Restitution du débat – Café-philo de L’Haÿ-les-Roses
13 octobre 2010
Introduction : Guy Philippon: Ayant pour origine latine pavor, la peur est un phénomène psychologique à caractère affectif marqué, qui accompagne la prise de conscience justifiée ou non d’un danger, d’une menace pour la vie ou la sensibilité du sujet, et qui peut prendre la forme soit d’une émotion-choc, soit d’un sentiment pénible d’insécurité, de désarroi à l’égard d’événements actuels ou prévus. Elle a pour synonymes : affolement, angoisse, appréhension, crainte, effroi, frayeur, inquiétude, terreur, épouvante, Et ses contraires sont : audace, bravoure, courage, intrépidité, désir. Dans des termes familiers, on trouve : frousse, pétoche, trouille, trembler de peur. « La peur, (et les hommes les plus hardis peuvent avoir peur), c’est quelque chose d’effroyable, une sensation atroce, comme une décomposition de l’âme, un spasme affreux de la pensée et du cœur, dont le souvenir seul donne des frissons d’angoisse » (Guy de Maupassant : La bécasse) ou cette recommandation d’André Maurois : « Surtout n’ayez jamais peur; l’ennemi qui vous fait reculer a peur de vous au même instant ».
Un vieux patron pêcheur donnait son opinion sur l’utilité de la peur. Un homme qui n’a pas peur de la mer ne tardera pas à se noyer, car il sortira un jour où il ne devrait pas. Mais nous, marins, on a peur de la mer et on ne se noie que de temps en temps.
« Il est étrange », nous disait Courteline, « qu’un seul terme désigne : la peur de la mort, la peur de la souffrance, la peur du ridicule, la peur d’être cocu et la peur des souris, ces divers sentiments de l’âme n’ayant aucun rapport entre eux ».
Il arrive que la peur soit une action dirigée, pour faire peur, pour intimider, effaroucher, épouvanter, intimider, menacer… Seuls les fous n’ont pas peur. La peur peut se retrouver dans la crainte des autres et amener à fuir les relations humaines. Ce type de peur se réduit au refus de s’engager. Ses effets sont bien différents de la peur qu’inspirent les situations d’insécurité, de guerre, de terrorisme, de la peur du prisonnier, des otages, des victimes de la tyrannie, grandes peurs justifiées par l’expérience. De la peur de tous naît la lâcheté de presque tous. Elle détruit la volonté des individus réduits à l’état de sujet.
A partir de quand estime-t-on qu’on a peur ? Presque l’impossibilité de s’expliquer de sa situation. ? La peur d’être inutile à soi-même et à la société ? A 18/25 ans, la peur d’être chômeur sans avoir accédé jamais à un poste de travail, c’est aussi la peur sociale
Si les régimes démocratiques se refusent à terroriser activement, il arrive que les candidats au pouvoir utilisent le sentiment d’insécurité et la crainte de la violence pour arriver à leurs fins, notamment en périodes de conflit ou de menace (de guerre ou d’agressions terroristes). Etant une cause de rétention, la peur, chez les tout-puissants, peut empêcher le pire, mais, chez les faibles, elle traduit une angoisse généralisée, faute d’une analyse par la raison que la peur paralyse ; ceux qui sont saisis par cette crainte en voient partout les causes : la peur devient paranoïa ; elle constitue la personne en victime à la recherche des persécuteurs. Arme de cynisme politique, la peur est aussi un creuset d’injustices et de haines irrationnelles justifiées par la véritable menace; elle alimente les hostilités, les phobies (du grec phobos : peur) et sert à fabriquer des boucs émissaires.
Débat: G La peur existait-elle chez les hommes préhistoriques ? La peur ne les a-t-elle pas amenés à trouver des solutions ? La peur peut être positive. Au cours des siècles, la peur a revêtu toutes sortes de formes (peur des ennemis, de la souffrance, de l’Au-delà…), ce qui a stimulé des réactions. Avoir eu peur permet de trouver des réponses en soi et de réagir positivement. En ce sens, on peut avoir raison d’avoir peur. La peur peut aussi inspirer les artistes.
G Y a-t-il un rapport entre la raison et la peur ? Si l’on reste au niveau du raisonnable, on joue plutôt la sécurité et il y a moins de raisons d’avoir peur ; « la peur n’évite pas le danger ! » : c’est vrai pour un danger extérieur inéluctable, mais faux pour certains dangers que la peur permet d’éviter en paralysant l’action. Qu’est-ce que la peur ? Une réaction face à un danger, à un type de cruauté ou de violence, ou face à des souffrances de toutes sortes de possibles dans une situation. On a peur d’une réaction de l’autre, d’une réaction qu’on ne maîtriserait pas ou que l’on ne pourrait pas prévoir, anticiper et donc parer. La peur de la bêtise, peur de la cruauté, peur de la de la violence, peur de la souffrance, sont autant de raisons d’avoir peur. On a raison d’avoir ces peurs même s’il faut toujours chercher à maîtriser ses peurs. Aujourd’hui, dans le contexte actuel, on a raison d’avoir peur. Peur que l’histoire se répète, notamment. On voit à l’œuvre des mécanismes dont on sait qu’ils ont fonctionné durant des périodes sombres de l’histoire. On peut avoir peur aussi que se reproduise un évènement tragique : éruption d’un volcan ou catastrophe naturelle ; apparition d’une dictature ou d’extrémistes au pouvoir ; effondrement économique et social ou chômage ; guerre ou conflit intérieur ; ou encore peur de lois ou d’une justice iniques.
G Il n’y a pas de raison de lier la raison et la peur. La peur est réaction du corps, la raison suit et est le raisonnement qui se construit ensuite. La peur de passer un examen, de braver une foule permet de se surpasser.
G Il y a des peurs plus personnelles : la maladie, la souffrance pour soi ou pour un être cher, ou la perte de la mémoire ; la peur d’un échec professionnel ou la peur de l’échec d’un projet important ; puis, des peurs irrationnelles liées à des superstitions à cause du rôle des obscurantismes. Nous devons distinguer les peurs rationnelles, où la situation présente un risque objectif, des peurs irrationnelles, peur d’une chimère sans risque avéré. Donc, on a raison d’avoir peur des peurs rationnelles et pas raison d’avoir peur des peurs irrationnelles qui ne sont peut-être pas moins vraies, mais qui ne relèvent pas de la raison.
G On a fait peur aux hommes en leur disant que les lois venaient des dieux ; il y a eu d’abord les Tables de la Loi pour les règles de vie en société, puis les commandements avec des règles d’hygiène pour que les hommes les exécutent ou aient peur, car on leur a dit que les commandements venaient de Dieu.
G Comment peut-on faire passer son trac, avant un examen ou avant de rentrer en scène ?
G La peur, on l’a dit, fut d’abord « pavor », ce qui nous a donné « épouvante ». D’autre part, nous savons tous par « nos classiques » que « les gaulois avaient peur que le ciel leur tombe sur la tête », l’explication la plus connue étant qu’ils considéraient que les dieux habitaient le ciel et que si les Gaulois déclenchaient leur courroux, les dieux descendraient du ciel sur terre pour les châtier. Puis, nous avons évoqué plusieurs fois « la peur panique » : expression qui nous vient du dieu Pan, lequel avec ses pieds fourchus et ses cornes, poursuivait les nymphes dans la forêt en poussant des cris qui semaient la peur panique et qui les effarouchaient.
G C’est une peur raisonnable que d’avoir peur de blesser par nos propos. En disant les choses comme elles nous viennent on risque de blesser les autres. On entend souvent cette citation de Bonald en philosophie : «L’homme pense sa parole avant de parler sa pensée ».
G La peur est un sentiment de forte inquiétude génératrice d’angoisse, pourtant : « La peur ne fait pas reculer le danger… ». Pour l’existentialisme, l’angoisse est une expérience fondamentale à travers laquelle l’homme peut appréhender le sens de son existence dans ce monde et face au néant. La peur est une émotion ressentie généralement en présence d’un danger et parfois même simplement dans sa perspective. Certaines peurs peuvent être surmontées. Cette aptitude à diminuer sa peur (voire, la vaincre) et ainsi à gagner du courage est un processus de maturité qui se poursuit toute notre vie. Si nous n’avons pas forcément « raison » d’avoir peur, nous avons souvent « des raisons » d’avoir peur.
La peur peut être individuelle ou collective. Sa nature peut être d’origine familialE? économique, écologique, scientifique… La peur semble naturelle et universelle ; c’est son intensité et sa gestion qui peut poser « problème » chez un individu ou un groupe d’individus.
La peur a des natures différentes, mais quelle qu’elle soit, elle génère une appréhension, une crainte, une angoisse, une panique individuelle et/ou collective.
Certaines peurs sont appelées « phobies » : la peur d’un animal (une araignée, un reptile, une souris…), la peur de voyager en avion, la claustrophobie (peur de prendre un ascenseur, d’être enfermé dans le noir)… Certaines peurs sont liées à la méconnaissance d’un sujet et à ses éventuels effets secondaires: la peur du progrès et des nouveautés qu’il induit, la peur du lendemain, la peur de ne pas être à la hauteur d’une situation, et parfois la peur de l’étranger. Ceux qui ont peur de leur propre action et qui souffrent à la pensée de l’exécuter peuvent se sentir comme une bête traquée. Cela peut pousser au suicide. L’inquiétude est le plus grand mal qui arrive en l’âme… Elle peut nous faire perdre les vertus que l’on a acquises.
On peut aussi parmi les peurs avoir peur d’Internet et de la rapidité de la transmission de l’information qui abolit le temps, l’espace et la réflexion. L’information est alors à la fois très proche et très loin.
G On a peur de l’ignorance, de ce que l’on ne connaît pas, de ce que l’on ne sait pas, peur de ce qu’on ne peut pas exprimer, nommer… C’est terrible d’avoir peur de s’exprimer, de ne pas savoir dire son attente.
G Primo Levy écrivait que dans les camps, face à trop d’horreur, on s’anesthésie pour survivre et mettre en sourdine ses peurs. La peur, c’est aussi ce qui risque d’arriver et pas ce qui est arrivé.
G Quand on ne sait pas de quoi on a peur, c’est là qu’on a le plus peur.
G Dans les troubles du comportement alimentaire, comme l’anorexie ou la boulimie, chez certains malades, il y a la peur de productions internes et de l’imaginaire. Il faut introduire un élément extérieur qui sera accepté et qui ne fera pas peur…
G La peur est tour à tour, raison et déraison, rationnelle et irrationnelle. La peur est d’abord instinctive, car elle est une manifestation première, un réflexe qui échappe tout d’abord à l’intellect. La peur est une de nos émotions. Instinctivement, lorsque nous sommes en danger, avant que l’information soit arrivée au cortex, analysée, la chimie du corps, le physiologique se met en route. En fait, devant le danger qui nécessite la fuite, le cœur envoie immédiatement le sang vers les muscles inférieurs pour améliorer la course, ou vers les membres pour préparer à la lutte. Dans les parties supérieures du corps dont le visage, les veines ne reçoivent plus de sang, d’où cet effet, « il a pâli », « il est devenu blême ». Il y a choc émotif, l’esprit émotionnel est plus rapide que l’esprit rationnel. Autrement dit, l’intellect, la raison n’y sont pour rien. C’est la volonté, le vouloir vivre qui conserve sa suprématie.
C’est peut-être l’animalité qui sauve l’humain. C’est peut-être grâce à cet instinct que les premiers individus se sont préservés en milieu hostile, qu’ils ont développé le genre humain ; c’est grâce à cette aptitude à avoir peur que nous existons. Mais, dans certains cas, nous savons qu’elle peut aussi nous paralyser : « Tantôt elle nous donne des ailes aux talons, […]; tantôt elle nous cloue les pieds et les entrave », dit Montaigne (Essais, chapitre XVIII). La peur est tellement une réaction physique que les expressions populaires en reviennent souvent au physique, entre autres : avoir les foies, les avoir à zéro, serrer les fesses, faire dans son froc, avoir le trouillomètre à zéro, avoir la peur au ventre, …
Plus sérieusement, si nous pouvons louer la peur, souvent elle est l’objet de moqueries, de railleries, de jugements sévères. Par notre tempérament, nous sommes plus ou moins courageux, plus ou moins pusillanimes, lâches, ou tout simplement peureux. En face de la peur, qui a une mauvaise presse, une mauvaise connotation, nous mettons, nous opposons le courage ! Ah, le courage, l’autre côté de la médaille !
Les cimetières sont pleins de gens qui n’avaient peur de rien. Autrement dit, si je suis conscient, j’ai peur d’être distrait en conduisant, j’ai peur des autres voitures, j’ai peur du radar, et ainsi cette peur fait que j’ai une conduite prudente, la peur devient une alliée utile, et là c’est raison que d’avoir peur.
G Le poème de Florence :
A-t-on raison d’avoir peur ?
Pour un gramme d’adrénaline
En plein cœur
Un instinct de vie
Rémanent
Le chasseur se souvient de la fuite, de l’affût
La peur qui paralyse au creux des hautes herbes
La raison n’est pas là, la raison est refus
La peur est sa survie, la peur est un proverbe
Le verbe qui raisonne, un verbe si menteur
C’est le temps du gibier qui détale et s’envole
Les ailes de la peur sont un puissant moteur
Cri des ailes en plein ciel des oiseaux qui convolent
Pour une nuit cristalline
J’ai eu peur
Un déni de vie
Différent
C’est le bruit des bottes, sur le pavé luisant
Une balle en plein cœur sur le bord de la plage
Et c’est le corps qui roule au rythme des brisants
Et ceux qui marchent encore à force de la rage
Comme un instinct de vie, un sursaut de survie
Et l’idée d’un café au boulevard Saint-Germain
La mort est en face mais la vie nous convie
Je t’invite à boire une bière, viens toi le Germain
Pour une idée orpheline
Une fleur
Raison ou envie ?
Un serment
G La peur n’a rien à voir avec la raison. La peur, comme la douleur, est un signal d’alarme de la nature pour prévenir d’un danger ; ce qui entraîne soit la fuite, soit la paralysie, les deux réponses à un danger. Souvent la décharge d’adrénaline nous permet une réaction salutaire.
G Une interprète gestuelle nous dit qu’on peut être à l’aise dans certains milieux que l’on connaît (comme dans le langage des signes avec des sourds) et avoir peur des « ténors » qui savent parler, en ayant peur de ne pas savoir le sujet.
G Le premières peurs sont venues des éléments, des dieux, et les hommes ont voulu les apprivoiser ; puis, on a réuni tous les dieux en un seul qui cristallise toutes les peurs.
Il y a deux peurs possibles : ou la peur raisonnée, ou la peur panique. Il y a des peurs nécessaires où la raison nous dit d’avoir peur. Il faut être courageux sans être téméraire.
Et il y a cette peur qui est le trac, le trac de l’artiste, du comédien. Les bons en général ont le trac, même s’il cède dès qu’ils sont sur scène.
G D’après Hobbes, il faut essayer de donner à la Sagesse une certaine place. C’est ce qui a permis de donner aux peuples des lois qui favorisent la vie en communauté. Ainsi, selon Le contrat social de Jean-Jacques Rousseau, la peur est passée dans l’élaboration et l’intelligence des lois dans l’intérêt collectif.
G Nous avons tour à tour, voire parfois simultanément : peur pour notre emploi, peur pour notre écosystème, peur dans notre quartier, peur dans des relations amoureuses, peur de grossir, peur de vieillir, peur pour notre pouvoir d’achat, peur pour nos retraites. Certaines peurs peuvent aussi devenir un moyen de pression, des diktats, ou du business. Les philosophes ont peu, voire même pas du tout, parlé de la peur, c’est que ce n’est pas là un sentiment noble, et pourtant nul n’est exempt d’avoir peur. Dans une société où les rapports de forces sont souvent présents, il ne faut surtout pas montrer sa peur, se serait montrer sa faiblesse, et de là se mettre en danger, car ce monde n’est pas toujours animé des meilleurs intentions et il a parfois besoin de victimes, pour que ceux qui affichent ne pas avoir peur puissent conjurer ainsi leurs peurs. La peur est dans notre part animale, c’est une réaction animale, mais l’animal n’a peur qu’en face d’un danger, alors que nous nous projetons des peurs : c’est aussi le prix de notre humanité, parce que nous avons l’imagination, encore cette « folle du logis » qui échafaude des situations ; nous nous faisons nous-mêmes peur par de fausses peurs, jusqu’à avoir peur d’avoir peur ou jusqu’à développer des peurs et tomber dans le traumatisme des peurs : la paranoïa. Les peurs de l’intellect sont souvent de fausses peurs, à moins que nous aimions avoir peur. Souvent, ces peurs imaginées nous gâchent la vie ; celui qui pense trop à la mort, qui n’a pas médité les sages conseils d’Epicure, aura vécu cent morts avant de mourir ou avant d’en mourir.
De tout temps, la peur a été un moyen de soumettre. Soumettre les enfants, soumettre des peuples, moyen d’assujettissement ou de manipulation des plus naïfs. Les hommes ont souvent été gouvernés par la peur : sous des rois, des tyrans, des empereurs, des dictateurs, jusqu’à des régimes théocratiques, comme en Iran aujourd’hui, et, il y a peu, un régime autoritaire, librement choisi par un peuple, devenait un régime de peur : le nazisme. Toutes ces peurs, il a fallu les affronter, les vaincre ; ce fût le sang des Révolutions pour que les peuples ne vivent plus sous le régime de la peur. L’homme du XXIème siècle est évolué en ce sens où il domine mieux ses peurs, qu’elles soient d’ordre physique ou métaphysique, en ayant démasqué et rejeté bien de fausses raisons d’avoir peur.
G Certaines peurs sont liées à la timidité, au trac ; ces peurs sont individuelles et peuvent mettre l’individu dans des situations délicates et le faire passer pour ce qu’il n’est pas (malpoli, prétentieux, méprisant …). Selon Robert Heinlein : « Le courage est le complément de la peur. Un homme qui est sans peur ne peut être courageux. »
Qu’est ce qui peut engendrer la peur, l’inquiétude, l’angoisse ? : Les annonces d’attentats, les déclarations de guerre, les explosions nucléaires, les séismes violents ; les crises économiques ou politiques qui déstabilisent le cours « normal » de la vie et entravent les projets ; le chômage, la rapidité de l’information (via Internet), qui, en abolissant les notions de distance, d’espace et de temps, laisse croire au danger immédiat, proche, et diminue ainsi la place nécessaire à l’analyse et à la réflexion ; le fanatisme de certains religieux et leurs exigences de vie, en particulier pour les femmes (burqa, polygamie…) ; la multiplication des catastrophes écologiques ; le manque de connaissance (ou l’ignorance totale) sur un sujet donné ; le manque de confiance en soi ou dans les autres ; l’inconnu et ses « risques éventuels …
L’angoisse est une peur intense qui augmente lentement pour finir par atteindre parfois un niveau « incontrôlable ». Cette peur panique peut être le résultat d’une aliénation intellectuelle ou sociale. Nietzsche critique les religions dans « Crépuscule des idoles », parce qu’elles auraient suscité la crainte du péché et celle de vivre par soi-même.
Toutefois, lorsque la peur est « environnementale et collective » (lors d’un attentat par exemple), on peut se poser la question de savoir ce que devient le « courage » : N’est-ce pas alors le «chacun pour soi » ou le « courage, fuyons » !
G On remarque que souvent les enfants reproduisent les peurs des parents. La mère qui montre sa peur de l’orage, transmet cette peur à ses enfants. Il faudrait, comme parents, pouvoir maîtriser, cacher nos peurs irrationnelles.
G La réponse à la peur est une réponse personnelle, c’est le courage. Que la peur soit justifiée ou pas. Toute raison est universelle et anonyme, tout courage est singulier et personnel. La lucidité, c’est le courage du vrai, mais aucune vérité ne lui suffit.
G Nous avons peur de ce que nous ne connaissons pas, peur de l’étranger. Il n’a pas la même couleur de peau, il n’a pas les mêmes coutumes ; nous ne nous reconnaissons pas en lui. De là, l’exploitation de cette peur, jusqu’à l’attiser, pour provoquer ce phénomène du rejet de l’étranger. En quoi la philosophie nous aiderait-elle dans ce domaine ? Peut-elle nous aider à chasser certaines de nos fausses peurs, nos pensées a priori ? Philosopher doit être autre chose que « d’apprendre à mourir ». Le débat philosophique doit lever des voiles sur des croyances, des a priori qui polluent nos pensées, sur diverses peurs qui nuisent à notre jugement. Plus nous pratiquerons le débat philosophique, plus nous apprendrons à éliminer les fausses peurs, plus nous découvrirons que c’est la confiance, le courage, celui par exemple de ne pas avoir peur d’exprimer ses idées, qui font avancer la qualité des relations et qui apporteront leurs fruits dans la recherche de l’art du « bien vivre ensemble » en ayant dépassé certaines peurs.
G Nous pouvons avoir raisonnablement peur, cela se reproche plus de l’expression craindre. C’est ainsi que nous craignons, à juste raison je crois, que nous faisons courir de trop grands risques à notre environnement. Nous pouvons craindre que la recherche, des techno-sciences ou biologie, s’affranchissent parfois de ses règles éthiques pour gagner dans la compétition des brevets. Il y a bien des personnes qui jouent le rôle de sentinelles, des lanceurs d’alerte, mais il nous appartient à tous de nous y intéresser, ou pour chasser de fausses peurs ou en évitant de pires qui seraient alors réellement justifiées.
G (Témoignage) Enfant j’avais peur des oies (des jars) qui me coursaient dans la cour de la ferme, jusqu’au jour où je leur ai fait face en les menaçant d’un bâton.
G Le travail philosophique de chacun, puis en groupe, nous permet de surmonter des craintes. D’abord, nous découvrons notre ignorance. A priori, sur bien des questions, on ne sait pas répondre, on n’est pas tranquille, pas au repos. Cette peur se combat dans un café-philo, c’est un voyage long, difficile, gratifiant et joyeux.
On peut avoir peur de l’éducation par la peur au lieu de l’éducation par la transmission de connaissances. Il faut enseigner par la connaissance et non par la peur.
G Une intervenante dit qu’une pression circulaire en massant le creux de la main peut permettre de calmer la peur.
G « Ce n’est pas que j’ai vraiment peur de mourir, mais je préfère ne pas être là quand ça arrivera » (Woody Allen).
G (Denier témoignage à la fin du débat) Ma fille, lorsqu’elle était encore une enfant, me disait : « J’ai peur de la peur que j’aurai quand j’aurai peur ».