marx appellera les « classiques » et qui poseront les grands principes du libéralisme économique. Adam Smith est né le 5 juin 1723 à Kirkcaldy.
Dès sa naissance, Adam Smith est orphelin de père. Ce dernier, contrôleur des douanes, meurt deux mois avant la naissance de son fils. À l’âge de quatre ans, Adam Smith est enlevé par des bohémiens, qui, prenant peur en voyant l’oncle du jeune garçon les poursuivre, l’abandonnent sur la route où il sera retrouvé. Élève particulièrement doué dès son enfance, bien que distrait, Adam Smith part étudier à Glasgow à l’âge de quatorze ans et y reste de 1737 à 1740. Puis il part étudier à l’université d’Oxford.
Choisissant une carrière universitaire, Smith obtient à l’âge de vingt-sept ans la chaire de logique à l’université de Glasgow et plus tard celle de philosophie morale. Le corps enseignant apprécie peu ce nouveau venu qui sourit pendant les services religieux et qui est de plus un ami déclaré de David Hume mais il est apprécié de ses étudiants.
Pendant un long séjour avec son élève dans le Sud-Ouest de la France et en Provence, Smith s’ennuie et entame la rédaction d’un traité d’économie, sujet sur lequel il avait été amené à dispenser des cours à Glasgow. Après un séjour à Genève, Smith et son élève arrivent à Paris. C’est là qu’il rencontre l’économiste le plus important de l’époque, le médecin de Madame de Pompadour, François Quesnay. Quesnay avait fondé une école de pensée économique, la physiocratie, en rupture avec les idées mercantilistes du temps. Les physiocrates prônent que l’économie doit être régie par un ordre naturel : par le laissez-faire et le laissez-passer. Ils affirment que la richesse ne vient pas des métaux précieux, mais toujours du seul travail de la terre et que cette richesse extraite des sols circule ensuite parmi différentes classes stériles (les commerçants, les nobles, les industriels). Adam Smith est intéressé par les idées libérales des physiocrates, mais ne comprend pas le culte qu’ils vouent à l’agriculture. Ayant vécu à Glasgow, il a conscience de l’importance économique de l’industrie.
En 1776, après y avoir consacré plusieurs années, Smith publie son traité d’économie politique, celui qui va faire sa renommée et qu’il intitule « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations ». Smith meurt le 17 juillet 1790 à l’âge de soixante-sept ans. Ce philosophe écossais est souvent considéré comme le père de la science économique moderne. Le courant libéral en a fait l’un de ses auteurs de référence. Dans Recherches sur les causes et la nature de la richesse des nations, il n’apporte presque aucune idée nouvelle mais il fait la synthèse des idées économiques les plus pertinentes de son temps.
Pour Adam Smith, la richesse d’une nation ne réside pas dans l’or et la monnaie, mais dans le travail des hommes. Il y a trois grandes causes d’enrichissement de la nation : la division du travail, l’accumulation du capital et la taille du marché.
La division du travail désigne une répartition toujours plus spécialisée du processus de production. Chaque travailleur qui se spécialise dans son domaine augmente l’efficacité de son travail et sa productivité. Dans un système de libre-échange, les hommes se répartissent les tâches, puis s’échangent les fruits de leur travail.
Smith est aussi un partisan du libre-échange entre les nations. Il développe la notion d’avantage absolu. Si une nation est meilleure dans la production d’un premier bien, tandis qu’une autre nation est meilleure dans la production d’un second bien, alors chacune d’entre elles a intérêt à se spécialiser dans sa production de prédilection et à échanger les fruits de son travail. Il conseille « de ne jamais essayer de faire chez soi une chose qui coûtera moins à acheter qu’à faire ».
Une autre de ses théories les plus connues est celle de la main invisible. Adam Smith considère que la recherche des intérêts particuliers aboutit à l’intérêt général. En d’autres termes, la confrontation des égoïsmes mène à l’intérêt général : c’est le « mécanisme de la main invisible ». Selon cette théorie, l’Etat n’a pas à intervenir car le marché se régule naturellement. Il doit se cantonner à des fonctions régaliennes (armée, police, justice) pour protéger les citoyens des violences et des injustices.
Karl Marx : Je ne m’appesantirai pas sur Karl Marx dont tout le monde a peu ou prou une idée de la philosophie, même si elle a souvent été caricaturée, à l’instar d’autres grands penseurs de l’Humanité comme Freud, Attali ou Roudinesco, etc… par des petits joueurs qui ont cherché à leur nuire. De nombreux préjugés ont en effet entaché sa pensée.
Il reste toutefois une des grandes figures de la pensée pour notre siècle depuis près de plus de 150 ans. Marx voulait le rapprochement de la classe ouvrière et de la classe paysanne pour faire un grand mouvement d’union prolétarienne ou une « dictature » provisoire du prolétariat, soit un gouvernement sans concession opposé à la classe capitaliste qui exploitait le peuple par des hypothèques, de l’usure et l’impôt d’état notamment.
Le mot dictature, souvent pris à contresens, signifie que les classes victimes du capital doivent arriver au pouvoir et gouverner dans leurs intérêts.
Cette alliance des classes ouvrière et paysanne, hostiles alors à la dictature de Louis Napoléon Bonaparte s’accommode parfaitement du maintien des institutions de la démocratie parlementaire. C’est pourquoi Marx tient à l’existence d’un parti ouvrier, fonctionnant dans la révolution permanente et où les intérêts des ouvriers seraient discutés indépendamment des influences bourgeoises.
Même si Marx réside à Londres à l’époque où il écrit vers 1848, avec sa famille, dans des conditions d’extrême pauvreté, comme celle de la classe ouvrière, mais n’en faisant pas partie, il a décidé qu’il ne fallait pas se plaindre mais comprendre les mécanismes de la pauvreté et travailler pour l’ensemble de l’humanité. En 1848, il assiste à la Révolution qui échoue faute d’alliance entre ouvriers et paysans, et voit l’arrivée de la dictature de Louis Napoléon Bonaparte pour dix ans cette fois. Sans l’alliance de tous les prolétaires, la révolution anti-capitaliste ne peut pas advenir, et le prolétariat ne peut pas gouverner pour ses intérêts. Le capitalisme reste l’ennemi de classe que Marx analyse parfaitement, notamment dans son livre « Le Capital », car il vit lui-même dans la pauvreté et le dénuement en étant un intellectuel bourgeois mais critique des rapports de classes injustes.
Marx a vu avant tout le monde en quoi le capitalisme constituait une libération des aliénations antérieures, il ne l’a jamais pensé à l’agonie et il a fait une apologie du libre-échange et de la mondialisation, et il a prévu que la révolution viendrait, si elle advenait, comme le dépassement d’un capitalisme devenu universel. Il est le premier penseur mondial porteur de l’esprit du monde, comme dit Jacques Attali dans son livre, « Karl Marx ou le génie du monde».
Il faut comprendre comment à partir des apports de Marx certains successeurs ont pu créer nos démocraties, et d’autres, récupérant et distordant ses idées, ont pu en faire la source des deux principales barbaries de l’histoire moderne, en le récupérant ou en s’y opposant.
Marx dit que tout pouvoir doit être réversible, que toute théorie est faite pour être contredite, que toute vérité est vouée à être dépassée, que l’arbitraire est certitude de mort, que le bien absolu est la source du mal absolu, qu’une pensée doit rester ouverte, ne pas tout expliquer, admettre des points de vue contraires, ne pas confondre une cause avec des responsables, des mécanismes avec des acteurs, des classes avec des personnes… »
Marx issu d’une famille juive, converti au protestantisme à huit ans, finissant par abandonner la religion, cet « opium du peuple » a développé une pensée qui reste messianique à l’échelle internationale, où après que le capitalisme soit allé au bout de sa logique la révolution prolétarienne adviendra. Le peuple alors sera au pouvoir pour réaliser les intérêts de la collectivité par opposition à la défense d’intérêts singuliers et privés portés par le capitalisme.
Il est temps aujourd’hui, de réaliser au moment où s’accélère la mondialisation, qu’il avait prévue, que Karl Marx, bien compris, redevient d’une extrême actualité.
Débat : ⇒ Les théories, les écrits de ces deux philosophes sociologues, ont généré directement ou indirectement deux idéologies.
L’une, se référant à Adam Smith, est devenue le libéralisme économique (que je ne confonds pas avec le libéralisme politique)
L’autre, se référant à Karl Marx, le communisme, avec ses expériences, ses applications au siècle passé, dont une sur 70 ans. Cette dernière s’est effondrée ; pour beaucoup, elle n’a pas été jugée, comme « globalement positive ».
En revanche, le modèle d’Adam Smith, ayant lui aussi ses vives critiques, trouve d’une certaine façon sa continuité dans la quasi-totalité de nos démocraties occidentales.
Aurions-nous choisi, conservé, le modèle le moins mauvais ? Choisi par défaut ? A chacun sa réponse.
La philosophie politique d’Adam Smith et celle de Karl Marx se situent à près de cent ans de différence.
Il est à noter, et cela peut éclairer notre débat, que Karl Marx, non seulement connaît l’ouvrage de référence d’Adam Smith, mais il en cite des passages entiers, (presque 60 pages dans les manuscrits de 1844) et c’est à partir de ces textes qu’il construit, qu’il développe sa dialectique, qu’il établit son jugement.
Adam Smith est de l’époque où la plus grande partie des échanges est encore d’origine agricole, conjointement au début d’une ère industrielle qui commence à bouleverser le rapport au travail, par la division même de ce travail. Cette division est pour lui bénéfique en tant que gain de productivité, lequel gain dans son optique n’est pas forcément pour l’enrichissement excessif de ceux qui détiennent les outils de production, mais pour augmenter, la rente, le profit, et la richesse d’une nation ; on utiliserait aujourd’hui le terme de croissance économique.
Si Adam Smith avait vécu à l’époque d’Engels et de Marx, peut-être aurait-il écrit un ouvrage quelque peu différent ; ce qui rend la comparaison de leur philosophie politique plus difficile. La société de Smith (si l’on peut employer ce terme) est de peu d’ambition, elle part de ce qui est, d’un état qu’il ne faut guère changer, un état où les inégalités sont source de richesses, et créent par là (pour lui) du progrès et la richesse d’une nation. .
La société de Karl Marx est beaucoup plus ambitieuse, elle n’est pas celle de l’égoïsme, (même bien compris) comme principal modèle économique. Mais elle est, on peut le penser, « trop ambitieuse », pour l’homme ; celui-ci n’étant peut-être pas à la hauteur des exigences nécessaires à une telle société.
La société de Marx, reste largement utopiste. Elle dépassait la simple analyse économique pour une refondation totale du modèle de société. Elle s’écartait d’autant plus du monde d’Adam Smith qu’elle prônait une révolution prolètarienne. On connaît cette vigoureuse déclaration : « Que les classes dominantes tremblent devant une révolution communiste. Les prolétaires n’ont rien à perdre que leurs chaînes. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » (Manifeste du Parti communiste)
Adam Smith qui en dehors de l’oeuvre pour laquelle il est le plus connu : « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations » a pourtant a écrit un traité de morale, un ouvrage célèbre. Celui-ci ne s’émeut pas du travail des enfants; et l’esclavage ne lui pose pas plus de question, lorsqu’il compare les avantages et les inconvénients de l’emploi d’esclaves « nègres » (suivant son propos) dans les plantations de Virginie. De même il écrit dans « La richesse des nations » (Liv.5 § 1 Section 3) qu’il y a « …deux différents plans ou systèmes de morale ayant cours en même temps….. (On lit plus loin) les vices qu’engendre la légèreté sont toujours ruineux pour les gens du peuple Au contraire plusieurs années passées dans les excès et le désordre ne peut pas entraîner la ruine d’une personne que l’on appelle comme il faut, et les personnes de cette classe sont tout prêtes à le regarder comme un des avantages de leur fortune.., sans encourir la censure »
⇒ Je vais intervenir sur deux concepts ; le premier par rapport à Adam Smith et de « la main invisible », et il me semble que cela permet de comprendre ce qui se passe aujourd’hui dans les débats entre libéraux.
Adam Smith considère que la recherche des intérêts particuliers aboutit à l’intérêt général. C’est-à-dire, que dans la confrontation des égoïsmes qui mènent à l’intérêt général, « la main invisible », c’est la providence du marché. Pourquoi, parce que nous expliquons comment, dans un contexte où chacun est en compétition contre tous, une harmonie sociale se dégage malgré tout.
Alors, il émet cette hypothèse providentialiste : tout de passe comme si une « main invisible » dirigeait l’ensemble dans l’intérêt de tous. Et donc tout se passe comme si chaque individu était conduit par une tendance irrésistible à remplir un but, une fin, qui n’entre nullement dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il œuvre souvent et finalement d’une manière plus efficace pour l’intérêt de la société que si il avait réellement pour but d’y travailler.
Donc, la fiction de « la main invisible » est devenue le symbole de l’optimisme libéral en matière économique, lequel croit aux règles spontanées du marché, à l’agrégation des intérêts individuels en intérêts collectifs. Et c’est sans doute l’origine de la « théorie du ruissellement » qu’on a entendu une fois de plus lors de la dernière campagne électorale.
Alors que, pour Marx, le terme de capitalisme n’existe pas encore à son époque. Pour Marx le capital est traversé par des contradictions qui interdisent d’atteindre un état définitif. Et donc, adversaire du libéralisme, il interprète la crise économique comme inhérente au système capitalisme. Et donc par là, il réfute concrètement l’optimisme libéral né d’Adam Smith.
Alors, un autre économiste. John Maynard Keynes, témoin de la grande dépression de 1929 considère, lui, qu’il est impossible, pour des raisons aussi bien anthropologiques qu’économiques, que le marché puisse se stabiliser dans un état infini. Et donc, Keynes à l’opposé des libéraux néoclassiques, c’est dire des libéraux en continuité avec Adam Smith, estime qu’il faut être favorable à l’intervention de l’Etat dans la vie économique d’un pays.
Et bien ! Il me semble qu’aujourd’hui, il y a opposition entre les néolibéraux keynésiens qui prônent l’intervention de l’Etat pour résoudre les contradictions du capitalisme, et les ultralibéraux qui se réclament donc d’Adam Smith, qui eux considèrent, qu’il ne faut pas d’intervention de l’Etat, et qu’il faut au contraire, libérer les capitaux, et par exemple, supprimer l’impôt sur la fortune.
⇒ Je crois qu’il y a une grande similitude entre Smith et Marx, parce que tous les deux sont des grands penseurs, pas seulement économistes, mais philosophes et aussi historiens, sociologues.
Quant à leur différences : je crois qu’Adam Smith est un des principaux dépositaires de l’économie classique, avec lui et avec Ricardo qui va confirmer ce cycle, cette économie de l’apparence, des principes qui ne seront pas approfondis scientifiquement.
Donc Marx a fait une profonde critique constructive de cela, parce qu’il ramasse tout cela pour construire un appareil théorique dont les sources sont l’économie anglaise, la philosophie allemande, avec Keynes, avec Kant, et avec la sociologie française.
Donc, avec ces conceptions, il commence à analyser la société et les modes de production, puisque, pour lui, l’essentiel c’est la production industrielle, celle qui est le produit de la vie, et il dit les limites de l’économie classique qui fait référence aux apparences et non au fond, aux causes profondes des choses.
Il part de la plus-value qui va chez celui qui détient les moyens de production, pas à celui qui ne peut que vendre sa force de production aux propriétaires des moyens de production.
La production de la plus-value c’est pour Marx l’essence même du capitalisme. Et dans cette situation, il pense que la classe ouvrière doit se libérer de cette forme d’exploitation qui n’est pas vol, mais qui est le mécanisme même du système capitaliste.
La société dans laquelle nous vivons, ne pourrait pas exister s’il n’y avait pas appropriation de cette plus-value. Et Marx critiquait l’incapacité des penseurs humanistes à pouvoir expliquer en quoi consiste le fonctionnement profond du capital. Soit pour lui une question des apparences et du sens, deux concepts essentiels chez Marx.
⇒ Au début de l’année, une banque (Natixis) a publié dans une lettre mensuelle, un texte intitulé : « Karl Marx avait raison ! ». C’était à propos de cette tendance, apparemment due au fait que le capitalisme, ce système dont on vient de parler, s’en prend à ce qui le fait vivre, c’est-à-dire au vivant. Et le texte fait l’observation que, là, il y avait quelque chose qui donnait raison à Marx.
C’est quand même intéressant de voir que le capitalisme a aussi des limites à l’exploitation de cette force de travail évoquée.
Donc là, ça m’intéresse de marquer le côté Histoire qui continue malgré ce qu’on peut dire, malgré une soi disant « fin de l’Histoire » avec l’apogée du capitalisme et sa domination dans tous les domaines.
⇒ Marx exprime bien l’idée que le système capitaliste comporte son mal endémique, et qu’à la fin il va s’autodétruire.
⇒ Le capitaliste a toujours veillé, ou tenter de détruire son système opposé, le socialisme. Ainsi les USA ont instrumentalisé le coup d’Etat au Chili.
⇒ Je me suis demandé si il y avait un lien entre Karl Marx et Adam Smith, et entre toute cette conception libérale et cette conception communiste. Et j’ai vu qu’il y avait un lien, parce que, Marx dans ses écrits, dans ses théories, part du fait que c’est justement à cause de ce capitalisme qui est grandissant que les prolétaires vont se réveiller et entamer cette révolution du prolétariat. Cette révolution du prolétariat qui pour lui, doit se faire sans violence. Et là, je pense que la théorie de Marx a été transformée par l’Union Soviétique, et de façon violente. De même Karl Marx ne voulait que le Parti Communiste soit hiérarchisé. Lénine et Staline en ont fait une dictature. Donc, entre la conception de Smith et celle de Marx, il y a cause à effet.
Ensuite je me suis posé la question, qui est de chercher l’origine du libéralisme, et de comparer avec la conception de Karl Marx. Pour moi, là où je trouve que le libéralisme a pris une importance, c’est au moment de la Révolution, de 1789 à 1799, où l’on a mis en avant tous ces droits, les droits particuliers, notamment le droit de propriété. Et c’est intéressant de voir que c’est passé par la Révolution, et que dans la pensée de Marx c’est exactement la même chose, ça passe par une révolution.
Et je voulais revenir sur, « la fin de l’Histoire » (déjà évoquée) Je trouve que c’est très intéressant, parce que, si on regarde, par exemple la pensée du libéral conservateur anglais, Edmund Burke, il avait cette conviction qui le différenciait des libéraux révolutionnaires. Pour lui, on ne devait pas « faire table rase du passé », comme le Révolution l’a fait, mais prendre en compte l’Histoire pour aller vers quelque chose, et, il remettait en cause ces « droits abstraits » ; notamment, le droit de propriété qu’on donne aux individus, parce qu’on l’a fait de manière abstraite sans prendre en compte l’Histoire.
Je trouve intéressant de comparer ces deux théories.
⇒ Je voulais revenir sur Marx et son concept d’aliénation. Donc, j’ai lu ce texte : « L’homme est un être qui produit, qui crée matériellement sa vie pour donner satisfaction à ses besoins élémentaires. Dans cet acte d’engendrement de ses moyens d’existence il se voit dépouillé de lui-même et de sa propre essence ». Donc, on en vient à ce concept d’aliénation « L’argent, cet intermédiaire créé par les hommes, a acquit une puissance démoniaque, et il domine ceux qui l’ont engendré [….] Ainsi, l’homme, être qui travaille, qui soumet la nature, les choses et tout l’environnement matériel à sa volonté, se voit-il, en ce processus, aliéné, rendu étranger à ce qu’il crée, aux fruits de son travail et de sa production, étranger, en définitive, à lui-même » https://la-philosophie.com/philosophie-marx
⇒ Quel lien y a t-il entre Smith et Marx ? Il y en a forcément, mais je pense qu’en même temps tout les oppose. Marx n’était pas sans connaître les travaux de Smith. Bien entendu ! Smith dit qu’il faut laisser faire le libéralisme économique, et il ne propose aucun changement de la société. Il propose qu’elle fonctionne différemment. Pour lui, si tu trouves moins cher ailleurs, ne te casse pas la tête, achète ! Il ne remet pas en cause les conditions de travail, il n’y a aucun fondement intrinsèque de la société qu’il remet en cause.
Chez Marx la société change, non seulement elle change, mais il faut qu’elle change, et elle a toujours changé. Parce qu’on oublie une chose c’est que Marx a fait une dialectique, une dialectique qu’il a créée ; un véritable continent philosophique. Avec la dialectique il a découvert que finalement, au cours du temps, dans l’Histoire, chaque fois que les hommes étaient devenus possédants de ce qu’ils devaient posséder, c’était lié à une lutte de pouvoir, d’où « la lutte des classes ». La dialectique historique c’est la grande découverte de Marx, et c’est pour ça qu’il dit: non seulement la société change chaque fois qu’il y a lutte, mais il va falloir lutter pour faire la chance aujourd’hui et demain.
L’histoire de « la main invisible » a très bien été résumé dans une précédente intervention, mais en plus, je pense que Smith se trompait là. Parce que, ce qu’il dit, c’était peut-être valable au Moyen-Âge, c’est-à-dire au temps des compétions entre les artisans qui faisaient des choses pour le bonheur de tous ; mais déjà à la fin du 18ème siècle l’industrie était arrivée, et le capitalisme qui permettait les industries était arrivé, ce qui changeait fondamentalement la chose ; on n’était plus dans des sociétés de production moyenâgeuse.
Donc, avec l’histoire de « la main invisible » Smith s’est complètement trompé. Et c’est pour ça que Marx arrive et dit cette société il faut la changer, car le capitalisme crée l’esclavage industriel ; et il en a l’exemple en Angleterre, où à cette époque les ouvriers sont comme des esclaves. Il faut relire Dickens ou d’autres écrivains contemporains pour s’en rendre compte, et pas que les philosophes pour connaître ce qu’est l’exploitation de l’ouvrier à l’époque.
⇒ Un document du règlement intérieur des usines Michelin daté de 1880, illustrent la condition ouvrière de l’époque :
1 – Piété, propreté et ponctualité font la force d’une bonne affaire.
2 – Notre firme ayant considérablement réduit les horaires de travail, les employés de bureau n’auront plus à être présents que de sept heurs du matin à six heurs du soir, et ce, les jours de semaine seulement.
3 – Des prières seront dites chaque matin dans le grand bureau. Les employés de bureau y seront obligatoirement présents.
4 – L’habillement doit être du type le plus sobre. Les employés de bureau ne se laisseront pas aller aux fantaisies des vêtements de couleurs vives, ils ne porteront pas des bas non plus, à moins que ceux-ci soient convenablement raccommodés.
5 – dans les bureaux on ne portera ni manteaux ni pardessus. Toutefois, lorsque le temps sera particulièrement rigoureux, les écharpes, cache-nez et calottes seront autorisés.
6 – Notre firme met un poêle à la disposition des employés de bureau. Le charbon et le bois devront être enfermés dans un coffre destiné à cet effet. Afin qu’ils puissent se chauffer, il est recommandé à chaque membre du personnel d’apporter chaque jour quatre livres de charbon durant la saison froide.
7 – Aucun employé de bureau ne sera autorisé à quitter la pièce sans la permission de M. le Directeur. Les appels de la nature sont, cependant permis et pour y céder, les membres du personnel pourront utiliser le jardin au-dessous de la seconde grille. Bien entendu cet espace devra être tenu d’une façon parfaite.
8 – Il est strictement interdit de parler pendant les heures de bureau.
9 – La soif de tabac, de vin ou d’alcool est une faiblesse humaine et, comme telle, est interdite à tous les membres du personnel.
10 – Maintenant que les heures de bureau ont été énergiquement réduites, la prise de nourriture est encore autorisée entre 11 h 30 et midi, mais en aucun cas le travail ne devra cesser durant ce temps.
11 – Les employés de bureau fourniront leurs propres plumes. Un nouveau taille plume est disponible sur la demande chez M. le Directeur.
12 – Un Sénior, désigné par M. le Directeur sera responsable du nettoyage et de la propreté de la grande salle ainsi que du bureau directorial. Les juniors et les jeunes se présenteront à M ; le Directeur quarante minutes avant les prières et resteront après l’heure de la fermeture pour procéder au nettoyage. Brosses, balais, serpillières et savon, seront fournis par la Direction.
13 – Augmentés dernièrement les nouveaux salaires hebdomadaires sont désormais les suivant :
Cadets : (Jusqu’à 11 ans) 0,50 F
Juniors : (Jusqu’à 14 ans) 1,45 F
Jeunes : 3,35 F
Employés 7,50 F
Séniors : (Après 15 ans de maison) 14,50 F
Les propriétaires reconnaissent et acceptent la générosité des nouvelles lois du travail, mais attendent du personnel un accroissement considérable du rendement en compensation de ces conditions presque utopiques.
⇒ Effectivement, pour lui, ce qui définit l’homme c’est, son travail. Ce n’est pas sa liberté, sa volonté, sa conscience. Pour lui ce qui caractérise l’homme et qui le distingue de l’animal, c’est que l’homme est « l’Être au travail » (Manuscrit de 1844). L’animal, à la différence de l’homme n’a pas de projet, n’a pas de plan pour produire ; comme les rues que produisent les termites, le miel que produisent les abeilles. Donc l’homme se distingue de l’animal par son travail. Et pourquoi ? Parce que par son travail, il se libère, se libère de ses liens aliénant avec la nature, ou, avec les autres hommes.
Donc, l’homme comme « Être au travail » devient un être libre, émancipé. Or, comme cela été dit, par l’organisation capitaliste il devient aliéné, il ne se libère pas par son travail. Et pourquoi il devient aliéné, parce qu’il vend « sa force de travail », et il n’est pas maître du produit de son travail. Il travaille au profit de ceux qui détiennent « les moyens de production ».
Donc, pour cette raison, il est nécessaire de détruire le système capitaliste. Et là, en regard de ce qui été dit, ce n’est pas le marxisme qui implique la nécessité de la destruction du capitalisme. D’ailleurs Marx lui-même dit, qu’il n’est pas marxiste ; c’est-à-dire, je ne suis pas un idéologue qui défend une idéologie comme une religion. Je suis un économiste philosophe, j’analyse la contradiction du capital pour montrer que les contradictions exigent sa destruction, rendent nécessaire cette destruction. Et non seulement de par les contradictions, mais parce ce mode de production économique, c’est aussi une forme d’organisation sociale.
Alors, il y a (comme cela a été dit) ceux qui disent, le communisme, ou, plus précisément, le socialisme réellement existant (pas l’idéal, pas l’utopique), a « un bilan globalement positif ». Et puis, il y a ceux qui disent le socialisme c’est un totalitarisme. C’est Hannah Arendt qui dit que c’est un système politique qui fonctionne à l’idéologie et à la terreur, (ce sera par exemple le goulag). C’est-à-dire que les individus sont sous l’emprise d’une idéologie selon laquelle il y a les bons et les méchants, les amis et les ennemis du peuple.
Et je reprendrais la formule de Jean Ziegler dans son petit livre : « Le capitalisme expliqué à ma petite fille » (avec en sous titre : en espérant qu’elle en verra la fin »), je le cite : « Le capitalisme a créé un ordre cannibale sur la planète. Pourquoi ? Parce le capitalisme crée l’abondance pour une petite minorité, et la misère pour la multitude » Et il continue : « En effet, aujourd’hui, il y a ceux qui habitent l’hémisphère nord, ceux qui appartiennent aux classes dirigeantes des pays du sud, ceux pour qui les formidables révolutions industrielles scientifiques produites par le système capitalisme durant les 19ème et 20ème siècle, ont procuré un bien-être économique jamais atteint auparavant… Et les autres !»
⇒ Quand les deux (Smith et Marx) parlent de capital, ils n’y voient pas la même chose.
Pour Marx le capital, par l’acquisition des moyens de production, met les ouvriers en servitude, alors que pour Smith, le capital est nécessaire à la création d’activités, d’entreprises, il crée ainsi les emplois. Le capital chez Smith est le premier moteur de la société économique.
Le socle de la société c’est chez Smith, le capital, pour lui l’économie repose sur trois piliers : la rente du propriétaire, le profit de l’exploitant, le salaire de l’ouvrier.
L’approche économique de Smith est souvent définie ainsi :
1° La rente du propriétaire. Propriétaire de la terre, de l’usine du terrain, etc…
2° Le profit. Le profit de l’exploitant, métayer, entrepreneur, etc…
3° Le travail. Soit la part qui est allouée à celui qui travaille, à celui qui dans la dialectique de Marx, « vend sa force de travail »
Cela nous donnerait aujourd’hui :
1° La banque, le fonds de pension, les actionnaires.
2° L’entreprise et ses dirigeants.
3° Les salariés et employés de l’entreprise.
Pour Marx les deux premiers seraient plutôt classés comme prédateurs, profiteurs non productifs. Pour Marx l’ouvrier doit s’approprier l’outil de production, et ne pas avoir à travailler, ni pour la rente, ni pour le profit.
Les quelques textes concernant les salaires illustrent bien les idées d’Adam Smith quant aux droits étant exclusivement du côté du capital.: « C’est par convention que se déterminent les taux communs des salaires. Les ouvriers veulent gagner le plus possible, les maîtres donner le moins qu’ils peuvent. Il n’est pas difficile de prévoir laquelle des deux parties […..] doit avoir l’avantage. Les maîtres peuvent se concerter aisément, tandis que cela est interdit aux ouvriers » (Richesse Des Nations. P, 137)
« Toutes les fois que la législature essaie régler des démêlés entre les maîtres et les ouvriers, ce sont toujours les maîtres qu’elle consulte. [….] Les maîtres, ordinairement se lient par une promesse, une convention secrète à ne pas donner plus que tel salaire. Si les ouvriers faisaient entre eux telle ligue de la même espèce, la loi les punirait sévèrement » (Richesse Des Nations. P, 219)
« Le patrimoine du pauvre est dans sa force et dans l’adresse de ses mains ; et l’empêcher d’employer cette force de la manière qu’il juge la plus convenable [….] est une violation de cette priorité primitive » (Richesse Des Nations. P, 198)
On retrouve là, la volonté d’exclure des règles, des conventions salariales, d’exclure un droit de grève.
⇒ Le capitalisme dans son développement, dans ses crises qui se multiplient, devenu catastrophe à l’échelle planétaire, montre bien, qu’il y a là, une dimension historique à laquelle aucun système ne peut échapper.
Donc, comme il y a des adeptes de « la fin de l’Histoire » et certains qui encensent ce système ça vaut le coup de se pencher un peu plus sur ce qui se passe réellement.
De même cette dimension me semble présente entre les deux économiste Smith et Marx, ne serait-ce que parce qu’il y a un siècle entre les deux, et que pendant ce siècle il y a eu passage de l’économie artisanale où « l’inventivité » de chacun était « au pouvoir » à l’industrialisation… L’inventivité est une chose que le capitalisme ne va pas favoriser, au contraire, parce que ceux qui ne vont plus pouvoir vivre de leur créativité vont être obligés de devenir salariés ; et c’est ce passage là que Marx étudie davantage, et dans lequel il voit cette aliénation. C’est le propriétaire des « moyens de production » qui décide quoi produire, comment produire, et avec qui. Et la différence avec ce passage dans le salariat, avec cette fameuse « force de travail », et bien, le salarié ne va pas seulement être obligé de « vendre sa force de travail » mais, « l’utilisation de sa force de travail » (nuance importante).
Donc « la force de travail » est devenue marchandise, c’est ça aussi qui le différencie avec les systèmes de production précédents. Tout devient marchandise, y compris la « force de travail » du salarié, qui s’échange, qui s’achète, qui se vend.
Et il a quelque chose que le capitalisme ne veut pas connaître, ne voulait pas qu’on fasse connaître, et c’est Guizot qui disait qu’il fallait bien se garder de « vouloir approfondir cette question brûlante de l’origine de la plus-value ».
⇒ Nous évoquons là des idéologies qui ont marqué leur siècle, notamment celle de Smith, père de l’idéologie capitaliste, et après l’idéologie qui s’est inspiré de Karl Marx.
J’ai noté que le capitalisme embryonnaire est né dans des sociétés agricoles, et il faut penser que son expansion a causé bien des dégâts, des dégâts à l’échelle humanitaire : d’abord l’esclavage, puis les épopées coloniales dont la motivation fondamentale était l’économie, elles ont été liées au système capitaliste. Donc cela entraînait une destruction fondamentale des formes communautaires, et je pense à la terre, comme cela s’est fait en Algérie avec les expropriations des terres.
Après ces pages noires, on en arrive à d’autres catastrophes, dont celle des ressources naturelles ; ce qui m’interpelle, car comment avec le niveau d’éducation actuel, n’arrive-t-on pas à trouver la manière de bousculer ce système, et comment restons-nous « aliénés » ?
⇒ Pour répondre à cette question : capitalisme et environnement. Je ne pense pas que ce seront les idées marxistes qui viendront à bout de l’idéologie d’Adam Smith.
Dans les décennies à venir, c’est en regard des événements, des grands problèmes climatiques que se décideront prioritairement les choix politiques. L’économie de marché soutenue par une croissance exponentielle, cela est devenu irrémédiablement incompatible avec l’environnement: ou il faudra sauver la planète, ou il faudra sauver le marché, ainsi que nous le dit en substance Naomi Klein dans son ouvrage « Tout peut changer, Capitalisme et changement climatique ».
⇒ Pour Marx l’essentiel est la production matérielle, et selon son étude philosophique de l’Histoire, le monde est passé par différentes conditions. D’abord, par le commerce primitif où la nature appartenait à tous, et là, égalité absolue. Ensuite vient le système esclavagiste, pour, déjà utiliser « les forces de travail », après vient la production « latifundiste », celle des grandes propriétés agricoles, proche des régimes féodaux, toutes les exploitations sinistres de l’homme. Puis vient le régime capitaliste qui écrase les anciens mondes, et qui va développer une production matérielle avec une force et une intelligence extraordinaire ; laquelle va instaurer les idées fortes : de liberté, d’égalité, de fraternité, (des choses magnifiques). Mais, Marx en saluant cela, dit, que malheureusement, ce que cela nous promettait n’est pas là, n’est pas vrai, parce qu’il ne pouvait y avoir d’égalité entre le patron et l’ouvrier, il n’y avait pas de liberté ; qu’il n’y avait pas de volonté quand les gens pour survivre étaient obligés de vendre leur « force de travail ». Donc, quelle liberté ? Cette liberté c’est celle de l’économie classique, économie libérée de Smith, de Ricardo..
Et, quant au communisme « issu » de Marx, cela a donné Staline, une « cellule cancéreuse » de l’idéologie qui s’est transformé en dictateur.
Alors, la question reste : quelle légalité aujourd’hui quant aux idées de Marx ? Est-ce ça compte encore Marx ?
⇒ Le matérialisme chez Karl Marx. Avec la bourgeoisie, la religion est, chez Marx un des obstacles à la libération des peuples.
Ce dernier est matérialiste au sens philosophique du terme, c’est-à-dire refusant le principe d’une divinité, (Sa thèse de doctorat est sur l’épicurisme), même si le matérialisme de Marx ne se résume pas qu’à cela.
Le second (Adam Smith) chez qui je n’ai rien relevé à la lecture de son oeuvre majeure concernant la religion, serait lui aussi matérialiste mais pas dans le même sens.
Marx est anti matérialiste (au sens purement économique) je le cite : « Les hommes se construisent un monde nouveau, non pas avec des « biens terrestres », ainsi que le croit la superstition grossière, mais avec des conquêtes historiques…il leur faut au cours de leur évolution, commencer par produire eux-mêmes les conditions matérielles d’une nouvelle société, et nul effort de l’esprit ni de la volonté ne peut les soustraire à cette volonté » (Karl Marx. Oeuvres philosophiques. La critique moralisante ou la morale critique)
Et, bien sûr, ses attaques contre la religion sont restées célèbres ; « La misère religieuse est d’une part, l’expression de la misère réelle, et, d’autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l’âme d’un monde sans cœur de même qu’elle est l’esprit d’une époque sans esprit. C’est l’opium du peuple.
Le vrai bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peuple. Exiger qu’il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c’est exiger qu’il soit renoncé à une situation qui a besoin d’illusions. La critique de la religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes, dont la religion est l’auréole ». (Karl Marx. Oeuvres philosophiques. Introduction)
« La critique de la religion aboutit à cette doctrine, que l’homme, est pour l’homme, l’être suprême. Elle aboutit donc à l’impératif catégorique de renverser toutes les conditions sociales où l’homme est un être abaissé, asservi, abandonné, méprisable ». (Karl Marx. Oeuvres philosophiques. Critique de la philosophie du droit)
Les preuves de l’existence de Dieu, ou bien ne sont que des tautologies vides de sens ; – par exemple, la preuve ontologique revient à ceci « ce que je me représente comme réel est pour moi une représentation réelle » et agit sur moi ; et en ce sens, tous les dieux, aussi bien que les dieux païens ont une existence réelle ».
(Karl Marx. Oeuvres philosophiques. Différence de la philosophie)
⇒ Je trouve intéressant de regarder ces deux théories et de voir ce qu’elles représentent. Si on regarde bien, elles reposent sur « l’intérêt »: intérêt particulier et, intérêt général. Et je trouve intéressant de regarder la situation actuelle en France où le libéralisme a tellement de courants.
Aujourd’hui c’est facile de prôner quelque chose de nouveau, de montrer une autre image de la société, pour se faire élire par exemple.
Il y a un libéralisme doctrinaire qui a créé une classe moyenne, cette nouvelle élite. Et j’ai l’impression, justement qu’aujourd’hui le gouvernement en place a repris cette nouvelle formule de la classe moyenne, et les gens disent : Ah! C’est nouveau ! Alors qu’en fait, on a affaire à un système complètement capitaliste.
J’adhère plus à Karl Marx qu’à la transposition que fut le communisme. Et chez les plus jeunes cela a plutôt un côté vieillot, alors que le libéralisme, il y a tellement de courants qu’ils peuvent toujours s’adapter. Et plutôt que de manifester pour en finir avec le capitalisme, c’est l’adapter en s’adaptant.
⇒ L’ouvrage le plus achevé (même inachevé) de Marx c’est « Le capital » ; c’est celui sur lequel il a travaillé en dernier sur la base de tout ce qu’il avait entrepris avant, lesquelles études étaient restées à l’état de manuscrits ; ça vaut la peine de le rappeler parce qu’on a tendance à ne citer que le jeune Marx ; Par ailleurs dans le matérialisme de Marx, l’aspect religion compte, mais je crois que ça va très au-delà de ça. Les racines du matérialisme, c’est par rapport à Hegel, ce qui a fait pour lui, le primat du réel.
Ce qui ne veut pas dire que le spirituel n’a qu’un caractère secondaire, au contraire, mais sur la base de la connaissance du réel il est donné pour ce qu’il est, et à partir de là, nos connaissances peuvent se développer : les intelligences partager, échanger, et leur diversité constituer une richesse.
⇒ La philosophie de Marx prolonge la simple critique, elle doit aller vers la transformation, de la société, se faire, praxis : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde ; il faut désormais, le transformer » (Marx. Thèse sur Feuerbach)
⇒ Quand on parle de Marx, on parle d’économie, de capital, on oublie que c’est un historien qui a, à un moment, beaucoup critiqué l’anarcho-syndicalisme. Dans cette lutte des classes en France, par contre, il fait l éloge de la Commune, elle a construit, elle ne s’est pas contenté de détruire. Marx était pour construire.
⇒ De Smith, ses partisans ont hérité des « éléments de langage » régulièrement utilisés ; de véritables copier/coller.
Smith dans la « Richesse des Nations » écrit que « L’accumulation du capital permet un accroissement de la productivité, et que la hausse du travail en résultant, entraîne la demande travail, et par là le hausse des salaires ».
Sans vergogne, 200 ans plus tard Raymond Barre dans la années 1970 nous servait la même litanie. Nous avons encore en mémoire ces propos : « Les sacrifices d’aujourd’hui sur les salaires, sont les résultats de demain, lesquels sont les investissements de demain, et les emplois d’après demain » (Il y avait à l’époque 400.000 chômeurs en France). Et cette litanie est aujourd’hui encore dans le catéchisme libéral
Autre élément de langage, hérité de Smith qui manifestait déjà une certaine mansuétude en regard de l’évasion fiscale (il écrit) : « Aux confiscations, amendes, et peines qu’encourent les malheureux qui succombent dans les tentatives qu’ils ont faites pour éluder l’impôt, il peut (l’État) souvent les ruiner et là anéantir le bénéfice qu’eut recueilli la société de l’emploi de leur capitaux… » (Richesse Des Nations Liv.5. § 2)
⇒ Je pense que les questions qu’on a posées, on peut y répondre avec Marx, et pas avec Smith
1ère question : Comment se fait-il qu’avec le niveau d’instruction actuel, le développement, on soit revenu, aux colonisations, à l’esclavage, aux crimes contre l’humanité ? Et comment le peuple le plus cultivé au siècle passé (le peuple allemand) a-t-il produit le nazisme ?
2ème question : est-ce que Marx s’est trompé ?
Bon ! On a dit dans le capitalisme, il n’y pas de morale, c’est le marché qui gouverne tout. Non seulement il y a de l’inhumain, mais il y a aussi de la déshumanisation parce qu’il n’y a que la morale des entreprises, celle du rendement.
Marx a montré que l’homme avance par les contradictions, et qu’il est passé de l’esclavage antique au servage du capitalisme ; et qu’on est passé au socialisme contemporain, à la condition pour que les prolétaires du système capitaliste s’unissent : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ». Et il a laissé entendre que le socialisme ne pouvait se réaliser dans une société qui n’avait pas encore atteint un certain stade de développement capitaliste, comme en Angleterre et les pays d’Europe. Ce qui est arrivé dans un pays qui n’était pas au niveau, ça n’a pas marché. Et là, il ne s’est pas trompé lorsqu’il dit « l’histoire a un sens », et pour qu’il y ait les passages, il faut qu’il y ait l’organisation des prolétaires. Et bien ! Ou, ils n’ont pas su le faire, ou, ils n’ont pas voulu. Ils n’ont pas pris en compte l’imagination humaine, la créativité humaine, les capacités d’innovation des individus. Ils ont voulu appliquer le système. Et ça a donné ce qu’on voit. Et aujourd’hui beaucoup n’y croient plus. Ils ne croient plus à la possibilité de détruire le système capitaliste.
⇒ Certaine phrases de Marx sont restées célèbres. Ainsi il parle d’égoïsme autrement que Smith : « La bourgeoisie a joué un rôle éminemment révolutionnaire…elle a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse…et la sentimentalité à quatre sous dans les eaux glacées du calcul égoïste » (Karl Marx. Le manifeste du Parti communiste)
Et sans me faire l’avocat de Smith, si celui était là, il nous dirait peut-être : que la tentative d’application des idées de Marx, ça n’a pas marché, car les hommes n’étaient pas à la hauteur d’un si grand projet.
Œuvres :
Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. 2 tomes. Adam Smith. 1776 (Disponible à la médiathèque de Chevilly-Larue)
La théorie des sentiments moraux. Adam Smith. 1759.
Le capital. Karl Marx. 1867
Le manifeste du Parti communiste. Karl Marx. 1847-1848
Le manuscrit de 1844 ou Manuscrit de Paris. Karl Marx.
Œuvres philosophiques de Karl Marx. 2 tomes. Editions Champ libre. 1981
(Disponible à la médiathèque de Chevilly-Larue)
Le capital raconté à ma petite fille. Jean Ziegler. Seuil 2018
Karl Marx ou le génie du monde. Jacques Attali. Fayard 2015