Restitution du café-philo du 26 septembre 2018 à Chevilly-Larue
Animateurs : Edith Perstunski-Deléage, philosophe. Guy Pannetier. Danielle Pommier Vautrin.
Modérateur : Hervé Donjon
Introduction : Guy Pannetier
Introduction : Se sont tenus cette année à l’initiative du Comité Consultatif National d’Ethique, les États généraux de la bioéthique. Il s’agissait dans les divers débats organisés de collationner les questionnements des français, sur des sujets, tels que :
La PMA : Procréation Médicalement Assistée
La GPA : Gestation Pour Autrui
Les dons et transplantations d’organes, et implants.
Le Diagnostique Pré Implantatoire.
Le statut de l’embryon. Le séquençage de l’embryon, la médecine prédictive.
La conservation d’ovocytes. La cession d’ovocytes.
Les techniques d’imagerie médicale dans le domaine des neurosciences.
Les données numérisées dans le domaine de la santé.
La fin de vie……..
Et aussi quelles règles, quelles limites, entre, soigner, guérir, ou augmenter l’individu ?
Aujourd’hui le champs bioéthique tend à s’agrandir : après l’embryon, les expériences de clonage, la gestation pour autrui, les applications tendant à augmenter l’humain posent un questionnement difficile dans la mesure où ces nouvelles technologies progressent plus vite que la connaissance qu’on en a, et aussi plus vite que les capacités des Comités d’éthique à porter un jugement, et encore plus vite que les législations qui se mettrons en place.
Le Comité Consultatif National d’Ethique a rendu hier mardi 25 septembre ses réflexions à l’issue des débats publics.
PMA : Jusqu’à maintenant, selon la loi française, la Procréation Médicalement Assistée est réservée aux couples hétérosexuels stériles, excluant les femmes homosexuelles, femmes seules, femmes ménopausées.
L’actuel Président de la République a fait de l’accès de la GPA aux femmes seules, une promesse de campagne ; donc une « PMA pour toutes»
Les opposants évoquent la crainte d’un effet domino, c’est-à-dire que cela déboucherait sur la légalisation de la GPA pour les couples homosexuels, femmes ou hommes, ceci au nom de la non discrimination, du sacro saint principe d’égalité ; donc, peut-être, après « La PMA pour toutes » « la GPA pour tous ».
Une déclaration du secrétaire d’Etat Christophe Castaner semble préfigurer un choix politique, (je le cite) : « La PMA c’est accorder des droits identiques aux femmes, la GPA est accepter la marchandisation du corps ». Mais les lois sociétales peuvent diviser profondément un peuple, nous l’avons vu avec le mariage pour tous ; de ce fait les dirigeants sont sur leur garde.
GPA : La question de fond sur ce sujet, est faut-il légaliser les mères porteuses ?
Dans un reportage télé, (16/09/18 Arte 21 h) une jeune députée de « Cuidadanos » (Patricia Reyes / Espagne), d’un parti qui propose de légaliser la GPA, déclarait : « Si une femme décide de prêter son ventre pourquoi pas ? » et elle ajoutait concernant l’aspect de l’hérédité : « La mère porteuse n’apporte aucun élément biologique », ou encore concernant les éventuels droits : « Il n’y a pas de droit à l’enfant, pas plus qu’il n’y a de droit d’être parent »
En Angleterre la GPA est autorisée même aux couples homosexuels. En Ukraine elle est légalisée, mais officiellement réservée aux couples mariés hétérosexuels. C’est un gros business alimenté par des clients étrangers de divers pays ; les prix vont de 10 000 à 50 000 euros toutes prestations incluses (y compris voyage, hôtel, etc…). On peut également choisir le sexe de l’enfant. Deux mille ukrainiennes par an louent leur ventre, interrogées elles précisent toutes : « Je le fais parce que j’ai besoin d’argent ».
Le coût le plus bas est l’Inde, le pays du low cost de la GPA.
Aujourd’hui un des problèmes cruciaux, car il concerne l’enfant, est la reconnaissance de nationalité d’un enfant né à l’étranger d’une mère elle-même étrangère.
Dons d’organes/transplantations, implants : Il existe un commerce international de vente d’organes ; faut-il l’interdire ? Et qui peut l’interdire ? Aujourd’hui en Chine ou en Inde, un rein vaut de 200 à 500 euros ? Nous sommes dans la commercialisation du « vivant ».
Laisser ce commerce perdurer, n’est-ce pas accepter le respect de la liberté du plus riche face à la liberté du plus pauvre ?
DPI. (Dépistage Pré Implantatoire) Séquençage : « ….faut-il autoriser » écrit Luc Ferry dans son ouvrage, « La Révolution transhumaniste » le diagnostic in utero de prédisposition génétique à certaines maladies ou handicaps ? Peut-on à partir de ce dépistage, de la sélection génétique des embryons ne choisir que les « meilleurs », ce qui est une forme d’eugénisme. Si on sait se mobiliser contre le maïs, le blé, le riz OGM, alors faudra t-il se mobiliser contre des bébés génétiquement modifiés ?
Cession d’ovocytes, conservation d’ovocytes : Dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation, le don d’ovocytes est de plus en plus répandu. Il s’agit d’un acte altruiste, pour aider les femmes qui manquent d’ovules sains à avoir des enfants. Les donneuses doivent être conscientes que vendre leurs ovules est illégal en France, en Europe et dans le reste du monde.
En effet, mettre un prix aux gamètes est internationalement prohibé.
Cependant, les donneuses d’ovules touchent souvent une compensation financière qui ne constitue pas une rémunération ou un salaire en soi, mais est comprise comme un dédommagement pour les gênes causées, les risques encourus et le temps consacré à ce geste solidaire.
En Espagne le don d’ovocyte ouvre un droit, une compensation fixée par le ministère de la santé, entre 800 € et 1000 € (Enfin, c’est une base de discussion)
Aux USA, l’American society for reproductive médecine, estime qu’au-delà de la somme de 5000 dollars ce n’est plus éthique.
Ce sujet a été également commenté ces derniers jours, et surtout quand à la démarche pour des femmes de faire congeler des ovocytes à l’étranger, pour faire éventuellement un bébé plus tard, parce que un enfant trop tôt peut gêner une carrière, disait une femme, ou, parce que « à 39 ans je ne suis pas prête » disait une femme interviewée ce lundi dans in reportage intitulé : « Un bébé quand je veux ».
Le statut de l’embryon : L’embryon est-il un simple noyau de cellules non conscientes ?
Ou, d’après l’approche qui reste celles des églises : « une personne humaine potentielle » ?
A qui appartiennent les embryons surnuméraires ?
Doit-on autoriser les expériences, les applications liées à l’embryon ?
Des découvertes d’applications liées aux embryons peuvent-elles faire l’objet de dépôt de brevet ? Soit : breveter le vivant.
Tous ces sujets, et les décisions qui seront prises, les lois à venir, feront l’humain et la société de demain.
Alors, devant ces questions qui touchent à l’éthique, à la morale, jusqu’au spirituel, à l’égalité et à nos rapports sociétaux, à la politique, à l’économie, pouvons-nous être, neutres, indifférents, ou totalement bio conservateurs, ou totalement bio progressistes ?
Quelles sont les diverses positions, et aussi, quels arguments ?
Débat : ⇒ Il y a quelques jours à la télévision un professeur spécialiste de la procréation en général, le professeur Israël Nisand a donné ses positions sur la PMA, sur la GPA, sur le clonage, sur les enfants tri parentaux, sur la conservation des gamètes et des embryons, sur le DPI. Et j’ai retenu quelques informations, à savoir que : cela tenait compte des situations familiales. Par exemple, si un parent était décédé, on pouvait penser qu’il était possible d’implanter des embryons qui avaient été conservés, ceci dans la mesure où les deux parents étaient d’accord pour avoir un enfant, avant.
Ensuite quand une maladie empêchait la procréation, il pensait que la FIV (fécondation in vitro) pour une PMA était une solution aussi. Ou, quand une femme n’avait pas d’utérus, qu’elle était stérile, etc.
Donc, il citait pas mal de situations où la PMA pouvait se justifier, et il ajoutait ; de toutes façons si on ne le fait pas, les gens iront le faire à l’étranger, et il y aura une discrimination économique, les riches pouvant payer des interventions à l’étranger, et les plus pauvres ne pourront pas en bénéficier, donc, ça choque.
Au final, il disait : c’est quand même une question de confiance, et ça dépend beaucoup de la qualité de la relation de la femme avec son médecin ; c’est-à-dire, que la décision au final appartiendra à la femme et au médecin. C’est pour cela que, au fond, il était d’accord pour qu’on favorise la PMA, mais en encadrant bien certaines pratiques. Ensuite il a dit qu’il n’était pas contre la conservation d’embryons et d’ovocytes, mais qu’il était hostile à la conservation des cellules souches spéciales. Il dit que les gamètes sont des objets, les embryons sont des sujets.
Il lui apparaissait aussi que le GPA était différente car elle faisait du vivant un objet de consommation et de même pour les ventes d’organes, il lui paraît immoral de marchandiser le vivant ?
⇒ Il est arrivé plusieurs fois que grâce à ces techniques une femme ait pu faire un enfant après le décès du père. Je ne vous pourquoi on y serait opposé.
⇒ Je pense que pour la PMA, la GPA, il faut respecter le principe d’égalité. Pour la PMA, je suis pour ; d’ailleurs hier j’ai assisté à une manifestation pour la PMA. Je pense que ça repose sur le principe que toute personne doit avoir la chance d’avoir un enfant, et ça remet aussi en cause certaines croyances, ou les idées que certains ont : comment doit être encadré un enfant ? Par un couple homo ? Par un couple hétéro ?
Ensuite, pour la GPA, je suis contre, parce que pour le moins en France on a cette idée du respect du corps humain, et pour cela on a mis des lois en place, et certaines lois précisent qu’on n’a pas le droit de louer son corps, de vendre son corps (ses organes) et je pense qu’à partir du moment où l’on autorise la GPA, on autorise le fait de pouvoir marchandiser son corps. Et là, il faut faire attention, parce que ça remet en cause énormément de choses, comme par exemple : le don d’organes en France, et l’on va vers un système, un peu comme aux Etats-Unis où tout est commercialisable.
Pour moi la PMA, le mariage pour tous, c’est une bonne chose. Mais je pense aussi que la PMA va engendrer la GPA. Ce sera une vraie question qui sera à prendre, non seulement sous l’angle de l’égalité, mais à considérer si louer son ventre n’est pas une forme de capitalisme pur et dur, et cela peut engendrer des choses pires encore.
⇒ Je reprends l’intitulé du débat : quel humain pour demain ? Donc, non réduit à la PMA et à la GPA. Sur toutes ces nouvelles technologies, il y a eu beaucoup d’interventions des scientifiques, et notamment celle de Jacques Testard, qui est à l’origine du premier « bébé éprouvette », Amandine. A partir de là, il s’est posé la question : est-ce qu’on peut généraliser cela ? Et il s’est rendu compte que ça avait toute une série de conséquences très négatives, et notamment, le fait que les gens vont pouvoir décider de « choisir un enfant » : comme ci ! Comme ça ! Cheveux roux – grand – petit – noir – blanc…et ainsi de suite puisqu’on peut « fabriquer l’enfant ».
Dans son ouvrage « Le magasin d’enfants » ce même Jacques Testard, disait que ça entraînait « un marché d’enfant », et il disait : attention ! Finalement, l’invention dont je suis le père va entraîner que l’enfant peut devenir un objet qu’on peut acheter.
Et puis, il y a eu toute une série de discussions, et il s’est d’ailleurs séparé de l’autre médecin avec qui il avait mis au point la FIV (fécondation in vitro). Testard a continuer de dire que les technosciences avec la révolution numérique nous permettent d’inventer un nouveau monde et un nouvel humain, un humain transformé, ce qui entraînera la marchandisation de l’humain,
A l’inverse, son ex collègue, Frydman considère au contraire que la technoscience et la techno médecine rendent possible la transformation de l’humain, qu’il faut aller dans ce sens, en évitant le problème de la marchandisation. Mais l’éviter, comment ? D’où les discussions que CCNE (Conseil Consultatif National d’Ethique)
Antérieurement, les questions posées l’étaient par des scientifiques (pas toujours d’accord entre eux), ceci sans se poser la question de savoir ce que pensait le « péquin », ce qu’en pensaient les gens en général. Il n’y a pas de représentant de la population dans le CCNE.
Alors, cette année le CCNE s’est ouvert aux citoyens, et donc la discussion a été partagée avec des scientifiques, des citoyens, des associations, associations de mouvements lesbiens, de mouvements gays, etc.
Aujourd’hui pour ce qui est de la PMA, le journal « Le Parisien » (N° du 25/09/2018) titre à « la une » : « La PMA pour toutes », c’est-à-dire, la PMA, non seulement pour les femmes mariées stériles, mais aussi, les femmes seules, les lesbiennes, et les femmes ménopausées (?).
La question est de savoir : comment on passe d’une opinion à une loi. C’est le problème que pose très bien Luc Ferry dans son livre « La révolution transhumaniste » où il dit : le problème ce n’est pas qu’il y ait conflit d’opinions, et consensus finalement. Le problème est de savoir, comment je passe, et comment chacun passe d’une opinion à une loi ?
Mon opinion, en tant que femme, était tout simplement, que, oui, j’étais favorable à la libération de la femme, et donc favorable à ce que les femmes fabriquent des enfants, quelles et qui qu’elles soient ; qu’il n’y avait pas besoin d’être mariée pour fabriquer un enfant, et qu’il soit reconnu. Qu’il n’y avait pas besoin non plus d’être jeune.
Favorable, oui ! Mais en y réfléchissant : si la PMA est pour toutes les femmes, avec le principe d’égalité, égalité entre les femmes, toutes les femmes : mariées, seules, homosexuelles ou hétérosexuelles, alors, est-ce que, à partir de ce principe d’égalité on ne pourrait pas dire, qu’il faut une loi pour les hommes aussi, pour qu’ils puissent « avoir des enfants », donc ! Autoriser la GPA !
Il y a donc contradiction, et c’est cette contradiction qui doit guider ceux qui dans ce domaine élaborent les lois. Ce n’est pas à partir de ce principe d’égalité ou le principe de non discrimination (qui d’ailleurs ne sont pas des principes, mais qui sont des valeurs) qu’on élabore des lois. Quand on élabore une loi, il faut avoir en tête qu’on ne peut établir une loi qui impliqua autant de contradiction. Donc comme l’a dit Luc Ferry : comment élaborer une loi, qui écrit cette loi : les scientifiques ? La pression populaire ? Les lobbies ? Les médias ? Il faut qu’effectivement il y ait la possibilité d’exprimer son opinion, qu’il y ait, argumentation, et que cela soit publique, et que les représentants parlementaires aient comme principe d’argumenter et de problématiser, qu’il n’y ait pas une telle contradiction dans les lois qu’ils élaborent.
Alors, je constate que le CCNE a dit : oui à la PMA pour toutes. Et ça devient de fait un principe « pour tous »
⇒ J’ai retenu de l’introduction cette phrase: que les sciences vont plus vite que la capacité des Conseils d’éthique à en juger, et plus encore que les législations. Alors quel danger ? Et quelle sagesse retenir ?
Pascal considérait que pour bien réfléchir il y avait divers ordres essentiels de la pensée : Le corps, la nature, l’ordre de la raison, de la morale, de l’amour.
L’ordre de la nature nous dit (suivant le dicton populaire) « On n’arrête pas le progrès », les techniques ne s’arrêtent pas, il n’y a pas d’horizon. On a besoin de l’ordre de la raison, de la morale. Et au-delà, cela nous pose la question de l’eugénisme : lorsqu’on parle de sélection génétique, cela pose la question de la commercialisation des ventres. Je retiens cette phrase entendue de cette femme qui dit louer son ventre pour vivre, manger, survivre. Donc en regard de l’ordre de la morale et de l’amour, on passe la ligne jaune.
⇒ Le désir d’enfant peut très bien se satisfaire par une adoption quand on voit tous ces enfants qu’on ne peut nourrir dans certains pays. Toutes ces aides à la procréation je n’en vois pas bien l’intérêt.
⇒ Pour adopter il faut souscrire à un certain nombre de critères, lesquels critères éliminerait de nombreuses demandes de GPA.
⇒ J’ai retrouvé dans ma bibliothèque un ouvrage de Sylviane Agacinski : « Corps en miettes », laquelle parlait déjà en 2009 de la GPA. Elle était totalement contre, et c’est aussi mon avis. Pour moi, les questions sont : quel sens éthique peut-on donner à l’enfantement par une mère porteuse ? Faire un bébé pour elle c’est une chose, mais porter un enfant pendant neuf mois pour le remettre à un couple, c’est une autre chose.
En tant que mère, pour avoir eu des enfants, je sais tout ce qui se passe dans cette période, ce qui se tisse entre la mère et l’enfant. Et si la femme a envie de garder l’enfant, Qu’est-ce qui va se passer ? Qui est la mère ?
De plus, on l’a dit le « baby business » est très lucratif, et finalement cette pratique commerciale mène, comme cela a été dit, à une marchandisation du corps, avec toutes les dérives possibles, telle la vente d’organes dans les pays les plus pauvres, ou, même, comme aux Etats-Unis la possibilité pour les étudiantes ayant besoin d’argent, de vendre leurs ovocytes. De l’ouvrage de Sylviane Agacinski, je retiens particulièrement ceci ! « Dans un contexte d’extrême pauvreté, le besoin d’argent détourne les valeurs humaines les plus fondamentales. Chacun s’efforce de vivre, de survivre, de s’en sortir, y compris en sacrifiant sa propre dignité, et en sacrifiant sa propre intégrité morale et physique. Les faibles sont ainsi naturellement les premières proies de tous ces marchés humiliants, comme le marché du sexe, ou pire celui d’organes » ;
Et je voudrais dire aussi, quand une femme attend un enfant, qu’elle le porte dans son ventre, elle parle à son enfant, elle le touche, elle transmet de l’amour à travers la peau. Alors un « enfant fabriqué » aura-t-il eu cette part d’amour ?
⇒ Dans cet univers où nous voulons tout gérer que devient l’enfant dans cette conception de l’humain ?
⇒ On a évoqué un droit au nom de l’égalité, mais si on accorde ce droit à tout le monde, au nom du bien on fait le mal, et vers quelles dérives allons-nous ?
Et d’autre part dans tout ça, il y a dérive, il y a une escroquerie intellectuelle quand met au pinacle l’ADN et ce qu’il peut transmettre. Les parents vont transmettre de l’ADN à leurs enfants, et dans l’environnement de l’utérus il va aussi en recevoir. Une étude a montré que des souris gestantes élevées dans des conditions stressées, auront des petits, élevés en milieu calme, qui seront stressés. C’est un phénomène que l’on connaît, et il y a des gens qui vendent une croyance qui est erronée, voilà : vous allez pouvoir « choisir sur catalogue ». Ça ne marche pas comme ça !
⇒ La GPA est interdite en Allemagne, elle est bloquée par l’interdiction du don d’ovule.
En Belgique, pas d’interdiction, elle se pratique en dehors d’un cadre juridique. Le code pénal ne punit que les conventions de gestation pour autrui contractées à titre onéreux. Le changement de filiation requiert une adoption.
Au Danemark, la GPA a été votée par plusieurs lois. Les règles sont rédigées de façon pour, d’une part, empêcher la réalisation à titre onéreux, d’autre part, pour ne pas favoriser, même si elle ne l’empêche pas, qu’une personne qui souhaite devenir parent et qui ne le peut pas, ait recours à une personne de son entourage. Celle-ci pouvant même bénéficier d’une insémination artificielle dans certains établissements. Le changement de filiation requiert une adoption.
En France, la GPA est interdite.
En Grande Bretagne, la loi prévoit la GPA à titre gratuit et le droit de filiation aménagé en conséquence.
En Grèce, autorisée, avec une autorisation judiciaire. Elle est réalisée seulement si c’est la seule solution pour une femme de devenir mère. Toute contrepartie pécuniaire est interdite, excepté le remboursement des frais de grossesse. L’originalité de la législation grecque aux règles de la filiation de l’enfant conçu, la femme bénéficiaire de l’autorisation judiciaire, est que celle-ci est réputée être la mère légale de l’enfant et doit être indiquée comme telle dans l’acte de naissance dès l’origine.
En Italie, elle est interdite. La GPA est bloquée par l’interdiction du don de gamète.
Aux Pays-bas, la GPA est admise par le droit médical dans des conditions très strictes, mais non reconnue par le droit civil. Le code pénal ne punit que les conventions de gestation pour autrui conclues à titre onéreux… Le changement de filiation requiert une adoption. La mère porteuse peut décider de garder l’enfant.
Aux Etats-Unis, aucune législation fédérale, les Etats acceptant la GPA constituent une minorité.
En Inde, autorisée avec rémunération de la mère porteuse, mais la loi limite le recours à la GPA aux couples hommes/femmes mariés depuis au moins deux ans.
⇒ C’est intéressant de voir comment d’autres pays ont traité la question, car, sûr que les lobbies, les militants, militantes, pour la GPA vont chercher là, comment ouvrir la brèche. Et on voit aussi l’hypocrisie de certains pays qui ne tolèrent pas mais qui laissent faire.
Et je reviens sur le fameux principe d’égalité, et, comme cela nous a été dit, à partir de ce pseudo-principe on va développer l’idée que si telle technique est autorisée dans un autre pays, alors, pourquoi pas pour nous ?
C’est toujours des mêmes tenants du « j’ai le droit » qui nous disent que leur liberté individuelle ne saurait être entravée par la société. Sauf que c’est à la société de faire ses choix, et non à l’individu, l’intérêt de la société passe avant celui de l’individu.
Dans les réunions des Etats généraux de la bioéthique tout au long des derniers mois, il n’était question que de récupérer les questions des participants du public. Des avis, avec argumentations pouvaient être adressées par mèl au CCNE qui seul décide des recommandations qu’il fera aux responsables proposant les lois.
On ne doute plus que la PMA sera adoptée avant la fin de cette année, et c’est en avril 2019 que des lois pourront cadrer les autres questions.
Et, toujours revenant à cette référence « égalité », lorsqu’on parle de « désir d’enfant » qui devient « son droit », droit d’avoir un enfant, c’est d’abord le ressenti de l’adulte qui passe avant la préoccupation pour l’enfant. Et quand on parle d’égalité, on parle d’éthique, mais quand on parle de l’enfant, on parle de morale ? N’y aura-t-il pas carence dans les repères des enfants vis-à-vis des référents père/ mère ? Et ceci au-delà de l’enfance, au-delà de l’adolescence Comment l’enfant va-t-il se construire ? Quelle incidence sur sa structure mentale ? De fait, est-ce que le souci de l’enfant peut primer sur le désir de l’adulte ?
Et enfin, s’agissant des dons d’ovocytes, on a dit qu’en France cela restait un acte altruiste, mais il est accepté qu’il y ait compensation ; alors ça se passe de gré à gré, on ne sait pas comment. Moins conséquent a priori que la GPA ça reste une commercialisation du vivant.
En Espagne, c’est le ministère de la santé qui l’a autorisé, c’est payant, entre 800 et 1000 euros (c’est la base mini). Aux Etats-Unis, un organisme qui s’appelle « American society for reproductive médecine » estime qu’au-delà de 5000 dollars ce n’est plus éthique.
Il y avait, il y a quelques jours, une émission sur Arte, dont le slogan était « un bébé quand je veux ». Et là, une jeune femme interviewée disait : « Je suis allée à Barcelone il y a un mois pour faire congeler mes ovocytes » et elle ajoutait « parce j’ai 39 ans et je ne suis pas prête à faire un enfant ». A 39 ans pas prête !
En revanche on peut se demander si pour des jeunes femmes, face au risque de rupture dans une progression de carrière, ce n’est pas une option. Et puis, nous connaissons les dons d’ovocytes qui ont permis après un cancer à des femmes d’avoir un enfant. Donc, tous ces cas spécifiques méritent réflexion.
⇒ Je veux revenir sur ce qui est impliqué entre PMA et GPA, et la contradiction déjà évoquée, de par la non participation de tout le monde. Et donc une loi sur la PMA doit éviter qu’il y ait contradiction, si l’on autorise la PMA au nom de l’égalité, et bien ! ça implique que la GPA doit être autorisée.
Et dans les différents propos j’ai entendu dire : « le désir » ne peut être élevé au rang de « droit ». Le « désir d’enfant » n’est pas « le droit à l’enfant ». Et alors on dit : mais si c’est autorisé ailleurs, pourquoi ça ne l’est pas ici ? Pourquoi on nous l’interdit ? C’est un argument qui ne tient pas. Pascal nous disait : « Vérité en deçà des Pyrénées, mensonge ailleurs ».
Et quelle est la valeur impliquée par la GPA ? On dit : Solidarité, amitiés, altruisme.., « je prête mon ventre ». Et bien, il y a des études sur cela, dont celle de Françoise Héritier, laquelle explique que dans certaines sociétés il y a eu « prêt du ventre » de femmes à d’autres femmes. Mais elle ajoute : « Oui ! Mais cette solidarité, cet altruisme, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui dans une société marchande, de fait cela n’existe pas, c’est une marchandisation de la solidarité ».
⇒ La loi doit être assez libérale. C’est un peu la conception qu’en avait Tocqueville, c’est-à-dire qu’on fait passer en second nos libertés individuelles, pour laisser à d’autres le soin de nous représenter. Ensuite, si en France, tel acte est interdit, alors je vais le faire dans un autre pays. Je pense à des législations qu’on pourrait comme d’autres pays, adopter, (je pense par exemple au canabis). En France si on ne peut pas légaliser, on interdit tout simplement. On pourrait faire comme aux Etats-Unis, c’est-à-dire, que si on ne peut pas arrêter un marché, on va essayer de le contrôler. Si c’est fait dans d’autres pays, si on veut éviter le n’importe quoi, pour protéger ce marché, on va mettre un organisme en place.
⇒ Nous ne pouvons arrêter la science, nulle autorité ne peut la contrôler dans ses recherches, ni l’obliger d’avancer avec précaution. La loi pour légaliser, ou non, « la location de ventres » ne peut se faire sur des concepts abstraits, elle doit aussi tenir compte des valeurs symboliques. Et il ne faut pas dissocier les avancées de la science, de l’humanisme, et de la sagesse.
⇒ J’ai relevé dans les arguments, pour la GPA, les avantages d’un encadrement législatif, et ce serait faire cesser, voire limiter, le « tourisme procréatif », supprimer la tentation d’aller le faire ailleurs, éviter pour un certain nombre de couple de conclure avec des organismes plus ou moins fiables, des contrats où la dignité des uns et des autres n’est pas toujours assurée.
Cette situation génère une grande injustice entre les couples, injustice entre ceux qui ont les moyens de réaliser leur projet, et ceux qui ne l’ont pas.
Par ailleurs un encadrement juridique garantirait la neutralité financière de la GPA, et pourrait protéger les uns et les autres de toute exploitation. Cette neutralité financière est la condition de la valeur éthique de la GPA
⇒ 1ère remarque : Toutes les réflexions sur les thèmes évoqués découlent des recherches et avancées faites ces trente dernières années en biologie. Mais n’oublions pas que la science nous dit ce qui est, pas ce qui doit être.
2ème remarque : Quant au « désir d’enfant » il ne faut pas que ce désir ne soit que caprice, ce qui pourra poser problème, et ce qui peut ajouter à des drames
3ème remarque : Puisqu’on évoque : quel est l’homme pour demain ? J’ai l’impression que l’homme de demain, sera issu d’un changement de statut. C’est-à-dire que l’homme de demain c’est celui qui va d’abord désirer « la mort de la mort » ; phénomène peut-être aussi lié à la chute de la foi dans les pays occidentaux, puisque la foi nous promet le salut. Mais avec la chute de la foi, il n’y a plus que la vie, et donc s’il n’y a plus que la vie, il faut la prolonger à n’importe quel prix, quitte à tuer la mort elle-même, avec tous les artifices qu’on va imaginer, en augmentant l’homme, en le régénérant.
⇒ Si on ne se place pas en regard de l’enfant, on est dans le domaine de la marchandisation, dans un domaine strictement matériel, le corps strictement concret, mais ce n’est pas la vie ! La vie, n’est pas uniquement : est-ce que je peux avoir un enfant « fabriqué ». Mettre au monde, ce n’est pas « fabriquer un enfant ». La question ne se pose pas pour moi en termes de chance, si je peux oser ce mot. Mais c’est : qu’est-ce que ça veut dire faire un enfant dans le contexte actuel, dans la civilisation ? Quand on attend un enfant on devient extrêmement lucide sur l’environnement, les problèmes qui nous entourent, et le fait de « mettre un enfant au monde » nous engagent. Je ne souhaiterais pas qu’un « désir d’enfant » ne soit pas autre chose que « fabriquer un bébé ».
Ensuite, si le désir d’enfant existe, moi je mettrais des limites absolues à la science pour deux choses : d’une part, ne pas toucher au génome, je suis tout à fait hostile au trafic de gènes, on ne sait pas complètement ce que l’on fait ; on risque de faire des monstres avant d’arriver à une méthode intelligente. Puis ce que je n’approuverais pas, c’est le clonage. J’ai entendu dans une émission qu’il y avait des femmes qui, à partir de cellules dédifférenciées de peau, avaient permis de créer des cellules différenciées sexuelles. Rien n’empêcherait (c’est un peu futuriste) à une femme de se faire un spermatozoïde à partir d’une cellule de peau, et de s’autoféconder, et là on est dans le délire total. C’est le dédoublement du matériel génétique comme dans la parthénogénèse. En tant que biologiste, je récuse ce mode de manipulation.
⇒ Il faut toucher au génome. Il y a des maladies très graves qu’avec ces techniques on pourra éradiquer.
⇒ On se rappelle la formule « La science ne pense pas », elle n’est pas là pour ça. Quant aux politiques, ils font des lois le plus souvent dans une seule optique électorale, loi sociétale pour attirer une catégorie sociale, ou, encore par idéologie
Je reviens sur l’idée que dans les dépistages, il y a quand même quelque chose qui se pratique couramment. Lorsqu’il y un lourd héritage génétique, avec des risques de ce qu’on appelle des « tares », beaucoup de couples, (même très discrètement) font des tests. Nous voyons de moins, par exemple, beaucoup moins de trisomie 21. Ceci est encadré par la loi, et, ensuite cela peut aussi dépendre du sens religieux. Certains médecins au nom de leur religion du « laissez venir au monde » refusent de faire ces examens. Donc, dans ces débats au niveau national, la religion n’est pas absente des avis. Dans certains pays théocratiques, le débat serait clos par avance. C’est vrai que la religion moins présente, laisse à la société le soin de choisir. Par exemple aujourd’hui avec des cellules souches on peut faire de la peau pour les grands brûlés ; il y a quelques siècles cela aurait valu le bûcher.
En fait on aborde un problème éthique où l’on veut faire parler la raison, mais le sujet contient aussi un aspect moral, et où « le coeur a ses raisons ». L’éthique c’est le moins mauvais, la morale, c’est le bien ou le mal. Mais pourrons-nous jamais faire une loi morale ?
Et je voudrais revenir sur l’embryon. Dans son ouvrage déjà cité, Luc Ferry, pose la question : « Est-ce qu’il faut laisser faire les études sur l’embryon ? », et j’ai retenu cette phrase : « Le conservatisme des uns, le fanatisme d’enfants à la carte, les appétits des nouveaux marchés, de brevets, laissent peu de place pour réfléchir à l’intérêt de la société ».
En Angleterre, le séquençage et la recherche embryonnaire sont totalement libres, totalement libres à des fins thérapeutiques, ce qui n’est pas mauvais, ce qui donne des espérances, comme pour lutter contre la mucoviscidose. Mais, les Anglais disent aussi, que c’est une source de commerce, qu’on va déposer des brevets, et que, si on ne le fait pas, d’autres pays vont le faire, et d’autres pays vont nous prendre le marché (revoilà le marché néolibéral). Donc, il faut protéger le marché. Et là, la morale, n’a pas sa place.
⇒ Au niveau du CCNE lors des réunions des Etats généraux de la biologie, est-ce que ceux qui souhaitaient la PMA ou la GPA ont posé des questions quant à l’intérêt de l’enfant ?
⇒ Même s’il n’a pas été question de défendre la PMA ou la GPA, je n’ai pas souvenir que des questions orales été faites dans ce sens. Oui, on doit se poser cette question : et l’enfant dans tout ça ! Et c’est là un problème complexe vous dirait un psychologue : comment parler de l’intérêt de la santé morale d’un être qui n’existe pas. Par exemple dans un don d’ovocytes et GPA, nous aurons : un lien avec la donneuse, un lien génétique avec la mère porteuse, et un lien avec celle qui va élever l’enfant, la 3ème maman. Je crois qu’avec tout cela les psys ont du boulot pour les années à venir.
⇒ On a vu dans des reportages, ou lu, le cas de personnes qui ne peuvent connaître leur mère ou leur père, et cela crée des traumatismes.
Et par ailleurs, au-delà de l’ADN, du lien biologique, transmettre ces gènes, donner la vie à ses enfants, c’est aussi une façon de se prolonger au-delà de la mort.
⇒ Vouloir « la mort de la mort » est quelque chose de très ancien. Et justement, je pense, et là, je me fais l’avocat du diable, que les recherches technoscientifiques contemporaines ne consistent pas à rendre immortels. Il y a un très bon ouvrage, celui de Yuval Noah Hariri, « Homo deus » qui montre que « l’homme dieu », n’est pas l’immortel, c’est l’homme a-mortel, c’est-à-dire celui qui est capable de se réparer à chaque fois qu’il y dérèglement, accident (jusqu’à un moment où il ne pourra plus se réparer).
⇒ Le droit de l’enfant n’est pas le droit du bébé, ce droit se prolonge tout au long de la vie. C’est là qu’il faut se poser les bonnes questions, les questions qu’il se posera sur son origine : Pourquoi je n’ai pas de maman ? Pourquoi je n’ai pas de papa ? Qui est ma vraie mère ? Qui est-elle, où vit-elle ? C’est un aspect moral qu’on ne doit pas évacuer.
Et revenant à Luc Ferry, dans son ouvrage (déjà cité), après abordé les différents points de vue d’écrivains traitant de ces sujets, de : Laurent Alexandre, de Fukuyama, de Gilbert Hotois, d’Habernas, de Schumpeter, il conclut : « De là entre tout interdire ou tout autoriser, il va falloir trouver un chemin ». Quant à la mort de la mort, la nature a trouvé la solution, c’est la procréation. Les enfants continuent la vie, ceux qui sont nés seront toujours vivants. La mort est un outil de la pérennité de la vie.
⇒ Quand une mère seule, une mère lesbienne, élève un enfant, il n’y pas la même relation avec l’enfant, une case affective reste vide, celle du référent masculin.
Je ne vois pas, d’après mon expérience, comment une femme pourrait compenser cette case affective, compenser, donner un masculin qui ne soit pas un masculin pervers.
⇒ J’ai relevé dans le dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville, que ((je cite) : « Le clonage reproductif permet d’engendrer un être humain à partir d’un seul individu. Cette situation met en cause l’un des traits les plus précieux de l’humanité, qui est l’engendrement par deux individus différents, et par là même engendrer un troisième individu qui ne serait pas identique aux deux premiers {…] si les clonages se multipliaient l’espèce humaine en serait affectée »
⇒ Je continue de penser que ce n’est pas normal qu’on n’autorise pas les couples homosexuels à avoir des enfants. Je suis d’accord sur le fait que l’enfant ne sera pas plus bercé d’amour dans un couple homosexuel. Il n’y sera pas non plus à l’abri des séparations, des divorces. Donc je trouve normal qu’on se pose la question de l’avenir de l’enfant dans les couples homosexuels.
Le débat s’échauffe, mais toujours avec argumentation. Il revient souvent dans le débat, le mot « vide affectif » « référent Père/ mère », « il faut qu’il y ait l’image du père » « l’éthique exclut la morale », « ne pas manipuler, ne pas marchandiser le vivant ».
NB : Les différents propos, et prises de position en réunion n’engagent que les intervenants, et nullement l’association du café-philo