18 novembre 2009
Introduction, Guy Pannetier : Goût : du latin « gustus », est « action de goûter », dégustation, saveur au propre et au figuré. « Gustus » dérive peut-être du grec et du terme sanscrit « gush » (= aimer, trouver bon). On trouve également une étymologie qui part de « goust » = aliments, ce qui fait de nos papilles le premier juge du goût. Puis, nous aurons le deuxième sens, connotation attribuée au goût, cette « aptitude à sentir à discerner les « beautés et les défauts » dans le domaine esthétique et intellectuel » (Grand Robert de la langue française). Nous n’échapperons pas à l’expression « bon goût », dont le dictionnaire Lalande nous dit qu’il est : « Faculté de juger intuitivement et sûrement des valeurs esthétiques, en particulier dans ce qu’elles ont de correct et de délicat ». [ Les deux sens du mot « goût » nous font passer de goût/saveur au goût en général, qui serait plutôt d’ordre esthétique, de la physiologie du goût à la psychologie du goût. Le goût, cette forme de réaction, de sentiment que nous avons à l’égard de choses matérielles comme immatérielles, est quelque chose d’autant plus vaste que le goût s’adresse aux cinq sens ; de là, la multiplicité des goûts.
Alors le goût, ce marqueur, serait-il aussi un moyen de se démarquer, de se singulariser individuellement ou au contraire, collectivement, de montrer son appartenance à un groupe, en suivant des modes de toutes sortes, des modes au goût du jour? Le goût, et c’est là tout un débat, pourrait être élitiste, créant par ce fait un « goût populaire », qui sera le mauvais goût ; c’est ce que Nietzsche nous dit avec tout son mordant et son côté provocateur : « Les livres de tout le monde sont les livres qui sentent mauvais… ». Partant aussi de l’idée qu’un seul et unique goût tuerait le principe même de goût, il ajoute : « Le mauvais goût à son droit, comme le bon goût ; il a même un privilège sur celui-ci, au cas où il constitue le grand besoin… ! Le bon goût, le goût choisi a toujours au contraire quelque chose de recherché – il n’est pas, et n’a jamais été populaire ! ». La question de formation du goût est culturelle et peut s’avérer être également économique. Peut-on, dans un certain pourcentage, formater, dans l’enfance ou après, le goût des gens ? La même éducation, le même milieu vont-ils créer des goûts à l’identique ? Le goût, nous dit Kant « se forme sur un concept indéterminé » ; nous voilà bien avancés ! Des choix déterminés, des déterminants à partir de concepts indéterminés, c’est là quelque chose qui ferait un débat fermé. Pourtant, nous allons passer outre le vieil adage : «De gustibus et coloribus non est disputandum », (des goûts et des couleurs, il ne faut disputer) ; et nous allons oser, car c’est notre goût, en « disputer », en débattre.
Débat : G Le goût par excellence, pour moi, est quelque chose de subjectif, quels que soient les académismes en la matière que je ne sous-estime pas. Il y a des modes publiques, des périodes pour présenter tel style d’art, de mets (par exemple, au XVIIIème siècle, les chauves-souris étaient très prisées !), d’habillement, voire d’idées. Mais on n’est jamais dispensé d’exprimer sa propre relation à un lieu, un objet, un plat, un costume, etc. Le goût nous touche et parfois c’est l’objet en question qui nous rejoint et qui nous interpelle, car le goût touche à l’affect ; il n’y a qu’à se souvenir de « la petite madeleine de Proust » et de tout ce qu’elle fait ressurgir comme souvenirs chez l’auteur.
Ce que nous voyons ou entendons, ce que nous touchons ou sentons, nous plaît et pour que cette affection dure, il faut que cela nous renvoie à notre histoire, à un vécu antérieur positif de préférence (ou négatif si l’on n’aime pas). Il y a de l’irrationnel dans le goût, de la spontanéité : J’aime ! Je n’aime pas ! Bien sûr, le goût peut s’éduquer en fonction de l’âge, du sexe, du milieu social, des lieux fréquentés, des études que l’on fait (comme l’histoire de l’art). Le bon goût et le mauvais goût ont parfois tendance à stigmatiser les classes sociales : le bon goût serait celui de la bourgeoisie et de sa culture, tandis que le goût du peuple ( « vulgum » en latin) serait vulgaire, ordinaire et, en cas d’exclusion d’une catégorie humaine, il pourrait même être « dégénéré », comme on l’a dit des peintres d’avant-guerre…Le goût développé est une marque de civilisation. On apprend à apprécier de façon de plus en plus pointue des œuvres d’art, des mets choisis, des vêtements bien coupés, des lieux protégés et mis en valeur, puis le patrimoine immobilier, mobilier, culturel et naturel, voire ethnologique. Le goût devient alors le moyen d’une ouverture culturelle et de l’augmentation de notre tolérance à la différence. D’une exigence personnelle aussi parfois.
Il y a aussi dans la notion de goût une notion d’appétence. Avoir le goût pour faire les choses. C’est lié au désir. D’où le fait que le goût aurait à voir avec le Beau, le Bien, le Bon, le Vrai… On parle d’ailleurs du bon goût. Le goût se développe en multipliant les expériences et les découvertes. Notre goût s’éduque tous les jours au fur et à mesure qu’on apprend des choses nouvelles. Il est un élément de notre appétit de vivre et de notre croissance affective, matérielle, intellectuelle et culturelle, voire mystique dans certaines situations de contemplation. Le goût a une dimension concrète (goûter des mets, des vêtements, des objets, des édifices…) et une dimension plus abstraite (goûter la vie, avoir du goût aux choses, désirer, goûter une situation ou un moment spécial). En termes un peu désuets, on dit : « Je goûte fort ce que vous faites », c’est-à-dire, j’apprécie. Le goût est un moyen de connaissance et d’évaluation… C’est l’un de nos cinq sens qui nous permet d’apprécier ce que nous percevons. Il est un moyen de connaissance à la fois du réel concret et du réel abstrait, appelé parfois « le réel voilé ». Les goûts peuvent nous diviser, mais ils nous rassemblent heureusement parfois et quand on a le même goût pour une chose, on peut le partager et surenchérir dans l’étude et l’analyse de l’objet en question… : Par exemple, la philosophie !!!
G Les goûts sont quelquefois très mystérieux, étranges ; on a même du mal à comprendre. Ce soir, on klaxonne dans les rues, je ne sais pas pourquoi. Ah ! Il y a un match de foot. Je me sens la seule surprise, car le foot ce n’est pas mon goût ; je dois être d’une autre planète, je ne partage pas cet engouement, cette ferveur…
Poème de Florence:
L’égout
Tout l’égout sonde en la nature
Tous les goûts sont dans la nature
J’ai goûté ce mot
C’était un mot d’esprit
Esprit de vin, s’évapore !
J’ai goûté ce pot
C’était un pot commun
Un goût commun, partagé !
Ce que je goûte
Peu dégoûter
Et sous la croûte
On peut creuser
J’ai goûté à pleines dents
Tu as goûté du bout des lèvres
Il a goûté en fermant les yeux
Nous goûtons comme des gloutons
Vous goûtez à dégoûter !
Ils dégoûtent, goutte à goutte
Le goût est connaissance
Le goût est reconnaissance
Entre gens de goût
Lèvres pincées, nez pincé, cul serré
Mon Dieu ! Quels béotiens !
Le canon du bon goût s’annonce sans appel
Il est définitif, et en toute harmonie
Codifié, orchestré, comme une symphonie
Ne sortez pas du cercle, ou je sors mon scalpel !
Goûtez l’alexandrin, vous aurez l’air poète
La beauté se doit grecque, soif de reconnaissance
Maudit soit moyen-âge, j’aime la renaissance
Et le siècle suivant, je s’rai anachorète
Pour manger avec les doigts et roter à table
Personne pour me dire ce qui est condamnable
Ce qui est beau et bon, ce qui est juste et vrai
Et si jamais un jour je deviens à la mode
Pour picorer à l’œil ce serait bien commode
J’aurais l’air inspiré pour parler d’art abstrait.
Florence Desvergnes
G Le goût, sur le plan historique, n’apparaît que tardivement dans le monde. Chez les Egyptiens, le rationnel prime sur l’esthétique ; il y a déjà les données mathématiques, géométriques. Puis lorsqu’un goût sera défini, il deviendra norme. L’art gothique, qui va remplacer l’art roman, sera très décrié…Des siècles plus tard, des esthètes du goût vont décrier la pyramide du Louvre, puis elle est rentrée dans le décor. Le goût s’adapte…
G La tour Eiffel devait être démontée après l’exposition de 1900. Elle était reçue alors par certains comme un manque de goût total. Cent ans plus tard, c’est le monument le plus visité au monde.
G Platon nous a parlé du beau dans l’absolu, le beau en soi, puis nous avons accepté de relativiser ; nous avons du mal à séparer : beau, goût, et esthétique…
G En 1839, Anthelme Brillat-Savarin écrit « La psychologie du goût ». Dans tout cet ouvrage, l’auteur nous présente tour à tour les sens qui aident à la formation, à l’éducation du goût et enfin au plaisir qui en découle. Le goût qu’il évoque est essentiellement d’ordre culinaire, gustatif, mais il va rentrer dans les détails et, là, ce n’est pas du meilleur goût. Un exemple parmi d’autres (page 58) : « Dès qu’un corps esculent est introduit dans la bouche, il est confisqué, gaz et sucs, sans retour. Les dents s‘en emparent et le broient…, les joues fabriquent la salive qui l’imbibe, la langue le gâche et le retourne, un mouvement aspiratoire le pousse vers le gosier, l’odorat le flaire en passant, et il est précipité vers l’estomac pour subir les transformations ultérieures … C’est ainsi de cette suite de perfection que la gourmandise est l’apanage de l’homme ». Puis, plus lyrique, il évoque le principal organe du goût (toujours lié aux aliments), la langue : « La langue de l’homme, par la délicatesse de sa contexture et des diverses membranes dont elle est environnée et avoisinée, annonce assez bien la sublimité des opérations auxquelles elle est destinée ». Les recettes de Brillat-Savarin sont restées célèbres, sommets de gastronomie, avec des fonds de sauce faits d’une poule faisane et d’un perdreau braisés dont on ne gardera que les jus, comme dans le lièvre à la royale ; elles sont impensables aujourd’hui, mais elles sont des références et une part de notre patrimoine.
G Ce sens du goût se lie au sens de la beauté, comme en gastronomie ; aujourd’hui, les grands cuisiniers attachent une grande importance à la présentation des mets, … : l’œil mange ! Le goût fait appel à plus d’un sens et la beauté s’allie au goût …
G On a pu chercher à savoir d’où venait le goût, comme pour la mode : de quelques uns, des élites, des plus aisés, qui décident du goût, ou de la multitude, qui fait le goût en prenant ou en refusant. Quelle est la spontanéité ?
G « Suivre la mode, c’est se prendre pour un porte-manteau » (Henri David Thoreau)
G La mode, celle des plus jeunes, peut être un désir de différenciation, quelque chose de réactif ; c’est plus une idée affichée, « portée », qu’un goût en soi.
⇒ Avec les époques les canons de la beauté, donc les goûts évoluent. Les premières Vénus avaient des formes très avantageuses…
⇒ A ce propos, le goût a pu découler de la seule nécessité, c’est-à-dire sélectionner des femmes présentant des signes de fertilité…
G Le goût se discerne par ses quatre composantes : le sucré, le salé, l’amer et l’acide. Il faut goûter pour connaître le goût, donc, c’est un acte de connaissance, un acte d’analyse, d’expertise pour apprendre à reconnaître. Hors la démarche de découvrir, il y a apprécier… On trouve du plaisir à goûter quelque chose, dans tous les sens du terme, par exemple, du plaisir à écouter la musique…On peut cultiver, développer le goût, l’enrichir. Qu’est-ce qui serait le contraire du goût ? Ce qui est fade, insipide ? Ce qui aurait mauvais goût, ce qui répugne, ce qui écœure ? Qu’est-ce qui fait qu’on va réagir et apprécier quelque chose ? On a évoqué la dimension collective du goût, qui varie suivant les périodes et les critères sociaux. Ce qui m’intéresse, c’est notre propre relation au goût et comment on évolue au fur et à mesure des expériences.
G Est-ce qu’à chacun des âges, avec le temps, vous avez toujours les mêmes goûts ? Ou d’autres goûts ont-ils précédé ceux qui sont les vôtres aujourd’hui ? Est-ce que vous envisagez de changer de goût ? Ou restez-vous fidèles à ce que vous avez aimé, tout en changeant ? Diderot, lui, nous disait : « Chaque âge a ses goûts ». Dire de quelqu’un qu’il a du goût, c’est qu’il a appris, ou alors ce serait intuitif ? Qu’est-ce qui serait un goût personnel intuitif dans une société où s’imposent les images comme référents. Dès qu’on est dans la rue, on a des images, des textes ; cela nous est projeté, nous ne choisissons pas. On va alors se demander d’où ça vient ce goût-là, qu’est-ce qui l’a produit ?
G Le goût s’éduque dès l’enfance. En-dehors de toutes les expériences alimentaires, on voit dans certaines familles les enfants familiarisés très tôt avec l’art, la musique, la peinture, la sculpture, les visites de musées… C’est une formation par accoutumance et une éducation au niveau familial. S’il n’y a que la télévision, les enfants ne développeront pas un goût personnel.
G On a associé goût et plaisir, on parle beaucoup de sa propre relation au goût, mais j’aimerais que l’on donne une petite dimension supplémentaire, que l’on se soucie du goût des autres. L’intérêt pour l’autre, si on l’invite à manger, par exemple, est d’essayer de se rappeler ses goûts, surtout ce qu’il n’aime pas.
Est-ce qu’on conserve ses goûts, est-ce qu’on aura d’autres goûts ? Si je m’interroge, j’ai tendance à culpabiliser, parce que, garder toujours les mêmes goûts, c’est « ringard ! », puisque s’adapter aux nouveautés, c’est être intelligent. Par exemple, j’ai beaucoup de mal à m’adapter à la cuisine nouvelle, aux cuisines étrangères. Serait-ce là un patriotisme du goût ? On voit des personnes qui le dimanche vont danser dans des guinguettes, ce qui sera parfois jugé comme goût populaire. Si le goût se mesure au plaisir, il reste de bon goût. Il semblerait que notre adolescence et notre début de vie d’adulte marquent beaucoup nos goûts ; ensuite, on a du mal à changer, à se libérer de l’empreinte initiale.
G Trois films ont fait germer l’idée de ce débat : « Une affaire de goût », « Le goût des autres », et « Dialogues avec mon jardinier ». Le premier nous montre nous montre un esthète du goût (gastronomie) et son goûteur, une personne qui avait réussi à mémorisé des milliers de goûts, de saveurs, une véritable bibliothèque des goûts. Le second, une étude sociale, montre un homme épris d’une jeune femme cultivée, laquelle l’entraîne dans son univers, ses fréquentations, milieu branché, très bobo, très snob ; on voit cet homme moqué, abaissé, par le décalage des goûts et la simplicité de ses goûts. Là, le goût divise.
Dans « Dialogue avec mon jardinier », on peut voir une scène lors d’une exposition de peinture, où les toiles présentent des formes indéfinissables et où la seule couleur est le noir. Un jeune critique d’art qui patauge dans le snobisme intellectuel parle : « Il faut voir dans la couleur noire qu’utilise le peintre toute la palette des couleurs, voir le blanc de ce noir et voir le blanc dans le non-blanc… ». Le personnage de Daniel Auteuil lui fait une démonstration d’analyse, avec le même langage abstrus, le prend à son propre jeu ; c’est finalement le snob qui abandonne. Ce film nous montre essentiellement le monde de l’art moderne, lequel est selon Michel Foucault « Le refus, le rejet perpétuel de toute forme déjà acquise. Il s’oppose au consensus de la culture, il se veut anti-culturel, en quelque sorte le cynisme de la culture retournée contre elle-même ».
G Il y a toujours des goûts académiques et des retours, des refus ; c’est toujours la querelle des anciens et des modernes.
G Quel est le rôle de la pensée dans cette perception du goût ? Percevons-nous par un sens, les papilles, la vue, l’ouïe, ou par un sentiment ? La pensée précède la définition du goût*, elle joue un rôle d’éclairage, il y a un retour vers la pensée qui donne sensation, qui crée l’envie. Si l’on regarde un beau gâteau, on salive ! Nous aurions un processus : perception / pensée / sensation, proposant des réponses selon le goût qui plait.
« Le goût, les goûts, une affaire de goût ou « le goût des affaires ».
Voilà qui n’est pas déplaisant du tout !
Cependant, « avoir du goût » ne veut pas dire : « à l’autre complaire » !
Méfions-nous des « pléthores de goûts »
pouvant donner du « dégoût » et abreuver de « goûts » les « égouts » !
Le goût, les goûts, affaire de goûts ne sont pas toujours « de bon goût » !
C’est parfois bien malgré nous que triomphe le « mauvais goût » !
Pourtant, pas question d’en faire un « ragoût » dont la sauce serait amère !
Le goût, les goûts, affaire de goût ou goût des affaires.
Devons- nous étaler nos goûts au risque de « polluer » l’atmosphère ?
Le goût, les goûts ou affaire de goût : chacun, à notre manière,
nous apportons nos propres pierres à l’édifice riche de tant de « goûts » mêlés ».
* « Toutes nos idées procèdent de nos sens ». David Hume
G D’un côté, il faut se méfier de la dictature du bon goût et, en même temps, il faut assumer son goût. Le goût n’est pas forcement le fruit de l’éducation. On ne force pas le goût ou alors c’est feindre ; on a pu voir des gens se pâmer devant des œuvres auxquelles ils ne comprenaient rien (y avait-il à comprendre ?), en fait ils s’ennuyaient royalement. Si l’on n’assume pas son goût, on a du mal à se réaliser, à être en accord avec soi. D’autre part, certains goûts d’ordre culinaire peuvent avoir des origines qui découlent d’un besoin physiologique : le corps réclame. Nous avons tous nos barrières psychologiques ou physiologiques ; vous ne mangeriez pas certaines choses que je mange, et inversement…
⇒ Dans le cinéma, un autre film nous a parlé avec humour de cette affaire de goût, c’est « L’aile ou la cuisse ».
Quant aux « œuvres d’art », voici une anecdote : on avait convié des amateurs d’art et des critiques d’art à venir voir les œuvres du peintre « Boronali », et l’on commentait… Le nom de Boronali était en fait une anagramme d’aliboron (l’âne) ; et la toile, les traces laissées par la queue d’un âne trempée dans la peinture !
G « Le goût du troupeau est plus ancien que le goût de l’individu » (Nietzsche)
G En matière vestimentaire, notre époque n’est plus vraiment marquée par la mode, par un goût. Chez les plus jeunes femmes, on voit de tout, tous les styles : pas de canons, chacun pioche où ça lui plait…
G On a évoqué ce qui pourrait être dans le goût, l’acquis, initiation, et l’inné. On ne peut pas juger sans expérience C’est souvent les toutes premières fois qui sont déterminantes et, sur une mauvaise expérience, on va se fixer sur un goût, une appréciation erronée, jusqu’à ce peut-être on découvre à nouveau et que là on aime ; il faut croitre avec ses goûts.
G Lorsque les goûts académiques changent, cela marque l’époque, après la Renaissance, on aura la « Querelle des anciens et des modernes » : En 1687, Charles Perrault présente à l’Académie française un poème, où il « ose » prétendre que les artistes de l’époque du Roi Soleil ont surpassé ceux de l’antiquité ; il va s’ensuivre la fameuse querelle des anciens et des modernes. On retrouve, d’une part, ceux, dont Boileau, pour qui les anciens grecs et romains ont créé des canons indépassables et, d’autre part, ceux pour qui l’art est en perpétuel devenir, qui affirment qu’il ne saurait y avoir modèle indépassable. Le même Charles Perrault, toujours en poème, va évoquer les deux tendances :
La docte Antiquité dans toute sa durée
À l’égal de nos jours ne fut point éclairée.
La belle Antiquité fut toujours vénérable ;
Mais je ne crus jamais qu’elle fût adorable.
Je voy les Anciens sans plier les genoux,
Ils sont grands, il est vray, mais hommes comme nous ;
Et l’on peut comparer sans craindre d’estre injuste,
Le Siècle de LOUIS au beau Siècle d’Auguste.
Charles Perrault
G Le goût est soumis en permanence au jugement. Il y a deux acteurs, celui qui fait, celui qui juge. Il y a toujours une facilité acquise par les expériences réitérées. On se souviendra plus d’une œuvre d’art que d’une autre ; toutes ces expériences sont présentes à la mémoire, ce qui peut être fugitif. Il faut avoir beaucoup aimé, beaucoup expérimenté, pour savoir ce que l’on aime le mieux. Le goût, c’est aussi un caprice réitéré. Le dégoût, quant à lui pose problème.
G « Je ne suis pas sûr d’avoir du goût, mais j’ai le dégoût très sûr » (Jules Renard)
Conclusion : Le proverbe italien peut clore le débat : Tutti i gusti son giusti » (Tous les goûts sont justes). Mais nous avons le goût de la disputation. Alors ! Dès qu’on est deux, évoquer le goût, c’est : ou le partager ou être partagé ; les goûts nous réunissent ou nous divisent. L’expression du goût et des goûts est un jugement de valeur totalement arbitraire. Le bon goût est celui que les autres partagent avec moi. Le mauvais goût, par définition, ne peut être que chez les autres, puisque c’est le goût que je ne partage pas. Comment réfuter totalement que le goût aie quelque chose d’élitiste, car plus on a des ouvertures sur des goûts variés, plus notre palette de goût va s’enrichir. Celui qui n’a jamais été confronté à certaines saveurs, à certaines senteurs, ne pourra pas faire un jugement évaluatif, il sera comme dit l’adage : « la cuiller trempée dans la sauce, laquelle est bien en peine de déterminer le goût ». La philosophie nous est particulièrement utile, si elle nous aide à aller vers le « dire vrai », c’est-à-dire oser assumer ce que l’on aime, même en dépit du jugement des autres. « On doit se défaire du mauvais goût consistant à vouloir être d’accord avec tout le monde… » (Nietzsche). Nul ne peut s’ériger en juge du goût. Si l’on évite d’asséner : « c’est beau », « ce n’est pas beau », on doit oser dire « j’aime » « je n’aime pas ». Combien de fois nous nous sommes dit que nous ne partagions pas le goût des autres dans tel ou tel domaine et, finalement, parce que nous avons osé le dire, parce que nous avons osé aller à l’encontre de l’opinion généralement admise, des stéréotypes, des modes académiques, nous nous apercevons que nous n’étions pas seuls. « Et vous me dites, amis, que des goûts et des couleurs, il ne faut point débattre ?… Toute vie n’est qu’une querelle au sujet des goûts et des couleurs ». (Nietzsche)
Ping : Billet d’humeur § Vrai théâtre? | CultURIEUSE
Les goûts sont simplement INNÉ en nous cest la seule explications.