Doit-on enseigner l’histoire des religions à l’école ?

Thème  « Doit-on enseigner l’histoire des religions à l’école ? »

Essai de restitution du café philo de Chevilly-Larue
26 février 2003

Modérateur : Aléna Borredon                                               
Introduction : Guy Pannetier
Animateurs : Guy Philippon  et Paul Balta (invité via les amis du « Monde Diplomatique », ancien journaliste du Monde et chargé de conférences à la Sorbonne)

Introduction : Entre le moment où nous avons programmé ce débat et aujourd’hui, le comité de réflexion réuni autour du philosophe Régis Debray a remis son rapport au gouvernement. Le comité se déclare favorable à l’enseignement de « l’histoire des religions » à l’école et est partisan d’introduire également le « fait religieux »…*

Débat :    –  La modératrice précise le thème « qui touche à l’irrationnel », à la grande différence des mathématiques ou de l’histoire qui ne sont pas, du reste, sans critiques… Mais est-il possible pour un professeur d’enseigner l’histoire des religions sans risquer de modeler les élèves à son image, à son discours. De plus, tous les courants spirituels doivent être retenus, anciens, actuels et les autres, animistes, mythologiques, schismatiques… l’objectif étant de favoriser « une curiosité intellectuelle », « une ouverture sur l’autre, sans préjugé et en dehors de toute violence »
– Il est difficile de parler de l’histoire en excluant celle des religions tant elles se confondent au cours des siècles avec l’histoire des hommes. Mais une place doit être faite à l’athéisme, au non religieux (la libre pensée) et à leurs martyrs, à leurs luttes qui ont encore cours dans certaines parties du monde pour exister en dehors de la religion.
Paul Balta se présente et se souvient que les enfants de l’école à Alexandrie étaient de confessions diverses : musulmans, juifs, orthodoxes, catholiques, bouddhistes… Plus tard, étudiant à l’Ecole normale, ses camarades à Paris n’avaient eux, aucune idée de la signification de formules courantes comme « Pauvre comme Job », « Annonciation », « Baiser de Juda »… Connaître « l’histoire des religions » est une nécessité culturelle. Il nous rappelle aussi le rôle joué par la culture arabo-musulmane lors de la Renaissance pour la diffusion des idées nouvelles.
– Et « la cuisse de Jupiter »  ne pose-t-elle pas les mêmes questions  à ceux qui considèrent que « Dieu n’est qu’une hypothèse » ?
– Serait-ce lancer un pont entre les cultures ? Ou l’histoire des religions ? Mais laquelle ou lesquelles choisir ? Comment ? Dans quels buts ? Dans quel esprit ? Sans oublier les nouvelles croyances ou religions non reconnues ? Et l’enseignant devra t-il être simplificateur ? Interrogateur ? Eveilleur ? Pour quel contenu ? Quel enseignement sans prosélytisme pourra être envisagé ? Et pourquoi ne pas introduire la religion dominante, celle du Dieu Argent ? de celle de la Science comme religion qui divague dans le clonage et va sans doute créer de nouveaux mythes ? »
-Mais, y a t il une vraie demande dans la société qui se sentirait déspiritualisée, dépendante seulement d’un dogme, celui du matérialisme ? 
– Et si l’on consacrait le nécessaire à enseigner le civisme et la citoyenneté ! 
– L’enseignement de l’histoire des religions comme de l’éducation religieuse ne s’opposent pas au civisme ! 
– Pourquoi on en parle et pourquoi maintenant ? Est-ce lié à la montée de l’islam ? à l’imbrication de la religion et de l’Etat aux USA ? ou de la conception limitée de l’université américaine de biologie qui fait remonter la seule origine de l’homme à celle d’Adam et Eve …
La religion ne recule jamais ! Chaque fois elle revient en force. Ainsi après les trois blessures : la révolution copernicienne (la terre  est ronde), la théorie darwinienne (l’homme n’est pas le centre du monde animal), le freudisme (le moi n’est pas la seule structure de la personnalité), la religion a tout assimilé et est repartie de plus belle !
A ce jour, hélas, les religions ont plus incité les hommes à se haïr, à s’entretuer qu’elles ne les ont appris à s’aimer.
Au regard de la progression des religions ne serait-il pas judicieux que la laïcité prenne sa part d’enseignement plutôt que d’être débordée. Et que penser si on doit un jour être obligé de se dire, de se dévoiler laïc, de se révéler sur des sujets aussi privés, intimes, afin que nos enfants ne reçoivent pas « l’enseignement des religions » et du « fait religieux » contre notre gré ?
– Deux jeunes participants (13 et 15 ans) nous expliquent tour à tour : « nous sommes élèves à Strasbourg. Sur le choix des parents nous avons des heures d’enseignement religieux réalisées par des personnes extérieures à l’établissement » (directives du Concordat).
– Une jeune professeur en école privée nous dit : nous demandons aux élèves d’expliquer les pratiques religieuses dans leur famille – tel enfant indiquera aux autres ce que sont la Pâque juive, une autre l’Aïd  el Kébir…- ce qui favorise la compréhension et la communication.
– Ce qu’un autre apprécie, parce qu’exemplaire tout en n’étant que tradition ! . En fait, la religion passionne. Nous devons mesurer toute l’importance de la laïcité. Le modèle français reste un modèle unique. Nous voyons les choix très libres des Anglais qui ne créent en fin de compte que des communautés, un ghetto, par exemple comme les Pakistanais, les Hindous, les Musulmans à Londres… Nous avons fait un autre choix : intégration, mixité, au-delà des coutumes et des religions.
– Par ailleurs,  l’enseignement religieux ne doit concerner que la famille. C’est un rôle que je ne laisse à personne d’autre … tout en rappelant  le caractère souvent intolérant des religions . Pourtant enseigner « l’histoire des religions » à l’école et du « fait religieux » pourrait être rapproché de l’enseignement de l’Histoire des civilisations comme un lien fort dans la vie des hommes selon l’état de développement et les conditions de vie.

Conclusion : le débat est riche et contradictoire. Comment dans toute l’histoire, préserver la laïcité, la liberté ? On pense aux luttes des Diderot, Voltaire, Rousseau  pour qu’après trois révolutions imposent la laïcité, puis la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Il y a danger dans cette éventuelle option de «l’enseignement des religions » et «du fait religieux » et, à travers la Constitution européenne. Le risque est grand,  risque  sans doute d’atomiser encore un peu plus la société car le « mariage Dieu et République est une liaison dangereuse ».

La modératrice nous recommande deux livres : « L’aventure spirituelle de l’humanité » qui vient de sortir et « Dieu est-il un gaucher qui joue aux dés ? » de Pierre-Yves Morvan.

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