Thème : « Qu’est-ce que la philosophie ? »
Essai de restitution. Débats du café philo de Chevilly-Larue
10 janvier 2001.
Animateur : Olivier Pascault. Guy Philippon
Modérateur : Micheline Bezaud.
Introduction : Guy Pannetier
Introduction: – Dans tous les média on parle de plus en plus de philosophie. Il y a un intérêt porté à la philo, à ses manifestations : semaine de la philo à Lille avec couverture médiatique, créations multiples de cafés philo, plus toute une littérature de plus en plus axée sur des sujets relevant de la philo, et l’on voit même maintenant des livres de philo dans la vitrine de librairies de quartier. Il y a peut-être dans cette situation, une réaction devant une régression des valeurs, au flou dans les références morales, de défiance à l’égard de la politique, de crainte de voit « l’Etat, entité citoyenne » reculer devant les groupes d’intérêt. Alors que se posent de nouveaux problèmes : effet de serre, détérioration des produits alimentaires à des fins mercantiles, applications biogénétiques inquiétantes, c’est toute une génération placée devant des choix, et qui doit dire quel avenir elle souhaite. En fait se trouvent en cette période nombre de questions pour lesquelles nous n’obtenons pas de réponses satisfaisantes. Tous ces questionnements ramènent à la philo. Lors d’un récent café philo, une participante demandait : La philo n’est-elle pas le dernier recours quand plus rien ne paraît possible ? ».
Débat : – Les questionnements actuels découlent d’écrits sur le fondement du Christianisme. La philosophie est une bataille qui se mène à partir d’idées de base pour une nouvelle vision du monde permettant de se situer pour assurer son avenir.
-Philosopher n’est-ce pas lutter contre la pensée unique ? N’est-ce pas donner au peuple l’occasion de réfléchir.
– Ce n’est pas penser et agir de telle ou telle manière, il y a différentes philosophies.
– Aujourd’hui la philosophie rentre dans les choix que nous devrait faire l’humanité. L’humanité doit avoir une certaine éthique.
– Nous avons plus de 2000 ans de philosophie, différentes écoles, et courants de pensée. Il y a eu des fourbes, des Diogène, des illuminés, des Tartuffes, des misogynes, comme Schopenhauer. Il y a eu peu de femmes en philosophie. Hors ce reproche, ces philosophes nous ont fournit des bases pour nos réflexions, il sont poussé un rocher, et celui est devant nous.
– La philosophie est un principe et une certaine forme de sagesse, c’est la recherche d’une harmonie entre les individus, dans le cadre où ils se situent, avec une complémentarité homme/femme.
– Avons-nous eu le temps de philosopher après la dernière guerre ? Dans notre société il arrive un moment où il y a une certaine fatigue, peut-être manque de réflexion ? Les grands philosophes qu’ont-ils apporté ?
– Lors d’une émission sur la philosophie et les femmes, il a été posé la question : « Qu’est-ce que les grands philosophes ont dit des femmes ? » Et bien, les philosophes discutent sur les hommes parce qu’ils sont tous des hommes. L’éducation, réservée aux hommes à une certaine époque, explique le peu de femmes.
– La philosophie a pour tâche de réconcilier l’homme avec ses pareils, avec lui-même.
– Le philosophe Levinas a mis en évidence l’altérité dans le regard de l’Être humain.
– Cet engouement pour la philosophie, ne vise t-il pas à se faire plaisir et à écouter les autres. C’est trop facile de dire que les média nous inculquent la pensée unique. En quoi nos éternelles réflexions et discussions vont-elles faire avancer quoi que ce soit. Je ne nie pas que certaines personnes aient besoin de réfléchir et se réfugient dans la philosophie.
– L’envie de discuter ensemble peut être pris, à chaque endroit où l’on parle de philosophie, comme un lieu de rébellion.
– L’animateur. De quelle sagesse s’agit-il ? Ce n’est pas celle de jésus Christ mais d’avant les religions. La force de la culture apporte une certaine conscience et une vision sur les problèmes posées. Il n y a pas beaucoup de réponses mais beaucoup de curiosité. Que se passe t-il aujourd’hui ? Par rapport à 1500 ans il n’est plus possible d’avoir un point de vue sut tout. Aujourd’hui il faut donner confiance et croire en d’autres. L’on sait qu’on ne saura jamais tout. Questionner c’est bien, mais quelle est la nature des questions qui sont universelles ? Il faut passer par le dialogue entre la parole et l’écrit. L’écrit est comme un tableau définitif, c’est un choix, on a besoin des écrits de tous ceux qui nous ont précédé.
– Philosopher c’est oser parler, partager, amorcer quelque chose et ça fait du bien.
– Je n’ai jamais fait de philosophie et pourtant je pense que c’est le lieu où l’on recherche la meilleure façon de débattre des problèmes.
– Je cherche la moins mauvaise solution qui me permet de sortir de ma dépression permanente.
– L’utilité du débat philosophique, c’est de vouloir comprendre le monde pour essayer de le changer. L’association Attac qui regroupe 30000 personnes vise à le rendre moins injuste notamment avec le projet de taxe Tobin….
– On a parlé de rébellion, non, c’est une prise de conscience. Ainsi que le disaient les philosophes de l’antiquité, « il faut savoir relativiser »
– Saint Augustin s’inspire de la philosophie tout en la combattant : « Prenez garde que personne ne vous pipe par la philosophie et ses vaines séductions, en suivant la tradition des hommes…, et non du Christ. » (Confessions. Livre 3, § 4)
– Les philosophes sont souvent des idéalistes ; l’idéaliste marche le regard vers le haut, le nez cers le ciel, les matérialistes marchent le regard vers le bas, le nez vers le sol (C’est une fresque de Michel Ange)
– Socrate est mort parce qu’il avait refusé de renier ce qu’il avait défendu. A quoi sert la philosophie ? Est-elle utile ? Que fait-elle pour les hommes ? Quand doit-elle se prononcer ? Nous devons répondre à ces questions. N’est-ce pas le point de rencontre entre la vie et la pensée ?
– Les industries culturelles entraînent trop de conformisme qui leur fait oublier le monde tragique. Nous cherchons à réfléchir autrement.
– Les chercheurs, notamment dans le domaine agricole concernant les OGM souhaitent que les philosophes réfléchissent avec eux sur l’avenir de la terre.
– On ramène la philosophie à des idées politiques ou religieuses, or, ne faut-il pas profiter au maximum de la vie, même si c’est aux dépens des autres ?
– La philosophie nous est utile dans le sens où nous forgeons nos idées dans le débat, puis par nos contacts avec les autres nous devenons des cailloux qui répercutent par ricochets.
– L’animateur : L’individu cherche la sérénité dans la philosophie, car il est face à sa conscience. Si l’homme s’interroge sur ce qu’il pense, s’il fait des guerres, il s’inscrit dans le sens de l’histoire. La philosophie est une manière naturelle de parler entre humains, de donner un sens à notre existence, un lien avec les autres dont on ne peut se passer. La philosophie de Camus c’est la guérilla contre les puissances et un luxe dans nos sociétés.
– Nous avons évoqué l’aspect religion. Il est difficile de concilier philosophie et religion, Pascal nous dit : « Vous pariez sur l’existence de Dieu, il existe, vous gagnez le pactole. Vous refusez de parier, Dieu existe, vous perdez gros ».
– La philosophie est ouverte et la religion limite l’expression.
– La philosophie c’est la religion des laïques, j’entends par là que celui qui n’a pas la foi, celui qui n’a pas de réponses aux questions fondamentales (métaphysiques) que se pose l’individu, c’est à travers la philosophie qu’il va aborder ces questions.
– Philosopher n’est pas un luxe dans notre société. Tout être humain s’interroge sur la vie. …les idées progressent et apportent la lumière à cette vie parfois absurde et injuste.
– Chacun a le pouvoir de se servir de son intelligence et de parvenir à un niveau de réflexion élevé.
– C’est l’éducation qui peut aider à s’élever.
– Un philosophe se remet en cause ne permanence, tel Diderot disant : « Si ces pensées ne plaisent à personne elles ne pourront être que mauvaise, mais je les tiens pour détestables si elles plaisent à tout le monde ». Tout le monde ne peut pas être d’accord, et apprendre c’est une diminution de la dépendance.