Thème: « L’incertitude est-elle notre seule certitude? »
Essai de restitution du débat du café- philo de Chevilly-Larue
14 juin 2006
Modérateur : Michel Perrin
Animateur : Guy Philippon
Introduction débat : Christian Lacaud, Guy Pannetier
Pour introduire le débat, quelques mots adressés par Guy-Louis : La philosophie nous apprend à douter. Cette question, thème de ce soir, est dans le droit fil de la philosophie des sceptiques, cette école grecque depuis PYRRHON, plus tard de CICERON, puis de PROTOGORAS, qui exercera une influence sur DESCARTES (je pense = je doute, donc je suis) puis sur MONTAIGNE (qui suis-je ?). L’incertitude du sceptique et l’impossibilité de saisir la vérité ; diverses thèses s’opposent, les causes renvoient à une autre cause, jusqu’à la cause première inatteignable pour la raison pure. « Eviter de construire une certitude objective sur un raisonnement basé sur des certitudes subjectives » DESCARTES (Discours de la méthode). Il s’inscrit un relationnel qui renvoie la cause à l’infini et créé un cercle vicieux. Devant cet état de choses, les sceptiques préconisent « la suspension du jugement » (Epochè). Finalement, « un sceptique est un philosophe qui doute de tout ce qu’il croit » et KANT de dire : « Les sceptiques sont les nomades, les sans domiciles fixes de la pensée ».
Débat : – Parler de l’incertitude, du doute, c’est poser le problème essentiel de la philosophie, celui de la vérité. – « le doute est l’hommage qu’on rend à la vérité » Ernest RENAN
– Pourtant en mathématiques, l’incertitude peut être chiffrée. Les statistiques, en analysant les faits prouvés et éprouvés, déterminent un niveau de certitude pour le jeu, la chance, la réussite d’une entreprise. D’autant que toute certitude ne repose pas sur le fait étalonné. L’exemple de « la terre qu’on a cru plate » pour admettre finalement « qu’elle est ronde » et « qu’elle tourne ! » rappele assez le rôle de la croyance, de la foi, qui n’est pas forcément fondé sur des évidences logiques.
– « nous n’aimons pas vivre dans l’incertitude ». Nous ne connaissons pas, nous ne saisissons pas, le sens de notre vie : devant ce vide, les hommes sont fragilisés, prêts à enfourcher bien des chimères, parfois incroyables, se trouvant alors à la portée des capteurs de conscience.
C’est un climat favorable à nombre d’escrocs : « L’astrologie est née quand le premier charlatan a rencontré le premier imbécile »VOLTAIRE. Cependant, il conviendrait de ne pas confondre « astrologie » et « astronomie ». L’astrologie peut apporter des explications sur le comportement tout aussi exactes que la psychologie, la psychanalyse, la psychiatrie qui ne sont pas non plus des sciences exactes. D’autres voies existent pour combler la vie métaphysique quand l’homme est à la « recherche du sens » : le déterminisme ( croire au destin, que tout est prévu d’avance) mais il peut rassurer puisque pour l’avenir tout est écrit …. Deux problématiques surgissent : qu’en est-il de la liberté ? et la croyance dans le déterminisme n’est-elle pas également une croyance ? …
– Sur le plan scientifique, il y a quelques incertitudes : quand la terre tourne, on peut pressentir ce qui va se passer demain, selon les heures de la journée, le rythme des saisons, les lieux où l’on se trouve, les climats…
– Mais la certitude amène à trier et distinguer ce qui s’offre à nous ; on choisit donc on élimine et on se prive de la part de « vérité », éliminée !….et ainsi, peut échapper une partie de la réalité d’un fait, d’une assertion, d’une nouvelle, d’une entreprise…
– Quand on aime, on peut douter de soi, de ce qu’on croit aimer. COLETTE disait : « quand on est aimé, on doute de rien. Quand on n’aime plus, on doute de tout » .
– Et celui qui mène, choisit : « qui m’aime me suive !» donc, on élimine celui qui pourrait gêner la marche. Il paraît nécessaire d’intégrer dans la démarche la notion de temps, l’inéluctable, la mort… . « La fleur qui fleurit va mourir pour toujours … » (Proverbe iranien). « Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes qui nous dispensent de réfléchir ».
– Différents exemples de certitudes-incertitudes sont approchés : le jeu (chance ou destin), Tchernobyl (l’incertitude quand la sécurité optimale n’est pas assurée), l’A320…, les médicaments lancés sur le marché… les trains anglais quand les projets étaient privilégiés au détriment de la sécurité, la justice à OUTREAU quand les rapports de classes passent avant la justesse et la vérité…
– « Nous sommes tous des assassins » clamait le réalisateur quand on néglige la réflexion- (donc l’incertitude)- à des intérêts, des privilèges, des dogmes…(une certitude qui vient d’en haut,.. et écrase ceux d’en bas).
– Une question pour finir : « Prof de philo, quelle est ta quête ? »
1) l’examen de la pensée : apprentissage de l’initiative…
2) l’étonnement plus naturel : les contradictions, les nihilismes, les incertitudes
3) la demande d’un citoyen, lutte par soi-même, être moral, être humain
Essence de la philosophie : un enseignement épuisant de maintenir ce cap que personne ne demande de maintenir.
Conclusion : En fait aimerions-nous vivre dans un monde où toute chose aurait une explication précise, ce serait alors la mort de notre imaginaire ; et sur la part d’imaginaire, nous n’aurions que la certitude d’aller vers notre finitude, ce qui rendrait notre vie insipide. La non-certitude est l’espoir de tous les possibles
« La leçon est simple, rien n’est juste, rien n’est faux, tout réside dans l ‘interrogation, le vacillement de la conscience confrontée à ce monde » Jean Toussaint DESANTI
« Les convictions et les doutes sont les deux faces d’une même monnaie» NEGUIB MAHFOUZ.
Doctrine et dogme sont les ports pour ceux qui ont besoin de certitude. « Désormais le philosophe n’énoncera plus le SAVOIR. En revanche le philosophe a toujours en charge de traquer les ILLUSIONS ».
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je vois là un sujet de débat
Vouloir vivre sans risque? ou, prendre le risque de vivre?
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