Spinoza, précurseur des Lumières ?

Baruch Spinoza. 1665. Herzog August Bibilothek. Wolfenbütel. Germany.

Baruch Spinoza. 1665. Herzog August Bibilothek. Wolfenbütel. Germany.

Débat du  23 mars 2016 à Chevilly-Larue

Animateurs: Edith Deléage-Perstunski (philosophe). Guy Pannetier. Danielle Vautrin. Lionel Graffin.
Modératrice : France Laruelle.

Biographie, (Danielle Vautrin)
Baruch Spinoza, également connu sous les noms de Bento de Espinosa ou Benedictus de Spinoza, né le 24 novembre 1632 à Amsterdam, mort le 21 février 1677 à La Haye, est un philosophe néerlandais dont la pensée eut une influence considérable sur ses contemporains et nombre de penseurs postérieurs.
Il naît dans une famille appartenant à la communauté juive portugaise d’Amsterdam. Son prénom « Baruch », qu’il latinise en Benedictus, Benoît (Bento en portugais), signifie « béni » en hébreu.
À cette époque, la communauté juive portugaise d’Amsterdam est essentiellement composée de Marranes, c’est-à-dire de juifs de la péninsule Ibérique convertis de force au christianisme, mais ayant, pour la plupart, secrètement maintenu une certaine pratique du judaïsme. Confrontés à la méfiance des autorités, particulièrement de l’Inquisition, et à un climat d’intolérance envers les convertis, un certain nombre d’entre eux ont quitté la péninsule ibérique et sont revenus au judaïsme lorsque cela était possible. Les juifs étaient assez bien tolérés et insérés dans la société néerlandaise. Ceux d’origine portugaise parlaient néerlandais avec leurs concitoyens, mais utilisaient le portugais comme langue vernaculaire. En ce qui concerne la réflexion philosophique, c’est en latin que Spinoza écrivit, comme la quasi-totalité de ses collègues européens.
Spinoza a fréquenté l’école juive élémentaire, le Talmud Torah, de sa communauté, acquérant ainsi une bonne maîtrise de l’hébreu et de la culture rabbinique. Sous la conduite de Rabbi Mortera, il approfondit sa connaissance de la Loi écrite et accède aussi aux commentaires médiévaux de la Torah (Rachi, Ibn Ezra) ainsi qu’à la philosophie juive (Maïmonide).
À la mort de son père, en 1654, il reprend l’entreprise familiale avec son frère Gabriel.
Côtoyant des milieux chrétiens libéraux et libres penseurs, Baruch Spinoza est séduit par la philosophie cartésienne et se montre avide de connaissance. En tant qu’issu d’une famille juive marrane portugaise ayant fui l’Inquisition, Spinoza fut en effet un héritier critique du cartésianisme. Il prit ses distances vis-à-vis de toute pratique religieuse, mais non envers la réflexion théologique, grâce à ses nombreux contacts interreligieux. Après sa mort, le spinozisme connut une influence durable et fut largement mis en débat. L’œuvre de Spinoza entretient en effet une relation critique avec les positions traditionnelles des religions révélées que constituent le judaïsme, le christianisme et l’islam.
Si sa doctrine repose sur une définition de Dieu, suivie d’une démonstration de son existence et de son unicité et propose une religion rationnelle, Spinoza fut à tort couramment compris comme un auteur athée et irréligieux. En effet, ses conceptions théologiques qui relèvent du panthéisme, mais aussi sa conception historiciste de la rédaction de la Bible, tendent à s’opposer aux dogmes religieux de la transcendance divine et d’une révélation surnaturelle.
En écrivant « Dieu c’est-à-dire la nature » Spinoza identifie la divinité au tout du monde réel, contrairement à l’anthropomorphisme religieux classique qui fait de Dieu un créateur, distinct du monde, agissant selon un objectif. Le Dieu de Spinoza est impersonnel, ni créateur, ni bienveillant, ni malveillant, sans dessein particulier pour l’homme, sans morale (la morale est faite par les hommes pour les hommes).
L’Ethique (1677), l’œuvre majeure du philosophe hollandais, est rédigée comme un livre de mathématique, dans un souci de rationalisme absolu. L’auteur y prône la recherche du salut par la connaissance, le Souverain Bien, qui apporte la joie, la Béatitude, et sauve du trouble des passions. Ayant été informé des accusations d’ouvrage athée formulées par les théologiens, Spinoza renonce à sa publication qui l’aurait certainement conduit au bûcher.
Le 27 juillet 1656, Baruch Spinoza est frappé par un herem, terme que l’on peut traduire par excommunication, qui le maudit pour cause et, chose rare, définitive. Peu de temps auparavant, un homme aurait même tenté de le poignarder, et, blessé, il aurait conservé le manteau troué par la lame pour se rappeler que la passion religieuse mène à la folie. Si le fait n’est pas complètement certain, il fait partie de la légende du philosophe.
L’exclusion de Spinoza n’est pas la première crise traversée par la communauté. Quelques années plus tôt, Uriel da Costa avait défié les autorités. Repentant, il avait dû subir des peines humiliantes (flagellation publique) pour pouvoir être réintégré. Il réaffirmera cependant ses idées avant de se suicider.
Juan de Prado, ami de Spinoza, sera à son tour exclu de la communauté en 1657.
Il fréquente l’école du philosophe républicain et « libertin » Franciscus van den Enden, ouverte en 1652, où il apprend le latin, découvre l’Antiquité, notamment Terence, et les grands penseurs des XVIe et XVIIe siècles comme Hobbes, Bacon, Grotius, Machiavel. Il côtoie alors des hétérodoxes de toutes confessions, notamment des collégiants comme Serrarius, des érudits lecteurs de Descartes, dont la philosophie exerce sur lui une influence assez profonde. Il est probable qu’il professe, dès cette époque, qu’il n’y a de Dieu que « philosophiquement compris », que la loi juive n’est pas d’origine divine, et qu’il est nécessaire d’en chercher une meilleure; de tels propos sont en effet rapportés à l’Inquisition en 1659 par deux Espagnols ayant rencontré Spinoza et Juan de Prado lors d’un séjour à Amsterdam.
Quoi qu’il en soit, Spinoza semble accueillir sans grand déplaisir cette occasion de s’affranchir d’une communauté dont il ne partage plus vraiment les croyances. Après son exclusion de la communauté juive, Spinoza gagne sa vie en taillant des lentilles optiques pour lunettes et microscopes, domaine dans lequel il acquiert une certaine renommée.
Hormis « Principes de la philosophie de Descartes », « Pensées métaphysiques », « Traité théologico politique », ses œuvres, interdites car considérées comme athées et blasphématoires, sont publiées à titre posthume.
Spinoza est considéré comme l’une des figures les plus importantes de la philosophie classique à cause de sa rigueur et de son sens critique qui lui vaut d’être poursuivi et persécuté (il a reçu un coup de couteau). (Texte préparés avec des emprunts sur Wikipédia)

Pensées et concepts dans la philosophie de Spinoza. (Guy Pannetier)
On ne peut pas, dans un simple  débat résumer la philosophie de Spinoza, toutefois on peut tenter de retenir les idées principales, les concepts propres à ce philosophe. Pour faire bref j’en retiendrai cinq:
1° La foi en Dieu, un dieu qu’il assimile à la nature, un dieu sans la Bible, sans la révélation, sans les ministres de Dieu, sans le culte.
Pour lui les Ecritures, dit-il, n’ont aucun fondement rationnel et ne peuvent être considérées toujours, comme critères de connaissance. Sa pensée est essentiellement immanente. Pour lui, pas d’ange, pas de jugement dernier, pas d’enfant jésus, etc, pour lui les miracles sont des niaiseries. Pour lui  pas plus de diable que de parole divine. Pour lui Dieu et Nature veulent dire la même chose, et l’on remarque qu(il écrit toujours le mot Nature avec une majuscule comme pour Dieu,
2° La nécessité, le déterminisme. Chez Spinoza cela entraîne le refus de la contingence, du hasard, la nature divine orientant tout chose. De là, c’est la négation totale du libre arbitre. La vie de l’homme est entièrement soumise au déterminisme.
Spinoza reprend cet thème des présocratique, pour qui,  (je cite) : « tout se produit avec raison en vertu d’une nécessité » ». L’histoire de la philosophie a retenu particulièrement cette phrase : « Un grand nombre d’individus de la même farine, croient par un libre décret de l’âme… (que) les hommes sont libres pour cette seule raison qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés.  (Ethique. Scolie de la proposition II. 3ème partie). En cela il rejoint les stoïciens, et le fatum, c’est-à-dire : « aime ce qui arrive, ce qui advient » et à cet effet il donne l’exemple de la pierre qui, jetée en l’air, retombe suivant les lois de la pesanteur : la pierre ne peut pas vouloir ne pas retomber, elle ne peut que se mettre en accord avec les lois de la nature, et vouloir retomber, alors elle est libre du choix par nécessité. Cet argument spécieux est souvent repris dans des religions qui prônent d’abord : « la soumission »
3° Le Conatus : (Je reprends la définition de Michel Onfray) « Ce qui permet à l’être, sa durée, sa manifestation, sa dynamique, son augmentation, son affirmation ».  J’ajouterai: que c’est : le moteur d’action chez l’homme, sa puissance d’agir, la source de vie en lui, l énergie fondamentale qui le pousse à l’action, on peut aussi parler de désir qui se fait volonté, de désir maître. Ce désir est souvent l’effet d’affects, d’exploitation des affects, de désirs créés, cela nous donne aujourd’hui le moteur de la société de consommation et d’une nouvelle forme de  servitude volontaire des individus.
Cela est illustré dans une pièce de théâtre « Bienvenue dans l’angle alpha », pièce adaptée d’une œuvre de Frédéric Lordon : «  Capitalisme, désir et servitude »
La pièce montre comment cette soumission fataliste de Spinoza se retrouve dans notre société, où désir de consommation devient un affect joyeux, valorisant. L’auteur démontre comment l’économie de marché exploite «  utilement » ces affects
4° L’a-moralisme de l’Etique, et le paradoxe qui en découle ; en effet, comment être libre de dominer ses sentiments si nous sommes déterminés en toute chose, dans ce cadre les plus mauvaises actions deviennent- elles excusables ? Le texte de l’éthique, et tout le propos de Spinoza est,  hors le bien et le mal, sans prescription socio religieuse. De fait à « bien et mal, il substitue toujours « bon ou mauvais », ce qui est tout à fait dans la définition de l’éthique par rapport à la morale. Sur ce point Deleuze explique que la philosophie de Spinoza est « par delà le bien et le mal ».
5° Existence de l’idée vraie en nous. L’idée de vrai, c’est l’idée qui surgit lorsque nous avons reconnu et éliminé toutes les idées fausse par sa Méthode. Pour lui,  par intuition,  nous reconnaissons le vrai.
Spinoza comme d’autres philosophes est persuadé que la vérité existe en soi, c’est-à-dire, que selon lui,  si nous examinons toutes les propositions liées à une idée, nous finirons par reconnaître la proposition vraie, puisque la vérité est en nous, il nous suffit de la reconnaître.
A partir de là, dans le traité de l’entendement, il propose une autre voie, « infaillible » cette fois, et curieusement il emploie le mot Méthode 70 fois avec un M majuscule sur les 52 pages du texte, « Court Traité ». « En effet » dit-il «  il doit avant tout exister en nous une idée vraie en tant qu’instrument inné dont la compréhension nous fait en même temps comprendre la différence entre une telle perception et les autres ». Il critique la Méthode de Descartes disant dans « l’Ethique. Préface de la 5ème partie)  qu’il (Descartes) a voulu « expliquer des choses obscures par des qualités obscures, admettre une hypothèse plus occulte que toute qualité occulte »
Si chez Descartes la Méthode propose un cheminement déductif, chez Spinoza nous avons un examen au cours duquel l’idée vraie ; la vérité se manifeste d’elle-même. Quiconque pour lui mettrait en doute cette vérité qui se manifeste spontanément est dit-il  un sceptique, « dont l’âme est complètement aveugle, soit de naissance, soit par préjugé » (Spinoza. Traité de la réforme de l’entendement. P, 28/29. Le Monde de la philosophie. 2008)

La liberté et la servitude chez Spinoza: 1ère partie (Lionel Graffin)
L’homme est faible et propice aux passions et à la servitude, c’est un casse-tête, nul n’y échappe ; l’homme naît dans la servitude.
Spinoza annonce la couleur dans la préface de la 4ème parte de l’Ethique : « J’appelle servitude l’impuissance chez l’homme à gouverner et à réduire ses affects ; soumis aux affects, en effet l’homme ne relève pas de lui-même, mais de la  fortune qui est tel sur lui que souvent il est contraint, voyant le meilleur, de faire le pire »
Pour Platon : « Nul n’est méchant volontairement », pour Aristote, l’homme est l’homme est cause de ses actes.
Ainsi Spinoza pose ces questions : de la volonté du mal, de celle de la faiblesse, avec sous-entendu la faiblesse de la volonté, ce que les grecs nommaient, acrasie.
Puis il nous parle de la faiblesse de la pensée. « Mais, il pense que personne ne peut alléguer  des ses affections pour justifier de son incontinence. Spinoza règle cette vieille discussion  montrant l’inconstance de l’homme soumis (asservi) aux sentiments. Il admet qu’on puisse voir clair tout en agissant mal, mais refuse de considérer l’homme comme la cause de ses actes. L’impuissance de l’homme cependant n’est pas absolue. Si elle l’était l’homme n’ayant aucune puissance disparaîtrait purement et simplement » (Texte extrait de « La servitude humaine, lecture et explication » de Denis Colin.
(https://socio13.wordpress.com/2009/10/26/de-la-servitude-humaine-lecture-et-explicitation-de-la-quatrieme-partie-de-lethique-par-denis-collin-spinoza-spinozisme/)
Mais la tâche est rude, compte tenu que pour Spinoza : « 1° La liberté du libre arbitre est l’illusion. 2° Il n’y a pas de règne des fins transcendant pour qu’il puisse servir de norme, ni de plan de la Nature dont nous devrions suivre les desseins » (Même source)
En un mot, notre tâche est complexe dans notre servitude passionnelle, par le fait que rien ne naît d’une idée fausse, mais par la présence d’une idée vraie, en tant que vrai.
Tel qu’on voit les choses, selon Spinoza, on s’en tient toujours à sa perception, son imagination, à une représentation imaginaire qui résiste à la manifestation du vrai : «  C’est une chose que nous connaissons bien dans la folie. L’homme préfère son propre délire à la manifestation de la vérité. Les idées fausses ne sont fasses qu’en tant qu’aucune connaissance  ne leur correspond…, comme toutes les idées, elles sont en Dieu » (Même source)
Dieu pour Spinoza étant la totalité des choses imaginées et imaginables.
«  Parce que les sentiments, n’ont leur capacité propre, parce qu’ils ne suffisent pas , il doit s’attaquer à cette puissance propre aux sentiments, les « gouverner », et les « réduire » comme le dit Spinooza » (Même source)
En cela la connaissance des causes, de leur genèse, leur déroulement fondamental que l’homme doit connaître. De même, il lui faut essayer de définir ce qui est bon pour l’homme, ce qui lui est utile. C’est en ce sens qu’on dit de Spinoza qu’il est un humaniste utile.
Il faut pour lui, différencier le parfait de l’imparfait, persévérer dans son être en mouvement, le conatus. Bref, passer d’un état de passivité, à un état d’activité en mouvement aidé par une lucidité maximale au service de tous.

Suite à un exposé sur les Lumières, (Edith Deléage-Perstnuski) :
1° L’Ethique un art de vivre pour connaître la joie 2° L’apologie de la raison 3° Le monisme, ou le refus de la transcendance de Dieu. 4° Spinoza, précurseur des Lumières?
Qu’est-ce que Les Lumières?
« On appelle souvent le 18ème siècle le “siècle de la Raison” ou le “Siècle des Lumières“. C’est parce que le monde occidental a été infléchi par ce groupe informe des Lumières, à la fois philosophie, mouvement culturel et politique, lequel a cherché à instituer la raison dans tous les domaines de l’esprit. Le projet des Lumières est de substituer la raison partout où c’est possible: face à la foi aveugle, à la superstition, au régime autocratique et arbitraire, à la force brute et à la ruse en politique, au poids de la tradition dans les institutions sociales, Autrement dit, le projet est de civiliser l’homme et son environnement, en s’appuyant sur la raison humaine. Le siècle des Lumières vise à construire pour l’humanité un avenir qui se caractérise par la rationalité scientifique, la croyance en le progrès technique, l’idéal de démocratie, la volonté de tolérance religieuse (y compris la liberté de ne pas croire en Dieu), le désir de paix universelle, et l’amélioration continue de la vie des peuples tant en termes de confort matériel que culturel et éducatif…… (Extrait du site : La-Philo) http://la-philosophie.com/philosophie-lumieres
En 1784 Kant écrit un opuscule  « Qu’est ce que les Lumières? » dans lequel il argumente qu’être éclairé n’est pas, comme l’ont proposé les encyclopédistes, accumuler des connaissances ; une encyclopédie  fait le tour des connaissances et des savoirs. Etre éclairé c’est bien sûr dépasser l’ignorance, mais c’est surtout avoir une tournure de penser qui consiste à « sapere aude », c’est-à-dire, « oser penser par soi-même », c’est à dire refuser le conformisme de la pensée, refuser les préjugés, et c’est aussi refuser le psittacisme, le fait de répéter comme un perroquet  les idées dominantes.
Qu’est-ce qui, dans l’oeuvre de Spinoza en fait un précurseur des Lumières d’une part et d’autre part qu’est-ce qui le fait considérer comme un auteur susceptible de nous éclairer sur notre modernité ?
L’Ethique (écrite de 1661 à 1675) -Spinoza est mort à 44 ans en 1677- et l’ouvrage, a été porté à l’imprimerie en 1675 mais il a renoncé à la faire imprimer par crainte d’un attentat sur sa personne parce qu’il y développe une conception de Dieu « Deus sive natura » Dieu ou la Nature, qui est non orthodoxe ni pour la communauté juive qui l’a excommunié, ni pour les chrétiens (protestants et catholiques) qui dominent à Amsterdam.
Le texte est difficile à lire et je conseille la lecture du roman d’Irvin Yalom « Le problème Spinoza » paru en livre de poche en 2012.   Irvin Yalom est psychiatre et, dans cette fiction il confronte la vie, et l’oeuvre de Baruch Spinoza à celle d’Alfred Rosenberg idéologue du parti Nazi, auteur du « Protocole des sages de Sion », inspirateur de « Mein Kampf » d’Hitler, pour comprendre les mécanismes de pensée de l’un et l’autre .J’en tire quatre thèmes pour savoir en quoi Spinoza annonce les idées fortes de la philosophie des lumières et aussi de notre modernité.
Le 1er  thème est quel but de la recherche philosophique est  de jouir de l’existence, de connaître le plaisir de vivre, d’épanouir sa puissance de persévérer dans son être (le conatus), d’atteindre la joie et la béatitude.  Il s’agit bien d’une éthique, des règles qu’on doit se donner pour bien vivre, d’un art de vivre et non d’une morale qui indique les normes pour vivre selon le bien. Par ce thème il annonce le mouvement des Lumières qui se préoccupe du bien vivre pour tous  quelle que soit la conception de Dieu. Et a fortiori notre époque (notre culture européenne) qui est désenchantée et qui est terrorisée par le renouveau des fondamentalismes et qui idolâtre l’individu, le moi.
Le 2ème  thème est  la valorisation absolue de la Raison: Spinoza propose d’examiner toutes les idées à l’aune de la raison; c’est pourquoi il a été excommunié: il affirmait que le texte de la Bible – qu’il connaissait parfaitement, ayant étudié  la Torah, plein d’affirmations contraires aux connaissances scientifiques d’alors (comme l’âge de la terre  par exemple) et d’idées liées à la superstition (comme l’idée de l’au- delà et de la vie éternelle auprès de Dieu pour ceux qui se comportent selon la Loi ou les 10 commandements) idées qui sont fabriquées par les rabbins pour asseoir leur pouvoir sur les humains qui, eux, alors vivent dans la peur.
De même c’est avec la raison que chacun peut maîtriser ses passions et se libérer de ses angoisses. Chacun peut connaître la joie en comprenant quelles sont les causes des événements et des situations, car tout est déterminé par des causes qu’il est possible de connaître en raisonnant, « Que la raison devienne une passion » tel est le conseil et le voeu de Spinoza.
Le 3ème  thème est le monisme, ou le refus de la transcendance de Dieu, Dieu c’est à dire la Nature. C’est par ce thème que Spinoza est novateur dans l’histoire de la philosophie européenne, en son siècle, et qu’il a été compris, au 18ème siècle comme un matérialiste, et aujourd’hui comme un écologiste. Le monde, avec tout ce qu’il comporte, obéit aux lois de la nature, et les humains peuvent se servir de leur intelligence, de manière rationnelle, pour découvrir ce que sont toutes les choses Notre existence sur terre est toute entière là, les lois de la nature gouvernent tout et Dieu est l’équivalent de la Nature.
Certains qualifient Spinoza de panthéiste. D’autres disent de lui qu’il est un athée rusé qui emploie le mot Dieu pour encourager les lecteurs du 17ème  siècle à le lire.  Et également éviter à ses livres et à sa personne l’épreuve des flammes. A l’évidence Spinoza n’utilise pas le mot Dieu dans son sens conventionnel.  Il s’en prend à la naïveté des humains qui prétendent être faits à l’image de Dieu. Toutes les variantes anthropomorphiques de Dieu sont, selon lui, autant d’inventions superstitieuses. Nous vivons dans un monde déterministe, jonché d’obstacles à notre bien-être. Tout ce qui arrive est le résultat des lois immuables de la Nature, et, faisant partie de la Nature, nous sommes soumis à ces lois déterministes. Par Nature il ne désigne pas les arbres ou la forêt, l’herbe ou l’océan, ni tout ce qui n’est pas produit par la main de l’homme. Il désigne par ce mot tout ce qui existe, le tout nécessaire et un. Et tout ce qui existe, sans exception, se conforme aux lois de la Nature.
Donc quand il parle de l’amour de la nature il parle d’un amour intellectuel; l’amour de la compréhension la plus totale qui soit de la Nature ou de Dieu, l’appréhension de la place de chaque chose finie dans son rapport aux causes finies. C’est la compréhension, pour autant qu’elle soit possible, des lois universelles de la nature. Cet amour (de Dieu) n’attend rien en retour et n’est pas soumis aux caprices de l’esprit, ou à l’inconstance, ou à la finitude de l’être aimé. Il est béatitude. Cette  conception implique que l’individu n’est pas le sujet qui peut s’extraire de la nature. Il ne doit pas se considérer « comme un empire dans un empire »
Le 4ème  thème est plutôt traité dans le « Traité Théologico politique » mais il est impliqué par le projet de « l’Ethique » qu’il précède (1670). Les chefs religieux ont une mission de conseil auprès des personnes, mais ils outrepassent cette mission et gouvernent leurs fidèles en cultivant leurs superstitions et leurs peurs. A fortiori lorsqu’ils ont une fonction politique Spinoza en a été victime. Dans son ouvrage sur Spinoza, (déjà cité) Irvin Yalom, résume son approche « La religion et l’Etat doivent être séparés. Le meilleur souverain qu’on puisse imaginer serait un chef librement élu dont les pouvoirs seraient limités par une assemblée indépendante également élue, et qui agirait en conformité avec le bien-être social, la paix et la sécurité de tous » qui sont les buts de toute existence humaine.

Débat

 

Débat : ⇒ Quand j’ai lu dans « l’Ethique » le chapitre « De dieu » j’ai d’abord été passionnée par l’écriture par cette démonstration scientifique, c’est mathématique, il y a des théorèmes, des corollaires…, c’est extraordinaire comme démonstration. Et sans dire « Dieu n’existe pas » il démontre absolument que Dieu n’est pas. Qu’il ne peut pas être ceci, qu’il ne peut pas être cela, qu’il ne s’occupe pas des êtres humains sur Terre. Donc, à force, on comprend qu’il nous dit qu’il n’existe pas. Et s’il ne dit pas formellement qu’il n’existe pas, c’est parce que l’époque dans laquelle il vivait, c’était dangereux.
J’ai lu, puis relu ce texte, et j’ai eu deux fois la même impression : Dieu n’existe pas, ou du moins pas du tout comme l’imaginent les Êtres humains

⇒ (Hervé) Poème (en acrostiche)
Spinoza. (En acrostiche : Son raisonnement)

Spinoza accorde à la raison en priorité une valeur absolue.
Oser examiner toutes les idées déterminées est mal venu.
Novateur il a nuancé sur la conception de Dieu et a déplu.

R ejeté par la communauté juive, il est excommunié,
A lors, les richesses de l’existence, par lui déterminées,
I nvitent à prendre conscience que la foi est orientée.
S ereinement, il démontre que la peur de l’au-delà est liée
O uvertement au pouvoir dont l’église s’est accaparé.
N aïfs, les humains béatifient à l’image du Dieu imposé.
N ier cela, chacun peut alors bien vivre et se sentir libéré.
E njoués, les êtres peuvent jouir des règles par eux créées.
M arquante, sa pensée novatrice, étudiée,  explicitée,
E nrichissante, permet de nous éclairer sur la modernité.
N obles, les lois universelles de la nature, ainsi appréhendées
T endent à libérer l’esprit par son projet de l’éthique édité.

⇒ Dire qu’il démontre que Dieu n’existe pas, avec le texte de Spinoza, ne va pas. Par exemple, je cite: « Par Dieu, j’entends un être absolument infini, c’est-à-dire une substance consistant en une infinité d’attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie » (Ethique 1ère partie. VI)
On ne peut pas dire que là il veut dire que Dieu n’existe pas.
Par ailleurs,  on sait qu’il a étudié la Torah, et notamment les ouvrages de Maïmonide, lequel est incontournable chez les juifs, mais on sait que Maïmonide et Averroès ont vécu dans un même temps à Cordoue, et Averroès a défendu une thèse  qu’on a appelé, la laïcité, c’est-à-dire la liberté pour chacun  de pouvoir pratiquer le culte qu’il entendait, et on retrouve parfois ces idées chez Spinoza.
Pour Spinoza Dieu n’est pas le néant, il était quelque chose infiniment différent de ce que les gens en pensaient à cette époque.
Ce qui me gène chez Spinoza (bien que je n’ai lu toutes ses œuvres) c’est cette volonté de conciliation entre déterminisme et liberté. Elle est un peu liberté par soumission et par obligation, (à l’image de l’exemple de la pierre jetée en l’air).
Vouloir à tout prix concilier déterminisme et liberté, là, on n’est pas au siècle des Lumières.
Et je voudrais évoquer sa notion de la vérité, car j’ai entendu qu’il y a avait des démonstrations mathématiques, alors que ce que je vois chez Spinoza, c’est qu’il dit une vérité qui n’est pas le réel. La vérité n’est pas le réel de l’objet qu’on est en train d’examiner, qu’on parle d’objet, comme de connaissance. La vérité elle est définie par rapport à l’entendement qu’on en a, c’est-à-dire, par ce qui est producteur d’une connaissance ; une qualité intrinsèque de la connaissance. Cela induit, implicitement que toute théorie mathématique serait vérité, qu’elle pourrait être vérité puisque c’est une connaissance, or, c’est faux ! Déjà à l’époque de Spinoza, on prônait l’expérimentation, des philosophes déjà nous disait que l’expérience nous approche de la vérité, et Spinoza semble nous dire : mais non ! la vérité est intrinsèque ! elle est là ! vous n’avez même pas à la chercher à la limite !

⇒ Je ne me souviens plus très bien de mes cours de philo sur Spinoza. Ce qui m’intéresse c’est le thème, de la religion et de l’Etat, de la finalité des choix des individus, et cette recherche de bonheur. Je constate qu’on retrouve ces idées là chez Locke, chez Hobbes, et plus tard on les retrouvera chez Rousseau. Ce sont des schémas où le pouvoir n’est plus de droit divin, et c’est pour ça que je partage cette notion chez Spinoza d’un dieu qui est nulle part, déjà parce qu’il fallait jouer avec la censure, être politiquement correcte tout en disant d’autres choses, en contournant.
Il y a la même chose chez Jean Bodin quelque temps avant quand il réfléchi sur le pouvoir et qu’il par le de  République.
Je constate qu’à travers tout ce que dit Spinoza, c’est déjà le peuple qui rentre dans l’Histoire, et ça va arriver, se concrétiser avec la Révolution française.

⇒ Les paradoxes spinozistes : (Guy Pannetier)
«  Il n’est pas de doctrine qui ait excité autant d’enthousiasme et autant d’indignation que celle de Spinoza, il n’en est pas beaucoup qui ait été comprise plus différemment et plus diversement »      (Emile Bréhier. Histoire de la philosophie, tome II. PUF 1968)
Un des premier paradoxes se situe dans cette démarche de détermination et  nécessité, tel que nous les décrit Spinoza, et la volonté d’orienter sa  vie, de construire.  Comment orienter ma vie si tout est déjà écrit à l’avance, ma volonté (et il le dit d’une certaine façon, il ne choisi que d’accomplir un programme).
Le paradoxe va prendre encore une autre dimension chez Spinoza lorsqu’il nous dit il n’y a ni bien ni mal. De même pour lui il n’y ni vice ni vertu. Alors, demande Gilles Deleuze, dans ses cours sur Spinoza (paradoxes) : «  l’Ethique de Spinoza peut-elle s’affranchir de toute morale ? »
La philosophie de Spinoza n’est jamais prescriptive, elle ne met jamais d’injonction morale, le titre de son ouvrage maître « l’Ethique »  met en évidence cette différence entre morale qui traite du bien et mal et l’éthique. En ce sens l’œuvre de  Spinoza est bien par delà le bien et le mal.
Spinoza ne nous dit pas : vous devez choisir entre le bien et le mal, puisque pour lui, le mal n’existe pas. Ah ! pourquoi y dit ça  Spinoza ! (nous dirait avec son phrasé succulent Gilles Deleuze, philosophe contemporain, spécialiste de Spinoza), et bien il dit ça, parce que, suivant son « programme » si nous perfectionnons notre être, nous ne serons plus jamais tentés par le mal, de ce fait il n’existe plus. De même pour la vertu : si nous avons perfectionné notre être alors nous ne choisissons que les options vertueuses, et nous ne sommes même plus tentés par les options non vertueuses. Mais alors ! ne pas avoir à résister à la tentation du mal, est-ce encore de la vertu ? Et bien c’est là encore un des paradoxes de la philosophie de Spinoza.
De ce paradoxe découle la question : si Dieu n’a pas créé le mal, qui l’a crée ? et s’il ne l’a pas créé, alors il n’est pas omnipuissant.
Cela nous remet en mémoire « le dilemme d’Epicure » dont Lionel nous avait parlé en 2010 lorsque nous avons abordé l’Epicurisme : proposition a : Dieu sait que le mal existe, proposition B, Dieu ne sait pas que le mal existe.
Si mal n’existe pas, alors cela inclus que Dieu n’existe pas, alors, comme  dit Deleuze dans ses cours sur Spinoza, finalement avec Spinoza, hé bien !   « Dieu s’en fou ! ».
Mais tout même, ajouterais-je, concernant cette théorie du mal chez Spinoza, si le mal n’est rien, alors l’holocauste n’est rien, alors, on peut tuer, on peut mentir, on peut voler…
(Peut-être que nous aurons une bonne réponse avec Kant, lors de notre prochain débat sur les grands philosophes en mars 2017).

⇔ Spinoza ne démontre ni l’existence, ni la non existence de Dieu. Cela est du domaine de la seule croyance, qu’on, ou qu’on a pas.

⇒ Dieu chez Spinoza n’est pas le dieu des croyants, il n’est pas le créateur de l’univers et de toute chose, c’est le dieu Nature des naturalistes. Quand le dieu de Spinoza (ou, la Nature) décide de tout selon sa loi, c’est exactement le pouvoir que les croyants accordent à leur dieu.

⇒ Je reviens sur la démonstration chez Spinoza. L’algorithme de la pensée n’est pas une démarche scientifique. La démarche scientifique examine un phénomène, donc le raisonnement de Spinoza ne tient pas dans ce sens. La démarche scientifique explique « le comment », pas « le pourquoi ». (Matérialisme et idéalisme)

⇒ Il est intéressant pour se situer dans le contexte de l’époque de lire ce que fut son bannissement : en juillet 1656 la communauté juive d’Amsterdam prononce contre Spinoza le « herem » qu’on peut traduire par « excommunication » ou « bannissement ».
En voici la teneur : « Avec le jugement des anges et des saints, nous excommunions, excluons, maudissons et anathémisons Baruch de Espinoza, avec le consentement des anciens et de toute la communauté, en présence des livres saints : par les 613 préceptes qui y sont écrits, avec l’anathème par lequel Joshua maudit Jéricho, avec la malédiction qu’Elisha mis sur ses enfants et avec toutes les malédictions qui sont écrites dans la loi. Qu’il soit maudit le jour et la nuit. Qu’il soit maudit dans son sommeil, et maudit éveillé. Qu’il soit maudit dehors et maudit dedans. Que le Seigneur ne le pardonne pas. Que le courroux et la fureur du Seigneur tombent dorénavant sur cet homme et fasse retomber sur lui toutes les malédictions qui sont écrites dans le livre de la loi. Que le Seigneur détruise son nom sous le soleil. Que le Seigneur l’exclue pour ses mauvaises actions de toutes les tribus d’Israël, avec toutes les malédictions du firmament qui sont écrites dans le livre de la loi.
Nous vous avertissons que personne ne peut parler avec lui par la bouche ou par l’écriture, ne lui accorder des faveurs, ni être sous le même toit que lui, ni s’approcher de lui, ni lire aucun papier composé ou écrit par lui »
Nous avions là déjà une sacrée fatwa !

⇒ C’est par ce genre de texte, (le herem) que l’histoire de Spinoza m’intéresse, ça le situe dans son époque.

⇒ La liberté et la servitude chez Spinoza : 2ème  partie (Lionel Graffin)
Spinoza aborde les fondements d’une société apte à aider les hommes et à empêcher l’émergence de passions particulières ; une société, telle, que le plus grand nombre puise gagner la béatitude, le bien souverain.
Première conséquence pratique et logique, la condamnation d’une régime de monarchie absolue, il dit : « que ce serait folie de livrer la société à la folie d’un seul »
Deuxième conséquence : la nécessité d’utiliser les passions de tous pour l’intérêt de tous, ceci au moyen d’une constitution qui repose sur un fonctionnement automatique et écrit des lois et non pas sur la bonne volonté de chacun.
Chez Spinoza l’homme n’est pas sacrifié au groupe social, l’intérêt de l’intelligence et de l’âme consiste d’abord à exister et à persévérer dans son être  et instaurer des relations d’amitié et de paix, seul moyen leu intérêt véritable. La Constitution sera pour lui, non monarchique, mais d’essence démocratique.
Alors le pouvoir législatif doit être issu d’une assemblée consultative qui détient pratiquement le pouvoir de décision.
La troisième conséquence, est encore plus révolutionnaire. Spinoza s’oppose à la propriété privée de la terre et des immeubles. Le sol étant le bien le plus essentiel, celui-ci doit appartenir à la Nation.
Spinoza est un génie précurseur des Lumières, mais surtout, il est un phare encore encore en activité.

⇒ Des ouvrages de Spinoza, celui qui m’a le plus intéressé est « Le traité théologico politique »  véritablement engagé, clair, et qui nous parle encore aujourd’hui. Pour les autres œuvres, c’est pour moi, très souvent, relativement abscons, nous y rencontrons des termes qui ne sont plus usités, ou alors qui n’ont plus le même sens. J’ai lu l’ensemble de ses œuvres, et souvent il me fallait retrouver quel sens ont pouvait donner aujourd’hui à tel ou tel terme.
Ce qui permet aussi de situer Spinoza et sa pensée ce sont les nombreuses lettres qu’il a échangé, et qu’on a retrouvé, (74 lettres) dont des lettres à Leibniz, à Blyenberg, Boxel, etc. Parfois dans ces lettres il va plus loin dans sa pensée, il se découvre plus qu’il n’ose le faire dans un œuvre qui sera éventuellement publiée
Et enfin on cite très souvent Spinoza            avec la phrase (en raccourci): « Ne pas rire, ne pas pleurer, mais comprendre », laquelle est, plus précisément : «  J’ai tâché de ne pas rire des actions des hommes, de ne pas les déplorer, encore moins de les maudire, mais seulement de les comprendre » (Traité politique)

⇒ J’ai entendu cette expression de Spinoza : « Persévérer dans son être » que doit-on comprendre, là ?

⇒ Je la comprends comme vouloir être acteur de sa propre vie, de prendre sa vie en main, tout ceci contenu chez lui dans le principe du conatus, c’est-à-dire qu’avant l’heure il est un peu existentialiste.

⇒ Je comprends cette expression : « persévérer dans son être » comme, passer de la connaissance du premier genre, à la connaissance du deuxième et troisième genre, c’est-à-dire : passer de l’opinion à la connaissance rationnelle, et puis à la connaissance intuitive, dans le sens d’adhérer à ce qu’on cherche à connaître de manière totale.
Et par c’est vrai que c’est magnifique de voir un homme qui a connu la béatitude, la joie de vivre, alors qu’il a connu l’enfer.

⇒ Je remarque que le Traité théologico politique  date de 1670, c’est-à-dire, en plein siècle de Louis XIV, lequel montre d’une manière fulgurante, l’absolutisme. Et en même temps à cette époque là, justement à cause du pouvoir de Louis XIV tous les protestants sont chassés de France ; et il y en a pas mal qui vont aux Pays-bas. Donc je pense que ce n’est pas innocent si ce livre qui dénonce le pouvoir absolu, est écrit à ce moment là. Rappelons-nous que les protestants ont été de grands réformateurs de la pensée.

⇒ Deux célèbres protestants se trouvent en Hollande à l’époque de Spinoza ; ce sont le philosophe Pierre Bayle,  et l’écrivain et théologien Pierre Jurieu, lesquels développent des idées contraire : Bayle plus près de la monarchie, alors que Jurieu est plus près de la démocratie. Cet environnement était propre à influencer ses écrits sur le Traité théologico politique.

⇒ Spinoza, précurseur des Lumières : (Guy Pannetier)
Du point de vue philosophique  Spinoza crée, non seulement une rupture de la pensée platonicienne, de la pensée de son époque, mais il est «  l’éclaireur » (sans jeu de mots) d’un courant de philosophie qu’on nommera les Lumières.  Exclu de sa communauté religieuse, exclu des milieux intellectuels de son époque, il s’exclut lui même, de la recherche des richesses, de la recherche des honneurs, pour vivre sa pensée philosophique.
Avec Spinoza nous sortons des vérités divines d’un Descartes, nous dépassons la tristesse de l’homme pécheur condamné, et de la haine de soi, dépassées les passions mortifères de Pascal,  nous entrons dans une philosophie où la joie a toute sa place, et la philosophie à vivre de Spinoza nous invite à utiliser au mieux cette force de vie qui est en nous.
Rejetant tout  dogme religieux, toute vérité révélée qu’il associe aux superstitions, il sera non pas déiste, mais plus proche d’un certain panthéisme, où Dieu et Nature ne sont qu’un,
ne reconnaissant pas les écritures comme « vérité, (d’évangile), il ne reconnaît, ni le dogme, ni  le clergé, ni le culte. Spinoza ne s’occupe pas du ciel, son seul souci c’est l’homme.
Pour lui le culte est une organisation politique dont l’origine est la sortie d’Egypte des juifs qui n’avaient plus de lois, et ce fut Moïse qui fixa, au nom du divin, des lois et des rituels. Il trouve même concernant des passages de la Bible (je cite) « …surprenant que ces livres aient été admis au nombre des livres sacrés »  (Traité théologico- politique)
Il prône la supériorité totale de la raison, qui conserve néanmoins Dieu comme cause première. On peut, à partir de sa pensée immanente, peut-être le voir comme un des précurseurs de la philosophie des Lumières. Précurseur par le fait qu’il opère la séparation totale de la philosophie et de la théologie, précurseur parce que dorénavant la raison n’est plus soumise à la foi, précurseur car il nous propose une spiritualité philosophique.      Précurseur aussi parce qu’il sépare dans son raisonnement politique le pouvoir temporel du pouvoir intemporel. Pour lui, celui qui guide l’Etat, (chez lui le Prince) n’a pas de pouvoir divin par délégation. Précurseur car il propose une philosophie qu’on peut déjà qualifier d’existentielle, puisque tout le but de sa philosophie est le développement et l’aboutissement à un être qui se transcende lui-même et qui met tout en oeuvre pour sa vie comme une éternité, ici et maintenant. « Il est clair » écrit Antonio Damasio dans son ouvrage, « Spinoza avait raison », « que l’œuvre de Spinoza joua un rôle moteur dans les développement des Lumières ». Il est précurseur au-delà des Lumières, puisque aujourd’hui des neurologues comme Damasio relisent et utilisent cette notion de Spinoza qui déjà annonçait que : « nos émotions précèdent nos sentiments »
Spinoza est un jalon dans l’histoire de la libre pensée, de la liberté de conscience. Il sera le premier des philosophes, dits « modernes » à parler de religion en tant qu’outil de contrôle social. « Il n’y a de dieu que philosophique» osera t-il écrire, et souvent nous retrouvons chez lui cette phrase : « Je vous parle avec la liberté de philosopher »

⇒ Là aussi, avec cette phrase il est précurseur des Lumières, car Diderot dira à la suite : « Nos sensations précèdent notre raison ».

⇒ La modératrice à ce moment du débat, propose un tour de table, afin que chacun nous dise comment on peut classer Spinoza en regard de différents courants de philosophie :
– Dans les divers réponses, hors celles qui nous disent qu’il leur semble inclassable, il est tour à tour plutôt classé comme/ Epicurien, avec le thème hasard et nécessité.
–  Epicurien et précurseur de la psychanalyse
– Stoïcien avec le conatus, et le développement, la conscience de soi
– Existentialiste (avant l’existentialisme) pour cette volonté d’orienter sa vie
– Puis d’autres réponses, le dise : proche de Montaigne
– proche de Diderot
– précurseur sur des idées qui feront la laïcité
– Cartésien lorsqu’il nous dit que nos sens nous trompent.

⇒ Spinoza précise qu’il y a l’essence des choses en soi. Ainsi pour ce qu’il nomme, la Nature, ce ne sont pas les arbres, les petits oiseaux, ni la nature des écolos, c’est un tout c’est une essence, ce qu’il nous explique dans « l’Ethique ».

Œuvres citées/ Références:

Livres

« Etique » Spinoza. Pascal Sévérac. Ellipses. (Médiathèque de Chevilly-Larue)
Baruch Spinoza. La politique et la liberté. Alain Billecoq. Philosophie en cours. 2013
Capitalisme, désir et servitude. Frédéric Lordon.
Le problème Spinoza. Irvin Yalom. Libre de poche. 2014.
Le rationalisme de Spinoza. Ferdinand Alquié. PUF. 1981
Le vocabulaire de Spinoza. Charels Raymond. Ellipses. 1999. (Médiathèque de Chevilly-Larue)
Œuvres de Spinoza. Charles Appun. Tome 2. Librairie Garnier et frères. 1928)
Qu’est-ce que les Lumières. Kant. 1784.
Spinoza avait raison. Antonio Damasio. Odile Jacob. 2003.
Spinoza et la politique. Etienne Balibar. PUF. 1996. (Médiathèque de Chevilly-Larue)
Spinoza et le spinozisme : Pierre François Moreau. PUF. Que sais-je. 2003.
Spinoza et le spinozisme. Robert Misrahi. Armand Colin. 1998. (Médiathèque de Chevilly-Larue)
Spinoza, chemins dans l’ « Etique ». Paolo Cristofololini et Lorand Gaspar. PUF. (Médiathèque de Chevilly-Larue)
Spinoza. Daniel Pimbé. Hatier. 1999. (Médiathèque de Chevilly-Larue)
Spinoza. Pas à pas. Ariel Suhamy. Ellipses. 2011.
Spinoza. Philosophie pratique. Gilles Deleuze. Editions de minuit. 1981.
Spinoza. Roger Scruton. Seuil. 2000. (Médiathèque de Chevilly-Larue)

Théâtre

Bienvenue dans l’angle alpha, mise en scène de Judith Bernard d’après l’ouvrage de Frédéric Lordon : « Capitalisme, désir et servitude » Edition La Fabrique. 2010

Revues, magazines.

N° Spécial Sciences Humaines : Les auteurs, les thèmes, les textes.

Emission radio, conférence, enregistrement audio.

Spinoza, par delà le bien et le mal. Michel Onfray. France culture/ Les vendredi de la philosophie. 9 janvier 2004.
Spinoza. Une force dans une forme. Michel Onfray. Conférence de l’Université populaire de Caen.
Spinoza, l’esprit de paradoxe. Gilles Deleuze. France culture/ archives INA.
Spinoza, la Révolution trahie. Gilles Deleuze. France Culture. Archives INA
Spinoza. Immortalité et éternité. Gilles Deleuze. France culture. Archives/INA
Le travail de l’affect dans l’Ethique de Spinoza. Gilles Deleuze. France culture. Archives/INA
Spinoza. Gilles Deleuze. Cours à Vincennes le 17 février 1981. France culture. Archive /INA
Le dieu de Spinoza. France culture. Les vendredi de la philosophie. Archives/ INA

Sites Internet

« La servitude humaine, lecture et explication » de Denis Colin.
(https://socio13.wordpress.com/2009/10/26/de-la-servitude-humaine-lecture-et-explicitation-de-la-quatrieme-partie-de-lethique-par-denis-collin-spinoza-spinozisme/)
La-Philo http://la-philosophie.com/philosophie-lumieres

 

 

 

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