Qu’est-ce qu’être riche?

               Restitution du débat du 13 avril 2016 à Chevilly-Larue

Le trésor d Ali baba. Image promotionnelle du film, Ali Baba

Le trésor d Ali baba. Image promotionnelle du film, Ali Baba

Animateurs: Edith Deléage-Perstunski, philosophe. Guy Pannetier.
Modératrice: France Laruelle
Introduction: Guy Pannetier

Introduction : Si vous interrogez les gens, sur : « qui est riche ? »  vous comprendrez très vite que : sont riches tous ceux qui gagnent plus que moi.  Être riche, version idéalisée : c’est avoir suffisamment de revenus assurés pour toute une vie – pour ne pas devoir travailler par obligation – ne pas dépendre financièrement de qui que ce soit – et à partir de là « cerise sur le gâteau » – on peut consacrer tout son temps à quelque chose qui nous passionne.
Mais être riche, d’une approche  moins idéalisée pour beaucoup de français, ce serait: ne pas être à découvert le 19 du mois, ne pas ravaler sa honte en allant demander régulièrement une avance sur salaire, pouvoir se débarrasser une fois pour toute de la collection de cartes de crédits… Au début du mois de décembre passé, les médias nous disaient qu’un tiers des jeunes ménages vivaient avec un découvert permanent. Si à ces personnes je leur explique la notion de richesse selon Epicure, mon argumentation sera faible, ça leur fera belle jambe, et je peux même me faire jeter.
Dans leur ouvrage « C’est quoi être riche ? » Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon écrivent ceci : « La richesse offre la possibilité de libérer son temps et son esprit de toute une série de problèmes matériels qui empoisonnent la vie de la plupart des gens. Mais la richesse, ce n’est pas qu’un niveau de revenu, c’est aussi une façon d’être, une assurance, une aisance, une façon de parler, de se tenir en société, et qui marque l’incorporation physique des privilèges »
Maintenant, à moins qu’il n’y ait parmi nous dans la salle un, une, ou quelques riches, comment pouvons-nous parler d’une chose que nous n’expérimentons pas vraiment par nous-mêmes ?  Il nous aurait fallu, convier, Bernard Arnaud qui pèse 34 milliards d’euros, Gérard Mulliez (groupe Auchan, Carrefour)  23 milliards, ou Serge Dassault 17 milliards, etc. Je suis même sûr que parmi nous personne ne pèse son petit milliard.
Dans une pièce de théâtre « Numéro complémentaire » un homme, un père de famille (joué par Francis Perrin) vient de gagner le gros lot du loto. Il est d’un milieu modeste, et sa première réaction lorsqu’il annonce la bonne nouvelle à sa famille est : « ce soir c’est la fête je vous invite tous chez Flunch,  et c’est plateau-repas à volonté pour tout le monde » Ceci pour dire que nous jugeons de la richesse en fonction du niveau social où l’on se trouve. Héraclite écrivait : « Les ânes préfèrent la paille à l’or »
Le philosophe Alain Renaut qui avait vécu et étudié la vie des peuples pauvres du Sahel, disait dans une émission sur France culture:  » …qui sont les pauvres ? Pas forcement ceux qui ont le moins de moyens monétaires, mais ceux qui sont le plus empêchés…, » ce qui en contrepoint nous dit, que la richesse, est aussi et d’abord disposer de soi, disposer de son libre arbitre, de pouvoir accéder aux nécessités premières, accéder aux principaux besoins définis dans l’échelle de Maslow.
Alors (et pour conclure) : Être riche, c’est peut-être, figurer dans le classement Forbes, ou, plus couramment, « Être riche, »  c’est avoir : beaucoup de blé, de braise, de flouse, de  fraîche, de  fric,  d’oseille, de galette,  de pépètes,  de pèze, de  pognon,  de picaillons,  de radis, de thune, de fait : être blindé !

Débat

 

Débat :  ⇒ Communément dès qu’on parle de richesse on parle de revenus. Il y a plusieurs formes de richesse, par exemple on peut dire qu’une cuisine est riche. Riche est ce qui fructifie, c’est un signe d’abondance quel que soit le domaine. En dehors de l’argent on peut être riche en idées, être riche en humanité, etc.; mais à chaque fois c’est qu’on est au-dessus de la moyenne.

⇒ Quand j’ai entendu l’énoncé de la question « qu’est-ce qu’être riche ? », j’ai immédiatement pensé à la distinction entre richesse matérielle et richesse spirituelle et à des formules de la sagesse des nations « l’argent ne fait pas le bonheur »  et « plutôt qu’accumuler les richesses vivre d’amour et d’eau fraîche ».  Et j’ai eu en mémoire le film de Fellini « La dolce vita »  qui souligne que les riches  s’ennuient et ne savent pas donner sens à leur vie.
Et puis, je me suis souvenue de l’expression « pauvres d’esprit » et de son interprétation chrétienne «Heureux les pauvres en esprit car le royaume des cieux est à eux »  (Prêche de Jésus dans le sermon sur la Montagne). Il peut être compris comme un leurre à destination des réellement  pauvres, comme une drogue (un opium) pour consoler les pauvres en leur promettant un au-delà réparateur. Il est explicité, dans le texte des Béatitudes comme une invitation aux hommes et aux femmes à convertir leur état d’esprit, à passer du désir d’enrichissement matériel au voeu d’enrichissement spirituel car les pauvres en esprit sont les esprits sans désir de conquête ni de  possession matérielles
Alors je me suis demandée mais quel est le problème dans cette question ? Peut-on aller au delà de la distinction richesse matérielle, richesse spirituelle ?  Cette question me semble interroger notre société technophile, consumériste, où règne la compétition  pour être toujours plus riche et en contre façon les projets alternatifs de société autogestionnaire et coopérative.
Aujourd’hui comme l’analyse le philosophe contemporain Alain Renaut dans son ouvrage « L’injustifiable et l’extrême » notre monde a globalisé toutes les situations inédites avant hier, comme la catastrophe climatique et  la mort par pauvreté extrême: un enfant meurt de faim dans le monde toutes les cinq secondes selon le sociologue Jean Ziegler.
Alors faut-il reconsidérer en quoi consiste être riche aujourd’hui? Est-ce simplement le fait de pouvoir survivre? Ou d’échapper à la mort brutale causée par le fait global des guerres asymétriques qui tuent  sans prévenir et de manière aléatoire ?
Nous sommes dans une épistémè, une ère culturelle où triomphe Narcisse, celui qui s’aime plus que tout autre, celui qui a le culte du moi. Nous sommes dans une civilisation individualiste, désenchantée et où la relation érotique de consommation  et de consumation de toutes choses  est une relation mortifère et pour la planète et pour l’humanité. Alors  faut-il  dire comme Voltaire « cultivons notre jardin »? Cela est pour moi déprimant car avoir, je dis bien, qu’avoir un idéal est une richesse. Preuve en est le fait de société que nous vivons aujourd’hui que dans cette société matérialiste, au sens trivial du terme, qui fait miroiter toujours plus de richesses matérielles à consommer et à consumer, le manque d’idéal pousse de plus en plus de jeunes vers des religiosités et donc des communautarismes religieux dont certaines n’excluent pas le suicide meurtrier. Alors peut-être que la richesse consiste en cette capacité de l’être humain de savoir se réjouir, en toutes circonstances, du fait même non pas de vivre mais  d’exister, comme dit Sartre, de pouvoir sans cesse donner sens à sa vie ou plus simplement encore du pur plaisir d’exister et de contempler le monde dont chacun est un élément. Ce que défendent des philosophes matérialistes de l’Antiquité grecque comme Lucrèce .et Epicure et que propose le fondateur de l’idéologie écologiste contemporaine Aldo Léopold avec son ouvrage remarquable Almanach d’un comté des sables (publié en 1948).

⇒ Je suis riche de l’amour de mes enfants, et j’ai surtout beaucoup d’amis sur lesquels je peux compter, j’ai pas mal d’occupations, voire trop. Je n’ai pas beaucoup d’argent, mais j’ai tout le reste, je pense que c’est une forme de richesse.

⇒ C’est bien qu’on ait déjà fait la distinction entre richesse matérielle et les autres formes de richesse. Je pense qu’il y aussi une richesse, qui me parait très importante, c’est dans la vie d’être capable de comprendre ce qui nous entoure, avoir une intelligence suffisante pour être capable d’entendre, de comprendre les informations, de lire un journal, etc. et d’avoir un niveau de compréhension suffisant, en gros ne pas être trop bête, être capable de raisonner, ça c’est une richesse.
Par contre, je pense qu’au niveau des richesses matérielles, il faut quand même que les besoins vitaux soient couverts, sinon, ça devient une préoccupation de chaque instant, et ça empêche d’utiliser son temps à d’autres richesses qu’on peut appeler « immatérielles ». Donc besoins vitaux satisfaits, pas ou peu de préoccupations financières concrètes, et après capacité de réfléchir, de penser, de faire des projets.
Et puis, surtout, l’amour, l’expérience de l’amour d’u autre ou d’une passion chez une personne : aimer, quelqu’un, ou quelque chose.

⇒ Il y a des gens qui sont dans la grande misère et qui sont délaissés. Dès 1957, suite à l’appel de l’Abbé Pierre, un prêtre avait eu l’idée de s’immiscer dans un groupe de SDF pour comprendre pourquoi ils n’arrivaient pas à sortir de leur condition. Il a découvert qu’il y avait des richesses parmi ces gens là. Les richesses sont dans tous les individus si on leur donne les moyens de les développer.

⇒ On est riche en amitié, oui, mais, est-ce bien une richesse ? Dans la pièce de Shakespeare « Thimon d’Athènes » un exemple nous est donné : Thimon inonde ses amis de cadeaux plus luxueux les uns que les autres. Un proche, conseiller, le prévient qu’il va se ruiner. Il le rassure en lui disant qu’il « peut puiser dans les vases de l’amitié »,  je suis riche en amis lui dit-il. Et bien sûr vient la ruine, et là un à un tous ses amis ont une bonne excuse pour ne pas pouvoir lui venir en aide, tous se défilent.
Alors qu’est-ce être riche ? Un homme, nous dit-on, a une chaise, une table, et un lit ; il est riche. Dans ce même temps, un homme a, deux chaises, deux tables, deux lits, est-il deux fois plus riche ?
Et pour revenir sur la notion de catégories sociales liées à l’argent, cela est bien illustré dans une autre pièce de théâtre (plus récente) « Le diable rouge ».
Colbert dit à Mazarin (rôle joué par Claude Rich) que le trésor public est en déficit et qu’il faut trouver de l’argent
– Colbert :…. il nous faut de l’argent. Et comment en trouver quand on a déjà créé tous les impôts imaginables ?
– Mazarin : On en crée d’autres.
– Colbert : Nous ne pouvons pas taxer les pauvres plus qu’ils ne le sont déjà.
– Mazarin : Oui, c’est impossible.
– Colbert : Alors, les riches ?
Mazarin : Les riches, non plus. Ils ne dépenseraient plus. Un riche qui dépense fait vivre des centaines de pauvres.
Colbert : Alors, comment fait-on ?
– Mazarin : Colbert, tu raisonnes comme un fromage, comme un pot de chambre sous le derrière d’un malade ! Il y a quantité de gens qui sont entre les deux, ni pauvres, ni riches… Des Français qui travaillent, rêvant d’être riches et redoutant d’être pauvres ! C’est ceux-là que nous devons taxer, encore plus, toujours plus !  Ceux là ! Plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser. C’est un réservoir inépuisable.

⇒ Il y a une formule beaucoup utilisée : « On ne prête qu’aux riches », et ceci autant de façon matérielle que de façon spirituelle. Celui qui a des connaissances acquiert une position supérieure.

⇒ On dit beaucoup que notre société est individualiste, je me demande si ça n’a pas toujours été vrai ? Même la misère en Afrique n’est pas supérieure à ce qu’elle a été. Les inégalités dues à la richesse existent, mais elles sont moindres que ce qu’elles ont pu être. Puis revenant sur la richesse spirituelle, on ne réfléchit pas le ventre vide ? Il faut avoir à manger, où dormir…..

⇒ A la pauvreté et la misère en Afrique s’ajoute d’autre misère, comme la misère écologique, soit de plus en plus de sécheresses et des gens qui meurent de faim, le temps je compte à cinq et un enfant est mort, et nous dissertons ici, sur ce que c’est d’être riche. Si on allait poser la question là-bas !

⇒ J’ai travaillé à l’hôpital, j’étais heureuse de donner ce que je pouvais donner, ça a été ma richesse. Même si parfois je rentrais tard, sur mon vélo, je chantais. Maintenant, c’est une richesse de savoir se contenter de ce que l’on a.

⇒ Il faut distinguer pauvreté et misère aujourd’hui dans la société française aujourd’hui l’écart est grand entre les riches, les pauvres et les misérables: du point de vue matériel, quelques chiffres : 2,5 millions de personnes touchées par l’illettrisme soit 7% de la population – 10,5 % de chômeurs – 1 million de personnes bénéficient des repas des restos du cœur – 3,6 millions de SDF – 1 personne sur 5 n’a pas d’accès Internet à son domicile – 8,5millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté (13,9%). Le seuil de pauvreté, en France était de 987 euros en 2014, tandis que 2,2 millions sont millionnaires et 67 personnes sont milliardaires.
Le vide idéologique de ces dernières décennies a laissé place, à un projet de société partagé par un nombre grandissant : « faire de l’argent » ; l’argent est le moteur de l’histoire humaine du 16ème  siècle  à nos jours, c’est à dire dans la période de mise en place du système capitaliste.
L’argent est devenu une valeur d’échange quand il a perdu sa valeur d’usage. Et alors règne dans toutes les sociétés à mode de production capitaliste, ce que Marx nomme « le monothéisme de l’argent ». Nous  faisons l’expérience chaque jour de la domination, dans notre type de société, de la religion de l’argent.
Et finalement c’est Jean-Jacques Rousseau qui analyse le mieux ce en quoi consiste la richesse. Etre riche c’est avoir quelque chose en sa possession mais ce n’est pas être propriétaire comme il l’écrit dans « Le discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes» : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, que de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne ». Ce n’est pas l’argent mais la propriété privée et l’appropriation des biens (et notamment des biens communs) qui est la cause de tous les maux
Finalement si je m’interroge sur ce qui pour moi a de la valeur et non un prix, alors je dirai:
La richesse du genre humain c’est d’avoir su, au cours de son évolution, inventer toujours de nouveaux outils pour s’adapter à son environnement et le transformer pour satisfaire ses besoins et pour le connaître tout simplement: la richesse c’est d’appartenir à une humanité qui  sait calculer aujourd’hui l’existence de la neuvième planète du cosmos.
Ma richesse liée au hasard de ma naissance c’est d’être née et de vivre dans un pays dont le régime politique est une démocratie qui, en principe, adhère à la déclaration universelle des droits de l’homme et à la laïcité Mais elle est fragile et il faut être vigilant à ce qu’elle ne se disloque pas c’est peut-être l’alerte donnée par les « nuits debout ». Et en tant que femme ma richesse c’est de vivre dans une société où des lois (qui peuvent évoluer) relèvent du principe de l’égalité des droits des hommes et des femmes. Finalement  être riche ce n’est pas avoir quelque chose à vendre c’est avoir quelque chose à donner ou à transmettre sans faire de calcul, sans en attendre un bénéfice. La richesse c’est de pouvoir partager.

⇒ Il y a des richesses qui ne sont pas forcément matérielles ; je pense aux périodes où l’on achetait les esclaves en Afrique, ceux-ci appartenaient à des peuples riches de traditions, de principes moraux, et d’une spiritualité. Vendus aux colons certains ont gardé des traces de cette richesse, qui reste même dans une culture multiple aujourd’hui.
Maintenant pour la richesse matérielle, je la vois naître au néolithique avec les débuts de l’agriculture et de l’élevage et de la sédentarisation, ceci du fait de devoir stocker les produits de la culture. D’où aussi des sources de conflits où les moyens de l’intelligence ou la force font l’un plus riche, l’autre plus pauvre. C’est la naissance des couches sociales, de la richesse.

⇒ J’ai dit que la richesse c’était d’être au-dessus de la moyenne, et quand on s’écarte de cette moyenne, on est plus ou moins riche ou on est plus ou moins pauvre. On peut faire des strates dans la richesse, comme dans la pauvreté. Dans la richesse, nous avons l’abondance, et le superflu jusqu’au gaspillage. Finalement reste la question d’où vient la richesse, et sont-ce toujours des richesses bien acquises ?
Lorsque qu’on a évoqué la solidarité comme richesse, aujourd’hui elle passe par le partage constitué par l’impôt, et nous voyons le refus du partage avec aujourd’hui les « Panama papers » et les paradis fiscaux.
Nous avons eu ici à Chevilly-Larue un très gros propriétaire, fermier général (collecteur d’impôt), Barthélemy Couanar, qui avait de nombreux domaines et qui vivait au quotidien dans une extrême avarice.
Et aujourd’hui on mesure la richesse des peuples, des Nations avec le PIB (Produit Intérieur Brut) pendant que d’autres pays mesurent le BNB (Bonheur National Brut) comme au Bhoutan, et les habitants ont un bonheur brut très supérieur. Donc, il existe pour mesurer les richesses d’autres facteurs que les facteurs économiques.

⇒ La richesse en France est parfois curieusement perçue, un sondage récent dans le journal « La Voix du Nord » nous disait que pour 78% des Français, être riche est mal perçu, mais les mêmes personnes à 72% disaient que c’est une bonne chose que de vouloir être riche. Y a-t-il là, un paradoxe ?
Et bien sûr nous avons dit que la richesse est relative. De fait, si je vis avec 800 €  par mois à Bamako, je suis riche – si je vis avec 5000 € par mois à Chevilly-Larue, je suis entre riche et à l’aise – si je vis avec 5000 € par mois à Neuilly sur Seine, je suis un pauvre. Donc il y a un critère géographique.
Et j’ajouterais qu’être riche c’est prendre le risque d’être détesté par une majorité de personnes.
Et, être pauvre, c’est prendre le risque d’être plaint par une majorité de personnes.
Enfin n’excluons pas que la jalousie à l’égard des riches existe, que c’est un sentiment largement partagé. On n’est pas jaloux de la pauvreté, alors que c’est la condition la plus partagée dans le monde.

⇒ Je travaille dans une collectivité, je m’occupe des seniors, et là, la plus grande richesse, c’est leur santé. Quand la santé se dégrade, tout se dégrade, tout le reste n’a plus d’importance…

⇒ La richesse n’est pas que l’argent, je pense à la richesse du cœur, et celle-là ne dépend pas d’une condition sociale. Je connais (entre autres) une personne assez riche qui aide au restaurant du cœur, et elle dit recevoir plus que ce qu’elle donne.

⇒ Je reviens sur l’expression, ce qui n’est pas indispensable est superflu, cela pose la question de savoir qu’est-ce qui est indispensable. Epicure, considérait comme indispensable les plaisirs naturels, manger, boire, dormir, et réfléchir, soit l’indispensable, en fait, les besoins premiers. Puis venaient les plaisirs artificiels, c’est-à-dire, désir de luxe, de pouvoir, d’honneurs, etc.
Et je voudrais revenir sur l’idée émise que les avares vivent comme des pauvres, je ne suis pas d’accord avec ça, parce qu’en fait quand on est pauvre on n’a pas le même imaginaire que quand on est riche, ils ont peut-être apparemment le même train de vivre, mais ils n’ont pas le même esprit.

⇒ Il y a toujours un danger lorsqu’on aborde ce sujet c’est de mettre en opposition, riches et pauvres, ou « les salauds de riches » et les « malheureux pauvres ». Cela mène à un discours assez simpliste qui nous ramènerait vers des idées égalitaristes. Nous avons eu au siècle dernier en Europe une expérience égalitariste, (Le communisme en URSS) et, le «  paradis rouge » pour le peuple s’est surtout transformé en enfer. Je pense que l’expérience ne fut même pas « globalement positive ».
Nos sociétés, et les individus qui la composent, généreront toujours des plus riches et des moins riches. Le progrès social, nous appartient si, au-delà du simple constat, nous oeuvrons réellement pour que les écarts diminuent, les inégalités s’amenuiseront.
Et puis pour « défendre les riches », car nous avons beaucoup témoigné à charge contre ces derniers, il y a des riches qui font des choses bien, qui font du mécénat.  Par exemple je citerai la baronne María von Thyssen qui a hérité de son riche mari, grand collectionneur d’œuvres d’arts. Elle a donné deux cents œuvres rares dont la plupart sont exposées dans deux musées : Musée Carment Thyssen à Malaga , et Musée Carmen Thyssen à Madrid. Son geste, qui dénote d’une richesse de cœur,  a ému les Espagnols qui l’appellent « Tita Thyssen » (Tante Thyssen).
Et enfin, dans notre pays, les classements officiels nous disent qu’il y a des plus en plus de millionnaires, que globalement notre pays est plus riche qu’il y a vingt ans ; c’est bon signe dans un sens.  Coluche aurait repris ce qu’il disait: « Hé ben, y vont être contents, les pauvres, de savoir qu’ils habitent un pays riche »

⇒ On peut bien sûr citer plein d’exemples de « mauvais riches » en évitant de faire des généralités. Et c’est vrai qu’il y a beaucoup de mécénat, de fondations qui aident dans le domaine de la culture.

⇒ Il y a ceux qui donnent de leur nécessaire, et, il y a ceux qui donnent de leur superflu. Sur le plan moral, ce n’est pas tout à fait la même chose, et donner comme mécène c’est dans l’ordre des choses. Il n’y a pas de quoi féliciter un riche d’être un mécène. Alors que le partage et les solidarités chez celui qui manque me paraissent plus respectables, même si c’est toujours subversif de le dire.

⇒ Plusieurs personnes parlent en même temps, en contradiction avec la dernière intervention :
– Je ne suis pas d’accord avec ça !
– Alors, il peut ne pas donner c’est pareil…
– Il faut encourager le mécénat….etc.

⇒ Chez les pauvres il n’y a pas que des héros, il n’y a pas les bons et les mauvais, et ce n’est pas le niveau social qui définit le comportement.

⇒ On a dit que la richesse est une santé, c’est vrai que lorsqu’on est malade on est égaux, mais lorsqu’il faut se soigner, si vous êtes riches vous pouvez consulter des sommités médicales, avec les meilleurs chirurgiens dans les meilleurs établissements, et avoir une chambre particulière.

⇒ La richesse financière favorise quand même la richesse culturelle, ce qui fait une reproduction des élites, on ne peut pas le nier. L’éducation culturelle transmise dès le plus jeune âge donne un avantage, aller au théâtre, visiter les musées en France, en Europe, etc, cela demande certains moyens.
Et je reviens sur l’ouvrage de Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon « Ce que ça fait d’être riche ». Ils nous disent en substance: la société valide le fait d’être riche, de jouir de très nombreux privilèges, ce qui serait la juste récompense d’une quelconque élection, d’un droit inné, presque un droit naturel. Et là je cite : « alors que les riches (écrivent-ils) vivent de plus en plus récompense de leurs immenses mérites, …, les plus humbles, en échec social, vivent avec culpabilité une pauvreté qu’ils ne peuvent devoir qu’à eux-mêmes. Ne subsistent-ils pas aux crochets des créateurs leur (bonne) fortune comme la création d’emplois et de richesses, sur lesquels l’Etat puise les ressources fiscales qui permettent aux assistés de vivre sans travailler? Le consensus qui paraît s’étendre sur le caractère incontournable de l’économie de marché renforce la bonne conscience et l’assurance de soi des nantis, tout en culpabilisant les plus pauvres. Décidément, mieux vaut être financier que savetier. »
Pour résumer brièvement la fable de La Fontaine : « du savetier et du financier »
Un savetier chantait du soir au matin dans son échoppe.
Un financier qui habitait la même maison, ne pouvait s’endormir qu’au petit matin, mais vite réveillé par les chants du savetier.
Le financier vint voir le savetier et lui donna cent écus.
Ce dernier devenu riche, à son tour ne dormait plus, ne chantait plus.
N’y tenant plus, il alla voir le financier et lui dit:
reprenez vos cent écus et rendez-moi mon sommeil, rendez-moi mes chansons !
Nous retrouvons là,  une de ces richesses toute simples évoquées dans le débat.
Et enfin, revenant sur le mérite d’être riche. Cette idée que certains le mériteraient m’horripile, comme me gène l’expression « parce que nous le valons bien », cela voudrait dire en même temps que ceux qui sont pauvres méritent d’être pauvres.
Nul ne mérite d’être riche. Nul ne mérite d’être pauvre.

⇒ Pour juger de la richesse nous devons séparer valeurs boursières et valeurs humaines. Et la richesse doit ne pas pouvoir se développer à l’infini dans un monde où il y a tant de pauvres.

Proverbes et citations  entendus au cours du débat :

« On lit au front de ceux qu’un vain luxe environne, que la Fortune vend ce qu’on croit qu’elle donne »                          (Jean De la Fontaine. Extrait de la fable : Philémon et Baucis)

« Il faut savoir le prix de l’argent : les prodigues ne la savent pas, et les avares encore moins »                                                                                                                 (Montesquieu)

Œuvres citées :

Livres :

C’est quoi être riche ? Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon. Editions de l’Aube. 2015.
(Disponible à la médiathèque de Chevilly-Larue)

L’injustifiable et l’extrême. Alain Renaut. Editons Le Pommier 2015.

Discours sur les fondements de l’inégalité parmi les hommes. J.J. Rousseau. 1750.
(Disponible à la médiathèque de Chevilly-Larue)

Théâtre :

Le diable rouge, d’Antoine Rault. Claude Rich dans le rôle de Mazarin. 2009.

Numéro Complémentaire, de Jean-Marie Chevret. 2006.

Emission :

Alain Renaut dans « Les nouveaux chemins de la connaissance. Radio France 11.12.2015

 

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