De l’inné à l’acquis

Dernière restitution

Brin d'ADN au microscope électronique

Brins d’ADN au microscope électronique

Restitution du débat du 22 janvier 2020

Animatrice/ animateurs: Edith Perstunski-Deléage, philosophe. Guy Pannetier. Thibaut Simoné.
Modératrice : France Laruelle
Introduction : Thibaut

Introduction : Attention ! sujet hautement inflammable et saturé, je dirais même plus, pollué, de biais tant cognitifs qu’idéologiques. En effet, nous n’avons eu de cesse, depuis l’Antiquité, d’opposé l’inné à l’acquis. Dans cette optique, les dualistes se sont depuis longtemps opposés aux matérialistes. Pour les premiers, il faut considérer le monde des idées d’une part et le monde matériel d’autre part. Ainsi, l’âme, issue du monde idées est insufflée dans le corps à la naissance et en constitue donc une composante innée ayant pour but, une essence. L’innéisme et l’essentialisme se rejoignent alors et nous « devons » nous conformer à l’essence des choses, porte ouverte à tous les conservatismes. Le christianisme reprendra à son compte au cours des siècles, notamment Saint Augustin, l’idée selon laquelle, la finalité de l’âme, est de se conformer à la volonté divine. Mais « L’âme et le corps souvent discors » pour reprendre le proverbe de Charles de Bovelles. Les matérialistes quant à eux, considèrent qu’en dehors de la matière, point de salut, si j’ose dire. L’âme est une émanation du corps, une expérience vécue, acquise. Mais qu’en est-il aujourd’hui de cette vielle dichotomie ?
Les idées meurent mais le vocabulaire, lui a bien changé. En effet, depuis longtemps maintenant, nous ne cessons de voir, d’entendre, de lire, que ce soit à la télévision, à la radio, dans la presse, ou sur Internet, les expressions « c’est dans les gènes », qui d’ailleurs a largement remplacé, le « je l’ai dans le sang ». Les « gènes » et le « sang » ont pris la place de « l’âme ». Glissement sémantique pour une même idée. Il faut bien « être de son temps ». On eut donc lire ou entendre que tel ou tel individu, ou tel ou tel parti politique adopte telle ou telle ligne idéologique car « c’est dans son ADN ».
Ceux qui sont plus attirés par l’informatique auront tendance à dire, qu’il faut changer de logiciel ». Le débat est ainsi très orienté comme en témoigne le fameux échange entre les deux grands « philosophes » que sont Michel Onfray et Nicolas Sarkozy, lors de la présidentielle de 2007. Le premier, défenseur de l’acquis  et donc d’une certaine forme de liberté avait affirmé qu’ « on ne naît pas homosexuel, ni hétérosexuel, ni pédophile », et dit, penser que « nous sommes façonnés, non pas par nos gènes, mais par notre environnement ». Le second, thuriféraire de l’inné, avait indiqué qu’il inclinait pour sa part à penser qu’ « on naît pédophile » et d’expliquer, que des jeunes qui se suicidaient  non parce leurs parents s’étaient mal occupés d’eux, « mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable ». Chacun prônant en fin de compte une forme de déterminisme. Comme si, l’un et l’autre, n’avait pas pour habitude de gloser sur des sujets qu’ils ne connaissent manifestement pas.  Au-delà de cet échange plutôt anodin, l’opposition entre l’inné et l’acquis, poussée à son paroxysme a eu pour conséquence la genèse des deux utopies totalitaires du XX ème siècle : le nazisme et le communisme, partageant la volonté de se donner un grand dessein en ce qui concerne la prise en main de l’avenir de l’humanité vers son amélioration.
Ainsi à l’ouest, la croyance dans l’inné a fait de la génétique la base de l’eugénisme (1). Combien de personnes en Allemagne ont-elles été stérilisées de force, mais aussi aux USA et dans d’autres nations européennes ? je pense en particulier à l’histoire édifiante de Carrie Buck, (2) stérilisée contre son gré, car jugée imbécile et inapte par conséquent à transmettre ses gènes par la cour de Virginie en 1927. A cela s’ajoute le commentaire inique et cynique du juge Olivier Wendel Holmes qui entérina cette décision :  » trois générations d’imbéciles, cela suffit !  »
(1) Dont le plus célèbre promoteur est François Galton, le cousin de Charles Darwin.
(2) Voir Stephen Jay Gould : Le sourire du flamant rose.

   A l’est maintenant, dans la Russie soviétique, la croyance appliquée à la génétique a été promue et imposée par Lyssenko, théoricien de l’idée de Engels «  qu’il n’y a aucune différence  entre humains à la naissance et que c’est uniquement la société qui les transforme». Il en a résulté l’arrestation, la déportation et la mort de généticiens soviétiques et la ruine de l’agriculture en URSS. Quand la politique trouve une justification dans la science au nom du bien, le pire est souvent à craindre, car c’est toujours au nom du bien  qu’on fait le mal. Hitler souhaitait une société idéale, utopique, c’est-à-dire une société sans juifs. Donc, il a décidé de les éliminer car ils représentaient aux yeux du führer, le mal inné.
Avons nous oublié les leçons d’Einstein qui déclare lors d’une conférence en 1939 : «  Il est indéniable que des convictions peuvent trouver de confirmation plus sûre que l’expérience est une pensée consciente claire. On ne peut sur ce point que donner raison aux rationalistes extrêmes. Mais le point faible de cette conception est que les convictions indispensables pour agir et porter des jugements ,ne peuvent en aucun cas être obtenues par cette seule voie scientifique avérée. La méthode scientifique ne peut, en effet rien nous apprendre d’autre qu’à saisir conceptuellement les faits dans leurs déterminations réciproques. Le désir d’atteindre à une connaissance objective, fait partie des choses les plus sublimes  dont l’homme est capable ; mais il est d’autre part évident qu’il n’existe aucun chemin qui conduise de la connaissance de ce qui est à celle de ce qui doit être ».
    Autrement dit, les connaissances scientifiques, ici génétiques, nous disent que les choses sur le réel, mais elles ne nous donnent aucune prescription sur ce que nous devons en penser.
Mais aujourd’hui, quelles sont les « découvertes philosophiques négatives » en génétique pour citer le philosophe Merleau-Ponty ? C’est-à-dire des découvertes scientifiques qui « peuvent modifier les termes en lesquels certaines questions philosophiques se posent » (3). Que nous disent les sciences du vivant sur nos corps biologiques ?
Ainsi, le mot « inné » désigne un trait qui serait très fortement déterminé par les gènes, entités abstraites, héritées de nos parents, qui pourraient sembler idéal  mais pourtant objet matériel et tout ce qui est matière est soumis à l’altération et au changement fortuit et non dirigé. Faire appel au concept de gène ne suffit pas à dire ce que nous sommes. Les circonstances non plus. La question est bien souvent plus complexe que cela. Ainsi nous l’explique le grand théoricien de l’évolution, Stephen Jay Gould, les objets biologiques que nous sommes, « ne sont pas le produit des effets additifs de gènes individuellement optimisés. Via le développement, l’organisme est le produit d’interactions non linéaires et non additives entre les gènes et leur environnement, et il y a donc des propriétés et des capacités émergentes, c’est-à-dire non prescriptibles par la seule action de chaque gène pris individuellement » (4)

Les gènes sont pourtant une composante inextricable de notre développement. Ils sont transmis de génération en génération à la mutation prés, et sont façonnés depuis des millions d’années par des processus sélectifs. De plus, les travaux des vingt dernières années ont montré que l’expression des gènes est souvent aléatoire, car pour un même gène, elle varie d’une cellule à l’autre dans le temps et l’espace, du fait de la disponibilité  même des facteurs de transcription au niveau cellulaire et de l’organisation de l’ADN. Le hasard a été réhabilité au coeur même de la cellule. De plus, l’expression des gènes est également régulée par des facteurs dits, épigénétiques qui ne modifient pas en eux-mêmes la séquence des gènes mais leur état de lecture par la cellule. Ici, l’environnement (stress, pollution, alimentation…) est à l’origine de ces modifications dont certaines sont transmises à la descendance.
(3) Etienne Klein http://iramis.cea.fr/Phocea/Vie des labos/Ast/ast groupe.php?id groupe-748
(4) Stephen Jay Gould : La structure de la théorie de l’évolution.

    Pourtant les régularités que nous observons dans la  nature sont souvent expliquées par de vieux relents essentialistes et innéistes polluant le vocabulaire de la biologie, comme par exemple, le concept d’espèce, qui, dans la nature, n’existe pas (5) de manière permanente ou bien par l’expression « Le programme génétique »  dont on voit bien actuellement qu’il ne prend pas compte du fonctionnement des organismes. Depuis quelques années, le gène est passé du statut  de notaire tout puissant, régissant ce qui se passe dans le corps et ce qui sera transmis à la descendance, à celui du partenaire.
Mais alors, d’où viennent ces irrégularités ? Le propre du mécanisme est bien connu et documenté de « sélection naturelle » est de produire des régularités qui peuvent apparaître par le hasard et la contingence comme les solutions les mieux adaptées dans un lieu donné et à moment donné. La variation propose, le milieu dispose! Le vivant relève du provisoire car si l’environnement vient à changer, ce qu’il ne manque jamais de faire, alors d’autres régularités pourront être observées.
Dans cette nouvelle « vision de la vie » (6) , l’inné et l’acquis s’entremêlent.
Pour illustrer ceci, le philosophe Patrick Tort (7) en donne une représentation visuelle et métaphorique originale sous la forme d’une bande de Moebius. Cette bande a ceci de particulier qu’elle ne possède qu’un seul côté tout en déployant un « retournement ». Ainsi s’illustre la continuité de la nature et de la culture, entre l’inné et l’acquis comme le matérialise cette figure géométrique.
Walt Whitman qui reviendrait d’entre les morts  ne pourrait pas  en ce sens nous contredire, car en fin de compte, inné ou bien acquis, quelle importance !
« – O moi ! O la vie ! les questions sur ces sujets me hantent (…)
– La question, ö moi ! si triste et qui me hante – qui a t-il de bon dans tout cela (Jay Gould : La structure de la théorie de l’évolution. , ô moi, ô l vie ?
– Réponse,
– Que tu es ici –que la vie existe, et l’identité,
– Que le puissant spectacle se poursuit
– Et que peut-être tu y contribueras un poème »
(5) Pour les besoins évidents de pouvoir communiquer, la langue en vient à bloquer  le réel. Le terme espèce est difficile à définir. Voir les travaux de Guillaume Lecointre.
(6) Termes utilisés par Darwin à la fin de « l’origine des espèces ».
(7)  Patrick Tort. « L’effet Darwin » Point sciences

 

Débat : ⇒ Même en étant philosophiquement plutôt matérialiste, je ne puis défendre l’idée que l’acquis existerait seul, en dehors de l’inné. Et plus j’y pense plus je ne peux les dissocier.
Nous serions porteurs dès la naissance, de marqueurs biologiques, psychologiques disent les tenants de l’inné. En revanche des penseurs comme John Locke, nous disent : « L’esprit humain est une feuille blanche, une « tabula rasa » (table vide) tant que l’expérience n’intervient pas pour y graver ses propres signes ».
Alors entre la tabula rasa, et les marqueurs qui font de « tel père tel fils » ou « bon sang ne saurait mentir », comment définir l’individu, entre sa part innée, et sa part acquise ? Après avoir consulté les définitions de divers dictionnaires, et l’étymologie qui nous dit qu’inné vient du latin « natus » (né, de naissance) je retiens (en résumé) que : l’inné, serait : des marqueurs biologiques, psychologiques que l’être vivant possède à sa naissance. Caractéristiques individuelles, antérieures à toutes expériences Qui, pour certains psychologues,  dépendent du code génétique ; on utilise aussi par analogie, des termes, comme: originel – infus –héréditaire – atavique  – instinctif – dans le sang.
Je retiens pour ce qui est de  l‘acquis, qu’il serait : des caractéristiques postnatals dépendant de l’environnement, de l’éducation
 Rousseau, comme John Locke dit qu’ « Il n’y a point de notions innées, l’homme vient au monde comme une table rase sur laquelle les objets de la nature se gravent avec le temps »
Ils s’opposent en cela à un courant dit innéiste, dont Platon fut longtemps la référence :
L’innéisme est une conception selon laquelle l’homme porte en lui (donc avant toute expérience) certaines idées précises, des principes cognitifs ou des aptitudes comportementales. Pour lui l’âme avait comme une pré connaissance des formes intelligibles. L’âme aurait connaissance de tout ce qui est beau, ce qui est bon, et ne perdrait ce savoir qu’en venant dans une enveloppe charnelle, le « prison corporelle ». Que l’homme rencontrait des connaissances non acquises par réminiscences
Ce qui amenait à des propos qui nous interpellent, qui nous choquent.
« Dès l’heure de leur naissance, certains sont marqués pour être assujettis et d’autres pour gouverner ». (Platon. La République) Nous passons là en plus au déterminisme.
Anti platonicien, Nietzsche n’en vante pas moins l’innéisme lorsqu’il écrit dans « Par delà le bien et le mal » «  On n’est pas impunément l’enfant de son père », «  il est impossible qu’un homme, même en dépit des apparences, n’ait pas  les qualités et les goûts de ses parents, de ses aïeux. C’est le problème de la race ; ce qu’on sait des parents permet de tirer des conclusions au sujet de l’enfant »
C’est un peu « tel père tel fils », et la notion de race qui ne choquait pas au 19ème  siècle
Le philosophe Spencer aura une autre approche en nous disant que « Les caractères qui semblent innés chez les individus  constituent en réalité le fruit évolutif  des expériences de l’espèce ». Ce qui crée un lien a priori entre l’inné et l’acquis, ou inné comme l’héritage d’acquis sur toutes les générations nous précédent, du règne humain, au règne animal, et peut-être au règne végétal.
Ce qui plaide fortement sur tout un héritage génétique, c’est l’instinct animal, de toute la connaissance animale qui n’est pas apprise ni par le groupe ni par les parents.
L’hirondelle n’apprend pas à bâtir, l’araignée n’apprend pas à tisser une toile.

⇒ Je pense  qu’il  faut battre en brèche toutes les théories qui disent que l’inné pourrait exister. Je ne vois pas de différences entre l’inné et l’acquis dans la mesure où quand on voit la vie intra-utérine, je ne vois pas comment on peut quantifier ce qui peut paraître comme une prédisposition alors qu’il est plus facile de mesurer ce qui est acquis. Parce que cela se passe après, c’est visible. Tout ce qui est inné pour moi est instinctif, ce n’est pas visible, ce n’est pas quantifiable.  Nous sommes dans une société dynamique et nous devrions mettre l’accent sur tout ce qui peut être acquis. Car même les préjugés sont dictés par un environnement, pas la famille, la communauté. Un enfant ne nait pas avec des préjugés. On dit que la vie utérine est riche en sensations, par le son de la voix de sa mère, par son environnement, le bruit. Mais tout cela n’est pas valable. Je ne vois pas comment un fœtus peut percevoir tout cela. Je conçois la vie dés que l’on sort de la vie intra-utérine et à partir de ce moment-là tout se construit. Je ne vois pas comme on peut dire que « je suis né chanceux ». Comment la chance aurait pu être « fabriquée » ? Il n’y a pas de gènes de ceci ou cela. On ne peut pas quantifier tout ce qui peut être inné.

⇒  Dans les années 1970-80-90, (après la révolution – de mœurs ? – de 1968) ont été nombreuses les discussions théoriques et politiques sur le pourcentage de l’inné (gênes, origines,  nature) et de l’acquis (milieu, environnement) en l’individu humain.
Les intellectuels – de gauche- analysaient le rôle et l’impact de l’environnement (familial, social, historique) sur le développement personnel de l’enfant, pour insister sur la possibilité de « transformer  le monde » (selon l’expression de Marx dans la 11° thèse sur Feuerbach – Idéologie allemande 1850) c’est-à-dire de prendre des mesures sociales, pédagogiques, médicales pour que l’égalité ne soit pas seulement formelle (un droit) mais réelle (une situation) . Philosophiquement c’était le thème Sartrien «  l’existence précède l’essence » ; je ne peux être définie. (Comme un homme lâche – Garcin, comme une femme ambitieuse – Inès, comme une femme – coquette Estelle) Huis Clos 1943,  qu’une fois mort, par les autres vivants. Tant que j’existe (et c’est ce qui me distingue de tout autre vivant) je peux toujours choisir un autre mode d’existence, faire d’autres choix .La nature humaine (l’inné) ne détermine pas mes choix existentiels, mes comportements individuels et mes engagements collectifs C ’est en ce sens aussi qu’ a été lu Le Deuxième sexe ( 1949) de Simone de Beauvoir qui expose et analyse l’histoire des préjugés sur la relation Homme-Femme et en conclut : «  on ne nait pas femme, on le devient ». Il n’y a pas de nature humaine déterminée. Il y a des situations, des conditions d’existence qui sont des déterminations mais non un destin : elles n’excluent pas la liberté individuelle de choix et donc la responsabilité d’engagement en faveur de telle ou telle orientation d’existence.
Les années 2000 sont marquées par la « révolution numérique ». Et l’étude du cerveau est maintenant l’objet de neurosciences multiples. Je ne suis pas spécialiste experte en la matière mais je viens d’assister à une conférence à l’ENS (département physique) le vendredi 17 janvier de Hervé Schneiweiss, neurobiologiste, directeur de recherches à l’INSERM, Président du comité d’éthique de l’Inserm et auteur d’un ouvrage Notre cerveau, un voyage scientifique et artistique : des cellules aux émotions. Ouvrage sur l’histoire et les inventions des représentations du cerveau humain.  Le fil directeur de cette recherche est que les neurosciences contemporaines (et notamment depuis les mesures cérébrales de Benjamin  Libet (1970)) montrent que l’activité du cerveau est constante (même «  en pause » ou quand on dort) et que le cerveau sait ce que je fais bien avant que je le décide (entre 500 millisecondes et 200 millisecondes avant la prise de décision) Nous avons là une horloge interne qui prépare la prise de décision. Tout le contraire de l’idée de liberté absolue de penser et d’agir. D’autre part notre cerveau est aussi inconscient (désirs refoulés –Freud), a des émotions (Spinoza) et est donc, en permanence en interaction avec l’environnement affectif, social, historique. Il n’y a pas d’opposition entre l’inné et l’acquis. Il y a une évolution permanente du cerveau. (Yuval Noah Harari : nous naissons homo sapiens et nous devenons humain. Henri Atlan parle de l’épigénèse, et Jean Pierre Changeux aussi. Et nous devons reconnaitre le rôle du hasard (Mallarmé : « jamais un coup de dés n’abolira le hasard ». Il faut connaitre le rôle du déterminisme du cerveau sans savoir ni donc prévoir ce qui va arriver. Et reconnaitre aussi notre ignorance en particulier l’incertitude sur le rôle du hasard et nos idées fausses sur les déterminismes subliminaux (Propaganda – Bernays ; publicité clandestine –télé). Et donc les scientifiques doivent intervenir lors des journées sur les lois bioéthiques dans les comités préparatoires au Conseil consultatif national d’éthique. Et aussi sur les techniques d’exploration pour modifier le cerveau , de l’activité cérébrale sur le cerveau et sur les procédés techniques: implants pour soigner Alzheimer (modifier le cerveau non) ; électrodes sur cerveau et exosquelette pour soigner les capacités endommagées (yeux aveugles, paraplégie..) : oui. Tout dépend de l’usage de ces techniques comme l’usage du silex.
Aujourd’hui se développent de nouveaux modes de penser (préjugés) non pas innés mais acquis (en famille, à l’école, liés aux choix politiques) .Ce sont des idéologies dominantes ou en voie de domination : le mouvement dé-colonial, l’obsession de la diversité et de l’appartenance à une minorité opprimée, et à partir de ces idéologies la revendication de la convergence des luttes des opprimés contre la domination colonisatrice de l’homme blanc hétérosexuel .Ce, sous la pression de groupes d’intérêt particulier ( « brigues »  Rousseau) et multiculturalismes ( « contre » l’Idée d’une histoire universelle de l’humanité et le projet de paix perpétuelle » Kant et Bernardin de Saint Pierre).Que faire ?
Conclusion :
1° Olympe de Gouges (1789) revendiquait d’acquérir l’égalité des droits (homme-femme) au nom d’une Idée (un idéal), celle de la communauté humaine, et non au nom des femmes. Rosa Parks (2004) demandait le droit – pour les noirs- de s’asseoir à l’avant des autobus avec les blancs, et non de vivre entre noirs. Revendications d’acquis humanistes au nom de la nature humaine universelle.
2° Les enfants sentent ce qui est le  bien – pour tous- et ce qui est le mal. Mobilisons-nous contre ceux qui leur enseignent la haine (qu’ils soient sous emprise ou qu’ils se vengent des blessures subies) en leur proposant des fictions, des activités artistiques et artisanales, des lectures (philosophiques aussi) en même temps que des lois interdictrices. Toujours pour et jamais seulement anti. (Michel Serres).

⇒ C’est souvent en observant l’évolution des enfants qu’on étudie l’acquis et l’inné. Comment par exemple, modifier des tendances égoïstes, des tendances au mensonge, etc. Et si « bon sang ne saurait mentir », l’enfant d’homme mauvais dans l’approche populaire sera mauvais, « bien le fils de son père ».
Cela nous remet en mémoire le film : « La vie est un long fleuve tranquille » où le petit garçon Momo (à la naissance Duquesnoy   bien qu’enfant de la famille Duquesnoy, celui-ci conserve toutes les caractéristiques Groseille. Ce n’est plus tel père, tel fils. Il est irrémédiablement Groseille. L’acquis semble pouvoir effacer tout ce qui serait  l’inné, mais pas complètement (le haussement d’un épaule, comme le père)   Et autre point curieux. On a vu que des enfants élevés par une nourrice, comme une mère de substitution,  et pendant toute une partie de l’enfance, cette mère  peut  transmettre des marqueurs génétiques ces enfants; ça complique la question!

⇒ Moi, je crois beaucoup à l’inné et dés le départ. Regarder un bébé, sa première heure de vie, il sait marcher. On le tient bien pour ne pas qu’il tombe mais il avance. Il sait nager. Mais il oublie vite. Vous mettez plusieurs femmes dans la pièce, vous mettez le bébé là et il sait reconnaître sa mère par son odeur. C’est sa part animale. On n’a pas perdu tous ces instincts. Je veux ce que tu as. Il y a des guerres car nous sommes toujours des animaux.
Supposez une famille qui fuit depuis des siècles. Elle porte avec elle ses maladies. C’est l’inné médical. Cela s’explique car il s’est passé des choses avant. Notre partie animale est toujours là. Nous sommes de l’inné et de l’acquis. Mais ce dernier n’est pas toujours là.

⇒ Quand on nous parle de ces questions, il est toujours fait mention de gènes et de chromosomes, comme si le côté biologique impliquait souvent de l’inné alors que même là-dedans, il y a de l’acquis. Si on se rappelle de Darwin, même ce qui est génétique, c’est déjà de l’acquis. Cela a évolué très lentement au niveau des masses et quand on regarde l’individu c’est souvent l’acquis culturel qui finit par dominer. Homo sapiens n’est rien d’autre qu’un acquis biologique parce que nous sommes une chimère du fait de la présence de gènes de Neandertal dans notre ADN. Alors, où est l’inné ? Je ne peux pas dire ce que c’est que l’inné. En neurosciences, on peut lire que notre cerveau fabrique notre pensée avant même que nous en ayons conscience. Nous ne serions donc pas même libres de notre pensée ? Mais ce n’est pas ce que je comprends. Or certains l’utilisent comme un argument en faveur de l’inné. Nous n’obéissons pas à un « programme ». Nous ne sommes pas une « machine » biologique où tout serait inné.

⇒ Juste une réflexion. Dans ce que Jean-Marie a dit, il pense, que l’enfant ne peut ressentir ce qui se passe à l’extérieur. Or dans mon expérience de maman, je me suis souvent rendu compte que je recevais des coups de pied quand il se passait des choses à l’extérieur. La musique semble pouvoir aussi influencer le bébé.
J’ai lu un livre qui se nomme « l’enfant frigo », l’histoire d’un enfant qui évolue dans une famille où on ne s’occupe pas de lui. Un jour à l’école, la maîtresse demande aux enfants d’apporter quelque chose à planter et l’enfant apporte un marron. La graine a germé et l’enfant a obtenu un petit marronnier. Dans le fond, l’enfant se dit à lui-même, « quand on me demande de faire quelque chose, je ne suis pas si nul que cela car je suis capable de faire des choses par moi-même et il suffit que je me donne les moyens de le faire. » Donc qui influence l’humain ? Est-ce l’action qui influence l’inné ou l’inné qui influence l’action ?

⇒  Il y a quand même un profil « génétique » car je suis d’une famille où l’on retrouve des maladies dites orphelines chez des cousins notamment depuis plusieurs générations. Mais cela est complexe et c’est un sujet où l’on tourne en rond. On ne peut pas dire que l’inné n’existe pas puisque nous « traînons » des traits « acquis » des générations antérieures.

⇒  Quand mon épouse était enceinte, elle écoutait le « boléro de Ravel ». A la naissance de l’enfant, ce dernier rappliquait dès qu’il entendait ce morceau de musique qui lui paraissait familier. Etait-ce un hasard ? Mais le « hasard » en question s’est reproduit à maintes reprises.  De plus, j’ai toujours écouté Léo Ferré et aujourd’hui mon fils aime beaucoup Léo Ferré. L’acquis est peut-être là aussi.

⇒  Le babille des enfants est également influencé par les accents lors de la vie intra-utérine. Dans les années 70, il était conseillé de faire écouter de la musique au fœtus. En particulier les gynécologues de gauche, favorables à l’avortement. Cette vie intra-utérine n’est pas indépendante de l’environnement.

⇒  Si on revient à la GPA, les éléments nutritionnels que reçoit le fœtus vont lui donner des caractéristiques qu’il va conserver. Dans ce cas, entre la mère porteuse, le don d’ovocyte, les parents, quelle source d’interrogation pour l’enfant qui sera malgré tout façonné par son milieu familial ! Ses vrais parents ne seront-ils pas, comme dans le cas d’une adoption, les parents qui l’auront élevé. En parlant d’éthique, dans quelle mesure l’inné ne peut pas être manipulé en permettant de choisir les caractéristiques de l’enfant ou les paillettes de sperme d’un grand musicien ou d’un grand savant ? Est-ce déjà de l’eugénisme ?

⇒ D’autant plus que dans le cas de l’élevage animal, en particulier le cas des taureaux de combat en Espagne, la sélection se fait par la mère. On voit bien à quel point les choses peuvent se compliquer. Il semble que ce soit l’inverse chez les chevaux.

⇒  Tout à l’heure en citant Einstein, je rappelais que les résultats des sciences nous disent des choses sur le réel mais pas sur ce que l’on doit en penser. En particulier, on a pu entendre dans les médias il y a quelques années des gens nous dire que le racisme ne se justifiait pas au motif qu’il avait été montré que la génétique moderne avait mis en évidence la subtilité et la complexité de la diversité humaine, ne pouvant être ramenée à quelques races bien définies. Soit. Mais si je prends le problème à l’envers. S’il avait été montré la pertinence du concept de race tel qu’il était utilisé en particulier au XIXe siècle, le racisme se justifierait-il pour autant ? Je ne le crois pas. Il me semble dangereux de faire appel à des résultats scientifiques, en tant qu’arguments d’autorité, pour résoudre des questions éthiques qui restent toujours des compromis ou pour mettre de l’eau au moulin d’idéologies parfois douteuses. Sans doute faisons-nous cela le jour où cela arrivera ? Il aura sans doute peur. L’étrange, la différence, le nouveau quand nous n’avons pas de vrais arguments.

⇒ A propos des préjugés chez l’enfant qui seraient innés, je me pose cette question. Un enfant noir ou un enfant blanc qui n’a jamais vu d’autres couleurs de peau que la sienne, quelle sera sa réaction fait peur. Cela dépendra également de l’environnement. Un enfant placé très tôt à la crèche, entouré d’enfants différents, n’aura évidemment pas ce genre de comportement.

⇒ Je voulais justement faire la différence entre la peur et la haine. Un enfant blanc qui n’a jamais vu une personne noire en a peur et c’est normal. Mais le préjugé ce n’est pas la peur, c’est la haine et ça c’est acquis. Maintenant, sur la différence entre la science et la morale, la science c’est la recherche du réel et elle ne se pose pas la question de comment le monde doit être. « La science ne pense pas » comme le disait Heidegger.  Et n’oublions pas que la peur est un trait conservé au cours de l’évolution pour garantir la survie face au « danger ». Tous ceux qui ne fuyaient pas sont morts. La survie a pu être garantie chez ceux qui présentaient ces comportements là, de méfiance et de peur.

Références :

Biologie : Eloge de la différence, la génétique et les hommes. Albert Jacquard. 1978 ; hématologie : De la biologie à la culture  Jacques Ruffié. 1977.
Ethnologie Musée de l’Homme : Tous semblables et tous différents 1980.
Sociologie Les Héritiers- les étudiants et la culture .1964. Pierre Bourdieu.
Psychologie : Clinique de La Borde (Jean Oury psychiatrie , Fernand Deligny éducation des enfants « arriérés », délinquants,  autistes ; Félix Guattari psychanalyste).
Philosophie l’Anti Œdipe 1972 ; Gilles Deleuze.
Philosophie: Homo sapiens. Yuval Noah Harari.
Sémiologie Nous et les autres 1982 Tzvetan Todorov.
Pédagogie : Freinet, Montessori…
Antipsychiatrie David Cooper – Ronald Laing Angleterre, Franco Basaglia Italie.
Cinéma Fous à délier ( Mario Tomasini – Parme, Marco Bellochio)
Cinéma : La vie est un long fleuve tranquille. Etienne Chatiliez. 1988.
Pédiatrie Lorsque l’enfant paraît ( Radio 1975) Françoise Dolto.
Neurologie: Notre cerveau, un voyage scientifique et artistique: des cellules aux émotions. Hervé Schneiveiss.

 

 

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