Thème « Tout ce qui concerne l’humain
doit-il être intégré
à une logique économique ? »
Essai de restitution du café-philo de l’Haÿ-les-Roses
5 février 2003
Introduction : « De quel système économique s’agit-il ? La réflexion part de l’environnement social et médical et d’un cas concret : tout semble avoir un coût mais à partir des coûts il y a une logique d’équilibre à établir. Dans les années 70 : Un jeune homme décède d’une leucémie : aîné d’une famille rurale, seul garçon, premier de sa classe d’un lycée agricole. Il n’a pas de soins.
En 2003 : son père va trois fois par semaine à un centre de dialyse. La gestion de sa maladie des reins est d’un coût faramineux. En 1970 : coût d’un décès = 0F pas soigné et aujourd’hui le père = coût énorme. Or aujourd’hui on serre les budgets. Doit-on réduire des coûts comme la santé ? Tout ce qui est utile pour l’homme doit-il être intégré à une logique économique ? »
Débat : – Qu’est-ce qui est utile pour l’homme ? L’air et l’eau mais la qualité de l’air diminuent avec les pollutions et l’eau se raréfie et une partie de la population mondiale en manque. Se nourrir : il existe des taxes sur la nourriture et une partie du Tiers-monde meurt de faim. La santé, l’éducation, la culture…Ce qui est utile à l’homme ne peut pas rentrer dans la seule logique économique à finalité de profit.
– Est-ce que l’on n’est pas toujours dans une logique économique, de profit ? Y compris dans les relations ? Est-ce qu’on n’échange pas toujours de la richesse même si elle n’est pas matérielle, mais plutôt immatérielle. Existe-t-il un acte gratuit qui n’ait pas d’incidence « économique » en termes de gratification plus ou moins consciente pour la personne ? Existe-t-il des générosités dont on ne tire pas des bénéfices secondaires, notamment de reconnaissance sociale ? La bonté que l’on peut mettre en œuvre vis à vis de l’autre ne nous rend-t-elle pas supportables et aimables à nos propres yeux ? Les valeurs qui fondent l’humain ne relèvent pas d’une économie marchande mais d’une économie relationnelle mais heureusement on peut être plus romantique, plus tendre ou plus poète, comme nous le serons au prochain café philo.
– Les termes économiques sont des termes fonctionnels. Mais ce qui est utile à l’homme sont ses besoins vitaux et aussi ses désirs. Idéalement il faudrait se placer dans une non recherche de profit (exp. Le commerce équitable). La logique économique n’est pas choquante en elle-même mais elle doit être basée sur la justice, l’équité et la générosité pas sur la puissance.
-L’air, l’eau et la nourriture étaient avant accessibles à l’homme dans sa relation avec la nature. Même l’air pur que l’on va chercher en Province ou l’eau minérale demandent de l’argent. La nature est entrée dans la logique économique.
– Les hommes étaient cueilleurs et chasseurs mais il existait des batailles à mort. Puis est apparue la culture ce qui a permis les échanges et le début de la logique économique et a été facteur de paix.
– L’économie aujourd’hui et les problèmes économiques fondamentaux : 3 questions se posent : 1) Quels biens faut-il produire et en quelle quantité ? 2) Comment produire ces biens ? Et 3) Pour qui ces biens sont-ils produits ? Il y a une différence entre les échanges économiques et le partage entre humains.
– Avec quelles ressources produit-on ? Notamment dans le domaine de la santé et de l’éducation ? Un agent doit-il être producteur de richesses ou consommateur de prélèvements. La santé et l’éducation doivent être producteurs de richesses.
-L’économie n’amène pas forcément la paix. Quelle production et pour qui ? On assiste à une logique à plusieurs vitesses en fonction des richesses dont on dispose.
– La santé correspond à l’amélioration de l’économie. C’est un investissement humain à long terme. La santé est primordiale.
– Cela pose le problème du temps. Santé et éducation ne sont pas rentables immédiatement mais demain.
– Quel rapport entre économie et philosophie ? L’économie politique est une des branches de la philosophie.
– Il ne peut pas avoir une conception de la vie sans réflexion éthique (exp. l’importance du commerce équitable)
– Le « temps » est un mot important, mais il y aussi l’idée de « médiatisation ». On consomme des choses qui sont connues ; Il y a un phénomène de mode.
– Il manque un point dans ce que l’on vient de dire sur la recherche du confort et du plaisir. L’amélioration des conditions de vie est importante dans la production des richesses économiques. La charité est une humiliation insupportable quand on doit s’abaisser pour survivre. Il est important d’avoir des richesses suffisantes.
– Toutes ces choses dites utiles pour l’homme sont en fait générées par la logique économique.
– Le besoin crée la machine économique à l’origine.
– Il faut parler de l’importance de l’amour et de l’amitié qui sont différents d’une logique économique
– Le progrès est important mais des inégalités subsistent. Peut-on suivre ou pas ce progrès avec les risques d’exclusion que cela suppose.
Le poème de Florence: Le monde en équation
Pour construire un monde meilleur
Posons une belle équation
Je pose X pour l’ambition
Je retiens Z pour l’émotion
Et je divise par travailleur
Et du passé j’apprend les tables
Du bonheur qui se multiplie
Par une simple panoplie
Par l’artifice qui s’oublie
Comme une vache à son étable
Pour construire ce monde en kit
Additionnons l’utilité
Et soustrayons l’humilité
La racine de l’humanité
C’est ce qu’on trouve sous le kilt
Après avoir élevé la mort
Par une puissance de dix
J’ai placé l’amour en indice
En soustrayant le bénéfice
Il n’est resté que le remord
– Plutôt qu’utile il aurait fallu dire « nécessaire » à l’homme. Il existe une relativité, une subjectivité des besoins et du progrès. La prolifération matérialiste est donnée a priori aux jeunes comme normale.
– Dans la société on assiste à une création des envies qui finissent par devenir des besoins mais qui ne sont pas forcément nécessaires : « On nous inflige des désirs qui nous affligent ». (Foule sentimentale. Alain Souchon)
– Il existe un désir mimétique. On a envie de ce que l’autre a.
– Même le superflu peut être considéré comme utile. Il existe un désir de reconnaissance sociale dans la logique économique. Ces besoins nous amènent à devenir nous-mêmes un objet de désir. La recherche de ce qui est utile à l’homme transcende la logique économique qui est d’une autre nature.
– Pour les décideurs chaque chose a un coût. L’économie n’est pas morale en elle-même. Ce sont les hommes dans leurs décisions politiques et leurs actes qui sont moraux ou pas. Si l’humain nous intéresse plus que le profit, alors qu’est-ce qui est utile à l’homme pour qu’il soit plus libre de ses choix et de ses actes et pas dans des relations de compétition et de concurrence ? Ce qui est utile à l’homme c’est aussi les libertés et les droits. La philosophie est un combat pour les libertés et l’accès à ces droits.
– Au lieu de nécessaire ou utile on pourrait dire suffisant. Il y a un problème de quantité. Il faut à chacun suffisamment.. La politique doit reprendre le dessus sur l’économique.
– Si l’on examine la civilisation du début à aujourd’hui assiste-t-on à un progrès humain ? Toutes ces choses utiles mènent-elles au bonheur ? Il y a toujours échec et régression possibles.
– Les échecs ne sont pas partout. On est quand même mieux qu’au Moyen-âge. On n’est pas en guerre. Il y a moins d’illettrés etc.. On vit mieux à notre époque et beaucoup plus longtemps.
– La liberté relève-t-elle d’une logique économique ? Elle donne des forces personnelles dans sa dimension humaine.
Conclusion : (Guy Louis) : « Est-ce qu’il y a une loi qui nous astreint à un progrès exponentiel ? » (Edgar Morin) En effet nos vies semblent suspendues à un indice de croissance, folle fuite en avant. A croissance zéro peut-être pourrions nous envisager un autre monde, qui mérite ce nom de logique. Tous nous nous sentons en dépendance de cette consommation et de ce gaspillage ostentatoire, mais « cette société n’est que les choix que nous avons faits » (existentialisme). La philosophie nous rappelle sans cesse que nous avons un libre arbitre, que l’homme est libre, et « qu’il n’est pas de société que la volonté d’un peuple ne puisse changer ».
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