Restitution du débat – Café-philo de L’Haÿ-les-Roses
12 mai 2010
Animation: Guy Philippon
Modérateur : Georgia Guen
Introduction : Mer et philosophie, l’association est insolite. Comment saisir ce qui nous ravit ? … Puisque la mer nous transporte hors de nous-mêmes. Son pouvoir subjuguant détournerait-il la pensée ? Quel chemin doit se frayer l’amour de la sagesse et de la mer pour se rencontrer ? Comment l’infime et l’imprévisible pourraient-ils constituer un point d’appui à la pensée ?
Quelques traits poétiques au cours de notre conversation : Madame de Staël : Le spectacle de la mer fait toujours une impression profonde, elle est l’image de cet infini qui attire sans cesse la pensée, et dans laquelle sans cesse elle va se perdre.
Henri Michaux : Si un contemplatif se jette à l’eau, il n’essaiera pas de nager, il essaiera d’abord de comprendre l’eau. Et il se noiera.
Marguerite Duras : Elle est restée là, convenable, discrète, parfaite, invisible, éternelle, la mer… Elle dit aussi que, s’il n’y avait ni la mer, ni l’amour, personne n’écrirait des livres.
Blaise Pascal : Après les échanges, les points de vue, tout se répond, se correspond, chaque mouvement importe à toute la nature, chacun de nos gestes rencontre un écho : « La mer change pour une pierre ».
Guy Philippon : Quand les enfants font des ricochets sur la mer, les mouvements s’y propagent à l’infini. Attachons nous à perpétuer cette image heureuse, libre. La mer est notre plus beau souci.
La mer et la mythologie : Toute la vie maritime invite au rêve, à l’imagination, à l’oubli, à l’ivresse des embruns, aux drames des départs et des naufrages.
Hölderlin : De la Terre où nous vivons, où nous habitons, où nous rêvons, d’un sémaphore, du haut d’une falaise, le long d’une plage, la mer, par son horizon infini, toujours reculé, l’ampleur de ses respirations, la violence ou la sérénité de sa houle, n’est pas un décor quelconque, mais la présence, complémentaire à la Terre de l’illimité. Oui, c’est la mer, le lieu premier de la richesse.
Quelques traits historiques :
C’est en Méditerranée, il y a quelques 2 500 ans, dans l’archipel grec, que sont nés notre civilisation et notre monde politico-économique, par le juste équilibre entre proximité et éloignement des îles les unes par rapport aux autres, rendu possible par l’état technique de la navigation.
La mer a favorisé l’essor du microcosme grec où tous les enjeux humains ont pu, pour un temps, s’exprimer, se développer, s’opposer sans se détruire.
Dans cet univers, le navire était l’élément moteur, de l’échange, de la culture, mais aussi de l’effroi.
De ce passé, il nous reste une mythologie comme l’Odyssée. Pour les Grecs, la mer était divine et peuplée d’êtres surnaturels : dieux, déesses, demi-dieux et monstres. Les mythes et la divination fournissaient aux marins des explications aux traversées heureuses, aux intempéries, aux accidents, aux aléas de ce que l’on continue à appeler « la fortune de la mer ». Poséidon et son trident, Amphitrite, Triton, Thétis aux pieds d’argent (parce qu’elle court dans le brisant des grèves), les nymphes meurtrières, les sirènes, les danseuses néréides, grâce infinie des flots, se meuvent dans l’empire mystérieux de l’antique Ökeanos (océan, en grec).
Les peuples navigateurs : Des siècles avant les Européens, les Polynésiens, par excellence le peuple de la mer, reliaient et colonisaient les îles par des navigations transocéaniques de plusieurs milliers de miles.
Ils avaient trois types d’embarcations, toutes démontables : la petite et la grande pirogue à balancier creusée dans les arbres, le catamaran ou pirogue double, c’est à dire deux coques réunies par une plate-forme, sur laquelle était construit un roof ou un abri. Pendant des siècles, ils vont parcourir et peupler presque toutes les îles du Pacifique, grâce à leur navigation intrépide et savante. Des années d’observations du ciel, de la périodicité et de la régularité des vents et des courants, de l’orientation et des modifications de la houle, mémorisés, constituaient avec une cartographie de baguettes de bois et de coraux, comme les repères d’un récit, un savoir sacré détenu par quelques-uns.
La Polynésie est la langue la plus riche du monde en termes maritimes.
Les découvreurs : La pénurie des terres et les envahisseurs ont poussé sur mer les Vikings et les Maoris. Mais qui pousse Christophe Colomb ou Magellan nos héros familiers ? Ce n’est pas la mort qu’ils bravent ni même l’océan furieux, mais l’inconnu. En 1895, Joshua Slocum, pionnier des navigateurs solitaires d’aujourd’hui, entame sur le Spray sa circumnavigation solitaire, qui durera 3 ans. Il sait que voyager seul en mer difficile, voire mortel, ce qui sera le cas lors d’une croisière solitaire où il disparaitra en 1909. Mais il peut imaginer ce qui risque de lui arriver, ce qu’il est susceptible de rencontrer. Colomb et Magellan ne savent rien lorsqu’ils appareillent. Par cette ignorance acceptée, exaltée, ils nous subjuguent et nous échappent. L’Histoire les habite et les entraîne.
Francisco Serrão, un ami de Magellan, s’était installé dans une des îles des Moluques après un naufrage. Devenu grand vizir, il écrit à Magellan et lui suggère de le rejoindre en prenant la route de Christophe Colomb, étant donné la position extrême orientale des îles des épices. En Octobre 1517, Magellan arrive à Séville. Naturellement taciturne, il va jouer d’autant mieux, maintenant et plus tard face à ses officiers et à ses équipages, la certitude qui n’a pas besoin de se justifier : « Donnez-moi une flotte, il existe un passage », dit-il au Roi de Castille. Le 20 Octobre 1520, il est devant le détroit qui porte désormais son nom. Le 7 Novembre 1520, il est de l’autre côté, il réunit ses capitaines : « Nous nous enfoncerons dans cet océan (qu’il va baptiser Pacifique), jusqu’à ses limites, dussions-nous manger le cuir de notre gréement ». On sait qu’il en fût ainsi.
Débat G Que nous enseigne la mer ? Pour moi c’est un sentiment d’engloutissement, de submersion, d’inondation. Elle est à maîtriser par la pêche, la navigation, le pétrole, les traversées touristiques, les expéditions scientifiques. Elle protège en son sein des espèces animales et végétales, le volcanisme du rif médio-océanique, les bassins sédimentaires. Il s’y inscrit toute l’histoire minérale, végétale et animale de la géologie terrestre qui se stratifie. Elle contient les plus gros mammifères…La mer a aussi pour moi un rôle matriciel : la naissance de la vie a eu lieu en milieu aquatique et le fœtus humain se développe aussi dans l’amnios aquatique dans le liquide amniotique. Le corps humain est composé de 70% d’eau et le sérum physiologique à la même composition que l’eau de mer.
La mer est une richesse non seulement zoologique, mais aussi par le sel. La gabelle ou impôt sur le sel était très impopulaire ; celui-ci n’a été supprimé définitivement qu’en 1946. On peut tirer des nourritures ou des produits chimiques de la mer, mais aussi de l’énergie par les forces marémotrices.
La mer nous renvoie à nos origines, le retour aux eaux primordiales, le retour à ses origines quand on se plonge dans la mer… On peut rappeler aussi le Déluge qui a submergé la Terre au secondaire et modifié son peuplement. La mer me fait aussi penser à quand j’étais enfant et que les médecins disaient aux enfants de milieux modestes qui ne pouvaient pas partir en vacances au bord de la mer que cela leur était contrindiqué à cause de l’iode qui les rendrait nerveux !
Enfin la mer, c’est toute une symbolique : Poséidon, les naïades, le symbole du poisson, le trident et tout ce qui tourne autour du mythe de l’océan, chez les Grecs notamment, ainsi que d’autres civilisations.
G La mer est un être qui vit, avec des habitants, de la végétation, des animaux, des volcans, avec un caractère et des expressions. La mer ou les océans couvrent 72% de la surface du globe. Elle est un produit vivant de notre planète qui sert l’humanité. Elle nous offre des éléments qu’elle possède (iode, algues…), qui sont utilisés en pharmacie, en médecine, en cosmétique… Elle nous propose des loisirs : baignades, régates, sports, voyages… La mer a une végétation variée, des plaines, des montagnes et des volcans. Elle a un caractère (elle gronde, elle est apaisée, elle est calme ou agitée…). Elle a des types de courants différents (froids ou chauds). Elle présente des caractéristiques différentes suivant son implantation sur le globe – mer fermée, mer intérieure, mer morte, ou encore mer ouverte sur les océans (Indien, Pacifique, Atlantique..). Elle est à la fois « féminine » (mer) et « masculine » (océan). Elle peut être plus ou moins salée ; elle a des cycles (les marées) ; elle nous offre des plages (de sable ou de galets), des criques, des baies…
La mer est un élément prépondérant de notre planète et pourtant moins de 0,5% des mers sont protégées. Nul ne peut la maltraiter ou l’ignorer sans qu’elle réagisse. Elle peut être accueillante, généreuse, nourricière, mais elle peut être dangereuse et même vengeresse. L’immensité de la mer impose à l’homme la modestie, l’humilité, le respect.
Qui peut se targuer de connaître précisément la finalité d’un voyage en mer ? La mer nous réserve des surprises agréables ou non. Elle est la maitresse des lieux et nous ne sommes que ses invités.A nous de faire nôtres les mots de la chanson de Renaud : « C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme ». Les plus illustres navigateurs savent qu’ils peuvent avoir maille à partir avec elle et qu’elle peut les engloutir.
La mer, les océans, ne nous appartiennent pas et ils font partie du patrimoine universel. Nous avons le bonheur de pouvoir l’utiliser, mais en respectant sa diversité, sa vie, ses richesses. En effet, les mers et les océans sont peuplés et il est donc essentiel de tenir compte de cette situation.
G Que nous enseigne la mer ? En fait, rien. On fait de l’anthropomorphisme avec la mer, mais c’est un être inconscient, une chose, mais qui peut être le support de beaucoup d’autres choses, par exemple dans la création : peinture, chansons… C’est un espace, une immensité, un horizon imperceptible, la fin du monde visible et l’immensité du soleil qui disparaît derrière l’horizon. La mer renvoie à une notion d’infini ; elle ressemble à une assiette dont les bords plongent sur les côtés. C’est un espace sans fin.
La mer nous renvoie aussi à la liberté. On peut prendre la mer pour finir, pour partir libres ou prisonniers (les galères).
La mer, c’est le changement permanent : luminosité, transparence; la mer est sans cesse changeante. Il y a une différence entre la mer (ça sent la mer) et un lac qui ne provoque pas le même ressenti.
La mer permet le plaisir, l’angoisse, la peur… Naviguer avec les étoiles, la vue d’un phare au loin est merveilleux et grandiose.
Mais il y a l’angoisse permanente et le risque. On n’est jamais sûr d’arriver à bon port. Quand on navigue, on ne pense à rien consciemment ; c’est une immobilité où on est bien. La mer, c’est aussi l’expérience de la séparation et de la réunion : elle sépare les pays et les continents, mais elle réunit et rapproche les civilisations (Caraïbes, Mer Egée…). La mer c’est la mouvance : le flux et le reflux. Et c’est aussi bien sûr associé à la mère comme source de vie. Cela renvoie au féminin, à la vie.
Il y existe les gros mammifères, elle est à l’origine de l’homme ; les mers nous font passer du connu à l’inconnu comme les profondeurs des plaines abyssales et l’étrangeté des mondes sous-marins.
La mer nous relie à l’éternité. Elle existe et a existé de tous les temps. Elle est infinie dans l’espace comme dans le temps.
G La mer et les humains sont liés. 4/5ème de la population mondiale vit au bord de la mer. Ce serait une catastrophe si on assistait à la fonte des glaciers qui entraînerait la disparition des villes côtières. Les humains sont entrés vers les terres quand ils sont devenus agriculteurs. Ils étaient d’abord des chasseurs puis des marins, par exemple, les Grecs. L’histoire de l’humanité est liée à la mer.
Il existe aussi le mal de mer. Il existe des personnes qui ne supportent pas la mer.
J’ai été dans un sous-marin en mer rouge et j’ai pu voir des paysages sous-marins merveilleux. Rien n’égale la mer pour la beauté et la variété du contenu (exemple : les fjords).
G Dans le conte d’Andersen, « la petite sirène » a voulu renoncer à ce merveilleux royaume sous-marin pour l’amour d’un humain. Elle a donné à la sorcière sa voix magnifique de sirène pour avoir deux jambes comme les humains pour retrouver son prince qu’elle avait sauvé et qu’elle a aimé, quand il s’était échoué inanimé. Mais elle ne pourra plus l’appeler, ni lui parler, ni se faire reconnaître et il l’abandonnera. Elle finira écume sur la mer. Ce conte est l’un des plus riches symboliquement sur la mer et l’amour.
G La mer est tout ou rien. Bienfaitrice (exemple : thalassothérapie) et meurtrière (pertes de collègues, chapelles des marins péris en mer…). Mon grand-père breton faisait ses bateaux et naviguait sur l’Odet. La mer nous nourrit et nous tue (exemple : Tabarly). C’est exaltant et angoissant. La mer nous renvoie au paradoxe de la vie (exemple : Les algues peuvent être tueuses ou nourricières). On peut partir en quête de ses trésors… et y laisser sa peau.
G Mer nourricière ? Mais sans la mer, le Terre n’existerait même pas. Les astronautes ont appelé la Terre : la planète bleue. La mer est la condition de la vie sur la Terre.
G La mer est présente dans l’histoire des origines de la Terre dans la cosmogonie grecque, avec le chaos originel, puis Gaïa et Ouranos et Pantos… Ouranos et Gaïa copulent sans cesse et vont produire à l’infini les Titans, les Naïades, les Cyclopes et autres. Tout cela est bien expliqué dans le livre de Jean-Pierre Vernant « L’Univers, les Dieux, les hommes » avec l’histoire de Chronos et de ses enfants qu’il dévore, sauf Zeus qui le tuera en l’émasculant. Le sexe de Chronos tombera dans la mer et, des gouttes de sa semence qui a fécondé la mer naîtra Aphrodite qui sortira directement nue des eaux…
G Le film récent de Jacques Perrin « Océans » présente largement le monde maritime.
G La mort en mer est toujours possible. La mer est un symbole de vitalité mais ses eaux vivantes apportent la mort. Un homme à la mer est perdu. On dit « perdu en mer », disparus en mer : on ne meurt pas en mer, on disparaît.
G La mer rend-t-elle ou non les disparus ? Les pulls irlandais sont magnifiques. Chaque femme a ses motifs pour reconnaître les corps rejetés sur la plage.
G Mais pourtant beaucoup d’Irlandais sont morts de faim quand la pomme de terre a été dévorée par les doryphores, plutôt que manger les produits de la mer et il ne semble pas avoir été de grands marins…
G Il y a différentes situations de la mer, dans le temps : plus haute, plus basse, plus gelée… La mer est celle qui mange les terres côtières par les vagues et avance. Elle érode les terres, mais elle est aussi repoussée et recule par les alluvions des fleuves qui y débouchent.
G L’homme se bat avec la mer, mais elle aura toujours raison.
G J’ai fait le rêve d’une immense vague qui me submerge. C’est un rêve répandu et peut-être une expérience archaïque. Nous avons des peurs archaïques qui viennent de notre inconscient collectif.
G La mer est intimement liée à l’histoire humaine. L’Odyssée est un récit initiatique pour l’humain. L’Odyssée serait un code marin pour montrer aux marins un chemin où il y a de l’or. Ils partent de la Méditerranée, de la Grèce, vers le nord-ouest, peut-être jusqu’en Islande.
Poème de Florence : Tanka en 5 vers.
C’est le bruit des Vagues
Que nous enseigne la mer
Le goût d’une larme
J’ai plongé avec délice
Dans la soupe originelle
G La mer ? Une méditation tonique 1…
L’arrivée sur une plage suscite toujours dans notre esprit une impression unique et un mélange de timidité et d’excitation. Se dévêtir au-dehors, sentir l’air sur notre peau ; prendre place devant un spectacle fabuleux sans rien devoir à personne ; s’inquiéter, enfin, de l’orientation du vent comme si notre vie ne dépendait. Prendre un bain ne relève pas alors de la performance. Nous n’avons rien à prouver. Seulement à éprouver.
Le bain libère nos énergies sans énervement, ni tension ; il nous rassemble, nous recentre : même violente, l’eau engendre une fatigue saine et sereine. La vie qui s’écoule est incomparable ; sur la plage, nous sommes ailleurs. Le va-et-vient des vagues invite au cheminement de la pensée, ainsi d’une « apparition disparaissante » chère au philosophe Vladimir Jankélévitch. La mer offre une fuite perpétuelle. Ses scintillements, ses mirages, appartiennent à un mode différent, dangereux, attirant.
Nous suivons la course d’une voile blanche ; quelques instants plus tard sa trace est perdue. Notre voile a tourné comme une girouette : il est aussi impossible à notre attention de se fixer que de planter un clou dans l’eau. Notre pensée s’envole d’un reflet à l’autre, accompagne la danse des apparences, ajourne indéfiniment le commencement de la réflexion. On ne s’échappe pas de l’immensité des mers.
A quoi pensons-nous devant l’océan ? On l’ignore et c’est agréable. Toute conscience est conscience d’on ne sait quoi ! Notre pensée paresse au soleil. Elle ne revendique que le droit de se livrer aux chères vagues.
Notre pensée ressemble à un fluide subtil : « L’âme est un océan sous une peau », comme l’écrit Henri Michaux, et elle rêve de fuir en cavale avec la mer. Mettre les voiles : du rivage commence un voyage à la verticale. Notre pensée débridée rompt les amarres de l’habitude des automatismes : elle quitte les sentiers balisés de la raison, les lieux communs incommodes. Aux réflexes, elle va substituer une vraie réflexion à commencer pour se perdre. Suspension provisoire de notre faculté de penser ! Notre errance maritime pratique le vide par désolation. Les choses, les êtres ? Leurs contours sont fondus. Le fracas du monde ? Une rumeur lointaine, un chant à peine audible ! La réalité ? Quelle réalité ? Le moi, le monde coïncident dans la même intermittence.
Une méditation tonique 2 : Le spectacle aquatique imprègne notre conscience comme des cercles qui se reproduisent les uns les autres ?
Liquéfiée, notre conscience se disperse comme les embruns au milieu de l’océan. Il y a un instant, on ne savait plus que la pensée pensait et maintenant, on ne sait plus qui pense. Phénomène prodigieux où ce n’est plus moi qui porte ma pensée, mais les flots !
Avoir la mer en soi. N’est-ce pas cela que signifie Victor Hugo lorsqu’à Jersey, du haut du rocher, il devient peu à peu « un somnambule de la mer » ? Comme remède à l’insomnie, Alain demandait à notre corps allongé de prendre la forme d’un liquide.
La mer essaie de formuler en nous une idée neuve, polie par nos soins, quelque chose qui nous appartient en propre, sur laquelle l’homme n’a pas encore posé la marque de sa connaissance, la trace de son savoir.
G Mer et mère ; il y a un rapport parlant dans tout ce qui nous disons entre les deux. Quand on parle de la mer, on parle de la mère…Les rêves des Mélanésiens parlent d’un engloutissement, d’un lien avec une mer/mère capable d’engloutir et d’expulser, ce qui entraîne une peur de la perte de la virilité… Il y a la mer qui apaise et que l’on désire et avec laquelle on fusionne et que l’on rejette…
Dans les rêves, la mer est omniprésente.
G Lecture du sketch de Raymond Devos : L’artiste (annexe jointe).
G Dans la clandestinité, le symbole des premiers chrétiens était le poisson, dont le nom grec, « ichtios », était les initiales d’une phrase symbolisant le Christ Seigneur… La mer est un élément déterminant dans le christianisme : les disciples sont des pêcheurs, Jésus marche sur les eaux et il parle en priorité aux femmes qui ont un rôle privilégié dans l’Evangile, comme les saintes femmes au tombeau, Marie de Magdala, Marie de Béthanie, la syro-phénicienne, la femme adultère, etc. ( et la mer renvoie au féminin)…
G La Mer Rouge sépare de fait les deux civilisations égyptienne et israélienne ; les Hébreux la franchiront pour rejoindre leur Terre Promise. On assistera aussi plus tard au passage du judaïsme au christianisme, de la première à la seconde alliance.
G Les hommes peuvent-ils être responsables devant les générations futures ? Nous avons tous en mémoire le désastre écologique des marées noires, dont la dernière en date aux Etats-Unis en Louisiane… L’ampleur et la répétition des phénomènes montrent la puissance dévastatrice qu’ils engendrent. Hans Jonas, philosophe contemporain allemand (1903-1993), a tenté de prendre la mesure de ces phénomènes. Il fait la théorie qu’il appelle « le principe de responsabilité », qu’il oppose à toutes les éthiques précédentes. Ces dernières avaient pour tâches de définir la conduite seulement dans les relations interhumaines sans jamais avoir à prendre en considération la conduite globale de la vie humaine, ni l’avenir lointain, ni l’existence de l’espèce elle-même qui semblait acquise.
Le nouvel impératif, celui du principe de responsabilité invoque une autre cohérence, non celle de l’acte en accord avec lui-même, mais celle de ses effets ultimes en accord avec la survie de l’activité humaine dans l’avenir. L’idée d’une responsabilité à l’égard des générations futures ne va pas sans poser problème. D’abord Kant a bien montré que le propre de l’obligation morale, du devoir, est que l’obligation est insensible à toute considération d’intérêts. Jonas ne l’entend pas ainsi. Il parle bien d’une responsabilité au sens fort, au sens d’une obligation morale, sachant que celle-ci n’a pas et ne peut pas avoir pour principe l’intérêt, mais le devoir sacré qu’il y ait une humanité et qu’elle existe encore à l’avenir.
Les hommes d’aujourd’hui sont dépositaires de l’avenir de l’humanité et de la Terre comme d’un bien qui nous aurait été confié et dont nous restons responsables. Or, l’écologie est aujourd’hui religieuse, comme l’a dit Luc Ferry. Cela veut dire que le sens des responsabilités à l’égard des générations futures se livre à nous dans le soin quasi-religieux de la nature et non pas dans le souci de « l’autre homme » et de la spécificité humaine.
G Certaines religions ne placent pas l’homme au centre de la Création. On peut être dans le cas où l’homme fait partie du cosmos, ce qui entraîne pour l’homme une nécessaire humilité.
G Dans « Entretiens au bord de la mer », Alain, en 1931, nous prie de regarder du côté de la mer :
L’ouest, point cardinal de la liberté et des causes perdues portera notre réflexion :
« A notre droite des blés mûrs,
A notre gauche, la mer sans moissons », comme Homère dit si bien.
Un jeu d’oppositions : la terre et la mer, le solide et le fluide, l’être et le non-être.
Survient un nuage, la mer s’assombrit, prend une couleur de nuit, selon Homère. La conversation s’engage sur l’apparence, qui révèle tout et bien. Une pensée de Hegel brossée en trois touches de lumière : « L’être ne peut nous apparaître mieux qu’il ne fait ».
Philosophant « les pinceaux à la main », la théorie de la substance, l’idéalisme kantien, celles de l’existence et de l’univers sont évoquées. C’est un dialogue difficile qui prend forme devant la mer. Quel enseignement la mer prodigue-t-elle pour la conduite de notre vie? Il faut d’abord considérer les récifs que l’homme chasse de lui-même et les écueils qui font obstacle à sa route.
Nos actions sont freinées par nos idées préfabriquées, paralysées par des pensées prêtes à servir, limitées par des concepts à découper selon les pointillés. Nous prenons nos idées pour des lois, nous nous y accrochons comme à des bouées de sauvetage. Que nos abris ne deviennent pas nos tombeaux. A terre, les choses donnent l’illusion d’être immuables : par exemple, à l’endroit où se trouvait une maison, la place est vide, des travaux vont être entrepris; en attendant, il n’y a plus rien. Et pourtant on la voit encore! Nous en conservons l’idée alors qu’elle n’existe plus. « Le monde que l’homme se construit le protège bien mais l’instruit mal », dit encore Alain.
Observons la mer en mouvement : Il n’est pas celui d’une corde qui ondule ni d’une étoffe qui se déplie à l’horizontale. L’eau, au contraire escalade le ciel puis s’écroule dans le vide. En retombant les vagues communiquent leur énergie à de nouvelles vagues. La mer brise les solides, les droites, les formes, car ici les formes nous assurent qu’elles ne sont point. Il n’y a évidemment pas une vague à côté de l’autre; la mer ne cesse d’exprimer que les formes sont fausses. Bien clairement, cette nature fluide refuse toutes nos idées; elle nous en refuse cette trompeuse image. Le mouvement de la houle réside dans l’esprit qui le construit, dans l’œil du peintre qui la fixe sur la toile, dans celui du marin qui y règle sa manœuvre. Il est donc aussi vain d’aller cueillir les idées dans les choses que de chercher l’équateur dans le ciel, comme on rechercherait une comète, conclut Alain.
Le bruit régulier des vagues à notre oreille est une synthèse de petites perceptions inconscientes, comme l’a expliqué Leibniz.Pour entendre le bruit de la mer, dont on est frappé quand on est au rivage, explique le philosophe de la continuité, il faut bien qu’on entende les parties qui composent ce tout, c’est-à-dire celui de chaque vague, si petit qu’il soit, sinon cent mille petits bruits resteraient invisibles.
« Rien ne se fait d’un coup… La nature ne fait jamais de saut ».
En nous délivrant des vérités éternelles, des abstractions trompeuses, de nos illusions, l’océan nous ouvre le chemin de la liberté. La pensée clarifiée, l’horizon sur la mer s’éclaircit. On apprend à connaître les lois universelles de la nature. On peut en déduire notre action : la mer replace l’homme face à son destin. Il y est seul. Mais l’indifférence de la nature, son absence de sentiments et d’intentions ouvre à l’homme le champ de l’action, tel un navigateur avançant contre le vent par la force du vent, luttant avec et contre les flots par la volonté. Ample, sans borne, la volonté se substitue à nos prétextes, nos complaisances. Connaissance, expérience, prudence : on peut réduire la part du hasard, le risque ne disparaît pas. Nos entreprises comportent « du vague », de l’aléatoire. Vivre avec la contingence cela ne signifie pas jeter ses chances par-dessus bord. Croire que tout est joué, c’est perdre d’avance. C’est penser comme une algue. Paresser au lieu de penser.
La mer nous invite à refuser le déterminisme : En contrariant nos prévisions, elle ne cesse de répéter que rien n’est assuré. Le peintre qui avance sa toile entre savoir-faire, talent et hasard, connaît cette incertitude comme le marin « pour qui l’instant suivant est toujours neuf ». On est jeté à l’eau, l’homme est au monde; il n’a pas à y faire sa place; il y est, il y nage. C’est la leçon d’Ulysse que transmet Alain.
A chaque mouvement de brasse, il accomplit son destin; Il doit penser en agissant et non agir sa pensée. Nous écrivons notre histoire au creux de la vague, comme un surfeur qui plie son corps suivant les ondulations de l’eau. Nous utilisons l’énergie de l’onde pour déployer la nôtre dans un mouvement de synchronisation. A chacun de reconnaître sa vague.
Kairos est le Dieu de l’occasion, de la bonne heure, du bonheur de partager avec la mer une complicité, de créer une bonne intelligence entre nos actions et le monde. Percevoir et sentir en même temps où le monde nous conduit, y aller mais non pas tout à fait; composer de l’homme et du monde un passage pour chaque instant…
Travail d’après « Alain et l’Océan instructeur » par Guy Philippon (Avril 2009).
Evolution de la mer dans les philosophies :
Kant : N’a jamais bougé de la Prusse. Mais il décrit la pensée comme un tumultueux océan chargé de glaces.
Nietzsche : Le gai savoir : Ô hypocrisie de cette muette beauté.
Foucault : L’homme tend à devenir un visage de femme… La couleur de la mer est la couleur glauque qui est un vert tirant sur le bleu… La responsabilité commencerait avec cette question : « qu’arriverait-il à l’humanité si moi je ne me préoccupe pas des générations futures? » La nature ne doit pas seulement être protégée, elle doit être respectée. Le mot « respect » a son importance. Il implique que l’on accorde une dignité égale à la nature et aux hommes. Or les mers sont polluées par les hommes. 50 millions de déchets en mer sont non dégradables. C’est la terre qui pollue la mer et non l’inverse.
Dans les Côtes d’Armor, une algue toxique, vraisemblablement issue des nitrates et autres engrais, est mortelle!
Aux îles Galápagos, les requins et autres espèces sont menacés.
En Corse, la baie de Bonifacio, reconnue comme patrimoine de l’humanité, est tellement polluée qu’une espèce de poissons sur trois est menacée de disparition.
Les dégazages sauvages des bateaux en pleine mer sont équivalents à deux marées noires.
Les scientifiques sont en colère et inquiets.
– Claude Lévi-Strauss, un des plus grands anthropologues du XXème siècle, demande que les hommes élèvent leur rapport à la nature et aux autres êtres vivants au niveau qu’ils se doivent mutuellement.
– Michel Serres invite les hommes à passer un contrat avec la nature, non plus considérée comme un objet exploitable, mais comme un sujet.
– Spinoza ne reconnaissait au plan philosophique « nulle différence entre les hommes et les autres individus de la nature ». Pour assurer la protection de notre environnement faut-il que nous accordions à la nature des droits égaux, voire supérieurs à ceux des humains? La réponse serait non à condition que l’homme respecte ses devoirs. Il ne doit pas saccager et polluer la nature. La protection de la nature doit passer par des lois avec une volonté politique et réelle qu’elles soient appliquées. La prise de conscience collective de la responsabilité humaine envers la nature est presque un devoir, mais qui n’impose pas de dire que la terre a plus de valeur que l’homme. L’enjeu écologique est un enjeu central de la morale et de la politique, mais ne doit pas devenir un faire-valoir. L’humanisme n’interdit pas de penser l’homme comme solidaire de la nature.Le principe de développement durable pose le fait que l’on doit satisfaire les besoins de l’homme d’aujourd’hui sans compromettre la satisfaction des besoins des générations futures. Il semble donc que le respect de la nature et le respect humain soient de plus en plus imbriqués. Pour Aristote : la nature est un principe de production et de mouvement présent dans les choses « naturelles » par opposition aux « objets artificiels » fabriqués par l’artisan et qui ne peuvent se mouvoir d’eux-mêmes. Les sens du mot nature se distribuent en deux catégories :
– la nature de quelque chose (son essence) ;
– la nature en général, c’est-à-dire l’ensemble des êtres appartenant aux trois règnes : minéral, végétal et animal.
Pour Kant, la nature est définie par ce qui fait l’objet d’une connaissance scientifique. C’est l’existence des choses déterminée selon des lois universelles. Soumis à la nécessité, régi par le principe du déterminisme, le domaine de la nature s’oppose à celui de la liberté humaine.En conséquence, l’homme n’a pas la liberté de faire n’importe quoi avec la nature. La mer a besoin de l’homme comme l’homme a besoin de la mer. La question essentielle à nous poser est : que laisserons-nous aux générations futures?
G Quand j’entre dans la mer je me sens toujours bien ; je ressens très fort le besoin de me baigner… On n’a pas froid dans la mer…
G Mais c’est un liquide poisseux et adhésif qui nécessite de se rincer après…
G Oui, mais c’est comme un liquide vivant…
G Dans l’histoire, il existe des synchronicités où la mer se montre alliée. Lors du débarquement en 1944, la mer était devenue rouge du sang des soldats qui venaient libérer le pays… Et dans la Bible la Mer Rouge se retire pour permettre le passage des Hébreux poursuivis par les troupes de Pharaon.
G La Mer Morte est une mer particulièrement salée, caustique et épaisse, où rien ne peut vivre. On ne peut y nager, car on flotte en surface.
G Il y a une exposition au Mac Val où la mer qui avance et qui reflue y est présentée de façon intéressante.
G Pour finir, lecture d’un extrait du poème de Jacques Prévert : « La femme acéphale »… : la femme acéphale avec ses idées et son utilisation de la mer.
de Raymond DEVOS, L’artiste
Sur une mer imaginaire, loin de la rive…
L’artiste en quête d’absolu,
Joue les naufragés volontaires…
Il est là, debout, sur une planche
Qui oscille sur la mer.
La mer est houleuse et la planche est pourrie.
Il manque de chavirer à chaque instant.
Il est vert de peur et il crie :
– C’est merveilleux !
C’est le plus beau métier du monde !
Et pour se rassurer il chante
Maman les p’tits bateaux
Qui vont sur l’eau
Ont-ils des jambes ?
Et plouff, il tombe à l’eau !
Il est rappelé à la dure réalité de la fiction.
Lui, qui se voyait déjà en haut de l’affiche,
Il se voit déjà en bas de la liste de ces chers disparus !
Il a envie de crier :
– Un homme à la mer !
Mais comme l’homme, c’est lui
Et que lui, c’est un artiste
Et qu’il exerce le plus beau métier du monde,
Il crie :
– Et le spectacle continue !
Il remonte sur sa planche pourrie.
Il poursuit sa quête de l’absolu.
(Chanté 🙂
Maman les p’tits bateaux
Qui vont sur l’eau
Ont-ils des jambes ?
Et plouff !
Il retombe à l’eau.
Il est ballotté comme une bouteille à la mer,
A l’intérieur de laquelle
Il y a un message de détresse.
Il a envie de crier :
– Une bouteille à la mer !
Mais comme la bouteille, c’est lui,
Et que lui, c’est un artiste
Et qu’il exerce le plus beau métier du monde. Il crie :
– L’eau est bonne !
– Un peu fraîche mais bonne !
Il remonte sur sa planche pourrie…
Il a complètement perdu le nord.
Il se croit sur la mer du même nom,
La mer du Nord… Il fait la manche…
Toujours la quête de l’absolu !
(chanté : )
Maman les p’tits bateaux
Qui vont sur l’eau
Ont-ils des jambes ?
Et il retombe à l’eau.
Le public, qui est resté sagement sur la rive,
Se demande si l’artiste n’est pas en train
De l’emmener en bateau.
Il se dit :
« Mais alors, quand est-ce qu’il se noie ? »
L’artiste, lui, s’aperçoit, soudain
Que la planche pourrie sur laquelle
Il est remonté pour la énième fois
Donne de la gîte sur tribord !
C’est-à-dire qu’elle penche du côté où il va tomber !
Il a envie de crier :
– Les femmes et les enfants d’abord !
Mais comme il est tout seul, il crie :
– Je suis le maître à bord !
Il ajouterait bien :
– Après Dieu !
Mais comme dans l’imaginaire, Dieu, on ne risque pas de le rencontrer !…
[Dieu existe, certes… mais dans le réel !]
Pour Dieu, l’imagination c’est une vue de l’esprit !
La fiction, ça le dépasse !
L’artiste sait qu’il n’a rien à attendre du Ciel.
Alors au lieu de crier :
– Après Dieu !
Il crie :
– Après moi, le déluge !
Et tandis que sa planche,
Qui fait eau de toutes parts,
S’enfonce dans les eaux,
Il n’a plus qu’ne pensée :
« Sauver la recette ! »
Il fait une annonce publicitaire :
– Mesdames et messieurs,
La planche pourrie sur laquelle j’ai eu
L’honneur de sombrer pour la dernière fois
Devant vous ce soir était sponsorisée
Par le ministère de la Culture !
Et il coule avec la subvention !
Il disparaît dans les flots
Et il réapparaît aussi sec…
Il a de l’eau jusqu’à la ceinture…
Ses deux pieds touchent le fond de la mer.
Alors le public :
– Ha ! Ha !
Il s’est noyé dans un verre d’eau !
A l’évidence, la mer imaginaire sur laquelle
L’artiste s’est embarqué imprudemment
Est à la hauteur de son imagination.
Elle manque de profondeur.
C’est une mer à marée basse.
Une mer de bas-fonds !
Une mer indigne d’un grand naufrage !…
Alors l’artiste, pour ne pas sombrer
Dans le ridicule…
Il fait la planche !
Il fait la planche pourrie.
Il a envie de crier :
– Une planche à la mer !
Mais comme la planche, c’est lui
Et que lui, c’est un artiste
Et qu’il exerce le plus beau métier du monde.
Il crie :
– Je suis le radeau de la Méduse à moi tout seul
Et il se pourrait que cette fois-ci
Il n’y ait pas de survivants !…
Le public, imperméable jusque là, se dit :
« C’est un spectacle cool…
Pas de survivants ?
Cela promet…
Cela laisse entrevoir une fin heureuse ! »
Alors, après avoir crié :
– Bis !
Il crie :
– Ter ! Ter !
Et c’est le miracle !
Devant le public médusé,
L’artiste transfiguré regagne la rive
En marchant sur les flots…
Et il se noie dans la foule !…
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