Thème
« La responsabilité aujourd’hui passe-t-elle nécessairement
par la transgression de l’ordre établi ? »
Essai de restitution du café philo de Chevilly-Larue.
17 mai 2002
Modérateur : Guy Pannetier
Animateur et introduction au débat : Guy Philippon
Introduction : La responsabilité c’est répondre de ses actes et les assumer totalement. Il faut une maturité psychologique et une capacité décisionnelle pour assurer tous les actes de la vie à différents étages (plutôt que niveaux). Y a-t-il forcément une hiérarchie dans les responsabilités ?
Débat : G En 1962, les appelés du contingent transgressèrent l’ordre militaire. Ils mirent « la crosse en l’air ». C’est un geste responsable
– Il faut être courageux dans certains cas. La responsabilité n’est pas toujours au même niveau notamment face à un chef d’entreprise. Il faut concilier ce qui est conciliable.
– Tel que le thème est posé, la responsabilité ne passe pas nécessairement par la transgression de l’ordre établi selon qu’il soit démocratiquement choisi ou imposé. En Afrique du Sud, du temps de l’apartheid, la transgression était nécessaire. Selon les choix de vie, nous n’avons pas la même histoire et en Afrique les coutumes comptent beaucoup, contrairement à nous.
– Est donné en exemple les abeilles et les fourmis qui, indique-t-il, ont une organisation bien définie. Chacune sait ce qu’elle doit faire et aucune ne conteste l’ordre établi. Cette organisation est harmonieuse.
– La responsabilité est un problème. Tout le monde est concerné. La notion de nécessité peut être juste et injuste. La notion d’harmonie est discutable car l’ordre établi, c’est celui qui nous arrange. Il n’y a pas des niveaux de valeurs mais des degrés de hiérarchie.
– L’apartheid est un exemple glissant, car il y a eu occupation des terres des hollandais (africanders) par la population indigène en antidatant leur présence. Les hommes ne se comportent pas mieux que les animaux. Je serais contente que les hommes soient comme les fourmis. Face à l’ordre établi, la responsabilité doit passer par la transgression (exemple : déposer une main courante et porter plainte, c’est différent mais on ne vous le dit pas).
– « Faut-il être obéissant pour être responsable ? » Dans l’exemple de la main courante, celle-ci resservira pour d’autres affaires. Aller vers l’ordre établi, est-ce une prise de responsabilité ?
– Dans la responsabilité, il y a différents aspects, le politique, le juridique, la réparation des dommages, la morale et la religion.
– Pour que nous ayons des aliments marqués « sans OGM », des individus ont transgressé l’ordre. C’est une prise de responsabilité envers ses semblables et envers les générations à venir.
– L’ordre établi, c’est le respect de l’autre et des lois pour l’ensemble des citoyens. Aujourd’hui, il y a transgression de l’ordre établi à l’école.
– C’est la directrice d’école qui se résigne contre son gré. On voudrait se différencier et tout remettre à plat et reconstruire. On aimerait bien.
– Le chef d’établissement, c’est comme le chef de famille. Il tient sa place ou il ne la tient pas, c’est identique aux fourmis. Certains pensent que l’ordre établi a toutes les vertus mais il faudrait se poser la question : qui conduit à l’ordre ?
– Dans une tribu, l’individualité fait le groupe. Un griot transmet l’histoire par l’oralité. Aujourd’hui l’individualité n’est plus pour le groupe.
– Le fait de dire le droit passe-t-il nécessairement par les juridictions ? En Afrique, ce sont les palabres et tout le monde y trouve son compte. Chez nous, c’est la rationalité et tout est calcul.
– La société est faite de guerres partout en Afrique et ailleurs. Les transgressions ont lieu dans tous les pays. Quant à la notion de l’ordre établi, il faut remarquer que quand les règles ne nous plaisent pas, on se rebelle.
– Le produit de l’histoire est le produit de la violence. L’Homme a besoin de violence pour évoluer, la montée du nazisme hier l’a prouvé.
– Peu de civilisations ne se construisent sans le sang. Dans un engagement, on engage sa vie, réellement. On a parfois le sentiment qu’une prise de responsabilité est antinomique avec l’ordre établi. Comment peut-il y avoir un ordre établi quand l’Homme devient un coût pour l’Homme ? Cette question est d’ordre politique. Peut-on vivre avec une bonne conscience dans une telle société ?
– Un exemple récent d’un père et d’un fils tabassés à mort. Le père avait cru à la simple force de la parole pour apaiser le groupe et vous voyez le résultat.
On ne vit pas dans le même monde, car il y a un phénomène de bande. Si on touche à un, on touche la meute. C’est la survie du groupe. Aucun ne connaît les règles parce qu’elles ne leur ont pas été apprises. Il s’agit de s’investir personnellement en connaissant bien le contexte.
– Les gens ne votent pas car ils ne se sentent pas responsables. On ne sait plus éduquer les enfants et donc leur apprendre ce qu’est la responsabilité.
– Comment considérer comme acte responsable le fait de tuer des innocents au sacrifice de sa vie. Si noble soit la cause, même par désespoir.
– Il faut tout relier aux autres logiques. Il y a une partie invisible des groupes que nous n’arrivons pas à concevoir. Il va falloir transgresser pour se faire comprendre.
– Le poids politique d’un individu est faible. On apprécie tout par rapport aux conséquences. Les individus stressés sont-ils responsables ? Le coût économique d’un être humain doit être mesuré par rapport à un autre être humain. Je fais un parallélisme avec Benjamin Constant « pacifier les peuples évite des guerres de sang ».
– « Tout est dans tout et inversement », c’est la théorie de Mao. Je suis insatisfait sur les notions de « nécessairement » et « d’aujourd’hui ». Les gens ont toujours payé au prix fort tout changement
– Chaque fois qu’il y a eu la division des hommes, cela a conduit au conflit, à la barbarie, avec des moyens anciens ou pas. Il y a des gens qui veulent changer et ils se sont affrontés à des confessions différentes et à l’ordre établi (exemple : la loi pour instituer l’avortement, la contraception) ; « Je vois sur tout, je crois en tout surtout à ce qui est interdit » (Woody Allen). Chaque fois qu’il y a des interdits dans notre société, il faut que les hommes et les femmes se lèvent. « Le plus dur ce n’est pas voler, mais garder ce que l’on vole ». Il faut rester être humain et demeurer être humain car on ne naît pas être humain. « Si l’on subit une humiliation, on ne peut rien faire sans une transgression ».