La iberté de la presse doit-elle donner toute latitude aux médias ?

Thème  « La liberté de la presse doit-elle donner
toute latitude aux médias ? »
Essai de restitution du café philo de Chevilly-Larue.
mercredi 17 mars 2004

Introduction au débat : France Laruelle.                                     
Modératrice : Martine Hayat.
Animateurs : Guy Philippon et Guy Pannetier

Introduction : Cette réflexion a pour origine les menaces d’attentats faites par le groupe AZF. Fallait-il le dire, le publier ? Prendre le risque de ne pas informer des risques. Tout dire et laisser à la population  le soin de ses initiatives, pour les réunions, les transports…, quelles limites la presse doit-elle s’imposer ?

Débat :    –  Oui, jusqu’où informer, sans à nouveau qu’il n’y ait récupération pour instrumentaliser la peur, les peurs ? Il y a plusieurs approches s’agissant de la liberté de la presse, jusqu’à celle souvent citée de Robert Hersant, « La liberté de la presse commence et s’arrête au tiroir caisse »
Nous avons une information très variée, du journalisme très divers : de celui qui est prêt à tout pour un scoop, des journalistes rigoureux, et aussi de la « presse people » avec ses excès.
Nous nous en plaignons, mais pensons à la presse muselée, enchaînée, comme par exemple aujourd’hui en Russie !

– Cette presse people est très décriée, mais si elle existe, c’est qu’elle est achetée, (plus regardée que lue). Pour certains, c’est une détente de l’esprit, pour d’autres, c’est l’asservissement à cette société de l’apparence ou « la vie par procuration » (J.J.Goldman.)
– Il arrive que cette liberté de la presse porte atteinte à la dignité des personnes, on se souvient de la photo sans autorisation de Gérard Philippe sur son lit de mort.
– La liberté de la presse oblige à la déontologie, elle semble manquer parfois, et la presse peut détruire non seulement des individus, mais aussi des institutions. Nous trouvons moins cette presse d’opinion, exigeante, rigoureuse, qu’il y a quelques décennies, là aussi la concurrence a privilégié « l’événementiel ».
Pouvons nous vraiment imaginer que la liberté de la presse existe ? Les journaux sont la propriété d’une personne, d’un groupe, « celui qui paie l’orchestre choisit la musique » (Ignacio Ramonet. Monde Diplomatique). Les journalistes peuvent subir des pressions, pour diffuser, ne pas diffuser, (mettre au cimetière, terme du métier) ; Ces pressions peuvent venir de l’entreprise, du service publicité. De par la convention professionnelle,  «  un journaliste ne  peut aller à l’encontre des intérêts de son entreprise », être en opposition à la ligne rédactionnelle «définie». En cas contraire il pourra faire jouer «la clause de conscience» et demander son licenciement avec tous les droits afférents. L’idée abandonnée, qui pouvait garantir la liberté et la pluralité de la presse, était la nomination du rédacteur en chef par le comité des rédacteurs…, une révolution culturelle et sociale !
– Il y a dans la presse trois sortes de liberté : celle des journalistes, celle du propriétaire, celle du lecteur. Il s’agit pour le journaliste de lier «sa liberté» et «la vérité». Nous savons qu’il peut y avoir des pressions comme récemment en Espagne (11 mars 04), c’est une atteinte aux libertés ! La presse peut parfois participer à la désinformation ou à la «mésinformation » (par omission). Quel est donc le champ individuel de responsabilité ?
– Est-ce que je n’entrave pas moi-même ma liberté d’information, en n’achetant que des journaux dans le même courant de pensée que le mien…. ? Si je veux être informée, c’est là que je vais acheter des journaux développant d’autres idées que les miennes. Mes idées je les connais déjà, pas celles des autres…c’est la même démarche que venir au Café philo, ce qui m’intéresse c’est l’avis des autres. 
– On a pu voir de l’objectivité, de la fiabilité de l’information, avec un certain retard. Il aura fallu du temps pour que la presse nous dise que le nuage de Tchernobyl venait de passer la frontière française…
– 80 % de la presse française et des publications sont la propriété de cinq groupes. Avec les moyens de diffusion, d’implantation, et  les primes allouées à la presse qu’ils perçoivent, ils sont en quasi-situation de monopole, et là, ce n’est plus la liberté de la presse, la pluralité de l’information, c’est la latitude qui est en jeu !
– Sommes-nous bien formés, éduqués à lire, à décrypter la presse. Les lecteurs ont-ils envie d’information, se posent-ils cette question quant à la pluralité ? Et parallèlement, d’autres médias progressent…. Au nom de la liberté d’information, d’expression ; pendant une bonne période un site nazi a sévit sur Internet…
– Liberté individuelle, Liberté d’expression : (sujet très actuel). S’imposer des limites ou refuser que l’on vous fixe des limites ? « Si je limite ma liberté, si je dois respecter la liberté des autres, c’est une entrave à ma liberté, c’est alors contrarier le droit de nature ». Théorie  (dangereuse) de Thomas Hobbes 1588/1679.
– Au nom de la liberté de la presse, n’y a-t-il pas incitation à la violence lorsqu’un journaliste TV donne tous les composants d’une bombe ou montre la petite erreur dans une lettre de menace…sont-ils là bien responsables ?
– Le premier acte des dictateurs, c’est de s’emparer des moyens de communication, tout autoritarisme n’existe que par la mainmise de l’information, c’est comme toujours la latitude entre des limites bien précises, gouverner demande aussi le secret 
– Propriétaire de plusieurs titres, ce Monsieur est aussi administrateur dans d’importantes sociétés, il fréquente « les allées du pouvoir ». Ses titres peuvent lui permettre d’émettre les idées d’une catégorie, influencer l’opinion publique, manipuler l’avenir…Nous avons de tristes expériences…, en 1935 Brasillach préparait l’opinion aux actions antisémites qui allèrent jusqu’au crime des nazis !
– La presse nous a donnés de belles pages ; je pense à Combat, à l’Aurore, le numéro   « J’accuse » (Zola, affaire Dreyfus). Elle fut réellement contre pouvoir. Mais elle semble être devenue quatrième pouvoir, le premier étant, économique. Alors elle est aux deux bouts, ce qui peut être la confusion des pouvoirs, qui mène au pouvoir absolu. Là, le pouvoir n’est plus que « savoir», mais « faire savoir ». «  L’information fait l’opinion publique, ce qui détermine les choix électoraux, afin d’accéder au pouvoir, accroître les profits, investir dans la communication, agir sur l’opinion……. » ! (Café philo l’Hay-les Roses.6/11/02)     
« Pour la vérité de l’information et ainsi combattre le mensonge, l’ignorance, un journaliste doit  lutter contre cinq difficultés :
Le courage de dire la vérité alors que partout elle est étouffée,
L’intelligence de la reconnaître alors que partout on la cache,
L’art de la rendre maniable comme une arme,
Avoir assez de jugements pour choisir ceux entre les mains de qui elle sera efficace.
Assez de ruse enfin, pour la répandre parmi eux. » (Bertold Brecht 1933).

Conclusion : Cette latitude souvent limitée, a bâillonné la presse, mais elle a contourné la censure : Molière et ses satyres, les libelles, et aujourd’hui « les guignols de l’info » qui peuvent être parfois limite…Pour nos libertés la presse doit rester libre. Aux journalistes de savoir s’autocensurer, c’est la déontologie de la presse !

 

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