De quoi sommes-nous responsables ?

 Thème         « De quoi sommes-nous responsables »
          Essai de restitution du café-philo de l’Haÿ-les-Rose
                                8 novembre 2006

Introduction : La responsabilité et l’irresponsabilité se répondent. On est responsable de ses enfants, mais pas de sa naissance. Et les personnes qui agissent sous l’emprise des pulsions, sont-elles responsables ? Les gens qui ne vont pas voter, sont-ils responsables des résultats des élections ? Il y a toutes sortes de responsabilités qui nous sont imposées par la loi et auxquelles on ne peut pas déroger. Nous avions déjà dans un café-philo à Chevilly, évoqué la question de la responsabilité, et nous avions défini différentes responsabilités à savoir : parentale, éducative, civile, civique ou sociale, morale, collective, solidaire, administrative (pénale, juridique), politique. Soit :
1) une responsabilité collective, solidaire : tous les membres d’un groupe constitué sont responsables solidairement de l’acte de n’importe lequel d’entre les membres du groupe. La prise de conscience de la responsabilité collective avec retard sur les faits s’appelle la repentance.
2) Une responsabilité civique et sociale : le vol est un acte de la responsabilité civile. La défense des progrès sociaux est un acte de responsabilité civile et civique.
3) Responsabilité morale : nous sommes responsables du legs social aux générations que nous ne connaîtrons jamais. Nous sommes responsable de cette terre, de l’environnement que nous laisserons. L’indifférence, la non prise de position ne dégage nullement de la responsabilité.

  Débat :     – Nous pouvons être « responsable mais pas coupable ». Dans le cas des jeunes qui ne savent pas où aller et où prendre leur place dans la société, jusqu’où sommes-nous responsables de leur situation ?
      –  Nous sommes responsables des actes que nous posons avec adhésion dans la limite de notre liberté et de nos engagements.
     – Nous sommes responsables aussi en relation avec l’autre.
     –  Etre responsable c’est l’être de ses faits et gestes ou de ses paroles, de ses actes, avec le pouvoir de le justifier et d’en rendre compte.
    –  Nous citons le cas de parents qui ont assassiné leur fille qui se comportait différemment de leurs critères et qui ne se sentent pas responsables. Il y a besoin d’une prise de conscience de la responsabilité de ses actes.
    – Nous avons la responsabilité de nos décisions.
    – Une femme de 19 ans a tué son bébé de 14 mois en situation de détresse. Quelle est la part de responsabilité individuelle et collective dans ces affaires ?
    –  A propos de ce genre de crimes, il existe la responsabilité pénale. Il faut déterminer si l’on est responsable ou pas, au moment où l’on commet l’acte, si l’on est en possession de tous ses moyens. Il faut savoir si la personne est dans un état psychique normal ou pas. La psychiatrie reconnaît comme irresponsable de l’acte accompli dans certains cas. Il faut préciser également si l’acte est prémédité ou s’il s’agit d’un moment de folie.
    – Une intervenant pense que nous n’avons de compte à rendre à personne sur les questions de conscience, mais nous avons des responsabilités devant les autres. Il faut poser des actes compatibles avec la vie sociale.
    – Le niveau de conscience de la prise de responsabilité est différent pour chacun. Chacun n’a pas la même responsabilité individuelle ou sociale.
    – Nous citons le cas des 3000 stérilisations de femmes atteintes de handicaps lourds au Danemark. Faut-il respecter la liberté individuelle de ces femmes en se disant que deux personnes handicapées peuvent donner naissance à un enfant normal ou doit-on intervenir  compte tenu des risques et des difficultés que peuvent avoir les parents à assumer un enfant ? Quelle est la part de responsabilité d’une personne au handicap mental lourd ? La notion de responsabilité inclut la notion de liberté. Un acte de décision sur des personnes de ce type peut s’étendre à d’autres catégories sociales. On ne doit pas décider de façon définitive pour les autres  (donner la stérilité, la mort, l’aliénation, la privation de liberté…) ; cela va contre la responsabilité de l’individu.
    – Il faut veiller à ne pas exclure la responsabilité sous prétexte de religion ou d’idéologies et par exemple imposer un comportement unique.
    –  Quelle est la responsabilité des personnes dans le cas d’un viol collectif ? Et en général dans toute exaction collective ?
    –  La responsabilité peut être conditionnée par des critères culturels ; la responsabilité en France est différente des responsabilités reconnues dans d’autres pays. De plus, il existe des responsabilités qui dépendent des lieux où l’on vit. Cela pose la question du rôle des coutumes et des traditions.
    –  De plus, la responsabilité joue à des degrés divers dans les différentes sociétés.
    -En France il existait le Pater familias avec la responsabilité qui pouvait aller jusqu’à la sanction grave contre les enfants. Or nul n’appartient à qui que ce soit et personne n’a le droit de vie ou de mort sur un autre individu.
    – En France, la responsabilité n’est pas un fait mais une valeur. Elle donne la liberté à chacun d’agir en son âme et conscience. Mais des actes spontanés peuvent aboutir à se mettre en situation d’irresponsabilité. On ne peut pas dégager de toute responsabilité morale celui qui jouit de sa liberté ou celui qui agit par inconscience, ou par mépris.
    –  La responsabilité est liée au droit et elle est objective ou elle est subjective si c’est une question personnelle.
    –  Il doit y avoir une éthique de la responsabilité : Il existe une éthique de conviction où l’on ne demande à personne et une éthique de responsabilité qui se situe par rapport à l’autre et à la société. Elle consiste à répondre aux conséquences prévisibles de nos actes.  Nous signalons la responsabilité collective de ceux qui entraînent les autres dans leurs actes, quand ils sont répréhensibles au regard de la loi.
    – Nos actes, nous ne sommes responsables, mais considérons aussi l’importance des enjeux de l’éducation : que prévoir pour que les uns et les autres puissent accéder à la responsabilité ? La responsabilité fait partie de l’éducation des enfants  
    – Dans l’éthique future d’Edgar Morin, il est question des « cécités de la connaissance » (aveuglement, illusion) et de la connaissance pertinente, nécessaire à la condition humaine, à son identité terrienne, à sa situation de devoir affronter les incertitudes. Il lui faut  enseigner la compréhension, et déterminer l’éthique du genre humain à partir de la conscience de l’humain, un individu faisant partie à la fois d’une société et d’une espèce, l’espèce humaine

 Poème de Florence                           Pas vu, pas entendu, pas dit
                                                      Irresponsable ! Ouvre les yeux macaque !
                                                          Tu bats comme l’aile d’un papillon
                                                         Niché en banlieue dans ton pavillon
                                                           Télé-consommation paradisiaque
                                                         Orgie de barbaque, loin du cloaqu
                        
                                                      Rien entendu, je pique un roupillon
                                                          Misère ? Délire paranoïaque !
                                                    Pollution ? J’ai pas vu l’échantillon !
                                                                    Irresponsable 

                                            J’ai froid et je me sens un peu patraque,
                                           Hors de question d’enlever mon bâillon !
                                              Le révolté ? Il est un peu maniaque !
                                             Les pauvres je les laisse au goupillon

                                           J’ai un aphrodisiaque, bien opaque,
                                                       Irresponsable !
                                            Pas vu, pas entendu, pas dit

    –  Nous rappelons la célèbre phrase de St Exupéry dans Le Petit Prince « On est responsable pour toujours de ce que l’on a apprivoisé »… et donc on choisit nos responsabilité sen choisissant ce que nous voulons apprivoiser.  On est responsable de ses relations ; une relation étant une rencontre entre deux altérités où l’on est obligé de tenir compte de l’autre, de celui que l’on a engagé avec soi dans la relation.
    –  Au premier chef nous sommes responsables de nous, la responsabilité est suivant Jean-Paul Sartre une « simple revendication logique des conséquences de notre liberté. L’homme est responsable de ce qu’il est… ». Si le principe de liberté entraîne ispo facto celui de la responsabilité on peut comprendre que certains individus fragiles ayant peur d’affronter les difficultés de la vie, se réfugient dans des structures où les décisions sont prises à leur place et où il suffit de suivre une règle établie pour ne plus avoir à faire de choix et se délester de ses responsabilités (exp. Les sectes notamment).
    –  La responsabilité et la liberté sont deux choses liées, mais on est assujetti par des tas de conceptions sociales, économiques, religieuses, culturelles, … tel le manque de liberté dont nous sommes l’objet ne nous permet pas d’être toujours libres et dans la responsabilité. Notre part de liberté est souvent réduite par les exigences des milieux où nous vivons ? 
    – Le rapport liberté et responsabilité est primordial. Nous réclamons toujours plus de liberté sans assumer les responsabilités afférentes à cette liberté. Souvent nous voyons même la responsabilité rejetée par des organismes (la société, l’Etat). On assiste à un processus de déresponsabilisation général.
    – Ce mouvement de déresponsabilisation actuellement prendre plusieurs formes :
1° La législation enferme la responsabilité : un individu devient de moins ne moins responsable car la société décide pour lui, à sa place. Nos législations ne nous renvoient pas vraiment à nos responsabilités.
2° On assiste souvent à la fuite devant les responsabilités comme parfois chez les parents avec leurs enfants. Il est courant que les parents ou les individus n’assument pas ce qu’ils devraient assumer y compris socialement. 
    –  Une intervenante pose la question de la responsabilité vis-à-vis des générations futures. Nous proposons aux jeunes des situations où il est difficile de prendre ses responsabilités. Personne n’assume suffisamment aujourd’hui notamment au regard des générations futures.
    – Il faut avoir le sens de ses propres responsabilités. La responsabilités sociale ou sociétale, (politique, culturelle, associative) existe et nous concerne tous. Mais être responsable cela va plus loin qu’une responsabilité sociale. Et on peut être responsable d’actes sans en être conscient. Il nous faut rester vigilant pour ce qui concerne nos actes : exp nous assistons parfois à une réaction imprévue de l’autre en réponse à une de nos attitudes ou de nos paroles. Nous n’avons à nous sentir coupables mais nous avons à être conscients de la responsabilité que l’on porte dans cette difficulté du dialogue.
     – Un individu n’est pas seulement le résultat de son histoire ; il la construit aussi. Un individu doit sortir de son histoire passée pour construire son histoire au présent. On ne peut pas toujours accuser le poids de la détermination du passé sur ses actes. A un moment nous posons nos propres actes dot nous sommes comptables.
    – On est responsable de tout ce que l’on met en circulation.
    – La responsabilité de nos actes inclut la responsabilité de nos idées et de leur diffusion. Cela pose la question de la responsabilité de l’intellectuel ? Que penser du fait de propager des idées qui véhiculent la violence, la haine, la discrimination, (voir : l’antisémitisme, les affiches avec des armes, les matraquages discriminatoires de groupe sociaux…). Des périodes de l’Histoire nous ont prouvé à quel point des idées pernicieuses pouvaient aboutir à des conduites abjectes.
    – Pour ce qui concerne notre responsabilité par rapport à l’enfant, nous ne devons pas traiter un enfant comme un irresponsable une chair molle et malléable. Nous avons un héritage à transmettre à nos enfants ; notons l’héritage de la planète.
    – – Avant d’agir il faudrait se demander si ce que l’on fait est justifié ?
    – Nous posons le cas des personnes coupables d’assassinats et que l’on excuse parce qu’ils ne seraient pas responsables. Est-ce acceptable ?
    – On assiste aussi au contraire au cas d’enfants qui très petits savent prendre en charge la souffrance de leur parents. Ils  réparent leur histoire. Il y a des enfants qui se sentent responsables très tôt de leur situation, de celle de leur famille et peut-être plus tard de la collectivité.
    – L’homme est responsable de ce qu’il fait, de ce qu’il est. La responsabilité est fonction de la liberté mais la liberté a un coût. Il faut se battre pour affronter ses responsabilités et cette lutte peut faire peur à certains.
    –  Il existe aussi une responsabilité de l’acte par omission – (Ponce Pilate par exemple). On pourrait s’engager mais on ne le fait pas car la responsabilité inclut la notion de solidarité qui n’est pas encore clairement d’actualité.
    – Dans les décisions collectives certaines nous entraînent dans le futur. D’autres nous poussent à l’irresponsabilité et donc à la désobéissance (il est nécessaire de désobéir aux lois iniques). On assiste à des réactions de rejet face à des responsabilités déterminées par d’autres personnes et imposées. C’est la différence entre la loi grecque et la loi de nos jours. Aujourd’hui on a affaire à la disparition de la représentation du peuple soit par ses représentants soit directement. Les lois viennent d’en haut et sont dictées à la population sans être à leur service.
Le mal dont nous souffrons le plus aujourd’hui est l’ignorance, notamment celle des décisions prises en notre nom.
Notre responsabilité dépend de notre façon d’accorder notre confiance à ceux que nous connaissons.
Malgré toutes les possibilités techniques développées ces dernières années, on est plus que jamais aujourd’hui dans l’incertain et dans l’imprévisible où l’humain est négligé. Il conviendrait peut-être de se limiter dans nos productions. Est-ce que nos sociétés peuvent apprendre à s’autolimiter sans interdire ? Comment être des jardiniers de la planète ? Quelles sont les choses que l’on doit faire aujourd’hui dans ce sens ? Et les choses que l’on ne doit pas faire ? Nous n’arrêterons pas les chercheurs mais toutes les inventions doivent-elles être réalisées et développées ?
Doit-on continuer dans la quantité et l’accumulation ou viser la qualité et l’essentiel ?
Notre responsabilité est immédiate mais aussi future.
Pour ce qui concerne la philosophie grecque : un grec nous dit : « il faut choisir : se reposer ou être libre ».
C’est aussi ce que nous dit la fable du « chien et du loup » de Jean de la Fontaine.
Etre libre c’est travailler; la liberté est une activité de chaque instant.
    – Chacun de nos actes a une répercussion sur le monde et on ne peut pas être absent du monde. Cela implique la SOLIDARITE.
Deux phrases nous questionnent :
1° En 2006, la planète s’est globalement enrichie
2° En 2006, la faim dans le monde a progressé.  Comment prendre conscience et réagir à ces mots, ces maux ?

 Conclusion : «  Il est irresponsable de penser que l’on n’est pas responsable mais il est irresponsable de penser que l’on est responsable »…

 

 

 

 

 

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