Thème: « L’émotion est-elle une force ou une faiblesse ? »
Essai de restitution du Café philo de Chevilly-Larue.
mercredi 28 avril 2004.
Animateur : Guy Philippon
Modérateur : Guy Pérez
Introduction: Guy Pannetier.
Introduction: L’émotion, qui nous vient du latin « exmovéré », nous dit que ce mouvement se fait hors de nous. Nous percevons, nous recevons, disent les psychologues, des informations de nos sens. Instantanément, sur des schémas intériorisés, nous réagissons : montée d’adrénaline, modification du flux sanguin, pigmentation du visage… Cette réaction se produit avant que le néocortex ait pu analyser l’information et renvoyer ses ordres. Si nous pouvions prendre du temps la force de l’émotion et son charme parfois seraient rompus. Donc, la raison tue l’émotion. C’est un point vital de la philosophie stoïcienne.
Débat : – L’émotion non maîtrisée est une faiblesse et l’émotion maîtrisée est une force. Il faut savoir dominer ses émotions.
– Ce n’est pas une question de maîtriser ses émotions. Pour elle, l’émotion est ce qui est le plus fondamental dans une personne. Il faut être à l’écoute de ses émotions, les laisser vivre, savoir ce qu’elles veulent dire, les interpréter et s’en servir.
– Je ne peux pas réfléchir avec « l’émotion » mais avec « les émotions ».
– L’émotion c’est ce qui permet à tout artiste de s’exprimer. J’ai écrit mon premier poème à la suite d’une émotion. La musique exprime aussi de l’émotion. Si on est capable de comprendre des émotions on est capable de ressentir plein de choses.
– L’émotion est un état de faiblesse. L’émotif se trouve dans la position du dominé.
– Etre sujet à l’émotion est-ce être émotif ? Chacun a son propre registre. Le champ est immense. Pour lui, l’émotion est un moteur. Elle engendre la passion, l’envie. On peut être émotif sans aucune passion.
– Sur le plan de la philo, que pouvons-nous faire sur l’émotion ? La traiter sur le plan de la psychologie, de façon légère ou voir ce que l’on peut faire ensemble ? Que faisons-nous de nos émotions ? Certaines durent et se répètent. Comment fait-on avec des émotions ? Il est nécessaire de répondre à ces questions avant de voir si l’émotion est une force ou une faiblesse.
– Lors de mes études dans chaque chapitre de philo, l’émotion arrivait avant la raison. Aujourd’hui on pourrait faire un nouveau programme de philo avec émotion 1, émotion 2, émotion 3 afin qu’elle soit utilisable par tous.
– L’émotion c’est la part essentiellement humaine voire animale de la personne. C’est fondamental pour le vivant.
– On ne peut pas dire de quelqu’un qu’il est sans émotion, ses émotions sont seulement différentes.
– Dans l’antiquité les sages reconnus étaient les meilleurs d’entre les hommes. Il leur fallait abandonner leurs émotions et c’était des tâches nobles à cette époque. Après, plus près de nous, avec le romantisme, au contraire, les émotions ont pris de l’importance et ont été traitées en grandes aventures. L’image de la sagesse est autre. Le sage va vivre comme décalé de son temps. Comment résorber les émotions ? dit-il. Si l’angoisse nous submerge ou une passion nous absorbe, quelles sont nos limites pour ces émotions ? C’est là que la philo rentre en ligne.
– Le sage qui se met complètement en retrait de tes émotions n’est pas le sauveur. Tout dépend comment on interprète le mot faiblesse ?
– L’émotion cachée, c’est l’émotion qui pousse vers l’action, l’émotion enfouie c’est celle du « fameux » sage.
– Que deviennent les émotions lorsqu’elles ne sont pas exprimées ? Dans les sociétés chamanistes les émotions peuvent avoir un autre sens.
– Une intervenante cite le génocide du Rwanda et interroge l’assistance « Croyez-vous qu’ils ont ressenti des émotions ? »
– En réponse, deux personnes interviennent. Pour l’une « l’individu n’est pas toujours capable de dominer ses émotions » et pour l’autre « Rien ne permet de préjuger que ce tueur était mu par autre chose que l’émotion ».
– Il faut établir ses limites afin de raisonner son émotion si on veut être utile sans se fragiliser
– De quelles émotions s’agit-il quand on a à faire à la dérision, au cynisme et à la froideur ? Quand nous allons au cinéma, avons-nous le droit de pleurer ou de se sentir désespéré et de ne pas être traités de fleur d’artichaut, de coeur bleu, de midinette ? Qu’est ce qui nous donne confiance et qui nous permet de pleurer ? Cela existe heureusement et cela n’empêche pas d’être émus en voyant des gens seuls et isolés. Il y a un temps pour chaque situation.
– Un participant s’interroge en ces termes « où est la frontière entre émotion et sensiblerie ?»
– Je ne pense pas, que nous vivions dans un monde cynique. Un économiste américain, disait qu’on arrivait au bout du système. Des chansons, des films, des situations… jouent sur des émotions et ces phénomènes accentuent la faiblesse politique.
– Un débordement d’émotion vécu intensément, est une force. Quand on est dépassé par une situation, on ne raisonne plus, on réagit et cette émotion-là est réelle. On est et on naît dans l’instant et c’est la vie. Une émotion envoyée ou vécue par un travailleur on la perçoit. L’émotion c’est du vécu et si l’on prend du recul sur le vécu c’est une force.
– Devant une situation de danger, on peut être paniqué ou agir pour se défendre et l’émotion va devenir un moteur.
– Il y a aussi l’émotion que l’on veut faire passer, et cette forme d’émotion doit être contrôlée.
– C’est une autre émotion qui répond aux critères de la communication.
– Un autre prend l’exemple d’un comédien : c’est quelqu’un qui est ouvert aux émotions. Les acteurs sont habités par le personnage et sont eux-mêmes en dehors. L’art du comédien c’est d’être hypersensible.
– Transmettre l’émotion c’est savoir l’intérioriser.
– Nous vivons dans une société de spectacle où tous les êtres humains méritent de l’attention. Tous les êtres humains peuvent nous étonner. L’être humain est émouvant et c’est ce qui prime sur la technique. Il est quelqu’un qui donne des émotions, qu’il le sache ou pas. Il a la parole pour communiquer. Et donner sa parole à quelqu’un c’est quelque chose de fort plus important que la technique.
En conclusion: Il est des émotions que nous tâchons de maîtriser, c’est privilégier la « raison ». Il est des émotions qui nous grandissent, nous rendent meilleurs, c’est privilégier le « ressenti ». Savoir gérer nos émotions est la démarche philosophique de toujours.
fffff
C’est les deux en même temps, c’est pour cela que c’est incontrôlable sur le moment.