Thème: Peut-on croire à la chance?

 

La déesse Fortuna. (Gravure)

Restitution du débat du café-philo
Du 5 décembre 2012 à L’Haÿ-les-Roses.

Introduction: Guy Pannetier:
Il y a des jours où la chance fait parler d’elle. Le 8 novembre de cette année 2012, impossible d’éviter ce qui fait “ la une “ des journaux : un joueur a gagné 170 millions d’euros à l’Euro Millions, soit quatre tonnes d’or, disent les journaux pour impressionner encore plus les lecteurs. Nul doute que celui qui a joué croyait qu’il avait une chance infime dans le cadre d’une vaste probabilité.
Nous n’avons pas tous la même définition de ce mot « chance ». On peut considérer comme  une chance d’être au monde, puisque je suis contingent ; comme pour le gagnant de l’Euro Millions, mes chances de venir au monde étaient sûrement de l’ordre de 1 sur plusieurs milliards.
La chance est une dame capricieuse. Elle a été symbolisée sous le terme de « dame Fortune » ; dame Fortune a un bandeau sur les yeux ; elle est aveugle. Elle donne au hasard, mais elle n’est pas “le hasard” pour autant. Car, c’est le hasard qui définit pour la plus grande partie la chance, les chances au départ, ou encore, les chances tout au long de la vie. Nous sommes tous égaux devant la chance, sauf que, comme nous aurait dit Coluche, “ certains sont plus égaux d’autres” (devant la chance).  L’enfant qui est né hier soir à 19H45 dans une clinique de Versailles a déjà plus de chances pour sa vie à venir, que celui qui est né ce matin à 6 h 30 dans le bidonville de Bamako. Entre les gènes hérités, le milieu de notre naissance, c’est la loterie de la vie.
Nous sommes une carte à jouer de plus
D’un jeu initié par d’autres
Et chacun va la jouer
Selon la main qu’il a héritée
(Chanson, Vida, paroles de Julio Iglesias)
On confond souvent chance et éventualité, chance et réussite. La réussite, c’est le résultat de quelque chose qui a été entrepris, où la chance a pu jouer un rôle plus ou moins prépondérant.
Marcel Achard nous dit, avec humour : “La chance existe. Sans cela, comment expliquerait-on la réusssite des autres ?
Croire à la chance, c’est parfois un premier pas pour attirer son regard (bien qu’on la dise aveugle). Je veux dire par là que, pour entreprendre quelque chose, il faut y croire, parfois y croire avec force. “La chance” (“la fortune”), dit-on, “sourit aux audacieux”. Il faut, pour cela, oser épouser les circonstances, s’engager sur des opportunités, prendre des risques, autrement dit “tenter sa chance” et voir, selon une expression aujourd’hui tombée en désuétude, si, à cette dame, on a « l’heur de lui plaire ».
Pour signifier la chance, nous avons tout un vocabulaire, qui va de “naître avec une cuiller en argent dans la bouche” jusqu’à des expressions curieuses, lesquelles, il y a de fortes chances, seront évoquées dans ce débat, comme sera évoquée la chance en tant que commerce et parfois exploitation de la crédulité et en tant que partie du domaine de la superstiton, des diverses croyances (croyances d’hier) et de l’occultisme (croyances d’aujourd’hui). Enfin, nous évoquerons sûrement toutes les diverses représentations symboliques de la chance, que tous nous connaissons.

Débat : G Croire en quelque chose est une disposition de l’individu à se fier à l’incertain. Oscar Wilde, dans Le portrait de Dorian Gray, fait dire à un de ses personnages : « Je suis capable de croire n’importe quoi, pourvu que ce soit complètement incroyable. »

G La croyance dans ce domaine est fonction de la conception que l’on a de la notion de chance. Pour certains, la chance peut être le fatum, le déterminé, ce qui doit être, à la limite, ce qui va arriver indépendamment de notre volonté. Pour d’autres, la chance, c’est quelque chose qu’on provoque ; à ce moment là, on est acteur. Alors, on pourra dire que, dans la vie, il y a peut-être une alternance. J’aurais tendance à considérer que les choses n’arrivent pas par hasard et qu’il y a des tas de facteurs « qui font que ». Par la façon dont on est, par les relations que l’on a avec les autres, par notre comportement, on entraîne plus ou moins des choses vers soi qui vont favoriser la chance. On peut aussi attirer la malchance. Il y a des gens qui consciemment ou inconsciemment provoquent régulièrement la malchance.

G En mathématique, la chance, c’est la probabilité qu’un événement existe. Dans les probabilités, on l’a dit, une des chances extraordinaires, c’est de naître. Combien de circonstances, d’évènements faut-il pour une rencontre ? Un train manqué, et c’est le hasard d’une rencontre, et c’est une famille ; plus tard, la petite-fille demande : « Mamie, raconte-moi encore  pour le train ; mais, dis-moi : si mon grand-père n’avait pas raté le train, où est-ce que je serais, moi ? » C’est une première leçon philosophique pour expliquer la contingence aux enfants. Être né, c’est presque un miracle !
Mais naître, pour certains, c’est une malchance. Malchance parce qu’ils naissent dans des conditions épouvantables d’environnement ou qu’ils naissent malades. Quant aux gagnants de gros lots, on nous a montré que beaucoup peuvent en peu de temps tout perdre.

G La chance, on ne peut qu’y croire ou pas. C’est une disposition d’esprit, ce n’est pas une question de volonté ; la volonté n’y peut rien. On peut se mettre en situation, favoriser des évènements, et les événements peuvent très bien ne pas se réaliser ; on peut très bien rater tout ce que l’on a prévu. Le fait que les choses se réalisent ne nous appartient pas totalement. Je ne peux pas décider de toute ma vie, même si j’ai un libre arbitre. Il ne suffit pas toujours de vouloir quelque chose pour que cela arrive.
J’appelle chance ce qui m’arrive de bien dans la vie.  Le fait que l’événement soit positif, reste une disposition d’esprit et je ne peux pas maîtriser la chance. Mais si, dans une même semaine, comme cette semaine, j’ai trois très bonnes nouvelles, un bon moment, alors je me dis que j’ai de la chance. De la chance, parce que je ne suis pour pas grand-chose dans ces événements. Les événements n’arrivent pas comme prévu, et heureusement. Ce qui est trop organisé devient vite ennuyeux, car on n’a plus qu’à exécuter. On a besoin d’être surpris. La chance comporte cette dimension de surprise, qu’elle soit positive ou négative.
Une amie me disait aujourd’hui au téléphone qu’elle avait failli être renversée par une voiture. « Qu’est-ce que j’ai eu comme chance ! », m’a-t-elle dit ; elle a aussitôt ajouté qu’il y a des moments où l’on a envie de dire merci. Merci à quoi, à qui, je ne sais pas.
Il y a aussi une autre chance que je mesure, c’est d’avoir rencontré dans ma vie des personnes exceptionnelles, la chance de ces rencontres particulières. Cet heureux hasard de la rencontre, j’y crois.

G Au départ, par définition, ce mot « chance » n’est ni du positif, ni du négatif.  Le mot chance nous vient du verbe choir, « ce qui tombe », ce qui tombe aux dés. C’est par la suite qu’est venu le sens de bonne fortune. Dans cette même famille de mots, nous avons échéance, déchéance et même méchant (à l’origine : « qui tombe mal »).

G Qu’un événement soit une bonne ou mauvaise chance est parfois question d’interprétation. Il y a un effet placebo. Si quelqu’un est persuadé qu’il a de la chance,  il va considérer tout ce qui lui arrive comme une chance ; il va l’interpréter de façon positive et cela va influer sur l’événement ; il va en tirer un bénéfice. Par contre, la personne qui dit toujours qu’elle n’a pas de chance, va, dès qu’il lui arrive quelque chose, l’interpréter de façon négative. C’est donc la disposition d’esprit qui compte.
Cela rejoint  un dicton qui dit : « Dans tout mal, il y a un bien qui sommeille, le tout est qu’il se réveille. »

G Même s’il faut être acteur, la chance ce n’est pas la réussite ; c’est être ouvert au monde, aux gens. Cela veut dire qu’on n’a pas de préjugé ou d’idée préconçue ; du coup, plein de choses peuvent s’engouffrer.

G Il y a des gens qui ont tellement les yeux fixés sur leur nombril qu’ils se sentent victimes d’un monde qui va si mal, sentiment augmenté avec ce qu’ils voient à la télévision ; du coup, ils passent à côté de la vie, à côté de la chance. Tout est là, ils ne voient rien.

G On a parlé de gens qui avaient gagné des sommes faramineuses. Pour moi, ce serait une catastrophe, la plus grosse poisse du monde. Pourquoi ? Je ne parle pas pour des gens qui seraient dans le dénuement total. Mais la plupart des gagnants interrogés disent qu’ils vont s’acheter une voiture, des bijoux, des biens de consommation, ce qui va les enfermer un peu plus dans leur matérialisme. On voit également que des enfants nés dans des familles riches, ne sont pas assurés de chances de réussite dans leur vie. Les chances et le bonheur ne sont pas toujours fonction des origines sociales.

G Dans la question « Peut-on croire en la chance ? », le mot « croire » est à prendre dans le sens, « mettre son espoir en ». Il ne peut s’agir d’une croyance « aveugle », comme dans le domaine métaphysique. La chance, dont on pourrait définir avec certitude la probabilité, cesserait d’être la chance ; son côté improbable en  fait tout son attrait.
Cette idée de la chance doit remonter bien loin ; de tout temps, les hommes ont voulu s’attirer la chance. Nous en avons des exemples avec les sacrifices avant de grands combats, avant de grandes expéditions, pour s’attirer la bienveillance des dieux, ce qui est  illustré dans l’Iliade par le sacrifice d’Iphigénie. Dans les mêmes circonstances, on consulte aussi les augures. Aujourd’hui encore, il existe de multiples activités qui consultent l’avenir, pour voir si la chance serait de notre côté.
La chance a ses symboles ; nous en connaissons tous, qu’ils aient ou pas un rapport avec une croyance, par exemple, l’expression “la bonne étoile” ou un « porte-bonheur », tels le « fer à cheval » (anciennement), “le trèfle à quatre feuilles” ou encore des numéros fétiches. La Française des Jeux bat tous les records à chaque vendredi 13, ce chiffre étant moins apprécié pour un repas (on connait l’histoire).

G Dans notre société, la malchance est aussi présente tout le temps ; elle est présente si vous prenez la route ; chaque année, on a un résultat comptable de la “malchance” routière.

G On doit reconnaître que chaque fois que l’on n’a pas de malchance, c’est avoir de la chance. C’est normal d’avoir de la chance.
Autrefois, on parlait de “ heur ” et “ mal heur “ pour évoquer le sort heureux ou malheureux ;

G Vivre, c’est risquer. Toute entreprise humaine est risquée ; il faut assumer. Cela peut se traduire par une malchance, surtout si ça tombe sur vous ou sur vos proches.
Les médias nous assènent tous les jours des nouvelles terribles, des guerres, des cataclysmes, des femmes battues, violées. Mais heureusement, il n’y a pas que des avions qui s’écrasent… Les situations négatives peuvent ouvrir sur du positif.

G Très souvent, à partir de situations de malchance, j’ai réussi à transformer la situation en positif et à en faire une chance. Des situations mal vécues peuvent vous obliger à essayer de faire, de voir les choses autrement, et prendre finalement une voie meilleure.

G Les calculs de probabilité ne servent à rien tant qu’il n’y a pas eu synchronocité entre la probabilité que l’événement arrive et le fait qu’il advienne. On peut faire tous les calculs, cela ne dit rien de ce qui va advenir. Mais quand l’événement se produit, la chance est 1. La chance, c’est un événement qui advient et la probabilité en est 1.

F Poème de Florence:

Doit-on croire en la chance ?

Je crois en la chance, maître de mon destin, créatrice de tout ce qui choit,
qui déchoit et qui échoit en cet univers.
Je crois en cette seule collision improbable, qui procède de toutes les collisions improbables en des siècles et des siècles et qui se révèle dans le présent.
Je crois dans une discrète loi de probabilité, dont l’espérance est génératrice de l’indépendance de mon petit paramètre.
Je crois, si les conditions sont réunies, aux moments où la chance passe,
comme un fantôme fugitif qu’il faut saisir à bras le corps
ou laisser filer dans les variables d’une distraction salutaire.
Je crois en la somme des actes manqués, lorsque la chance est posée comme une donnée hypothétique. La courbe de l’existence est une fonction croissante crucifiée au firmament de l’invention éternelle d’un chemin imprévisible.
Je crois en la boucle sempiternelle de l’approximation des trajectoires qui s’enroulent et se croisent dans la danse infinie des mémoires écrites
et des mémoires incarnées dans la chair des hommes.
Je crois en la fonction génératrice des moments d’une loi de poisson. Je la suis sans y penser, elle dessine la beauté du monde.
Je crois en la circonstance, génératrice d’une variable aléatoire, créatrice de ses valeurs, fonction d’une éventualité, consubstantielle de tous les possibles.
Je crois dans le jugement du sort, où la chance est un coup de dés
puisque les voies du ciel sont impénétrables…
Je crois dans l’impondérable posé sur la balance du destin,
la chance fera les comptes au jour du jugement dernier.
Amène !

Gravure. La déesse de la chance.

G Croyez-vous que la chance existe pour toute l’humanité ? Non, hélas, il y a des génocides tous les cinquante ans ; la plupart des femmes dans ce monde, « elles la ferment » ; on est loin du modèle de la femme en Europe. Combien de pays de misère où la femme est objet, l’objet des hommes ? Dans ces pays, c’est de la malchance de naître femme.

G On s’inquiète surtout de la malchance. Combien de petits trucs, de stratagèmes n’a-t-on pas  inventé pour essayer de s’en protéger, d’où nombre de superstitions.
La chance était tellement désirée qu’elle a toujours été un fonds de commerce pour nombre de marchands d’illusions, voire d’escrocs. Elle fait l’objet de commerce, de croyances, de superstitions. Parfois, des personnes très rationnelles font des petits trucs pour s’attirer la chance et éloigner la malchance : on évite de “passer sous une échelle”, on ritualise, “au cas où”, on a ses gris-gris, ses porte-bonheurs, accrochés au cou ou cachés dans un coin du portefeuille ou ailleurs. Dans une religion où les superstitions sont exclues, on met quand même, pour s’attirer les bonnes grâces divines, une « amulette » sur le linteau de la porte d’entrée de la maison : c’est la mazouza. La chance n’étant pas rationnelle, on peut, nous aussi, ne pas l’être à l’occasion.
Bien sûr, on ne croit pas plus à la chance qu’à la malchance, mais malgré tout, à tout hasard, “on croise les doigts” , “on touche du bois”.
On considère la chance comme quelque chose de positif, d’heureux, et, curieusement, on entend parfois des expressions comme : il y a de fortes chances pour qu’il aille à l’échec, il y a de fortes chances pour qu’il ne guérisse pas ; ces expressions sont paradoxales, car si il y a échec c’est plutôt la malchance. Il serait plus logique de dire: “le risque est grand qu’il aille à l’échec », ou, « qu’il ne guérise pas”. Il y a ainsi plein d’expressions où « chance » et « risque » s’utilisent indifféremment, par exemple : “ le risque de ne plus trouver de pétrole serait une chance pour la terre”, ou encore : « à partir du moment où Hitler n’avait pas obtenu son diplôme des beaux-arts à Vienne, il y avait des fortes chances pour que nous ayons la deuxième Guerre mondiale et la Shoah ».

G La chance est perçue une fois que l’événement est arrivé ; donc, on ne peut l’identifier au risque. On peut, pour un même événement, parler de chance ou de malchance, selon les individus ou les circonstances ou la période de sa vie. La chance est quelque chose de relatif, que l’on mesure après coup.

G Trop croire à la chance peut être une malchance pour celui qui a l’addiction du jeu ; celui qui ne veut pas admettre que la chance n’est pas de son côté, sans cesse, il la provoque et, même s’il lui arrive de gagner un peu, il va tout rejouer, reporter, dans sa croyance en la chance l’aveugle.

G Comment peut-on croire en la malchance sans croire à la chance? Après la liste des malchances de l’humanité que nous avons entendues, je voudrais évoquer toutes ses chances, comme le progrès médical, les droits de l’homme, le recul des grandes famines, des épidémies et la libre circulation des idées sur toute le planète, sans compter tout ce qui arrive de bien tous les jours, notamment. Aujourd’hui, on sait toujours ce qui se passe sur toute la planète et, en particulier, sous toutes les dictatures. Il y a toujours un homme qui ose dire la vérité, toujours un homme qui se lève. Si le bon grain pousse avec l’ivraie, je pense qu’on peut récolter le bon grain le moment venu.
Je souhaite citer le film Le Schpountz (de Marcel Pagnol), où un homme décide de créer un journal où l’on ne donnera que des bonnes nouvelles ! Les journalistes ont parfois leur part de responsabilité dans le pessimisme ambiant.

G Dans les expressions paradoxales, nous avons : ”Il a une chance de cocu”. Être cocu, est-ce vraiment une chance? Voilà deux mots curieusement associés, d’autant plus que tous les cocus ne gagnent pas au loto.

G Cela rejoint l’expression : « Heureux au jeu, malheureux en amour. »

G Il y a des jours où, en me levant, je sais que ce n’est même pas la peine de mettre un pied dehors, que “tout va foirer”, même ce que l’on a prévu. A-t-on l’intuition de la malchance ? D’autres jours, je sens que tout va réussir, que la chance sera avec moi. Audrey Hepburn disait : «  Je ne perds jamais de vue que le seul fait d’exister est une chance. »

G On peut considérer comme une chance le fait que régulièrement nous gagnons globalement des mois, voire des années de vie en plus. Certains peuvent même penser qu’on s’approche de la découverte du principe d’éternité. Allez! Cela serait pour dans 10 ans, dans 20 ans, un peu plus? Alors, on s’accroche, on a notre chance! Il faut tenir d’ici là, se conserver à tout prix dans les meilleurs conditions de santé, car ce serait vraiment trop bête de rater cette chance de l’éternité, comme l’expliquait récemment* à ce sujet le philosophe Roger-Pol Droit, “Ce serait trop bête de louper, à quelques encablures, le bateau de l’éternité”.
*(Conférence/débat “Demain, quels humains ?” Université populaire du 2e arrondissement, Paris. 27/11/2012).

G Il y a des gens qui sont chanceux, qui ont la baraka ; ce sont souvent des optimistes. J’ai parmi mes proches des personnes qui ont ce tempérament oriental : “Cela va s’arranger!”, et, souvent, cela s’arrange. Ce tempérament est une chance, car c’est déjà s’ôter du stress inutile ; cela peut donner quelques années de plus à vivre en bonne santé. Par contre, nous l’avons déjà évoqué, les gens bileux attirent plutôt les ennuis, la malchance, et passent à côté de leur vie.

G Il n’y a pas de rapport entre chance et richesse. J’ai été élevée dans un milieu pauvre, mais avec des parents qui étaient heureux, qui nous transmettaient le bonheur. C’est une chance d’avoir eu de tels parents. Nous n’avons pas de raison de penser que le modèle occidental classique est le meilleur. Toutes les civilisations se valent et, dans toutes les civilisations, il y a des chances d’accéder à un bonheur possible. Certaines nous donnent des leçons de vie.

G Parfois, on mesure sa chance en regard de la malchance des autres; il y a là un aspect qui ressort de l’égoïsme assez naturel. C’est déjà ce que nous disait Epicure: “Quand on assiste aux rudes épreuves d’autrui[…], voir à quels maux on échappe soi-même est chose si douce. Lorsqu’on sort d’un hôpital ou de lieux où il y a de la souffrance, on ne peut que penser : “Je suis en bonne santé, j’ai de la chance.”

G Il n’y a pas de définition absolue de la chance. C’est une notion relative ; un même événement ne sera pas vécu de la même façon suivant les personnes ou les circonstances. Il n’y a pas de chance en absolu, mais la façon de vivre l’événement par un individu se rapporte à sa vie et à ses convictions.

G Il y a un univers où l’on croit beaucoup à la chance et à la malchance, c’est le milieu des comédiens, avec plein de superstitions, avec des mots qu’il ne faut pas prononcer, des couleurs exclues. Peut-être que la difficulté de réussir dans ce métier en est la cause : “beaucoup d’appelés, peu d’élus !”

G Nous avons à plusieurs reprises exprimé une belle idée, c’est que la chance, c’est aussi dans la rencontre de l’autre; s’ouvrir aux autres, c’est une richesse, une chance.

G Je pense que la chance est une attitude mentale qu’il faut relier aux rencontres affectives et à l’espérance, car, sans “la petite flamme de l’espérance”, on ne croirait pas à la chance. Nous avons parlé de la chance en termes mathématiques ou en termes de Bien et Mal, mais la chance est aussi dans une attitude mentale et une capacité à recevoir les événements de sa vie. Cela suppose de changer son regard sur les choses.

G Croire à la chance, y croire encore quand tout va mal, quand elle est « aux abonnés absents », quand cela ne va pas très bien, que l’on passe par une phase difficile, généralement, cela tient à une main prise avec affection, avec amour; cela tient au sourire de ceux que l’on aime; cela tient à un rire d’enfant; cela tient à un rayon de soleil…. Croire à la chance, croire encore à la chance, c’est cette source vitale qui est en nous, qui souvent nous tient debout et qui nous fait croire à la vie. Croire à la chance, c’est croire à la vie.

G J’ai remarqué que les dieux qui apportent la chance, ce sont souvent des dieux qui sont proches des humains. Chez les Grecs, la divinité qui apporte la chance, c’est le messager des dieux, Hermès, dieu des marchands, des voleurs et des prostituées. Aux Indes, c’est Ganesh. Au Japon, il y a sept divinités de la chance et il y a un pèlerinage pour les visiter ; elles ont pour nom, notamment, “Ebisu”, dieu du commerce, et “Daikokuten”, dieu de la nourriture, de la prospérité ; le savoir, la vertu, la virilité, la longévité ont aussi leurs dieux qui représentent la chance.

G J’ai souvent entendu : “Mais, toi, tu as de la chance : tu as réussi.” Sauf que cette réussite n’est pas venue qu’avec la chance. Parfois des gens comptent d’abord avec la chance, avant de mettre en œuvre leur volonté.

G Il faut savoir saisir sa chance, saisir « la grâce », et y travailler. La chance, cela peut être aussi d’être là au bon moment.

Quelques citations et proverbes  entendus pendant le débat :

“La chance d’avoir du talent ne suffit pas; il faut encore le talent d’avoir la chance. (Hector Berlioz)

“Mieux vaut rater sa chance que de ne pas l’avoir tentée. (Proverbe chinois)

“Qui veut faire quelque chose, trouve toujours un moyen. Qui ne veut rien faire, trouve une excuse. (Proverbe arabe)

« Un homme voulait se pendre 
Il trouve de l’or et laissa son lacet.
Et l’autre, qui ne trouvait pas son or,
Vit le lacet et se pendit. »
Platon (cité par Diogène Laërce)

Livre recommandé par un participant
Serena par Ron Rash (Le Livre de poche et éditions Le Masque)
(Disponible à la médiathèque de Chevilly-Larue)

Film cité :
Le Schpountz de Marcel Pagnol (1938)

 

 

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