Ciné-philo autour du film: The lunch-box

         Ciné philo à Chevilly-Larue
en partenariat avec le théâtre André Malraux.

 Restitution du débat du café-philo du 26 mai 2015.

Image promotionnelle du film: The lunch-box

Image promotionnelle du film: The lunch-box

Projection du film de Ritesh Batra:
« The lunch-box »

Avec : Irrfan Khan, dans le rôle de Saajan Fernandes, Kaur,
dans le rôle d’ Ila,
 Nawazuddin Siddiqui, dans le rôle Shaikh. .
(Primé au festival de Cannes 2013)
Animateurs : Caroline Parc. Guy Pannetier. Danielle Vautrin

Thème du débat :
« Un événement peut-il nous libérer de la solitude et/ ou en changer le cours ? »

 Débat

Débat :  ⇒A partir de tout l’exotisme de la ville de Bombay, ce film classé comme comédie romantique, est une étude sociale.  Il nous parle, avec délices, de la gastronomie indienne et  aussi de la difficulté et de la complexité de la communication, et il nous parle de solitude..
Les deux personnage principaux, Fernandes et Ila, sont manifestement deux personnes qui chacune à sa manière vivent dans un univers de solitude. La jeune femme, de par l’indifférence d’un mari, et Fernandes lui, de par son caractère assez solitaire et peu communicatif, de plus il est veuf depuis peu.
Le scénario écrit par Ritesh Batra, (également metteur en scène) nous montre d’une façon paradoxale, la solitude dans un univers de vie grouillante, comme dans cette ville de Bombay où se passe l’action. Nous savons tous qu’on peut croiser des milliers de gens chaque jour et se sentir très seul.
C’est à partir de cette astucieuse histoire de lunch-box, et de l’erreur “exeptionnelle” de destinataire que va se dérouler une communication entre des êtres qui n’auraient jamais dû se connaitre, qui n’auraient jamais dû avoir de contact.
C’est là quelque chose que nous abordons souvent en philosophie, un petit événement, tel le vol d’un papillon, un événement fortuit qui enclenche un processus imprévisible.
Les matérialistes de l’école d’Epicure nous parleraient de l’atome qui tout à coup dévie et entraîne une situation imprévisible, une réaction, cela nous rappelle que l’improbable fait partie de l’existence. Cet improbable, que peut-être on espère, ou cet improbable que peut-être,  on redoute. Et déjà lorsque cette relation virtuelle commence, on se pose la question:   qu’adviendra t-il de cette situation? Est-ce que comme on l’entend par deux fois dans le film: «Un mauvais train peut vous conduire dans la bonne gare? », ou,  sous-entendu: est-ce que cet incident, pour reprendre la question du débat, va libérer les deux principaux personnages de la solitide, et/ ou changer le cours de leur vie? “
Le film évoque également le besoin de quelque chose, d’une rupture du quotidien, ou, à la rigueur de l’espoir de quelque chose qui changerait de la monotonie de la vie, qui ouvrirait une fenêtre sur la vie. Dans le film, cet ailleurs où tout serait différent, pour les deux personnages, (sans qu’ils se soient concertés), cet ailleurs pour une nouvelle vie, c’est le Bhoutan, le pays qui ne cultivre pas la religion du Produit National Brut, mais du BIB, le BNB,  (Le Bonheur National Brut)

⇒ J’ai trouvé cette situation cette situation, pour les personnages, oppressante, et ceci à fortiori dans une société d’anonymes, société mécanique,  et de la routine.

⇒ J’ai vu dans ce film plus une étude de caracttère, de personnalité, qu’une étude sociale.

⇒ La solitude de ces personnages elle est fondamentale. Elle n’est pas solitude sociale, c’est clair, mais c’est une solitude intime, personnelle et affective énorme. Ils souffrent d’une solitude mise de plus en valeur dans une ville qui grouille de monde; ils ne sont pas isolés, mais ils sont seuls, c’est la grosse différence.
Ils vivent une vie (surtout pour Ila) complètement différente de leurs aspirations. Il n’y a pas d’amour, pas de désir, et ce qu’ils vont rechercher dans cette relation, c’est quelque chose qui est comme le désir de vie, désir d’affection, et d’amour aussi, tout ce qui leur manque totalement.
Par ailleurs les vues de la ville de Bombay sont très intéressantes; on voit comment ils vivent, comment ils se déplacent, comment ils mangent…
Donc le fait de sortir d’une solitude intime, profonde et existentielle pour trouver une amitié (commençons par là) puis le fait de montrer cette ville peu humaine, c’est tout en contraste, en paradoxe, et j’aime cette vision contrastée.

⇒ Si je ne l’ai pas trouvé oppressant, c’est justement parce qu’il y a la démonstration que la solitude n’est pas l’isolement. Ils sont effectivement entourés, il y a des contacts et pourtant ils sont comme cela a déjà été dit, fondamentalement seuls.
Finalement ce film n’est pas une comédie, j’y vois plutôt une tragédie.

⇒ Dans le rythme on voit quelque chose que connaissent bien des citadins c’est “boulot, métro, dodo”, et cette brelation ndes deux personnages crée une rupture, ouvre un espace de liberté, ouvre des possibles qui nous font participer à l’histoire.

⇒ Nous voyons là, ce qu’on nomme parfois des déserts affectifs, c’est le cas d’Ila qui se met tout à coup à penser que son mari à apprécié le repas qu’elle lui a préparé, qu’il allait lui dire un petit mot gentil; “L’espace de quelques heures” dit-elle, “ j’ai cru que le chemin pour toucher le coeur d’un homme passait par son estomac”.
Puis le rythme des lettres s’établi. A chaque mot échangé les propos se libèrent, elle avoue sa solitude, sa tristesse lorsqu’elle écrit:” Mon mari est rentré tard hier soir, il ne m’a pas dit un mot, ce matin il est parti au travail, ma fille est allé à l’école..,” elle “écrit son ennui”, “ pourquoi vivons-nous? “  dit-elle, et de plus une nouvelle entendue à la radio, la hante, c’est celle  d’une femme qui jetée du haut d’une tour avec sa petite fille…Serait-ce son issue?
Mais Fernandes lui enlevera cette idée de la tête…
Puis dans la poursuite de leurs échanges, les lettres sont plus longues,  ils vont dire des choses banales, les choses d’une conversation avec quelqu’un avec qui on se sent bien; “hier” écrit-elle “ j’ai retrouvé un chahier de recettes de ma grand-mère”, Fernandes, lui parle des films que sa femme aimait, films qu’il revoit, et qui l’amène à revoir sa femme riant devant ces films, il lui parle des chansons qu’il aime, elle écoute ces mêmes chanson, elle a enfin quelque chose qu’elle partage avec quelqu’un; et c’est là justement ce qui marque le plus sa solitude, c’est ne rien avoir à partager avec un autre, une autre.      Finalement cet incident, cette erreur, “ l’erreur qui n’arrive jamais, “  a mis un peu de piment dans leur vie. L’arrivée, comme le retour de la lunch-box deviennent un moment important dans leur journée; la lunch-box est presque le “personnage “ principal du film.
Et enfin, j’ajouterai, le rythme du film, et son rituel autour de cette lunch-box font partie de cette peinture intimiste.

⇒ Le système de livraison  des lunch-box (dabba en hindi)   c’est 200.000 livraisons par jour, en vélo, en rikshaw, en moto, par le train. Et comme ceux qui font les livraisons, les dabbawalas) en majorité ne savent pas lire, un système de couleurs vient garantir la bonne circulation. Ce système observé par l’université d’Harwaed, nous dit-on dans le film ne comporte qu’une erreur sur 100 millions de livraisons. Donc cette le film c’est «l’erreur exceptionnelle »

⇒ Par cette relation (épistolaire), les deux personnages vont se découvrir, non seulement l’un l’autre, mais vont se découvrir aussi eux-mêmes. Cet homme d’âge mûr va s’humanise au contact de ce casse-pieds de jeune homme. On montre cette évolution avec les enfants, ça l’a presque rajeuni.
Quant à Ila, ça lui a permis de réfléchir sur le train-train de ménagère.
Chacun d’eux rêvent qu’une autre vie est possible. Quand à l’issue, la fin du film nous laisse un peu sur notre faim, on peut imaginer plein de chose ; est-ce que le Bhoutan c’est enfin le bon choix ?

⇒ Ce film sort du schéma courant du film indien, c’est l’exception dans la production actuelle, ce n’est pas du  Bollywood, cela semble plus fait pour un public occidental.
L’usage de l’anglais est aussi le fait qu’il y a diverses langues locales, en plus de l’hindi donc, l’anglais est la langue la plus commune.

⇒ Je ne trouve pas ce film pessimiste, puisque les deux personnages découvrent finalement des possibles.
Concernant Ila, celle-ci en dehors de l’indifférence voir l’échec du mariage de sa mère, elle ne veut pas vivre la même vie. Quant à Fernandes qui s’humanise en rendant service au jeune homme Shaikh; il se rend service à lui-même. Au final chaque personnage retire quelque chose de cette situation.

⇒ Au fur et à mesure que se déroule l’histoire, les personnages sont appelés à décider la suite, laquelle ne dépend que d’eux.

⇒ Les trois personnages m’ont inspiré un texte
Ila splendide fleur en pleine floraison, va-t-elle se faner et n’être plus aimée? Délaissée, humiliée par un mâle abjecte, par ce faux bourdon.
Fernandés, cet autre hérisson masquant ses sentiments sous un aspect sec et brutal, afin de ne pas être pris pour un vil soupirant, se prive par pudeur d’accéder à la beauté du Taj Mahal.
Shaikh, oiseau blessé, il court, il s’essouffle,  à chercher une famille. Il vit dans le mensonge et dans l’évanescent pour réussir pour oublier enfin le vide sa coquille ?

⇒ Une grande partie fait appelle aux sens, déjà à l’odorat, les odeurs, les nouvelles odeurs, qui ouvrent de nouveaux possibles.

⇒ Bien sûr une relation virtuelle ne peut être infinie, et dans un mot elle dit: «  C’est bizarre de continuer cette correspondance, ne trouvez-vous pas? On peut tout écrire dans une lettre, mais sur cette lettre j’ai raturé des lignes, et ce que j’ai rayé je dois vous le dire en face. Je pense qu’il serait temps de se rencontrer… »
Ce brusque changement de rythme, changement de palier, pertube Fernandes qui n’avait pas trop pensé jusqu’ici à la suite de ces échanges. Nous voyons là que chez deux individus ayant une bonne ententente intellectuelle, même s’il se crée presque un climat d’intimité, il reste des barrières parfois infranchissables pour que la relation évolue autrement
En l’occurrence c’est l’âge, ou la différence d’âge. J’ai tout à coup réalisé dit Fernandes que j’étais un vieux monsieur. De plus le jeune homme qui lui propose sa place dans le train lui fait prendre alors conscience de son âge. Il le dira dan son courrier où il s’excuse de ne “pas être allé” au rendez-vous qu’ils s’étaient fixé. “La vie nous secoue” dit-il” elle nous berce, on se laisse emporte …Personne n’achète un billet de loterie périmé Ila. Je suis venu au restaurant, (au rendez-vous) je n’ai fait que vous regarder, vous êtes belle, vous êtes jeune, vous avez des rêves plein la tête, et vous m’avez permis de rêver avec vous. Je ne vous remercierai jamais assez »
Le rêve ne peut plus être partagé, le rêve ne peut pas se transformer en réalité, mais Ila, elle, n’a pas d’issue. Elle vient de perdre son père, sa mère est devenue folle, son mari la trompe,elle est seule avec une enfant dans une société assez fermée pour les femmes.. Le rêve du Bhoutan la hante toujours. Alors elle écrit une dernière lettre où elle annonce qu’elle a préparé ses valises et qu’elle part avec sa fille au Bhoutan, reprenant la phrase déjà citée par le jeune coilègue de Fernandes: “Quelquefois un mauvais train peut vous emmener à la bonne gare. L’avenir nous le dira!

 ⇒ Cette situation no⇒us fait penser aux relations sur les réseaux sociaux, relations en ligne, extraordinaires, mais qui au final, s’avèrent impossibles lors de la rencontre.

⇒ Cette rencontre improbable nous la rencontrons dans divers films, comme dans le film “Sur la route de Madison” ou deux être vivent un moment très fort sans suite…

⇒ Sur ce même thème nous avons aussi ce très bon film de Visconti, “Une journée particulière”

⇒  C’est un sujet qui a quelque chose de sartrien, d’existentiel, car là aussi, ils savent qu’ils seront les choix qu’ils auront fait, des choix qui dans ce cas peuvent engager toute une vie. Mais arrive le temps où le personnage, Fernandes, ne peut plus s’engager, la différence d’âge en ferait un marché de dupes, c’est le billet de loterie périmé.

⇒ Le personnage de Shaikh m’émeut. Il s’invente une famille pour pouvoir rentrer dans le moule. Il le montre lorsqu’il parle de sa maère, (alors qu’il est orphelin) , quand je parle de ma mère, ça fait plus sérieux dit-il. Puis lorsqu’il demande à Fernandes d’être son témoin de mariage, c’est encore dans ce même sens, ne pas être seul sans famille.

⇒Le poème de Florence:                      The Lunch-box

 » Un événement peut-il vous libérer de la solitude ou changer le cours de votre Vie ? »

Rondeau

Il est tombé du ciel un beau matin
Moi qui n’attendait rien, ce clandestin
Je l’ai reçu comme une obole
J’ai décrypté la parabole
Qui se cachait au fil des mots du baratin

J’y ai vu la promesse d’un festin
Le dessin mutin d’un autre destin
Au milieu d’une cabriole
Il est tombé du ciel

Si dans ce train je n’ai qu’un strapontin
Je le prends quand même car c’est enfantin
Je ne tiens plus sur mes guiboles
Le reste n’est que fariboles
C’est mon réveille-matin, son rire est argentin
Il est tombé du ciel

⇒ L’élément fortuit est la base de scénario, de très bons romans aussi, c’est base de drames, c’est aussi une base de tragédies.

⇒ Les trois temps: passé, présent, futur, sont dans le film. La passé de Fernandes, le présent avec le vécu de trois personnage, et ce futur qui est à choisir.

 ⇒ Parallèlement à l’histoire autour de ces échanges de lettre, nous avons cette rencontre entre l’homme d’âge mûr, et le jeune homme, Shaikh. L’arrivée de ce garçon dans son univers, ce garçon vif, spontané, franc dans ses rapports, soit tout le contraire de Fernandes, cela va également contribuer à le faire évoluer dans ses relations avec les autres. Cela est imagé par l’incident anodin des enfants avec leur balle. Au début il confisque la balle, et à la fin il leur rend la balle. Les deux personnage, Ila comme Shaikh ont joué un rôle important dans son évolution. Fernandes ne sera plus jamais comme avant.

 

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