Thème : « L’enfer, est-ce les autres ? »
Essai de restitution. Débats du café philo de Chevilly-Larue.
20 décembre 2000
Animateur : Olivier Pascault. Guy philippon.
Modérateur : Guy Pannetier
Introduction : par la personne qui a proposé ce thème, l’enfer c’est les autres quand :
– je me heurte à l’autre et que je ne peux obtenir de l’autre ce que je souhaite bien que je, ne puisse exiger de l’autre qu’il soit ce que je voudrais qu’il soit.
– au travers de mon langage je reste incompris de l’autre.
– domination et égoïsme sont utilisés pour manipuler et écraser l’autre.
– je découvre que « l’homme est un loup pour l’homme »
-Et pourtant, cet autre que je considère à certains moments comme un ennemi m’est indispensable. Je me définis, m’affirme et détermine ma conduite face à cet autre, face aux autres. Cet autre, ces autres, mêmes inamicaux sont aussi mes amis. S’ils peuvent être un enfer, ils sont aussi ceux sans qui je ne peux exister.
Débat: L’animateur précise que l’assertion présentée par J.P. Sartre a un lien avec les passages précédents, notamment avec la réplique du personnage Garcin (Huis clos) : »Le bronze est là, je le contemple et je comprend que je suis en enfer. Je n’aurai jamais cru que l’enfer était cela ». Le texte de Léopardi consacré à l’amitié montre que pour lui l’amitié véritable est basée sur l’égalité. Elle paraît plus vraie entre un homme jeune et un homme mûr. L’amitié renvoie à l’altérité et à la causalité. L’enfer est-ce les autres ? Ne faut-il pas rechercher dans l’autre un possible de soi ? On peut aussi infirmer le propos de Sartre.
– Exemple cité : une fille autiste qui vivait l’enfer dans sa famille. Pour elle l’enfer c’était les autres. Or la prise en compte de la situation, sa délivrance vient des autres. On est fait pour vivre en communauté. On ne peut pas se construire sans les autres.
– Je ne suis pas d’accord avec ce texte basé sur l’égalité. Entre expérience et quête d’expérience on ne peut trouver l’égalité. L’égalité entre deux êtres se traduit dans leur regard. Il y a un état d’âme de regarder d’égal à égal.
– N’y a-t-il pas une dérive sur le mot « enfer ». ne dit-on pas « une pêche d’enfer » ? On s’emm…au paradis on prend « son pied » sur terre. Cette idée de l’enfer n’est pas positive.
– « L’enfer pour les chrétiens c’est du feu…, pour les Indous c’est des flammes… » (Victor Hugo). Dieu est-il rôtisseur ?
– L’idée de l’enfer nous vient des religions. Souvent nous voyons l’amour d’un Dieu surpasser l’amour des hommes, c’est par exemple : l’inquisition, l’Irlande du nord, l’Algérie…La religion n’a-t-elle pas créé l’enfer au sens propre, comme au figuré ?
– L’enfer c’est quand je ne suis pas capable d’aimer.
– Avons-nous ou pas, besoin de l’autre ? Est-on capable de vivre seul ?
– L’autre c’est nous ; Mais oit-on subir quelqu’un vous rend la vie infernale ?
– Suis-je un peu de l’enfer des autres ? L’Être humain est d’abord sociable et ne peut se réaliser que dans son rapport avec les autres.
– Autrui nous précède toujours. Si nous existons c’est qu’autrui a existé. Il faut s’intéresser à l’autre. Le désir de reconnaissance ne peut pas générer l’enfer. Il y a quelques chose dans les valeurs qui ne s’achète pas : c’est l’estime. Nous sommes réciproquement, bourreau, et victime. Fatalement les relations sont positives ou négatives.
-On peut être son propre enfer ; quand Caïn a tué son frère, (« L’œil était dans la tombe et regardait Caïn), la vision de « l’oeil » était devenue son enfer.
– Si les Êtres humains se conduisaient comme des loups, on aurait moins de problèmes…
– La pensée de Sartre a évolué…Il joue avec les idées de textes dits « sacrés ». Il ne faut s’attacher à un texte ou à des phrases qui fixent définitivement un auteur. L’homme, sans arbitrage de l’Etat ou de la société est un loup, il a besoin d’harmonisation.
– Le « huis clos » existe dans l’actualité : chercheurs en climatologie en Antarctique, cosmonautes.
– Comment l’autre est-il respecté en tant que tel ? Est-ce la volonté de l’un sur la liberté de l’autre ?
– L’enfer est en soi. La situation d’enfer crée par les autres peut être refusée, et par là nous affirmons notre liberté.
– L’enfer ne se trouve t-il pas aussi dans le sens que l’on adonné à sa vie, (lien avec le précédent café philo). Pourquoi vais-je gâcher ma vie avec quelqu’un d’autre ?
– Les paroles de Sartre montrent que l’autre est positif et négatif. L’enfer dans la pièce de Sartre est traité de façon aimable.
– L’enfer ce fut aussi les massacres de l’est africain où les jeunes sont devenus des massacreurs. Une personne peut se sentir agressée dans son travail, et vivre un enfer. L’enfer n’est-ce pas aussi le milieu carcéral, les cellules sur peuplées, et les quartiers d’isolement.
– Parler au pluriel des « autres » est gênant, c’est le mépris d’autrui ? « Les » ne veut rien dire mais prend une force. Il est essentiel de choisir l’autre. On s’éloigne de l’amitié quand on parle des autres. L’agressivité des autres est subie. Nietzsche : « La faiblesse est perçue par les gens forts comme décadents ».
– Au Japon l’individu n’existe que par le groupe. Pour eux l’enfer c’est de perdre la face et de ne pas exister dans la communauté.
– La pièce de Sartre en 1944 est l’aboutissement de la maturation de différents travaux. Elle comporte des formules et des réactions apparemment contradictoires.
– L’autre aide à se construire. La rencontre n’est pas toujours agressive, elle est aussi une interrogation. L’agressivité souvent existe, mais elle souvent injuste.
– On est toujours l’autre de quelqu’un, l’autre nous donne notre identité, c’est une question de tolérance.
– Il faut faire attention de na pas classer les autres dans un enfer et se méfier de ce type de réaction que certains ont. On a mis Nietzsche dans une catégorie. Il y a un effort à faire pour que ressorte l’aspect humaniste de sa pensée On a craché sur Céline, aussi. J’ai deux images : le camp de Buchenwald où la résistance interne devait choisir ceux qu’elle devait laisser mourir. L’autre est la résistance organisée lors de la détention de Nelson Mandela en Afrique du sud, ce qui a permis de faire reculer l’oppression. Cette tactique était basée sur l’étude de la psychologie des surveillants, visant à les humaniser.
– Les difficultés sont engendrées comme l’homme dit « c’est à moi ». Cela conduit à des guerres, des crimes, des conflits. Il faut respecter la distance entre l’autre et nous. L’autre n’est pas à notre disposition, il doit rester, l’autre.