Jusqu’où peut-on être tolérant?

Thème :                « Jusqu’où peut-on être tolérant ? »
Essai de restitution. Café philo de Chevilly-Larue. 8 mars 2000.

 Animateur : Olivier Pascault.                        Modérateur : Thérèse Neau.             
Participants : 36

 Le café philo est une bonne école de tolérance affirme la modératrice dans son introduction.

Débat   Vient ensuite l’exposé succinct de l’animateur sur le concept de tolérance : sa signification et son évolution. La tolérance a deux assertions : action de tolérer, et ordre moral, politique. Cette notion de tolérance remonte au 16ème siècle et sa pratique n’était qu’ecclésiastique, d’Alembert parlait d’esprit de tolérance et d’esprit d’indifférence. Elle s’est étendue à la libre pensée au 19ème siècle. Spinoza parlait de la tolérance à travers l’Etat, Bossuet, lui distinguait la tolérance ecclésiastique  de la tolérance civile.
    Le débat se focalise autour de trois grandes tendances. La tolérance estime que la tolérance est l’acceptation des opinions des uns par les autres, le respect des libertés d’expression et de la dignité de l’homme. La seconde assimile la tolérance à la ressemblance de l’autre et l’intolérance à son sujet. Enfin, la troisième préconise la pratique de l’intolérance face aux atrocités, vices, prosélytisme, souffrances et atteintes aux Droits de l’Homme.
      « Je suis intolérant au racisme, à l’antisémitisme, au fascisme, à Pinochet… ». Mais pourtant je suis tolérant.  Je ne comprends plus !La tolérance telle que la pratiquent certains Etats est souvent appréhendée selon les intérêts politiques et économiques, la tolérance et l’intolérance se manifestent au contact des autres ; soit on adopte l’image de l’autre en devenant son semblable, soit on affiche une attitude différente.
        Une participante déclare qu’elle aussi ne supporte pas les Etats tolérants pour de seuls objectifs commerciaux. Abondant dans le même sens, une autre fustige le comportement des gens qui se livrent au commerce des drogues, d’armes. C’est condamnable, mais que penser des Etats qui le permette… ?
Une autre participante relativise ce point de vue en citant le cas des paysans d’Amérique du sud qui cultivent de la cocaïne, devenue leur seul moyen de survie. « C’est économiquement plus pervers. Les trafiquants règnent au-dessus et cela n’est pas tolérable du tout » conclut-elle ?
Un nouvel intervenant voit la tolérance comme étant l’acceptation au travers des opinions des uns et des autres. Un autre affirme que la tolérance obéit au principe du donner et recevoir. Cela implique deux parties en présence : la partie tolérante et la partie tolérée. A son avis la tolérance est un élément valorisant de l’être humain sans lequel la femme comblée matériellement ne sera jamais épanouie dans le couple. Réciproquement lui répond quelqu’un : si la femme épanouie est une fleur, elle se fana. Vive réaction de la salle à prédominance féminine.

Trois formes de tolérance sont épinglées: la tolérance spontanée ; les amoureux se tolèrent, tolérance négociée, acceptation de l’autre après tractation. Tolérance imposée : tolérance des contraintes, cas de certaines femmes africaines qui subissent la polygamie. Cette tolérance, c’est l’acceptation par obligation. Cela s’appelle intolérance.
      Il y a ambiguïté sur le terme tolérance : on se supporte ou on respecte l’autre. La tolérance c’est la liberté d’être et de penser.
     Les maisons de tolérance sont indignes, c’est du consensus mou.
    Le vrai consensus n’a rien de mou. Consensus implique la compréhension, l’échange entre plusieurs personnes.
    Elles rendent leur dignité aux prostituées ayant opté pour ce choix.
    Les nombreux traumatismes résultant de ce choix qui n’est pas un choix mais un pis-aller. « Il ne faut pas idéaliser les maisons closes, c’est horrible » « et ça continue dans le monde ».
     Les femmes libres ont toujours existé dans les coutumes des pays africains quelque soit les formes de vie commune adoptées (patriarcat, matriarcat, polyandrie). Lorsqu’on vit dans un tel système, vous le respectez.
     Il faut savoir ce que l’on tolère et ce l’on ne tolère pas pense l’intervenante qui évoque le cas d’excision de femmes africaines.
    Une autre participante témoigne qu’elle a beaucoup appris par le contact des différentes personnes lors de ses voyages, c’est le côté positif et c’est la tolérance.
    Attention de ne pas appréhender la tolérance avec notre vision occidentale. Il y a choc de cultures, cependant que la tolérance permet d’avancer dans les débats contradictoires. Si on ne l’accepte pas, on réduit son propre épanouissement. La tolérance ne doit pas faire abstraction des règles de la société.
Que penser des gens soumis aux contraintes, aux pressions de la compétitivité dans l’entreprise concurrentielle. Peut-on quotidiennement tolérer cela ? La tolérance n’est qu’un moment provisoire et non permanent. On peut être tolérant par indifférence ou lâcheté, répond quelqu’un. On peut également être tolérant par profit ou par envie, peut-on le tolérer?   
      Une participante croyait être tolérante, mais elle a l’impression d’être plutôt intolérante. Elle est tolérante jusqu’à a limite de la souffrance et puis devient intolérante. Elle affiche son indifférence vis-à-vis de toute personne qui cherche à faire du prosélytisme (religieux, économique, culturel…) et donc de faire souffrir.
      A partir d’où peut-on être intolérant ? La frontière entre tolérance et intolérance passe par le respect de l’autre sans voir dans l’autre un autre soi-même.
      Tolérance et intolérance sont, tous deux, positif et négatif, selon les circonstances. On peut être tolérant sue le mal et intolérant sur le bien. Tolérer ne veut pas dire qu’on est d’accord.
     Tolérer et tolérance ne revêtent pas du tout le même sens selon qu’il s’agisse d’idées ou d’actes. L’idée peut être acceptée mais pas l’acte. C’est très différent lorsqu’on pense à des idées ou à des actes.
     Pas forcément: pourquoi accepter les abus de certains Etats et pas ceux des êtres humains ? G Une autre lui rétorque qu’elle n’accepte pas lorsque la dignité de l’homme est mise en cause. Un participant s’interroge lui aussi sur le problème de Etats. Faut-il tolérer ce qui se passe en Chine ou en Tchétchénie ? C’est pour éviter la guerre sans doute.

La souffrance n’est que subjective. Pourquoi acceptons-nous que quelqu’un souffre ? On peut transcrire une culture sur une autre. Tout le monde n’a pas la même perception. La culture et la souffrance ne peuvent être confondues. On ne pas juger de ce qui juste ou pas…, faut-il tenir compte de la religion pour certains actes (exemple la circoncision).

 Conclusion: jusqu’où peut-on supporter les intolérances ? Résister c’est refuser de capituler devant les intolérances. C’est intolérable de violer les droits, les lois. La tolérance c’est la liberté d’expression  de l’autre à condition qu’elle ne soit pas imposée par la violence. Peut-on être taxé de faible quand on est tolérant ? Non c’est au contraire être fort que d’accepter les opinions différentes. La tolérance est de l’ordre du contrat civil ou de la Constitution. Il y a tolérance négociée et tolérance imposée. L’économie capitaliste est une tolérance imposée, d’où l’impérieuse nécessité de faire la différence entre la morale et le civisme lorsqu’on évoque la tolérance.

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Une réponse à Jusqu’où peut-on être tolérant?

  1. cafes-philo dit :

    On ne trouve pas encore dans les restitutions l’originalité de toutes les prises de parole.On sent que seules sont transcrites les interventions de l’animateur

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