Altruisme et Egoïsme

Le bon Samaritain. Van Gogh 1909. Kröller MÛller Complex. Otterlo. Pays bas.

Restitution du débat du 16 novembre 2024

Animateurs : Thibaut Simone. Edith Perstunski-Deléage. Guy Pannetier.
Modérateur : Thibaut Simone
Introduction : Guy Pannetier

Introduction : D’abord définir au mieux ces deux concepts d’égoïsme et d’altruisme
L’égoïsme est beaucoup appréhendé en tant : qu’amour de soi, et où tout est subordonné à mon seul intérêt.
Mais c’est aussi un principe premier du soin de soi, de sauvegarde de soi, soin d’une vie que je ne suis pas prêt à sacrifier pour les autres.
L’altruisme : Terme introduit par Auguste Comte, qui avait pour principales devise « Agir par affection, penser pour agir, et, vivre pour autrui ». C’est la loi du cœur qui cède au besoin d’esthétique morale. C’est l’élimination des désirs égoïstes et de l’égocentrisme.
Disposition de caractère qui pousse à s’intéresser à autrui, à se montrer généreux et désintéressé.

 On oppose souvent égoïsme et altruisme comme si nous ne pouvions pas concilier les deux tendances en nous-mêmes.  Sans avoir a chercher beaucoup je trouve une part d’altruisme chez celui classé comme égoïste, et inversement. Ce sont comme deux frères ennemis qui doivent cohabiter ensemble.
Ce qui m’a amené à proposer ce sujet sur ces deux tendances, à priori antagonistes c’est, la découverte et la lecture d’un ouvrage d’Ayn Rand auteure et philosophe États-unienne, ouvrage qui est « La vertu d’égoïsme ». Cette auteure est connue plus pour un autre ouvrage « La grève », qui reprend bien des principes du livre « la vertu d’égoïsme ».  L’ouvrage « La grève » est le livre le plus lu aux USA après la Bible.
Dans « La vertu d’égoïsme » Ain Rand écrit ; «  Je jure sur ma vie, qui est ce que j’ai de plus chèr au monde, de ne jamais me sacrifier pour autrui, et, je jure de ne jamais demander à autrui de se sacrifier pour moi »
La philosophe Ayn Rand nous découvre quelque chose de fondamental dans l’esprit des Nord Américains, comme un héritage psychologique, celui des pionniers, celui de tous ces migrants partis vers la conquête de l’ouest, ceux pour qui la seule chose qui souvent leur restait à sauver, c’était leur vie.  C’était moi, ou rien.
   Ainsi, elle résume l’altruisme : L’altruisme a pour prémices irréductibles, pour absolu de base, le sacrifice de soi; ce qui veut dire l’auto-immolation, l’abnégation de soi, le reniement de soi, l’auto destruction ; ce qui veut dire le soi comme étalon du mal, la négation de soi comme étalon du bien. Il ne faut pas se cacher derrière des questions futiles, comme de savoir s’il faut ou non donner dix centimes à un mendiant. Ce n’est pas la question, la question est de savoir si on doit perpétuellement acheter sa vie, dix centimes par dix centimes, auprès de chaque mendiant qui déciderait de vous aborder.
La question est de savoir si le besoin des autres est une hypothèse sur votre vie, le but moral de votre existence.
La question est de savoir,  s’il faut voir l’homme comme un animal sacrificiel.
Un homme qui a de l’estime de soi répondra « non ».
L’altruiste répondra «  oui ». » (Ayn Rand. La foi et la force. Le Destroyer du monde moderne)
Et une réplique de théâtre m’est restée en mémoire ;  celle-ci nous parle d’un désir profond de   penser à soi, et en même temps d’un désir chez nombre d’entre-nous de venir au secours de son prochain ; « J’ai beau tricher, j’ai beau fermer les yeux, il y aura toujours un chien malheureux quelque part qui m’empêchera d’être heureuse » (La sauvage. Théâtre de Jean Anouilh)
Alors, l’altruisme serait-il est un égoïsme vertueux ? : « Je ne donne pas à tous les mendiants dans le métro. (Me disait récemment une amie) Mais parfois je reviens sur mes pas pour donner une pièce.  Je ne sais pas vraiment pourquoi, c’est comme un sentiment intime, le sentiment que je ne me sentirais pas bien si je ne l’avais pas fait »
D’où l’idée que parfois nous faisons du bien pour nous faire du bien.
D’où l’idée d’une certaine vertu de l’égoïsme ?
Et enfin dans une série de science fiction (Better than us) j’entendais cette phrase : « L’humain a besoin d’humain »

Débat ⇒: Dans le film, « Me maître d’école » avec Coluche, lors d’un cours de classe, sur ce sujet,  un élève  répondait : «  Un égoïste, c’est quelqu’un qui ne pense pas assez à moi ».

⇒ Dans le texte d’Ayn Rand, on évoque la notion de sacrifice. Est-ce que le véritable altruisme peut être lié à la notion de sacrifice ? L’altruisme, il me semble est un acte spontané, c’est un don spontané, il implique déjà l’amour de son prochain

⇒ L’altruisme c’est, dépasser son ego, il n’est pas sacrifice dans le sens où il va vers « le général », et l’on est soi-même une part de ce général ». Le geste peut être, et pour soi, et pour les autres. Celui qui passe la balle à celui qui est mieux placé, le fait pour l’équipe, il ne se sacrifie pas, il valorise son équipe et lui-même, il tire profit de cette action, c’est un investissement, un geste éthique.

⇒ Si dans une action qu’on considère comme relevant de l’altruisme, il y une finalité recherchée, un bénéfice quelconque, comme un retour sur investissement, ce n’est plus gratuit, ce n’est plus du domaine de l’altruisme.

⇒ Les notions d’égoïsme et d’altruisme ne pas séparées de manière indéfectible. Chacun dans sa vie est, tour à tour égoïste, tour à tout, altruiste. Chacun apporte son comportement à une éthique, un comportement qui lui paraît judicieux.

⇒ Egoïsme et altruisme, nommés, les « frères ennemis », n’ont pas le même statut. L’égoïsme, est une spontanéité, une pente naturelle de l’esprit, tandis que l’altruisme, relève de l’éducation. Même en regard d’un altruisme systématique, tel, une « hémorragie de soi », celui-ci peut très vite devenir pathologique.
Mais bien sûr l’altruisme a un rapport avec le bien commun, ceci dans le sens, où pendant des siècles et des siècles, il a participé à que nous soyons, une société civilisée. De fait oui, il relève d’un comportement éthique.

⇒ Est-on encore altruiste dans un acte de charité ? n’y a-t-il pas un don de soi ?

⇒ Le rapport entre altruisme et égoïsme dépend de la situation où l’on se trouve; situation psychologique, situation sociale, et, situation écologique. On ne cesse de nous dire que nous vivons  dans une mutation de l’anthropocène, donc de la place de l’individu humain et non humain par rapport à l’humanité globale, et en même temps cosmos scène, c’est-à-dire, une mutation cosmique. Donc, une mutation de la place de l’individu, humains et non humains par rapport aux autres.
Si l’on se situe de ce point de vue, un autre lecture de la relation, altruisme et égoïsme, et cette lecture m’entraîne tout de suite au fait qu’il faut choisir aujourd’hui, choisir entre altruisme et égoïsme pour la vie sur terre, et pour que la vie humaine sur terre, continue…….
Pour Kant, la raison est l’attitude de l’individu à aller vers l’autre pour trouver ce qui est universel, et ce qui est commun à moi et à l’autre. A partir de là, pour Hegel l’Histoire avance  vers ce qui est commun. Et bien ! les écolos d’aujourd’hui et d’hier se retrouvent dans ce débat. Le problème n’est pas comment allier l’égoïsme spontané et l’altruisme rationnel, la recherche de ce qui me fait plaisir, de ce qui m’est naturel. Le problème aujourd’hui c’est de reconnaître que l’égoïsme et l’altruisme ne sont pas séparables face à la situation de catastrophe dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.
Le débat idéologique aujourd’hui entre les écologistes, est entre les écolos effondristes et les écolos utopistes. Entre les effondristes qui sont altruistes, et les utopiques qui sont égoïstes.
Les optimistes sont ceux qui restent du côté du vieux projet prométhéen : l’homme peut « devenir maître de la nature », du côté de ceux qui disent qu’on peut tout réparer, réparer les dégâts du progrès, mais réparer à condition d’avoir une attitude responsable : composte, tri, pas de plastic, manger végétarien, végane, etc. Mais ce comportement a sa part d’égoïsme, ou d’y trouver son bonheur par ces types de comportement, en niant les dégâts, les dangers de l’activité humaine, mais crci lié à une mauvaise compréhension de la relation entre les vivants.
Les effondristes eux, mettent en évidence le fait que, et bien ! les lanceurs d’alerte sur l’effondrement à venir, ceux-là qui observent la chute de la biodiversité, la dégradation des sols, etc. et bien, ceux-là, n’ont pas été entendus, n’on pas été écoutés.
Et donc, plutôt que de réfléchir en : combien ça coûte ? combien ça va me coûter de prendre une voiture électrique plutôt qu’une voiture à essence.
Et bien ce débat au final nous dit, qu’on ne peut lier dans ce domaine, altruisme et égoïsme.

⇒ Je pense que l’égoïsme et l’altruisme ne sont jamais séparés, pourquoi ? parce que je dis, que l’égoïsme  est quelque chose de spontané, quelque chose de plus lié à la nature animale de l’homme. Mais l’homme il vit avec les autres, il les subit ou il les aide, et là l’altruisme existe déjà. On parle d’altruisme que pour parler du bien des autres. Je ne suis pas sûr que tous les actes d’altruisme soient bénéfiques, cela peut amener du bien, comme amener du mal. Quand on donne l’exemple du footballeur qui chois de passer le ballon, est-ce qu’il fait le bien de son équipe, ou, à travers le bien de son équipe, ne fait-il pas son bien personnel.
Il y a un rapport qui est lié aux circonstances, et là aussi intervient le jugement des autres, comment vais-je être jugé ?
Si je prends des activités non mercantiles, comme par exemple, le militantisme syndical, ceux-là pensent aux autres, mais en même temps il y a toujours une part d’égoïsme, parce que les améliorations du travail, des salaires, si les autres gagnent, il gagne lui aussi. Tout est intimement lié.
Je pousserai jusqu’à l’artiste. On a tendance à penser que l’activité artistique n’est liée qu’à l’ego. Et bien, ce n’est pas tout à fait vrai. La création, la spontanéité est liée à l’égo. Mais si un artiste veut vivre de son art, de ses toiles, de sa plume, à un moment donné, il est devant le fait qu’il faut bien qu’il vende, qu’il vende ses toiles, ses livres, etc..
Et beaucoup d’artistes qui sont dans une vie qu’on peut qualifier d’égoïstes sont aussi altruistes parce que sans cela ils n’existent pas. Ce qui me rappelle Paul Eluard : qui disait «  Quand je parle de moi, je parle aussi de vous » Et si l’on parle d’écologie, on y retrouve tout : altruisme comme égoïsme, et aussi politique. Et là je résumerai avec ce proverbe africain : « Nous ne méritons pas la Terre de nos ancêtres, empruntons la Terre à nos enfants »

⇒ Altruisme et égoïsme au pluriel vont parfois dans des sens différents. L’altruisme n’est pas le moteur de l’Histoire, parfois l’égoïsme pluriel, l’égoïsme d’un peuple, a été le plus fort. L’altruisme comme idéologie, a pu générer des totalitarismes.

⇒ Parfois le choix égoïste, peut devenir un choix altruiste. Je défends mes convictions écologiques, je fais du tri, je roule en vélo, etc… au final j’agis pour le bien des autres, mon geste devient altruiste.
En revanche, j’ai du mal à respecter des règles écologiques, je ne trie pas mes déchets, je ne me crée pas des contrainte. De fait ce geste égoïste peut, à terme se retourner contre moi, je joue contre mon intérêt personnel.

⇒ On a évoqué l’altruisme comme geste éthique. Mais le terme éthique  évoque plus de la simple compassion, voire de la charité, dont on peut libérer son esprit par une aumône.
L’altruisme ne peut être qu’une démarche d’ordre moral, non éthique. Les gestes d’altruisme d’ordre moral découlent d’un élan de générosité naturelle, d’un élan du cœur. Si l’altruisme est le résultat d’une démarche bien réfléchie, est-ce encore l’altruisme ?
La définition de l’altruisme nous parle de l’amour du prochain, mais l’amour du prochain est rarement pluriel, c’est un geste au plus,  de soi, mais pas une démarche universelle, l’altruisme est souvent sélectif.
Tout à coup je donne une pièce, je donne à cette personne, mais pourquoi plus qu’à celle qui m’a sollicité plus tôt. Quelque chose s’éveille en moi, et là je donne, ou j’apporte mon aide. Quelque chose s’est éveillé en moi, comme un désir égoïste de donner pour un peu plus d’estime de moi.
Dans un autre approche nous avions avant Ayn Rand, un défenseur de l’égoïsme,  mais pourAdam Smith, l’égoïsme est le ciment des sociétés. Si le boucher, le boulanger, dit-il travaille afin que vous ayez du pain, de la viande, ce n’est par altruisme, c’est pour faire vivre sa famille. Ainsi mieux que l’altruisme, l’égoïsme devient une vertu sociale.

⇒ Le militant, l’activiste, peut agir par altruisme. Mais son altruisme peut découler de son but recherché. Il se peut qu’un mouvement spontané, une révolte n’est pas forcément bénéfique, même l’altruisme ne peut pas faire l’économie de la raison.

⇒ Egoïstes ou altruistes, nous sommes tour à tour et l’un et l’autre, nous sommes les deux, nous négocions avec nous-mêmes ces deux contradictions.

⇒ Dans son ouvrage « La Grève » lqa philosophe Ayn Rand, écrit ; «  Faut-il toujours aider son prochain ?
 Non, si celui-ci le revendique comme un droit, une obligation morale à laquelle vous seriez soumis.
Oui, si c’est votre désir, fondé sur la joie égoïste que vous procurent sa reconnaissance et ses efforts, […..]
Mais aider un homme qui n’a pas de vertu, l’aider uniquement parce qu’il souffre, accepter ses fautes, et ses besoins, comme des revendications, c’est accepter qu’un moins que rien détienne une hypothèque sur votre système de valeurs.
L’aider, c’est cautionner ce qu’il y a de plus mauvais en lui, c’est soutenir son œuvre de destruction. Que ce soit sous la forme de quelques centimes, ou d’un simple sourire qu’il n’a pas mérité, tout hommage à un moins que rien est une trahison envers la vie et tous ceux qui luttent pour sa préservation.
C’est de ces centimes et de ces sourires qu’est née la décadence de votre monde ».

⇒ Après tous nos propos, Je me demande si parfois l’altruisme ce n’est pas de l’égoïsme avec un masque?

 

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