Efficacté économique et violence sociale

Thème : Efficacité économique et violence sociale
coopération du centre culturel de Chevilly-Larue,
de l’association des « Amis du Monde Diplomatique »
et du Café-philo de Chevilly-Larue

Essai de restitution du débat du mercredi 26 mai 2004
au centre culturel « André Malraux » (Chevilly-Larue)
suite à la projection du film de Jean-Marc Moutout
« Violence des échanges en milieu tempéré »

Introduction au débat : Jean-Daniel Dupasquier                               Participants au débat : 55
Animateurs café philo : André Deluchat, Guy Philippon          
Animateur pour les Amis du Monde diplomatique : Guy Pannetier.

Résumé du film : Une entreprise, secteur métallurgie fait appel à un cabinet d’audit. L’entreprise n’est pas en difficulté, mais le cabinet met en place une fusion / rachat par un groupe étranger. D’où, avant toute annonce au personnel, une évaluation des techniques, de la productivité, des compétences des individus, ceci afin de procéder in fine, à une restructuration, en un mot, aux licenciements. Le film présente d’abord la démarche d’un jeune audit en première mission, lequel gère le combat entre sa conscience et son ambition, entre la raison humaine et la raison économique. Mais plus grave, nous voyons la déstabilisation, parfois jusqu’à la souffrance des employés, ouvriers, et cadres.

Introduction : De tous temps, le cinéma a joué ce rôle de vitrine de notre vie sociale. Ce fut à l’époque   « du Muet », la dénonciation du Taylorisme avec «  Les Temps modernes » de Charly Chaplin puis plus récemment les films  à succès de Ken Loach, et de Michaël Moore, du film « The Big One », ou « Bowling for Colombine », et la Palme d’or 2004 à Cannes pour  « Fahrenheit 9/11 ». Le film n’est pas outrancier, ni en deçà, ni en delà de la réalité.

Débat:    –  Le premier intervenant, nous confirme que les chefs d’entreprise qui ont vu le film, le trouvent même en dessous de ce qui souvent se pratique.
– Le micro circule) –Sans publicité, sans le moindre écho dans les médias, en toute impunité, l’administration de la Poste utilise des méthodes parfois pires ; c’est l’asservissement, l’humiliation, le harcèlement, l’autorité de la peur. Ceci tant envers les 50% de CDD que les 50% de CDI….
– Les entreprises sont prises dans l’engrenage de la prétendue « Rationalité Economique  », définie par , l’OMC, Le FMI, ou, AGCS, ce sont les raisons de la déraison…L’intervenant enchaîne avec les exemples des Femmes africaines qui maintiennent des rapports, des liens sociaux très forts dans leur société…, en dépit des difficultés économiques.
– Je vois bien peu «  d’îlots de résistance à l’Individualisme », qui en détruit l’idée même. Poursuivant : S’il doit y avoir des perdants, comment vais-je faire pour ne pas être dans ces perdants ?
– J’ai vécu très exactement la situation montrée dans le film, j’en garde la blessure ; des vies humaines traitées sans état d’âme, sans dialogue, sans concertation…
– Guy Louis : Un des deux audits dit «  les problèmes humains doivent s’effacer devant l’impératif qu’est l’Efficacité » et récemment nous entendions «  Ce qui est raisonnable et humain, c’est ce qui est, économiquement efficace ». (E. Antoine Seillière). L’efficacité économique : est une des expressions clé de la sémantique néolibérale, et va avec : la logique économique, les lois du marché, la libre concurrence… …Le film nous montre la violence des méthodes qui vont déstabiliser les employés. Ils sont mesurés aux « critères d’excellence », «aux bilans de compétence  », « Nous ne voulons que des formules 1 », dit un audit. C’est la sélection par l’élimination des plus faibles, le « Darwinisme social », dixit (Café philo l’Hay les Roses). Jaugés, évalues, ils se demandent s’ils sont encore au niveau, ou s’il vont être rejetés, rejoindre les bataillons de chômeurs ; c’est l’humiliation ; le doute s’empare d’eux. Ils vont, ou accepter tous les compromis, ou se révolter, ou se désolidariser  des autres, pour «  sauver leur peau », puis se mésestimer. Toute la question du débat est là : L’efficacité économique justifie t-elle ces souffrances, cette violence sociale ?
– Au Japon, nous dit un autre, dans ce pays d’exigence hautement efficace, le besoin maximum d’efficacité, de l’enseignement primaire jusqu’à l’entreprise, crée le maximum de suicides enregistrés.
– Comment ne pas faire un constat très fataliste, nous sommes comme enfermés dans un excès du Capitalisme, dans une idéologie qu’on nous dit, indépassable. Deux possibilités s’offrent : ou, la « Lutte des classes », qui ne laisse somme toute que des miettes,  ou, étant dans une société sans perspective, comme dépassée, nous sommes à la merci, d’autres civilisations…., comme l’Islamisme, avec tous les risques afférents….
– La lutte des classes est d’ores et déjà perdue, ou gagnée, ( suivant le point de vue) mais ce n’est pas pour autant que l’on doit croire, admettre que nous sommes arrivés à la fin de son histoire. Nous semblons, en panne de projet, c’est vrai, mais c’est le rôle noble de la politique, d’inventer l’avenir, notre devenir social…
– L’entreprise a, devrait avoir un rôle autant économique que social, mais les contacts, les liens ont été rompus au profit d’une gestion souvent brutale, à tous les niveaux il y a pressions et humiliations. Socialement, «  Nous sommes en état de guerre, en état de guerre économique ». (Hannah Arendt).
– Et l’efficacité sociale ! Comment trouver la cohérence ? L’augmentation du chômage de masse ne peut être un objectif. Nous sommes dans ce monde, de plus en plus nombreux, avec de plus en plus de diplômes, que ferons-nous de toutes ces forces ?
– Nous sommes en déshérence dans nos entreprises, nulle part nous avons gardé la moindre part d’appropriation des lieux de travail, alors que nous restons les forces de production…
– Mon père était audit, pris lui aussi, dans cette dure, cruelle, société de compétition, j’ai pu voir à quel point cette violence instrumentalisée, pouvait se retourner contre les exécutants…
– La société d’audit est un modèle de guerre économique, des vrais combattants, soldat du modèle dominant, « Pas de peine, pas de gain », disent-ils, ou, « Le jour tu travailles, le soir tu assures ta carrière ».
– Nous voyons chaque jour des entreprises qui « licencient leurs clients ». Poussant cette logique «  économique » jusqu’au bout, que devient l’économie ?
– Face à cette violence, à cet aspect agressif, les comportements changent jusqu’au paradoxe, tel, se jeter à fond dans son travail, pour ne plus penser, pour ne pas voir le côté absurde de sa vie, surtout ne pas se poser de question ; suis-je apte à autre chose ? La violence, la pression, nous asservissent!
– Mais celui qui doit licencier peut toujours refuser.., celui qui ne supporte pas peut démissionner.
– Oui ! Le personnage du film dit, «je ne veux pas être un coupeur de têtes », mais il a fait de longues études, passé par une sélection rigoureuse, il est formaté, ce dilemme entre sa conscience et sa carrière, va jusqu’à détruire ses relations sentimentales, il restera marqué !
– Une dernière citation : Un homme qui avait connu l’extrême violence dans les camps de concentration, disait : «  Il n’y a pas de moyen plus violent de coercition contre les travailleurs que le chômage et la peur qu’il engendre ». (Henry Krasucki).
André Deluchat conclut : a côté du cinéma de Ken Loach, de Michaël Moore, de par le monde des mouvements de citoyens se créent, se fédèrent, les hommes s’éduquent pour sauvegarder leurs libertés communes, primant sur les libertés individuelles. Nous voyons une prise de conscience collective, des idées humanistes, de solidarité des peuples qui évoluent. Toujours nos relations sociales,  l’avenir, nous appartiendront…….
(Nombreux sont ceux qui voulaient encore intervenir)

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