Peut-on dire du 20 ème siècle qu’il a été le siècle de l’esclavage librement salarié?

Thème    « Peut-on dire du 20ème siècle qu’il a été le siècle 
                            de l’esclave librement salarié ? »

             Essai de restitution du café philo de Chevilly-Larue.
                                                       20 février 2002

 Modérateur/introduction du thème : Guy Philippon.                       
Animateur : Olivier Pascault                                                                                                                                  

 Introduction : Ce thème fort provient d’une citation de Georges Bernard Shaw, écrivain irlandais, « L’esclavage humain a atteint son point culminant à notre époque sous forme de travail librement salarié ». Il s’en suit  un certain nombre de questions : Qu’est ce que le travail ? Quelle en est sa finalité ? Qu’est ce que le travail librement salarié ? Chacun, dit-il, sait de quoi il s’agit quant à sa liberté dans et hors du travail. Le statut de salarié  qu’en est-il au « siècle des droits de l’homme », siècle où le plus d’individus ont été tués.

 Débat :    – Le premier intervenant parle de « harcèlement perpétuel » et s’interroge sur le sens de la vie avec le stress enduré et la baisse du syndicalisme. Il rapporte l’expression d’un salarié : « moi je ne travaille pas, je surveille ».
    –
Que vient faire le mot « librement » dans cette expression.
    – Ce thème nous rappelle  la fable de La Fontaine « Le chien et le loup » : »…Un chien vient à converser avec un loup…., ne restez pas à mourir de faim dans la forêt.., lorsque ce n’est plus l’heure de la chasse nous sommes attachés », « – attachés ! Dit le loup qui prend ses jambes à son coup et s’en retourne dans la forêt » En somme, dit La Fontaine : « Les Hommes se font les esclaves des Hommes ». Ainsi des individus sont destinés à être esclaves des hommes, c’est leur esprit servile, leur goût de la soumission, qui sont la cause de bien des malheurs des hommes.
    – « La technique est-elle au service de l’Homme ou l’inverse ? N’est-elle pas une disparition de la liberté ? »
    – L
a liberté au travail et hors du travail, c’est la liberté que l’on s’accorde.
    – La liberté du travail, c’est relatif aujourd’hui.  On veut substituer la loi sociale au contrat et cela est  un piège. 
    –« Quel est le salarié libre ? »
    –
La déréglementation réclamée par les tenants de la globalisation consiste à troquer la loi pour le contrat. Comme l’exprime un humoriste, disons « que l’on donne aux poules le même droit qu’aux renards, et ouvrons le poulailler ». On devine le résultat, subordination consentie….
    – Pourtant, nous sommes tous conduits à travailler pour vivre, et nous sommes tous soumis à des pressions. 
    – Les employeurs considèrent que les jeunes possèdent trop de  diplômes ou pas suffisamment.
    – Face à cette attitude, les jeunes présentent, selon les situations, des C.V. différents.
    – Quand on parle du travail, il faut qu’il soit socialement rentable. L’employeur s’est transformé en entrepreneur. Pourtant, c’est bien l’Homme qui crée. Le 1er but du travail, c’est la satisfaction des besoins. Le travail, tel qu’il est, est-il utile à l’Homme ? Les activités désintéressées sont-elles socialement utiles ? Le travail n’est pas uniquement lié à la production. C’est ce que l’on fait  aussi en dehors.  Nous sommes tous responsables de notre liberté de penser et de nous exprimer.
    – Une parole d’un rmiste : « sans travail je ne suis rien ». Le travail  permet de vous réaliser, de consommer, de  vivre. Avons-nous le choix d’être salarié ou pas ? La notion de travail telle que l’indiquait G.B. Shaw est différente aujourd’hui où le travail est un « luxe ». L’Homme est devenu un outil.
    – C’est un discours politique et social que l’on veut faire passer. Citation de G.B. Shaw est dans le droit fil des  penseurs (Aristote et Platon) qui s’exprimaient sur la vie et le travail. Montaigne disait « être libre en société, c’est d’abord et avant tout créer… » Blanqui disait « qui fait la soupe doit la manger ». L’esclavage humain, la libération de l’Homme passera obligatoirement par l’émancipation dans le travail. Martin Heidegger dans ses lettres sur l’humanisme disait, à l’égard du travail «  on ne demande plus à quelqu’un d’être homme ou femme mais ce qu’il est, ce qu’il pèse ». Ce qui est troublant, dans tout cela, c’est que l’on ne cherche pas savoir ce qu’il y a derrière l’individu mais uniquement sa raison sociale. Marx  parlait « d’aliénation  dans la production ».  Le travail à domicile via le télétravail, est une forme de l’aliénation fortement perfectionnée. Tout cela vise à transformer le  droit du travail en droit commercial.  Déjà en 1848, la commission du Luxembourg, avait une véritable volonté de sortir de ce dilemme « travail et esclavage ».

    – Je suis d’accord sur le fait que l’expression de ma liberté passe par la  dénonciation de l’injustice.
    – Au sujet d’Aristote, on ne peut pas le citer en référence quant à l’esclavage. Ce dernier disait ; « les Grecs sont faits pour la liberté, les autres peuples, les barbares, sont faits pour l’esclavage ». Depuis l’Antiquité, il y a eu esclavage puis, pensait-on, la liberté dans le travail apportait l’honneur. Alors est arrivé « le consumérisme » et de nouveau l’Homme est asservi par ses propres besoins.
    – Les Grecs, avaient du temps pour penser et réfléchir et donc ils avaient besoin des esclaves pour accomplir les tâches.  Aujourd’hui, certains patrons ne mettent pas les pieds dans leur entreprise. Cette question qui date de 2000 ans est encore là. Le salarié est subordonné à des consignes et à des ordres. Certains  emploient les termes « mes chers collaborateurs », pour des « Etres serviles ». Ainsi, tout est question de jugement, et cela est personnel.
    – Les Egyptiens étaient un grand peuple. Ils n’avaient aucun honneur à travailler.  Si une  personne ne vit que pour son travail, elle devient esclave de son travail.
     – Le travail productif, ce sont les travaux nécessaires. Est-ce nécessaire de travailler autant ? Deux heures par jour suffiraient si on s’en tenait aux besoins des êtres humains. La notion d’esclavage est différente selon les situations. Les gendarmes font-ils un travail productif ou non ? Pour moi, c’est un travail improductif. Les militaires ont-il un travail productif ou pas ? Ne sont-ils pas soumis ?
    – L’ouvrage de François Vidal  est recommandé: « Vivre en travaillant ». C’est un texte fondamental,  qui  inverse la notion de travail salarié. Il faudrait le mettre en pratique. Pour les gendarmes, les militaires, les sapeurs pompiers, les médecins,  il faut intégrer la  notion de « servir ». Nous sommes dans la pure intellectualisation où le monde du travail est frappé d’indignité. Il y a une extrême souffrance chez les femmes avec le télétravail avec l’explosion du travail à domicile. S’occuper d’enfants chez soi fait partie du salaire de la personne à domicile.
    – La fierté du travail des gens dépend des milieux et des époques.
    – J’étais secrétaire dans un cabinet médical  et je ne me sentais pas esclave.
      – Un chercheur américain écrit ceci : « il n’y a plus d’objection aujourd’hui à ce que, au sein du grand marché mondial, un pauvre puisse librement vendre un de ses reins à un homme riche ». Nous sommes dans l’esclavage consenti, pire la déshumanisation.
    – Il y a une compétition entre les gens et entre les entreprises. Cette logique est appliquée dans le  droit du travail et dans la finalité du travail. C’est celle ou l’un doit gagner et l’autre doit perdre. Vous devez éliminer le concurrent. C’est ce qui a remplacé la solidarité  qui existait jusqu’en 1968. La logique a changé et s’il y a des gagnants, il y a des perdants.
     – Dans l’école républicaine et laïque, les enseignants sont confrontés à une analyse visant à « marchandiser » l’éducation nationale.  Aujourd’hui la recherche serait régionalisée. Ce ne serait plus l’Etat qui embaucherait mais les régions.  Ainsi, il y aurait suppression de laboratoires et les appels à dons seraient la voie principale pour la recherche.

 Conclusion: « Ne soyez pas esclaves des hommes ! Ne souffrez pas que vos droits soient impunément foulés aux pieds ! Ne vous humiliez pas devant les grands de ce monde ! Celui qui se fait ver de terre, ne peut pas se plaindre de se faire écraser ! » Kant

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Une réponse à Peut-on dire du 20 ème siècle qu’il a été le siècle de l’esclavage librement salarié?

  1. Butch dit :

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